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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Moins anciens que ceux précédemment passés en revue, les noms de lieu dont l'étude est abordée ici sont empruntés surtout aux ordres hospitaliers qui jouèrent un rôle important pendant la seconde moitié du moyen-âge.
1469 — Templiers
L'ordre militaire et religieux du Temple fut fondé en 1118, à Jérusalem, par un chevalier champenois, Hugues de Pains, et huit autres croisés français. Son but était de protéger les pèlerins qui allaient visiter les lieux saints. Baudouin II attrirbua aux nouveaux chevaliers une maison voisiné de l'emplacement du Temple de Salomon, d'où les noms de Temple et de Templiers donnés à l'ordre et à ses membres. Par suite des donations considérables dont ils bénéficièrent, les Templiers se répandirent dans toute l'Europe chrétienne, et non contents de leur réputation méritée de bravoure, ils se livrèrent à des opérations financières qui accrurent leur richesse et leur puissance.
Leurs maisons étaient nombreuses, surtout en France, où, même après la suppression de l'ordre en 1312, et l'attribution de ses biens aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ces maisons conservèrent le nom de Temple.
1470
Le Dictionnaire des Postes indique plus de soixante localités dénommées le Temple ; on pourrait, à l'aide des Dictionnaires topographiques départementaux et des diverses nomenclatures régionales, grossir notablement ce nombre ; sans compter que le nom dont il s'agit est resté à certaines maisons de Templiers, situées à l'intérieur des villes, telle, par exemple, leur maison parisienne, qui devint, entre les mains des Hospitaliers de Saint-Jean, le siège du Grand-Prieuré de France. Le souvenir du Temple subsiste encore, son nom ayant été attribué successivement à l'un des quartiers du sixième arrondissement, et, depuis 1860 (1), au troisième, arrondissement de Paris. Parfois ce nom est accompagné d'un déterminatif : Le Temple-de-Bretagne (Loire-Atlantique - 44) ; le Temple-de-Médoc (Gironde - 33) ; le Temple-Sur-Lot (Lot-et-Garonne - 47) ; le Temple-la-Guyon (Dordogne - 24), etc.
1. Décret du 31 octobre 1859.
1471
Dans quelques noms de lieu, le mot temple est employé non comme terme principal, mais comme déterminatif: ces noms s'appliquent d'ailleurs, comme les précédents, à d'anciennes commanderies ou dépendances de commanderies : Catillon-du-Temple (Aisne) ; Choisy-le-Temple (Seine-et-Marne) ; Ivry-le-Temple (Oise) ; Dampierre-au-Temple et Saint-Hilaire-au-Temple (Marne) appartenaient à la commanderie de la Neuville-au-Temple, dont l'emplacement est situé au finage de Dampierre.
1472
Le souvenir des chevaliers de l'ordre du Temple est également rappelé par le nom d'écart la Templerie (Charente, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique - 44, Mayenne, Vendée) et par le surnom des communes de Bure-les-Templiers et de Voulaines-les-Templiers (Côte-d'Or).
1473
Le sens du surnom de Dampierre-au-Temple et de Saint-Hilaire-au-Temple est nettement établi par les chartes de la commanderie de la Neuville.
« C'est donc bien à tort qu'on a pensé reconnaître dans l'une de ces localités le Fanum Minervæ des textes itinéraires. Jamais dans la toponomastique, où quelques exemplaires s'en rencontrent (cf. ci-dessus, numéros 452-454 et 456), le mot latin fanum n'a été traduit par temple. Les seuls vocables qu'on puisse rapporter au primitif templum, désignant un sanctuaire païen, sont Templemars (Nord) et Talmas (Somme) — Le nom de famille de célèbre tragédien Talma est une variante de ce dernier nom — synonymes l'un et l'autre de Famars (Nord), Fanum Martis (cf. ci-dessus, n° 345. Valentianus, de Valentius : Valencin (Isère). »
1474 — Hospitaliers
L'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem a été créé dès 1099, au lendemain de la prise de Jérusalem par les croisés. Il avait pour mission de pratiquer l'hospitalité envers les pèlerins, et son premier chef-lieu fut, dans la ville sainte, l'église Saint-Jean : de là les appellations d' « ordre de l'Hôpital » et de « chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem » Ce chef-lieu fut transféré successivement à Acre, après la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, à Rhodes après la perte d'Acre en 1291. Chassés de Rhodes par le sultan Soliman, après un siège mémorable, les chevaliers s'établirent, en 1530, dans l'île de Malte, dont Charles-Quint leur avait fait don de Malte leur fut enlevée en 1798, par Bonaparte, et, de nos jours, l'ordre ne subsiste guère que de nom.
1475
C'est le souvenir de cet ordre que rappellent la plupart des localités appelées Hôpital ou l'Hôpital. Ce nom est souvent employé seul, et parfois, surtout quand il s'agit d'une commune, accompagné d'un qualificatif — l'Hôpital-le-Grand (Loire) — ou d'un déterminatif qui rappelle, selon les cas, le nom primitif de l'endroit — Hôpital-Camfront (Finistère), l'Hôpital-du-Gros-Bois (Doubs), l'Hôpital-d'Orion (Basses-Pyrénées), l'Hôpital-le-Mercier (Saône-et-Loire), Mercier répondant ici au latin Marciacus — , le vocable de l'église paroissiale — l'Hôpital-Saint-Blaise (Basses-Pyrénées), l'Hôpital-Saint-Lieffroy (Doubs) —, la situation topographique du lieu — l'Hôpital-sur-Dorches (commune de Châtillon-de-Michaille - Ain), l'Hôpital-sous-Rochefort (Loire). — L'Hôpital a pour variante l'Hopitau (Aube, Charente, Charente-Maritime, Côtes-du-Nord, Eure-et-Loir, Loire-Atlantique - 44, Loiret, Nièvre, Sarthe, Deux-Sèvres — Les noms Champigny-l'Hôpitaux (Seine-et-Marne) et Champignolles-les-Hospitaliers (Côte-d'Or) doivent être rapprochés des précédents, en raison de leurs détermiiiatifs.
1476
En revanche, les noms caractérisés par la forme, plurielle, les Hôpitaux-Neufs, les Hôpitaux-Vieux (Doubs), ne rappellent-certainement en rien l'ordre de l'Hôpital. Il va sans dire, d'ailleurs, que dans un petit nombre de cas l'emploi du mot hôpital, en toponymie, peut s'appliquer à d'autres ordres hospitaliers, nullement militaires, et désigner d'anciens établissements destinés à recueillir les voyageurs, les pèlerins, les enfants trouvés. Tel paraît bien être le sens auquel se rapportent la plupart des noms de lieu désignés par la forme diminutive l'Hospitalet (Basses-Alpes, Ariège, Aveyron, Loire, Lot, Lozère) : les localités ainsi nommées se trouvaient, en général, sur d'anciennes grandes routes fréquentées par les voyageurs.
L'Espitalet (Aude) est une variante de l'Hospitalet.
D'une manière générale, il convient, pour expliquer le nom, apparenté au mot hôpital, d'une localité, de s'informer tout d'abord du passé de celle-ci. On trouve d'abondants renseignements sur les anciennes possessions de l'ordre de Malte, dans le Cartulaire de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (1100-1310), publié de 1894 à 1906, en quatre volumes in-folio, par Joseph Delaville Le Roulx, et dans les publications d'un objet plus spécial, comme celles de Mannier sur les commanderies du grand-prieuré de France, de Du Bourg sur le grand-prieuré de Toulouse, de Niepce sur le grand-prieure d'Auvergne.
Il faut aussi tenir compte de ce qu'un établissement de l'ordre de l'Hôpital comportait d'ordinaire une chapelle sous le vocable de son patron, saint Jean.
1477
Les noms de lieu cités dans les pages qui précèdent se rapportent en propre, les uns aux Templiers, les autres aux chevaliers de Malte. Les suivants peuvent concerner soit l'un, soit l'autre de ces ordres, et seule l'étude des documents permettrait de fixer la part de chacun.
Les maisons du Temple et de l'Hôpital étaient appelées « commanderies », chacune ayant à sa tête un præceptor ou commandeur. L'ordre de Saint-Lazare, dont il sera question plus loin, avait aussi ses commandeurs, comme ses chevaliers. Le nom d'écart la Commanderie se rencontre dans les régions les plus diverses ; on le voit accompagné du nom originel de la localité dans la Commanderie-de-Beaugy (Calvados).
1478
Les écarts dénommés la Chevalerie correspondent à d'anciennes commanderies, considérées comme « maisons de chevaliers », quand ils ne représentent pas les biens de propriétaires dont le nom patronymiqne était Chevalier. L'équivalent de la Chevalerie est, en pays de langue d'oc, la Cavalerie (Ariège, Aveyron, Dordogne, Tarn, Vaucluse) ; et l'on sait positivement que la Cavalerie, écart situé au territoire de Pamiers, doit son origine à une maison du Temple, fondée en 1130, et qu'on appela longtemps la Cavalerie de la Nougarède.
1479
Le nom Villedieu ou la Villedieu, portée dans les diverses parties de la France, par dix-neuf communes et bon nombre d'écarts, ne remonte pas au delà du XIIe siècle, et l'on peut affirmer que toutes ces localités sont d'anciennes possessions des Templiers ou des Hospitaliers. Ce nom est souvent accompagné d'un surnom : celui de Villedieu-les-Poêles (Manche), qui a cessé d'être officiel, fait allusion à l'industrie des poêles à frire, assez ancienne dans le pays, puisque Rabelais en fait mention.
1480
Vildé (Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Mayenne, Vendée), Villedé (Deux-Sèvres), la Villedée (Côtes-du-Nord), peut-être la Villedée (Morbihan), sont des altérations de Villedieu ou la Villedieu.
1481
L'interprétation qui vient d'être donnée de ce nom, et qu'il serait facile de justifier historiquement, ne peut être étendue à tous les noms de lieu dont le thème étymologique est Vallis Dei. A la vérité, l'ancienne commune (1) de la Vaudieu (Indre) était le siège d'une commanderie ; mais on n'a pas là preuve qu'il en ait été de même de Vaudieu (Vaucluse). Valdieu (Marne) était, au diocèse de Troyes, un prieuré de l'ordre du Val-des-Choux, fondé en 1219. Quant au village de Lavaudieu (Haute-Loire), il n'est ainsi appelé qu'en vertu d'un changement de nom autorisé par acte royal, postérieurement au moyen-âge ; en ce lieu, jadis dénommé Comps, s'élevait un monastère de femmes subordonné à l'abbaye de la Chaise-Dieu ; l'abbé Renaud de Blot, voulant que ce monastère reçût un nom « consonnant au nom de sa dite abbaye », obtint du roi Charles VIII, par lettres données à Laval le 9 octobre 1487, que le prieuré de Comps s'appelât désormais « le prieuré de Vaudieu... et non autrement »
1. Réunie à celle de Saint-Hilaire par ordonnance du 1e septembre 1819.
1482 — chevaliers de Saint-Lazare
L'ordre des fut établi, croit-on, en 1119, à Jérusalem, par le roi Baudouin II, et confirmé par le pape Alexandre IV, en 1255.
L'importance qu'il tirait de sa mission spéciale, celle de soigner les malades atteints de la lèpre, diminua en raison de ce que le fléau perdit de son intensité. En France, où il avait fixé son chef-lieu dans le domaine de Boigny, concédé par le roi Louis VII, cet ordre fut réuni en 1693 à celui de Saint-Michel ; tandis que l'union, en Savoie, de l'ordre de Saint-Lazare à celui de Saint-Maurice est l'origine de l'ordre honorifique « des saints Maurice et Lazare » au royaume actuel d'Italie.
On peut rattacher au souvenir de l'ordre de Saint-Lazare la plupart des noms de lieu désignant d'anciennes léproseries ; la plupart seulement, car quelques-uns de ces établissements étaient antérieurs à la création de l'ordre : telle, par exemple, la maison de Saint-Lazare, à Paris.
1483
Les lépreux avaient été placés sous la protection de saint Lazare, par l'effet d'une confusion entre Lazare, le mendiant couvert d'ulcères — le moyen-âge en avait fait un lépreux — dont parle, dans l'Évangile selon saint Luc, la parabole du Mauvais Riche, et saint Lazare, le frère de Marthe et de Marie qui, ressuscité, partagea le repas de Jésus, six jours avant la Pâques, chez Simon le lépreux, à Béthanie. La forme vulgaire de Lazarus accentué sur l'antépénultième, étant Ladre, la lèpre était dite mal Ladre, d'où le mot maladreries désignant les maisons où les lépreux étaient confinés ; Le mot léproserie, de formation moderne, n'a pas trouvé place dans la toponomastique ; mais bon nombre d'écarts (1) sont appelés la Maladrerie, la Maladris, et — car mal Ladre a été parfois abusivement assimilé à l'adjectif malade (2) — la Maladière, les Maladières.
1. Et, pourrait-on ajouter, un nombre bien plus considérable encore de lieux dits. On en peut juger en consultant les dictionnaires topographiques de la Haute-Marne et de la Côte-d'Or, et l'un de nous a fait pareille constatation en dépouillant les états de sections des communes du département des Vosges. Il va sans dire que dans la plupart des cas un lieu dit appelé la Maladière ou la Maladrerie, représente une ancienne possession de léproserie, et non l'emplacement d'une léproserie.
2. Mont-aux-Malades, ancienne commune à laquelle une ordonnance du 20 janvier 1819 a réuni celle de Saint-Aignan pour former la commune actuelle de Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), est appelé, dans les textes latins du moyen-âge, Mons Leprosorum.
1484
Plus fréquemment, les localités correspondant à d'anciennes ; léproseries portent le nom de Saint-Lazare ; mais l'emploi de la forme savante Lazare ne remonte guère qu'à l'époque de la Renaissance ; auparavant la forme vulgaire était seule usitée ; quelques Saint-Làdre (Cher, Eure-et-Loir, Nord, Oise, Pas-de-Calais), se sont d'ailleurs maintenus.
1485 — ordre du Saint-Esprit
La ville de Pont-Saint-Esprit (Gard), qui s'est formée autour d'un prieuré clunisien, ecclesia sancti Saturnini, dont on constate l'existence dès 945, doit son nom actuel à un pont, jeté sur le Rhône, dont les travaux durèrent de 1269 à 1309, et à un hôpital de l'ordre du Saint-Esprit de Montpellier qui fut fonde vers la même époque.
C'est vraisemblablement à ce même ordre hospitalier, créé au XIIe siècle et confirmé en 1198 par le pape Innocent III, que doivent leur nom les localités appelées Saint-Esprit (Allier, Côtes-du-Nord, Finistère, Gers, Lot-et-Garonne, Basses-Pyrénées, Vaucluse) et le Saint-Esprit (Orne).
Antérieurement au XIIe siècle, on n'aurait pas eu l'idée de placer un sanctuaire sous l'invocation exclusive de la troisième personne de la Trinité (cf. ci-après, n° 1515).
1486 — ordre de la Sainte-Trinité
L'ordre de la Sainte-Trinité fut fondé en 1199 par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois, pour racheter les captifs des mains des infidèles. En France, les Trinitaires étaient appelés Mathurins à cause de leur maison de Paris, voisine de l'église Saint-Mathurin, qui leur avait été donnée en 1228 ; on les désignait aussi sous le nom d'« âniers » ou de « frères aux ânes » parce qu'à l'origine l'âne était la seule monture qui leur fût permise, témoin ce passage du Magnum chronicon Belgicum, cité par Du Cange : Anno Domini 1198, pontificalus Innocentii pape III anno I, coepit et institutus est ordo Sanctae Trinitatis, quem solebant appellare ordinem asinorum, eo quod asinos equitabant, non equos ; c'est seulement en 1267 que le pape Clément IV leur permit de monter des chevaux, à l'occasion.
Mais leur nom vulgaire subsista, on le voit dans un compte de l'hôtel du roi pour 1330, que Du Cange rapporte également :Les frères des asnes de Fontainebliaut, ou Madame fut espousée.
1487
En raison de cette circonstance, chaque maison de l'ordre, chaque « ministrerie » — le supérieur portant le titre de « ministre » — entretenait un certain nombre d'ânes. De là le surnom « aux ânes » accolé, quand elle avait beaucoup d'homonymes, au nom d'une localité où se trouvait une ministrerie : Fay-aux-Anes (Oise). On voit ce surnom déformé dans la Villeneuve-aux-Aunes et la Villette-aux-Aulnes (Seine-et-Marne).
1488
S'agit-il, dans ces deux derniers noms, d'une déformation intentionnelle, les habitants voulant échapper aux plaisanteries que le mot « ânes » pouvait leur attirer ? Ou bien se trouve-t-on en présence d'une altération de prononciation, étrangère à toute arrière-pensée ? Cette dernière, supposition n'est pas sans vraisemblance. La localité que le Polyptyque de Saint-Remi de Reims appelle Villare asinorum, et une charte de 1246 Vilers Anous, est aujourd'hui Villers-aux-Nœuds (Marne), par le double effet de la même altération, et d'un jeu de mots qui remonte au moins au début du XIVe siècle. Il va sans dire que le surnom « aux-Nœuds », qui devrait s'écrire asneux, n'évoque en rien le souvenir de l'ordre des Trinitaires, à la création duquel il est antérieur ; il a trait à l'élevage des ânes, et Villers-aux-Nœuds répond à la même notion d'économie rurale que les vocables représentant le latin asinaria : ceux-ci ont été indiqués ailleurs (n° 598), et on y peut joindre les noms plus modernes l'Anière (Loiret) et l'Anerie (Ardennes, Loire-Atlantique - 44, Sarthe, Loire-Atlantique - 44), du moins dans les cas où ce dernier ne s'applique pas à quelque propriété d'une famille Lanier ou Lasnier.
Sources : Longnon, Auguste. Les noms de lieu de la France : leur origine, leur signification, leurs transformations. Editions Champion Paris 1923. BNF
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