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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Chapelle Saint-Léonard du Vaumion

Département: Val-d'Oise, Arrondissement: Pontoise, Canton: Magny-en-Vexin - 95

Domus Hospitalis Vaumion
Domus Hospitalis Vaumion

Dans notre réunion du 27 juillet 1900, j'ai signalé avec regret à la Commission, la destruction récente de la chapelle de l'ancienne commanderie de Malte au Vaumion, et la Commission â bien voulu me charger de recueillir quelques renseignements historiques et archéologiques sur ce petit monument.

Nous ne nous attarderons pas à donner des renseignements généraux sur l'ordre religieux et militaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, que chacun connaît, et dont les membres furent par la suite, successivement appelés Chevaliers de Rhodes (1310) et Chevaliers de Malte (1530).

On sait également que pour la facilité de leur administration, les possessions de l'ordre étaient divisées en huit circonscriptions appelées Langues, que chaque Langue était subdivisée en Grands Prieurés et ceux-ci en Commanderies.

Chapelle Saint-Léonard du Vaumion


Chapelle Saint-Léonard

Nous ne voulons parler que du Vaumion et de sa chapelle. Disons d'abord, pour bien déterminer l'emplacement de cet édifice, que le Vaumion est un hameau assez important et d'une origine fort ancienne, faisant partie de la commune d'Ambleville, dans le canton de Magny-en-Vexin.
La terre du Vaumion fut le noyau de la Commanderie de Louvières et Vaumion, qui devint par la suite très importante.

L'Inventaire général des titres de cette Commanderie, dressé en 1740 et 1746, forme un volume in-folio conservé aux Archives de Seine-et-Oise (série H). La première pièce qui s'y trouve mentionnée est un acte passé en 1181, par lequel l'archevêque de Rouen, Rotrou, met les frères de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem en possession de la terre du Vaumion, avec la chapelle de Saint-Thomas, un vivier, un bois et une grande pièce de terre, à eux donnés en perpétuelle aumône par Godefroy d'Ambleville du consentement de Roger et de Jean d'Ambleville, ses frères. Le nom du lieu est désigné Vallemeion La donation fut acceptée par le vénérable frère Guillaume du Chenay, alors commandeur à Rouen.

En 1212, par acte passé à Saint-Germain-en-Laye, sous le seing du Roy, les Hospitaliers achetèrent de Gaultier de Louviers, la terre de Louviers ou de Louvières, et de Guillaume des Essarts, le fief de Gerville. Ces deux localités font actuellement partie de la commune d'Omerville, limitrophe de celle d'Ambleville. Ces ventes furent agréées par Guy de la Roche, seigneur dominant.

Les terres furent réunies à celle du Vaumion et formèrent ainsi, dès le commencement du XIIIe siècle, la Commanderie de Louvières et Vaumion, qui, après divers remaniements et vicissitudes, fut confirmée et réorganisée en 1645.

Outre les anciennes maisons de Louvières, Vaumion et Gerville, elle comprit alors et définitivement jusqu'à sa suppression en 1789 :
1° Des droits de cens et de dîmes à Magny, à Ambleville, à Ansicourt, à Copierres, à Amiel, au Mesnil (canton de Magny).
2° L'ancienne Commanderie de Cernay, avec divers droits à Ermont, à Saint-Prix, à Sarcelles, à Jouy-le-Comte (arrondissement de Pontoise)
3° L'ancienne Commanderie de La VilIedieu-lès-Maurepas, commune d'Elancourt ; le manoir de Boulay-les-Trous ; la ferme de la Brosse, commune de Saint-Lambert, (arrondissement de Rambouillet).

4° La ferme de Saint-Aubin, commune de ce nom, et un fief à Sartrouville (arrondissement de Versailles)
5° La maison du Bellay-en-Thelle, commune de Neuilly-en-Thelle, et divers droits à Beaugrenier et à Hérouval, commune de Montjavoult (département de l'Oise).
Les biens de Cernay, La Brosse, La Villedieu, Sartrouville, le Bellay-en-Thelle, provenaient des dépouilles de l'ordre du Temple, en 1312.

D'après le terrier dressé par L. Bucquet, notaire à Magny, en 1756, et conservé aux Archives Nationales, série S n° 5748 Le « lieu seigneurial du Vaumion » consistait en « une chapelle où il se dit une messe par semaine ; une maison couverte en chaume, avec écurie, étable, bergerie, cour et jardin ; le tout clos de murs, contenant 32 perches ou environ. »
Il y avait 63 arpents, 31 perches de terre, prés et aulnaies, en 16 pièces, aux lieux-dits : Le Champ-Dieu, l'Ormeteau, le Haut-Bois, les Longuignolles, la Croix-Blanche, etc.

Le revenu de Louvières et Vaumion était en 1644 de 6,000 livres ; en 1783 le Vaumion seul rapportait 12,000 livres et Louvières valait autant. Nous empruntons un certain nombre de ces renseignements à l'ouvrage de M. E. Mannier : L'Ordre de Malte et les Commanderies du Grand Prieuré de France (1872), ainsi qu'au travail de M. A. Potiquet, intitulé : Les Prieurs de Notre-Dame de Magny et les Commandeurs de Louvières et Vaumion, seigneurs en partie de la ville de Magny-en-Vexin (1879).

On lit, par exemple, dans M. Mannier : « La maison du Vaumion, dépendance de celle de Louvières, en était distante seulement d'un quart de lieue. C'était une ferme, dans la cour de laquelle existait une chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste et à Sainte-Eléonore, » chargée de deux messes par semaine. »

Nous pensons que l'auteur fait ici une double confusion :
1° En réunissant le vocable de la chapelle particulière de Louvières Saint-Jean-Baptiste, avec celui de la chapelle du Vaumion, qui fut successivement Saint-Thomas et Saint-Léonard
2° En confondant le nom de Saint-Léonard avec celui de Sainte-Eléonore.

On trouve dans le même ouvrage, la liste des Commanderies de l'Hôpital ancien, plus connu sous le nom de Saint-Jean-de-Latran à Paris, qui ont possédé la Commanderie de Louvières et Vaumion de l'origine à 1644, et ensuite de 1645 à 1789, les noms des seize commandeurs particuliers de Louvières et Vaumion ; M. Potiquet a reproduit cette dernière nomenclature en consacrant à chacun des seize commandeurs particuliers, une notice biographique et en décrivant leurs armoiries.

Les commandeurs avaient la haute, moyenne et basse justice dans leurs terres de Louvières et Vaumion. Le dernier, Jacques-Armand de Rogres de Champignelles, fut dépossédé de sa Commanderie par la loi du 4 novembre 1789, qui mit tous les biens religieux à la disposition de la Nation, et l'ensemble du domaine fut ensuite vendu au district de Mantes : Louvières fut adjugé 96,300 livres ; c'est aujourd'hui une ferme-modèle appartenant à M. Le Rat de Magnitôt. Le Vaumion et ses dépendances furent achetés le 9 juillet 1793, moyennant 33,700 livres, par le citoyen, Le Fèvre, qui les revendit en détail ; toutefois, l'antique chapelle Saint-Léonard resta la propriété des descendants de l'acquéreur, jusqu'au commencement de l'année 1899.

De son mobilier religieux elle n'avait conservé qu'un bénitier de pierre scellé dans la muraille. Le confessionnal servit longtemps de boîte à horloge dans une maison de la Chapelle-en-Vexin.

L'une des deux travées de la chapelle avait été aménagée pour servir d'habitation et l'autre était devenue une grange. Malgré des changements aussi radicaux, ce vénérable témoin du passé avait encore un aspect vraiment imposant, et, tel que nous le voyions naguère, robuste et toujours d'aplomb, malgré le poids de 700 ans d'existence, il formait un motif des plus pittoresques ; c'était, en somme, l'ornement du pays, et chaque année il était visité par de nombreux touristes. Vendu en avril 1899, il fut démoli dans le courant du mois suivant, et aujourd'hui son emplacement, marqué par un pan de mur délabré, n'offre plus qu'un vide lamentable.

Nous avons dit que Louvières possédait une chapelle particulière dédiée à Saint-Jean-Baptiste ; il n'en reste plus vestige. Celle du Vaumion, depuis longtemps dédiée à Saint-Léonard, portait au XIIe siècle le nom de Saint-Thomas, ainsi qu'on le voit dans l'acte de donation de 1181.
Nous ignorons à quelle époque le vocable a été changé, ou plutôt nous pensons qu'il s'agit de deux chapelles différentes, l'une ayant remplacé l'autre. Il paraît vraisemblable que les Hospitaliers, peu de temps après être entrés en possession de la terre du Vaumion, ont construit à côté ou sur l'emplacement de l'ancien oratoire de Saint-Thomas une nouvelle chapelle qu'ils dédièrent à Saint Léonard.
Quoi qu'il en soit, l'édifice qui vient de tomber sous la pioche des démolisseurs devait remonter peu près à cette époque ; son architecture nous paraissait indiquer comme date le premier quart du XIIIe siècle. C'était un spécimen intéressant du style sobre et puissant qui caractérise la plupart des constructions religieuses, élevées à cette époque par les Ordres hospitaliers et militaires. Avec ses lignes sévères, ses justes proportions et son ornementation des plus simples, la chapelle du Vaumion avait un caractère vraiment monumental. Ainsi qu'on peut le voir sur le plan ci-joint, levé par nous pendant la démolition, elle était rectangulaire, régulièrement orientée suivant les prescriptions liturgiques, et composée de deux travées presque carrées ; l'ensemble mesurait en œuvre 13 m 10 de longueur sur 5 m 90 de largeur.

Plan de la chapelle

Chapelle de Vaumion
Chapelle Saint-Léonard

Les voûtes sur croisées d'ogives, menaçant de s'écrouler, avaient été détruites en 1878. Il n'y avait pas de colonnes à l'intérieur, mais seulement de lourdes consoles, sans ornementation, qui recevaient les retombées des nervures. Ces nervures, formées de deux gros tores séparés par une gorge peu profonde, étaient d'un profil assez rare au XIIIe siècle, ainsi que nous l'a fait remarquer un archéologue distingué M. Louis Régnier, avec lequel nous avons eu la bonne fortune de visiter la vieille chapelle en 1897. On les rencontre, au contraire, assez souvent au XIIe siècle.

On pénétrait autrefois dans l'édifice par deux portes percées toutes deux dans la travée de l'ouest l'une, dans la muraille nord, communiquait avec la cour de la Commanderie, elle mesurait 0 m. 97 de largeur ; l'autre, qui était l'entrée principale, s'ouvrait dans l'axe longitudinal de la chapelle elle avait été murée et enterrée à l'extérieur jusqu'à la naissance de son arc en tiers-point c'est la seule partie de la chapelle qui subsiste encore aujourd'hui, provisoirement conservée pour servir de mur de clôture.

L'archivolte en tiers-point est décorée de deux tores reposant sur deux colonnettes engagées garnissant les pieds droits, et dont les chapiteaux sont ornés de feuillages des plus simples. La porte inscrite dans cet arc est en segment de cercle avec tympan tout uni ; elle mesure 1 m. 15 de largeur et était autrefois précédée d'un porche en appentis porté sur deux corbeaux de pierre encore visibles.

On peut remarquer sur les claveaux de la porte, à l'intérieur, les sillons creusés par les cordes des cloches, ce qui indique au-dessus de ce point l'emplacement du clocher, dont il ne restait aucun vestige on sait seulement par la tradition locale qu'il renfermait trois cloches. L'une d'elles existe encore, conservée dans l'église de Berry-au-Bac, près de Laon (Aisne), sans que nous sachions par suite de quelles circonstances elle a ainsi voyagé. Elle ne pèse que 35 kilos et porte en relief sur le métal l'inscription suivante qui a été publiée dans le Bulletin historique et archéologique du Ministère de l'instruction publique, sous la signature de M. l'abbé Poquet:
LAN MIL. VI. C. XIII CHARLOTTE A ESTE
NOMEE PAR FRERE CHARLES DE GAILLARDBOYS
COMMANDEUR LOVVIERE DV VAVLMION
ET AVLTRES LIEV.
LOVYS LE VASCHIER FERMIER.

M. Mannier n'a pas connu ce document, qui vient rectifier son ouvrage. En effet, il fixe à l'année 1645 le premier commandeur particulier de Louvières et Vaumion, tandis que nous voyons, par la date de la dite cloche, que l'origine de ce titre est plus ancien, puisqu'il était déjà porté en 1613 par Ch. de Gaillardboys.

Au-dessus de la porte occidentale et au milieu de chacune des travées, au nord et au sud, se trouvait une fenêtre longue et étroite, en lancette, entourée d'un double biseau.
Le chevet était percé d'une fenêtre double avec oculus, le tout bordé aussi du même double biseau et dépourvu de toute moulure.
Des restes de vitrail en verre blanc étaient encore adhérents à cette dernière baie qui surmontait le maître-autel.
Au-dessus, dans le fronton du pignon, une petite fenêtre carrée éclairait les combles, pour l'accès desquels nous n'avons retrouvé aucune trace d'escalier.
Deux contreforts épaulaient chacun des angles de la chapelle et un autre s'élevait au milieu de chacune des murailles latérales, pour contrebuter la poussée des nervures de la voûte. Ces contreforts, diminués de la base au sommet par deux glacis successifs, avaient un aspect robuste leur relief au niveau du sol était de 0 m. 79. Ils étaient soigneusement appareillés en pierre de taille, ainsi que les cadres des portes et des fenêtres et les corniches, tandis que le reste des murailles n'était qu'un remplissage en moellon. Les dites murailles, à hauteur d'homme, mesuraient 0 m. 74 d'épaisseur.

Au nord et au sud, au-dessous du larmier régnait une corniche offrant un alignement de petits moellons cubiques, surmonté d'une rangée de dents de scie.
Au midi de la chapelle se trouvait le cimetière, qui en est aujourd'hui séparé par la rue ; l'enclos a conservé son nom de Cimetière une croix de pierre dure, monolithe de 1 m. 80 de hauteur est restée plantée, au milieu, ses bras cubiques sont légèrement pattés. Cette croix est peut-être contemporaine de la chapelle. On peut se demander si elle ne marque pas l'emplacement de l'ancienne chapelle Saint-Thomas.

Nous avons compulsé les registres de catholicité de la paroisse d'Ambleville, qui remontent à 1669, sans trouver une seule mention d'inhumation dans ce cimetière ; par contre, nous en avons relevé soixante-deux dans la chapelle même, particulièrement des inhumations d'enfants ; mais nous n'avons rencontré aucune sépulture de personnage important. Les deux premières inhumations mentionnées dans les registres sont celles de deux adultes Louise Morin, 85 ans, du 14 janvier 1684 et Marin Pilteau, 53 ans, du 6 juillet 1687. Ensuite nous ne relevons plus que celles de jeunes enfants, dont un certain nombre sont des nourrissons amenés de Paris. Dès le commencement de 1709, on cesse d'enterrer dans la chapelle, et, après cette date, il faut chercher jusqu'au 8 avril 1721 pour y trouver une dernière inhumation, celle de Claude Legros, 15 jours, fils du fermier de la Commanderie.

Nous n'avons pas trouvé non plus la moindre mention d'un chapelain, ni de religieux, ni de chevaliers ; les commandeurs de Louvières et Vaumion n'y résidaient pas, ils habitaient au Temple de Paris ou ailleurs, et des fermiers receveurs étaient chargés par eux d'administrer la Commanderie et de leur en transmettre les revenus. Le curé d'Ambleville desservait le Vaumion ; il y disait la messe d'abord deux fois la semaine, puis une fois, et enfin dans les dernières années du XVIIIe siècle, une seule fois par an, le jour de Saint-Léonard.
Un titre conservé à la mairie d'Omerville, porte que le curé d'Ambleville recevait pour ce service, une redevance annuelle de huit boisseaux de blé.

Disons, en terminant, que la démolition de la chapelle du Vaumion n'a donné lieu à aucune découverte intéressante. Nous avons examiné avec soin de grandes dalles, qui par leurs dimensions semblaient pouvoir être des pierres tombales retournées, nous n'y avons pas découvert le moindre vestige d'inscription. Le sol n'a été que superficiellement fouillé, on y a trouvé, outre des ossements épars, quatre squelettes d'adultes, trois d'hommes et un de femme, rangés côte à côte près de la muraille nord, sans aucune trace de cercueils.
Une partie des matériaux de la chapelle a été immédiatement réemployée à la construction de la nouvelle école-mairie d'Ambleville.
Victor LE RONNE. Commission des antiquités et des arts du département de Seine-et-Oise, pages 79 à 89, XXe volume. Versailles 1900 - BNF

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