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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Hospitaliers dans les Hautes Pyrénées

Vallée d’Aure
Avant-poste lancé au pied même des cols, ceux du Rioumajou exceptés, puisque pourvus d’un hospice, l’hôpital de Saint-Jean de la Combe, au Plan d’Aragnouet. En aval, l’hôpital d’Agos, non loin duquel passe le sentier vers l’Ouïe et le port de Barèges, l’hôpital de N.-D. du Bouchet, entre Guchen et Grézian, rive gauche de la Neste, et la commanderie de Geix, dans la vallée de l’Adour, mais sur le territoire des Quatre-Véziaux, au lieu de Paillole, ces deux derniers établissements reliés par la hourquette d’Ancizan.

Vallées de Neste et de Barousse
Néant. A simple titre documentaire, j’emprunte à Barifouse l’indication d’un monastère « appartenant aux Templiers, près du cimetière de Saint-Paul de Neste » et d’anciennes ruines de leurs possessions à Boucoulan (8).

Vallée de Magnoac. Monléon
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Tarbes, Canton: Monléon-Magnoac - 65

Domus Hospitalis Monléon
Domus Hospitalis Monléon

Un pouillé de 1672 révèle l’existence à Monléon d’un hôpital Saint-Jean. Pour lors ce n’est plus qu’une « chapelle de Malte qui dépend de la commanderie de Tolose »

Boudrac
Département: Haute-Garonne, Arrondissement et Canton: Saint-Gaudens - 31

Domus Hospitalis Boudrac
Domus Hospitalis Boudrac

A proximité immédiate, le Temple de Boudrac et la Commanderie de Cabas forment relai à l’orée des landes du plateau de Lannemezan. Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Lannamezan - 65

Cabas
Département: Gers, Arrondissement: Mirande, Canton: Seissan, Commune: Cabas-Loumassès - 32

Domus Hospitalis Cabas
Domus Hospitalis Cabas

Plus d’informations sur cette page : Cabas

Vallée de Louron
Prieuré Saint-Pierre avec chapelle et cimetière, à 250 mètres sud de Loudenvielle (9).
De ces hôpitaux quels furent donc les fondateurs ? La légende répond, imperturbable : « Tous les établissements hospitaliers qui s’échelonnent le long des Pyrénées sont l’œuvre des Templiers »
C’est une erreur.

Déjà au XVIIIe siècle, Cassini attribuait à ces Templiers la fondation de l’hôpital Saint-Pierre de Loudenvielle. La chronique anonyme d’Aure (10) notait, de son côté, en 1725 que « les Templiers étaient puissamment installés dans la vallée depuis le XIIe siècle et qu’ils y possédaient plusieurs églises et maisons : Aragnoet, Agos, Sainte-Marie, Bouchet et l’église Saint-Pierre de Vignec »

Mais c’est à Noguès (11), de Luz, qu’on doit surtout d’avoir mis en avant cet ordre : « Gavernie, disait-il, en 1788, est mémorable par les anciens Templiers qui y construisirent une église et une maison d’hospitalité où ils résidaient au nombre de quinze à vingt. L’Ordre de Malte a profité de tous leurs biens »
L’homme répétait de bonne foi ce qui se disait autour de lui. La municipalité de Vignec faisait de même en notant, dans une de ses délibérations de 1790 (12), que les chevaliers de Malte avaient remplacé les Templiers dans le pays.

Les Templiers ! Comment ce nom n’eût-il pas retenu l’attention du peuple ?
Tout ce que celui-ci exige de ses préférés : prestige, beaux gestes, mystère, les Templiers le possèdent au plus haut degré avec, en plus, ce nimbe du martyre dont la condamnation royale les a auréolés. Vous vous souvenez de ces sept crânes alignés sur une étagère dans l’église de Gavarnie, épaves sans doute de victimes de la montagne. Les guides les présentent comme ceux des derniers Templiers exécutés dans la maison même.

Et la légende s’est répandue, amplifiée, dramatisée : On raconte que, chaque année, la nuit de l’anniversaire de l’abolition de l’Ordre, une figure armée de toutes pièces et portant le manteau blanc à croix rouge, apparaît dans le cimetière et crie par trois fois : « Qui affranchira le Sépulcre du Seigneur ? » Et par trois fois les sept têtes répondent : « Personne ! Le Temple est détruit » (13).

C’est à peu près la même scène que Dumège situe à Valcabrère dans une chapelle du Castelbert, qu’il dit avoir appartenu aux Templiers (14). Et lorsque le passant longe de nuit, un samedi, les ruines du château de Bordères-Louron, qu’il s’arrête, s’il l’ose. Il entendra, psalmodiant le chant des morts, les voix des Templiers que l’assassinat a surpris en état de péché et qui prient et prieront jusqu’à purification de leurs âmes.

Avec le romantisme il y a débauche d’imagination. Ce que Noguès avait fait pour Gavarnie, La Boulinière le redit pour la vallée d’Aure, en 1825 : « Les Templiers ont possédé autrefois une chapelle à Vielle, de même que dans les lieux voisins d’Ancizan, Guchen, Agos, Vignec et Saint-Lary, près duquel est Sainte-Marie du Mont-Carmel. » Et plus loin il parle de la « maison Chaubère qui sert d’hospice aux voyageurs » (15).

La lice est ouverte. A qui donner le prix dans ce tournoi d’originalité ? Est-ce au lyrisme de Soutras ? « Les Templiers, ces moines indomptables que l’Europe opposait aux flots débordés de l’islamisme vinrent s’établir dans la vallée d’Aure ; là aussi ils furent longtemps à l’avant-garde du monde chrétien. Ils bâtirent de nombreux châteaux et ils fortifièrent la plupart des passages.
Aujourd’hui, le voyageur qui traverse ces lieux considère d’un œil mélancolique cette ligne de tours qui se correspondent, ces oratoires perchés au milieu des roches et dans leurs décombres qu’il foule, et dans leurs débris qu’il interroge, il essaie de retrouver la pensée intime du Moyen-Age » (16).

Est-ce à Chausenque (17) ou bien à Perret (18) qui localisent en Bordères-Louron ce dont fut le théâtre Bordères sur Echez ? « Bordères se montre au milieu d’un escarpement ; au flanc du mont, de belles ruines. Ici fut la maison du Temple la plus puissante de Bigorre, Comminges et Armagnac. De la commanderie de Bordères dépendaient quantité d’églises dans les trois comtés, entre autres celle de Saint-André de Luz si curieusement fortifiée.
C’est à Bordères que fut saisi, le 12 Octobre 1307, le commandeur Bernard de Montagu qu’on jeta dans la prison du sénéchal d’Aure, sur l’ordre du roi de France et avec l’agrément du pape, et qui périt ensuite sur le bûcher. »

Tout le monde est si convaincu de cette présence des Templiers dans la vallée qu’Abadie (19) (de Sarrancolin), plus explicite encore, leur attribue la construction non seulement de la chapelle d’Agos, dont il signale « le type pur de l’architecture introduite par eux », mais aussi des églises de Vielle, Soulan et Cadéac, où il situe le siège de la commanderie.

Comment aurait-on pu avoir le moindre doute quand le guide Joanne (20) authentifiait l’appartenance de la chapelle d’Agos et de la maison de Chaubère aux Templiers ; quand Durier (21), l’archiviste lui-même des Hautes-Pyrénées, « donnait l’église de Luz comme une de leurs maisons »

Comment aurait-on hésité devant les précisions fournies par le docteur Dutech (22) : « La tradition rapporte que, la nuit, pendant laquelle les couvents des Templiers furent détruits avec les religieux, il n’échappa qu’un seul moine au couvent d’Aragnouet ; il était natif de la maison Laque de Cadeilhan, lequel, ayant senti mettre le feu au couvent, sauta par une fenêtre, passa à travers les soldats et se jeta le long de la Neste dans un endroit touffé d’afourests »

Enfin, vraiment retardataire, Ardouin-Dumazet (23), en 1922, attribuait encore aux Templiers la fortification de la grotte de Lortet.

En résumé, le nom des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem n’est prononcé que comme ouvriers de la deuxième heure.


L’histoire (24) dit le contraire
L’Ordre des chevaliers de Saint-Jean se créa vers le milieu du XIe siècle dans le double but de porter assistance aux pèlerins se rendant sur le tombeau du Christ et de combattre les Maures. Mais presque aussitôt un rameau se spécialisa dans la lutte contre les infidèles : ce furent les Templiers, dont la robe blanche à croix rouge allait s’illustrer en tant de combats.

On ne se battait pas seulement en Orient. L’Espagne restait sous le joug des Califes. Au début du siècle même, il avait fallu toute la force de Sanche le Grand, d’Aragon, pour les expulser de la vallée d’Aure. Rien de surprenant par conséquent de trouver les Ordres sur le front pyrénéen. Les premiers en place sont les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem : à Fonsorbes, près de Saint-Lys, en 1096 ; à Saint-Sulpice sur Lèze, vers 1110 ; à Poucharramet, près de Rieumes, en 1112.
Une réaction violente des Maures fit accourir les Templiers. En 1136, ils s’installent à Nougarède, dans le comté de Foix, et vers 1142, à Montsaunès en Comminges. Dès lors les deux Ordres poursuivent parallèlement leur action. Mais tandis que les Templiers poussent leur principal théâtre d’opérations sur l’Ebre, les Hospitaliers créent une commanderie à Saint-Gaudens, et de là rayonnent vers la montagne.

Voici ce que nous apprend le fonds de l’Ordre de Malte sur les formations précitées des Quatre-Vallées.
Seul, le Temple de Boudrac relevait des Templiers. De lui dépendaient, en Magnoac, la seigneurie d’Arné, achetée de noble Hugues de Bocajère, en 1260, et la bastide de Lalane-Arqué, en paréage avec les comtes d’Astarac.
Le Temple prélevait en outre les dîmes des paroisses de Vieuzos et de Cizos, de moitié avec l’archidiacre de Magnoac et l’archevêque d’Auch. Survint la tragique disparition de l’Ordre (1312). Le Temple de Boudrac devint commanderie des Chevaliers de Saint-Jean. Lalane-Arqué, rattaché à la maison de Cabas, en suivit le sort.
Toutes les autres formations eurent pour uniques titulaires les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

Le Plan d’Argos
Des hôpitaux du Plan et d’Agos nous savons seulement qu’en 1266 les deux maisons relevaient de la commanderie dite de Frontès ou de Juzet (de Luchon).
Faut-il, avec du Bourg, lui donner encore le nom de commanderie d’Aure ?
Aucun document ne le dit. La seule certitude est que des attaches étroites la liaient aux barons d’Aure, seigneurs de Larboust ; qu’un Sanche d’Aure, de cette branche, fut commandeur de Frontès, en 1266 ; qu’elle possédait de nombreux biens dans la vallée d’Aure, et qu’enfin elle percevait des dîmes à Guchen, Cadéac, Vielle, Vignec, Tramezaygues, Soulan, Aulon et Aragnouet, ainsi qu’à Serrère et Simonet en Barousse (25).

Commanderie de Frontès
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Saint-Gaudens, Canton: Gourdan-Polignan, Commune: juzet-de-luchon - 31

Domus Hospitalis Frontès
Domus Hospitalis Frontès

Ces diverses possessions suivirent par la suite les destinées de la commanderie de Frontès. Aussitôt sous la dépendance de la maison de Poucharramet, mais dès 1266, le rétablissement de la commanderie primitive s’imposa par la difficulté des communications. Frontès reprit son autonomie et la conserva jusqu’au début du XVIe siècle, date à laquelle une modification des maisons mères rattacha Frontès et ses dépendances à la commanderie de Boudrac. Celle-ci, en 1748, fut dédoublée : la circonscription de Frontès fut adjointe à nouveau à la commanderie de Poucharramet, comme elle l’avait été au XIIIe siècle.

La commanderie Frontès-Juzet
Dès le XIIIe siècle, avant le nouveau village, s’installe une commanderie des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, plus tard chevaliers de Malte dans la vallée de Luchon à Frontès (de nos jours Hérontès), grâce à des donations territoriales accordées, par les comtes de Comminges et autres seigneurs du lieu partant pour les Croisades.
De cette commanderie dépendaient plusieurs domaines, notamment à Jouéou, au pied du Port de la Glère, où, dans leur hospice, les moines guerriers portent aide et secours.aux voyageur en détresse. Mais, ils possèdent d’autres lieux à Saint Jean de Loras, près d’Artigue, mais aussi des censives (terres objets de redevances), tous ces domaines étant les dépendances de la commanderie de FrontèsJuzet.Celle-ci, d’une superficie de 11 hectares, comportait un hospice, une chapelle, et une tour à signaux en communication avec celles de Castelvielh, de Castelblancat et de Moustajon.
Sur les terres de cette commanderie étaient cultivés le blé, l’orge, le millet, l’avoine, les lentilles. Mais l’élevage de bovins, de chèvres, chevaux et mulets constituait la principale richesse avec la production de laine et de fromages. Sans oublier la production de nombreux arbres abattus qui étaient expédiés par « trains de bois », grâce à la Neste (Pique), alors navigable, conduits par les « radeliers. »

Seigneurs de Juzet, au temporel comme au spirituel, les commandeurs négligèrent peu à peu leur mission de charité, déléguant leur pouvoir à un religieux qu’on appelait le vicaire perpétuel de Frontès. On a pu compter 18 vicaires depuis l’année 1497, le dernier ayant été Bernard Forgue (1732-1806). C’est en effet à la révolution, soit en 1790 que disparait la commanderie avec l’abolition des droits féodaux. Les biens confisqués, devenus biens nationaux, sont donc vendus. Auparavant, Bernard Forgue aura puissamment aidé Juzet dans le conflit opposant le village au sujet des limites avec Montauban-de-luchon, cette dernière commune ayant en effet prétendu que la limite séparant les deux villages devait s’identifier avec le ruisseau de Salens. Après bien des procès, grâce à Forgue, le quartier d’Hérontès resta finalement à Juzet en 1796 !

Parmi les acheteurs des biens de l’ordre de Malte, nommons, le Sieur Sode de Bazus, d’où le nom de l’actuel château, et Pierre Gascon, lequel, possédant déjà les terrains de Trémourious, allait construire une maison à Hérontés qui porta longtemps son nom non loin des ruines de la tour de Frontés.

Juzet, ancien paradis fiscal ?
Il ne semble pas que les Juzetois eurent à se plaindre de la domination, pendant six siècles, des hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem puis chevaliers de Malte. Juzet formait en effet une sorte d’enclave indépendante, une « principauté éclésiastique » bénéficiant de nombreux privilèges fiscaux.

Si l’on en croit les documents anciens, tel le Pouillé (état des bénéfices) de 1387, la commanderie ne percevait que les dîmes de l’église de Juzet, c’est à dire des redevances sur le bétail, les fromages, mais les Juzétois étaient exemptés totalement de la gabelle, l’odieux impôt sur la consommation, obligatoire sur le sol.
Nulle part, également, il n’est question de la taille (impôt foncier), des aides, taxes sur les boissons et autres impôts exigés depuis le rattachement en 1454 au Comté de Comminges au domaine royal direct. Les temps ont bien changé depuis. On croit rêver !
Sources : Jacques Bergeon, « Juzet de Luchon et son histoire », sur Association Pyrénéenne d’Histoire. FICHIER PDF

Aureilhan, Geix ou Gerde
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement et Canton: Tarbes - 65
Inconnues aussi les origines de la commanderie de Geix. En 1300, elle fonctionnait sous la direction des chevaliers de Saint-Jean, car le 1er mai de cette année, le vicomte Bernard d’Asté lui faisait don de « la ville de Geix et de la seigneurie de son territoire » Fondue vers 1325 dans la commanderie d’Aureilhan, elle devint, vers 1350, un membre de Bordères sur Echez, où les Hospitaliers venaient de succéder aux Templiers.

Gerde ou Geys
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Campan — 65

Domus Hospitalis Gerde ou Geys
Domus Hospitalis Gerde ou Geys

Geys de nos jours Gerde. Les origines de ce petit établissement de l’Ordre de Saint-Jean nous sont complètement inconnues.
Le 1er mai 1300, Bernard, vicomte d’Asté, son frère Arnaud, son fils Bernard, écuyer, et les autres habitants du lieu d’Asté donnèrent « à l’hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem d’outre-mer et spécialement à l’hôpital de Geys et à son commandeur, frère L. Sole », la ville de Geys (Gerde) et la seigneurie de son territoire.

Cette petite circonscription, qui comprenait en outre le dîmaire de Saint-Marc-du-Bouchet, fut fondue bientôt après dans celle d’Aureilhan (vers 1325) et devint dans la suite un membre de Bordères (Bordères-sur-l’Echez - 65).
Sources: Du Bourg, Antoine (1838-1918). Histoire du grand prieuré de Toulouse et des diverses possessions de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem dans le sud-ouest de la France, avec les pièces justificatives et les catalogues des commandeurs. Editeur: L. Sistac et J. Boubée (Toulouse): 1883

L’hôpital de Bouchet dut être fondé par le même Ordre après 1308. A cette époque, Roger de Traspuyoo, d’Ancizan, et son fils Guillaume cédaient à la commanderie de Geix « quatre cesters de terre à la mesure d’Aure en la lane de Sancte Marie de Boxet » Si le nom donné au lieu permet de croire à l’existence d’une chapelle, il n’est fait nullement mention de l’hôpital, qui ne dut être érigé que plus tard. Il suivit par la suite dans ses mutations la commanderie de Geix devenant ainsi membre de Bordères.

Pour le Magnoac, ignorance totale sur l’hôpital Saint-Jean de Monléon, tandis qu’une charte de 1257 mentionne la commanderie de Cabas. D’abord titulaire de dépendances à Monléon et à Castelnau, Cabas s’enrichit à la chute des Templiers du membre de Lalane-Arqué ; mais presque aussitôt elle fut fondue dans la commanderie de Boudrac.

Le prieuré de Saint-Pierre de Loudenvielle jouit d’un régime particulier. Son nom seul indique qu’il ne relevait pas de l’Ordre de Saint-Jean. Sous dépendance séculière, il rappelle l’organisation des ermitages de Catalogne et d’Aragon placés sous la direction d’un prêtre ou ermite. Il fut fondé à une date d’ailleurs inconnue par quelque habitant du lieu, qui aura voulu doter d’un gite pour les passants ce point particulièrement inhospitalier des vallées. Le prieuré est cité pour la première fois dans une sentence de 1487. Le service en était assuré par un chapelain (26)

Si nous ignorons tout des origines précises de ces formations, nous pouvons tenir pour absolument certain que les seigneurs locaux accueillirent avec enthousiasme la collaboration des Ordres et se dessaisirent en leur faveur des hospices déjà existant. Tout était avantage : à la fois garde des passages et assistance aux voyageurs devenaient effectives, le caractère religieux de l’Ordre ajoutant une protection plus efficace en cette période du Moyen-Age que toute autre arme.

Plus explicites que les archives des Quatre-Vallées, celles de Gavarnie montrent qu’en cet hôpital, pendant trois siècles, vécurent quinze chevaliers. Le nombre en devait être moindre dans les formations d’Aure au rôle réduit. Mais la règle pour toutes restait identique.

Premier devoir, assurer la sécurité. Le nom que portent encore des quartiers voisins de nos deux principaux hôpitaux : la Coste de la Gariolle, près d’Aragnouet, et le Sarrat de la Guarde, à l’ouest d’Agos, nous révèle deux postes d’observation.

Héberger, guider, faisaient la tâche journalière. N’étaient-ils pas des épaves de la route, ces pèlerins qui arrivaient, miséreux par principe, vivant de la charité publique, épuisés de lieues. Il fallait leur donner le gîte, les réconforter, leur indiquer les voies à suivre, surtout celles à éviter. Il fallait les prémunir à la fois contre les intempéries et les dangers de la montagne. De tout cela des vestiges persistent. Ainsi des relais, des sortes d’auberges gratuites, jalonnaient la route.
L’un existait à Vignec sur l’emplacement de l’école actuelle : une pierre portant sculpté en relief un bourdon de pèlerin en pal surchargé d’une panetière et accosté à dextre et à senestre de deux coquilles lui servait d’enseigne (27). Une pierre à peu près identique a été signalée à Nestier. Quelques feuilles de comptabilité de l’hôpital Saint-Jean de la Combe, que m’a communiquées M. Péglose, du Plan, portent achat de pelisses en peau d’agneau, destinées aux passants pauvres.

Et puis il y avait les malades à soigner. Le nom d’hôpital indique la destination de l’établissement. Chacun était de petite importance. Mais l’ordre est formel : « Quand le malade arrivera, il sera confessé et communié et ensuite porté au lit. Là on le traitera comme sire, suivant les ressources de la maison.
Puis, chaque jour, avant que les frères ne prennent leur repas, il sera refait de viande charitablement » Pas un geste, pas une parole qui ne soit inspiré d’humilité pour soi-même et surtout de respect et de sollicitude pour les malades pauvres ; « pour les riches la crainte qu’ils inspirent porte assez à les honorer »

Les soins spirituels incombent à l’aumônier. A l’intérieur, service de la chapelle, assister les moribonds, inhumer les défunts. Au-dehors, donner aux gens que leur état fixe sur les montagnes d’alentour la possibilité de remplir leurs devoirs religieux et ramener en terre sainte les cadavres que la neige découvre au printemps.

L’œuvre est suffisamment belle. Qu’on ajoute, à la rigueur du temps la dureté des caractères ; qu’on songe à l’ambiance de force brutale dans laquelle les Ordres assurent leur sacerdoce de charité. Encore a-t-on voulu ajouter à ce rôle. On nous les a montrés dressant des châteaux-forts, bâtissant des églises, créant dans le pays un art religieux. Il n’en est rien. Les Templiers n’ont jamais paru dans nos montagnes ; les Hospitaliers n’eurent rien à y faire militairement : la défense en était assurée depuis le siècle précédent.

Et pas davantage ils n’eurent d’influence sur l’architecture des églises ? Si la plupart de celles qui ont une origine ancienne, de date le plus souvent indéterminée, sont exigües, presque sans fenêtres, sans bas-côtés et d’une extrême sobriété d’ornementation, c’est que les conditions locales l’exigeaient : intempéries, populations peu nombreuses, ressources médiocres. Quant au monogramme qui écussonne tant de linteaux et qui a paru aux yeux de la plupart des annotateurs comme la signature des Templiers, il n’a aucune valeur spécifique. Déjà, en 1854, le baron Fiancette d’Agos (28) le faisait observer. La croix des Templiers est une croix pâtée, alors que le monogramme de nos églises, unissant l’X, initiale du nom du Christ, XPIST, à l’alpha et l’Omega commencement et fin de toutes choses, se trouve tel dans les catacombes de Rome.

On a parlé pour d’autres régions de l’influence économique des Hospitaliers, Grands propriétaires terriens et possesseurs de troupeaux, ils devaient s’intéresser en effet aux questions commerciales et agricoles. Les documents abondent qui mettent sous nos yeux des tractations originales témoignant d’un sens d’échange très aigu. On reproche aux Templiers de s’être occupés de bourse ; les Hospitaliers s’avérèrent plutôt maquignons. Aucune pièce ne permet toutefois d’attribuer ce qualificatif à ceux d’Aure. L’hôpital de Saint-Jean de la Combe tenait des troupeaux ; la communauté du Plan se plaignait d’avoir été frustrée de pacages à leur profit.

L’influence sociale qu’auraient pu avoir les Hospitaliers est aussi douteuse. Tout au plus pouvons-nous reconnaître aux Templiers la fondation de la bastide de Lalane-Arqué, quelques années à peine avant leur disparition.

Qu’importe ! L’actif des Ordres est assez riche. Soldats, ils tirent de leurs hauts faits de guerre le prestige habituel aux exploits ; moines, leur exemple rayonne avec une intensité si pénétrante que, après des siècles de haines religieuses et de passions politiques, leur nom seul évoque toujours une image de bienfaisance (29).

Mais aussi quel accueil ! Rois et seigneurs locaux les appuyèrent aussitôt de toute leur autorité et leur accordèrent des terres, des redevances et des droits importants. Plusieurs dénombrements attestent que l’hôpital du Plan possédait de nombreux biens à Aragnouet, au Plan même un moulin, une pièce labourable et deux petits prés, indépendamment de la vaste prairie dite de l’hôpital, sur laquelle il était construit. L’hôpital d’Agos avait en propriété un moulin et un pré. Le domaine de celui du Bouchet comprenait, en 1640, quatre prés d’une contenance de dix journaux et une pièce de terre « pour y semer un sac de blé »

Le chapitre des dîmes est beaucoup plus important. En principe payaient des redevances aux Commanderies les communautés qui à un titre quelconque, faisaient appel à leurs services, soit qu’elles aient des pacages ou des forêts dans un quartier desservi par une chapelle de l’Ordre, soit qu’elles fussent situées au voisinage d’un hôpital.

Laissons de côté les quotités d’intérêt local. A la commanderie de Poucharramet payaient redevances : Aragnouet et ses hameaux, Arreau, Aulon, Camparan, Grailhen, Guchan, Soulan, Tramezaygues, Vielle et Vignec.

A la commanderie de Bordères-Echez : Ancizan, Arreau, Aulon, Bazus, Guchen et Sailhan.

En Barousse, Ferrère et Simonet (?), portés en 1260, comme payant dîme à l’hôpital de Juzet, n’ont plus de redevances envers les Chevaliers de Malte en 1786.

Dans le Magnoac, le commandeur de Boudrac, dès 1323, avait une portion de la dîme sur les lieux de Lalane-Arqué, Vieuzos, Sizos et Castelnau. Il prélevait la dîme totale sur un quartier dit de la Commanderie, situé sur les territoires de Sariac et de Termes.

En Espagne, l’hôpital de Saint-Jacques de Campistrat, près de Bielsa, payait 15 ducats de rente à l’hôpital du Plan, qui touchait encore 10 ducats de Sainte-Marie Magdalaine, au territoire de San Phelisses, et autant de Sainte-Marie de Palatio, proche de Aïnsa.

Au début, toutes ces redevances étaient levées par l’économe de l’hôpital. Trois siècles plus tard, tout change. Chez les fidèles comme chez les Hospitaliers, l’enthousiasme mystique s’est flétri. Dans les cols, les passants sont plus nombreux ; mais ce sont des gens de commerce attirés vers l’Espagne que les richesses du Nouveau Monde auréolent d’or. Par contre, les pèlerins se raréfient.

Est-ce la raison du mouvement de repli qui s’amorce parmi le personnel de l’Ordre ? Les commandeurs de Gavarnie transfèrent leur résidence au château de Saint-Marcet, près de Saint-Gaudens. Au Plan, il ne séjourne plus, au XVe siècle, que quelques servants qui bientôt rejoignent les commanderies de la plaine.
Les immeubles abandonnés tombent en ruines. Un document de 1679 porte l’hôpital d’Agos comme démoli depuis plus de cent ans.
L’hôpital du Bouchet fonctionnait encore en 1653 puisque des pestiférés de Guchen y furent traités. Mais d’après un verbal d’arpentement du 29 avril 1711, deux couperades trois quarts sont occupées dans le grand pré par « les ruines masures où était fondé l’hôpital Saint-Jean du Bouchet »
A Loudenvielle, l’hospice avait disparu au XVIIe siècle, comme en font foi certaines prises de possession de bénéfices.

Les chapelles seules sont maintenues en bon état pour le service religieux, dont l’ordre se décharge sur les prêtres des paroisses voisines contre indemnités. Le vicaire d’Aragnouet, pour chanter les messes à la chapelle du Plan, dimanches et jours de fête, et répondre à tout appel des gens en montagne, reçoit 50 livres par an.
A la chapelle d’Agos exerce le curé de Vielle qui, pour une messe bimensuelle, touche du commandeur de Poucharramet deux muids de seigle et deux d’orge, payement changé, en 1786, en une somme de 35 livres.
Notre-Dame du Bouchet est desservi par le curé d’Ancizan contre une redevance qui, bon an, mal an, monte à 12 livres, les frais d’entretien de la chapelle et du cimetière restant à la charge de l’Ordre de Malte.

Au Plan cependant, la fréquence des passages imposait le maintien d’un abri pour les voyageurs. La formule de l’hospice fut reprise. Et, le 20 juillet 1605, par acte passé devant Me Carrère, notaire à Guchen, frère Jean Rigal, procureur du Grand Prieur de Toulouse, baillait contre payement annuel de 13 livres 10 sols à Raymond Chaubère, de Guchen, une pièce de terre dans le pré de l’hôpital de Saint-Jean de la Combe « avec pouvoir d’y bâtir granges et logis pour y demeurer et loger les pauvres passants comme étant l’hôpital aux pieds du port de Bielsa, sans néanmoins y vendre le vin à plus haut prix qu’à Aragnouet » (30).

Dès lors, sans économe sur place, les commandeurs afferment les dimaires annuellement ou pour des périodes de trois à neuf ans, par communauté ou en bloc. Deux notions s’en dégagent :
1° Les revenus étaient notoires, En 1630, l’afferme des hôpitaux d’Agos et du Plan fut adjugée pour 885 livres et neuf paires de chapons bons et gras, à remettre au Grand Prieur de Toulouse pour la fête de Noël, la charge des vicaires suppléants incombant aux fermiers. Ce même fermage montait à 1.500 livres en 1764, à 1.600 en 1770, plus 48 livres à verser à la domesticité du commandeur.
2° Les enchères étaient âprement disputées, et nous voyons des personnages pour le moins inattendus les acquérir, des curés et des fonctionnaires, par exemple, pour les céder en sous-fermage, preuve du profit qu’une main experte savait en tirer.

Cependant Jacques Bonhomme, surtout quand il est Aurois, se défend. A défaut de violences et de procédure, qu’il sait pour lui dangereuses, il s’arme de ténacité et, lopin par lopin, il s’adjuge ce que les propriétaires légaux semblent oublier. L’usage crée le droit. Ainsi fait-il envers les Hospitaliers. Et quand ceux-ci s’en aperçoivent, il est trop tard. Les habitants d’Agos ont de la sorte depuis longtemps usurpé le domaine de l’Ordre autour de la chapelle.
Au Plan, l’hôpital Saint Jean n’a plus en propriété que la prairie voisine ; le reste, avec montagnes, bois et vacants qui s’étendaient jusqu’en Espagne, s’est volatilisé.
Guchen et Bazus, en particulier, se sont attribués le Fourc et les montagnes de Gembra, Lesponne, Louprat et Seigneuraou, jusques à l’Escale de Saux.

Usurpation : le mot est-il juste quand, face à la lourdeur des dimes imposées aux populations, on met la nullité des services que, depuis le XVIIe siècle, leur rendent les Hospitaliers. Longtemps elles sont restées silencieuses, sans récriminer. La dîme est un impôt : on paye ; aux bénéficiaires de s’arranger pour le partage. Or l’entente ne règne pas entre décimateurs. Le bas clergé surtout proteste de voir ses salaires rognés par des titulaires faisant figure de parasites.
En 1739, les curés de Sariac et de Termes réclamèrent du commandeur de Boudrac un quart de la dîme qu’il prélevait sur le quartier de la Commanderie. A son refus, ils répondirent en cessant leur ministère. Il fallut une intervention du sénéchal d’Aure pour le leur faire reprendre. La lecture du cahier des doléances de 1789 est particulièrement instructive sur cette opposition entre petit clergé et ordres monastiques.

Et voici que les communautés elles-mêmes s’en mêlent. Jean Salles, consul d’Aragnouet, se plaint dans l’assemblée du 18 avril 1786, des irrégularités trop fréquentes dont souffre le service de la paroisse : « Cependant, conclue-t-il, le revenu est toujours perçu ; savoir : un quart par le curé et les trois-quarts restants par M. le commandeur »
Et, le 6 mars 1790, les officiers municipaux de Vignec attestent que, bien que gros décimateurs chez eux, les Chevaliers de Malte ne donnent à l’église « pour toute redevance huit sacs de méteil, qui ne sont pas beaucoup suffisants pour son entretien le plus simple »

Laissons à Du Bourg, l’historien du Grand Prieuré de Toulouse, le soin de conclure : « L’Ordre, français par son origine, tirant de la France son lustre et ses revenus, fut mortellement frappé par la Révolution. Retirés sur leur rocher de Malte, les Chevaliers attendaient avec un sombre découragement leur fin qu’ils sentaient approcher. Elle ne se fit pas longtemps attendre. Quand, en 1799, Bonaparte, en allant en Egypte, voulu s’emparer de Malte et porter le dernier coup à ce respectable vestige d’un héroïque passé, il y eut un simulacre de résistance. Après en être sorties pour la forme, toutes ces épées rentrèrent dans le fourreau ; tous ces fronts se courbèrent sous les coups qui les frappaient avec une résignation qu’ils n’auraient point connu dans les siècles précédents »

J’ajoute que la famille Chaubère, dont le nom est maintenant celui du quartier, remplit fidèlement son rôle de remplacement près de la chapelle du Plan, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. C’est un gendre, Jean-Paulin Campassens, d’Aragnouet, qui se trouvait fermier du Plan, lorsque ce qui restait de l’hôpital fut mis en adjudication comme bien national. Il l’acquit sans obligations d’aucun service envers les voyageurs. Longtemps prospères, les Campassens aussi se sont éteints. De leur demeure il ne reste sur la rive gauche du torrent de Saux qu’une grange en décrépitude. A l’autre bout de la prairie, les vestiges de l’établissement hospitalier des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem lui font pendant.

En surface, une haute muraille lézardée se terminant en un pignon découpé d’un double rang de baies superposées. Une cloche du XVIe siècle garnit l’une de ces baies. Au bas de la façade, une porte murée, avec meurtrière sur le côté. A quelques mètres en avant, un large pilier qui devait soutenir l’auvent protégeant à la fois l’entrée de l’hôpital et celle de la chapelle. Derrière la façade, mais dans le ravin qui descend à la Neste, persistent, enfouis au milieu des arbres, les soubassements du bâtiment lui-même.

C’est là tout ce qui reste de la maison hospitalière.

La chapelle est indépendante, séparée du clocher par un intervalle de deux mètres et formant avec lui un angle de 80°. Elle sert au service religieux du hameau. Mais courte et trapue, murs de schistes grossièrement rejointoyés, avec deux étroites fenêtres latérales, elle donne une impression d’indigence que n’atténuent ni la frise damassée qui court sous la toiture d’ardoise, ni même le splendide monogramme, certainement le plus beau de la vallée qui surmonte le portail. L’intérieur est d’aspect plus misérable encore : c’est un déballage de vieilles statues de bois cassées, de troncs sciés, de bancs boiteux. Il est vrai que le bâtiment a connu de mauvais jours.
Le 6 août 1710, une razzia de Miquelets le mit au pillage et, ne trouvant pas d’autres dégâts à commettre, prit plaisir à scier tout ce qui lui tomba sous la main. Cloué au faîte de l’autel, un saint Jean, réduit au buste, la face hautement colorée, sourit d’avoir partiellement échappé au massacre. Je signale sur une étagère une Vierge de Majesté, sans bras, sans l’Enfant Jésus qui devait reposer sur ses genoux, et malgré tout d’une hiératique dignité.
Une route carrossable arrive aujourd’hui jusqu’au hameau du Plan. C’est déjà miracle que les explosions pour l’aménagement d’un pont n’aient pas achevé la ruine de ces murs chancelants. Félicitons-nous-en, car la silhouette de ce clocher percé à jour ajoute au site par lui-même grandiose, au pied des précipices du pic Méchant et du Cambielh, une note humaine, vraiment émouvante (31).

A Agos, rien ne reste des bâtiments hospitaliers qui accolaient au sud et à l’ouest la chapelle. Celle-ci n’était elle-même représentée jusqu’en 1850 que par les murs d’enceinte sans toiture. Restaurée par Viollet-le-Duc et classée monument historique depuis 1863, elle a plus l’aspect d’un réduit défensif que d’une maison de prière. Pas d’ornementation ; à l’extérieur à peine des colonnettes d’angle et une archivolte de fruits soulignant la fenêtre centrale. De loin en loin quelques têtes grossières agrémentent les modillons de la corniche. La porte est encadrée de deux colonnes que coiffent des chapiteaux à larges feuilles. Au-dessus du linteau, le monogramme habituel enlace ses arabesques.

L’établissement de Notre-Dame du Bouchet (32), en ruine en 1711, fut remis en état au cours du XVIIIe siècle, sans pour cela reprendre sa destination hospitalière.
La chapelle seule réouvrit, plus spécialement affectée au service des Quatre-Véziaux. C’est là que les assemblées des communautés associées se tenaient et, chaque année, au jour où les troupeaux gagnaient la montagne du Transport, une messe solennelle y était dite par le curé de Guchen. En 1789, c’est encore là qu’il fut procédé à l’élection des députés du Tiers Etat pour l’Assemblée Nationale. La Révolution lui fut par la suite fatale.

Le patrimoine vendu aux enchères comme bien national en 1793, l’intérieur incendié, la chapelle devint une sorte de carrière de matériaux où chacun venait puiser à sa convenance. La cloche ferait aujourd’hui partie du carillon de Guchen. Des bénitiers estimés du XIIe siècle et provenant de Notre-Dame du Bouchet ont été signalés chez des particuliers et dans le parc Féraud, à Arreau. Quelques traces de murailles persistaient en 1850 ; puis tout s’effaça.

Mais depuis juin 1944, une nouvelle bâtisse en pierre de taille et accolée d’une tour a repris l’emplacement de l’hôpital d’antan. Notre-Dame du Bouchet revit comme foyer de spiritualité. Qu’elle reste aussi l’évocation de cette œuvre admirable de charité que Templiers et Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem réalisèrent chez nous. Au début, la ferveur ; puis l’indifférence, et pour finir des ruines. C’est l’habituel processus des réalisations humaines. Conservons-leur du moins le respect !
Sources : DOCTEUR A. SARRAMON. Pyrénées : organe officiel du Musée pyrénéen du Château-fort de Lourdes, de la Fédération franco-espagnole des sociétés pyrénéistes, du G.P.H.M. Numéro 10 avril-juin 1952. BNF

Notes. Les Quatre-Vallées
1. — Les Quatre-Vallées (Aure, Barousse, Magnoac et Neste), groupées sous le nom de comté d’Aure du XIe au XIIe siècle, puis baronnie de Labarthe jusqu’en 1475, s’annexèrent à cette date à la Couronne de France, dont elles devinrent un pays d’Etat. Le Louron faisait partie du Rivière-Verdun. La réorganisation administrative de 1790 les a reversées toutes cinq dans le département des Hautes-Pyrénées.
2. — Pour les lies et passeries, lire l’étude essentielle d’Henri Cavailhès, « Une fédération pyrénéenne sous l’ancien régime. Les traités des lies et passeries » (Revue historique 1910, pp. 1-34 et 241-275). La copie des documents concernant les Pyrénées Centrales est donnée par S. Mondon (Revue de Comminges, 1915, p. 1).
3. — Le terme de Port Bielh, donné à un col pyrénéen, atteste qu’il fut jadis fréquenté. Trois passages sur le front de nos vallées sont ainsi appelés : le Port Bielh ou de la Mine, un Port Bielh au sud du port de Plan, méconnu des touristes, mais auquel les bergers, aussi bien espagnols que français, maintiennent son nom, et le Port Bielh de l’Oule, aujourd’hui col de Barèges.
4. — Pour la Ténarèse, voir les deux études presque contradictoires de Paul Labrouche « La grande route centrale des Pyrénées ; le port de la Tenarèze » (Bull. de Géographie historique et descriptive, 1897, pp. 113-129) et d’Henri Cavailhès « Les chemins de la vallée d’Aure » (Bull. Pyrénéen, 1936, pp. 6-16).
5. — Archives départementales des Hautes-Pyrénées : E. 924 bis, folio 866.
6. — A la suite cependant, du drame dont il fut le théâtre en 1945, l’hospice du Rioumajou est resté plusieurs années sans tenancier.
7. — Cartulaire de Barousse. Arch. départ. Hautes-Pyrénées, folio 8 v°.
8. — Barifouse. Etudes historiques sur le pays des Quatre-Vallées. 1874. pp. 192 et 199.
9. — La chapelle d’Artiguelongue, située en amont, à mi-chemin à peu près de Tramesaygues, ne fut jamais un établissement hospitalier, mais un simple lieu de dévotion. Son origine est à peine antérieure au XVIIe siècle (Marsan. Bull. paroissial du Louron, 1932, n° 11).
10. — « Chronique anonyme d’Aure » 1725. Arch. de Valmirande.
11. — Noguès : Voyage du bourg des bains de Barège à Gavernie, source de la rivière du gave, 1788, p. 27.
12. — Archives communales de Vignec.
13. — Henri Martin. Histoire de France. T. IV, p. 496.
14. — A. du Mège. Archéologie pyrénéenne, p. 342. Le château de Castelbert, ainsi nommé de la housse de lierre qui gaine le donjon, est situé à la sortie sud de Valcabrère. Ancienne résidence des vicomtes de Labarthe, c’est là que Bernard de Labarthe signa, en 1300 ou 1316, la charte des Coutumes en faveur des habitants de la vicomté.
15. — La Boulinière : Itinéraire descriptif et pittoresque des Hautes-Pyrénées françaises. Tome III p. 34 et 45.
16. — Soutras : Les Pyrénées illustrées, 1857, p. 206.
17. — Chausenque : Les Pyrénées, première édition, 1834. Tome I, p. 357.
18. — P. Perret : Les Pyrénées françaises, 1884. T. III., p. 116.
19. — Abadie (de Sarrancolin). Indicateur des Hautes-Pyrénées, 1856, pp. 437 et 484.
20. — A. Joanne : Itinéraire descriptif et historique des Hautes-Pyrénées, 1858, p. 369 et 374.
21. — Bois et Durier : Les Hautes-Pyrénées, 1884, p. 66.
22. — Docteur B. Dutech : Articles publiés dans la « République des Hautes-Pyrénées », 1891. Les détails sont empruntés à la Chronique anonyme d’Aure.
23. — Ardouin-Dumazet : Pyrénées : Partie centrale, 1922, p. 66.
24. — Le fonds de l’ordre de Malte (Archives départementales de la Haute-Garonne) contient une ample documentation, Il a fourni à Du Bourg, en 1883, les éléments de son ouvrage : « Histoire du Grand Prieuré Toulousain » Voir aussi un article très général de S. Mondon : « Les possessions des ordres de Saint-Jean de Jérusalem et du Temple dans le Couserans et le Commingeg » Revue de Comminges, 1912, p. 209 et 1916, p. 69 ; et une monographie de la Commanderie de Frontès-Juzet (Luchon) par M. Barrau de Lorde (Revue de Comminges, 1946, 1947 pp. 17, 89 et 185).
25. — Aucun lieu de Barousse ne porte actuellement ces noms ; on ne les retrouve sur aucun autre document. Le premier semble pouvoir être interprété comme une mauvaise copie de Ferrère.
26. — Chanoine Marsan : Bull. paroissial du Louron, 1932, n° 6.
27. — Communication de M. Charles Raynaud.
28. — L. de Fiancette d’Agos : Notice sur N.-D. de Bourisp, 1854. Avant-propos, p. XV.
29. — Chassés de Jérusalem par les Turcs en 1187, les Hospitaliers se replièrent à Acre, puis à Chypre, ensuite à Rhodes en 1310, et finalement à Malte en 1530, dont l’île leur fut cédée par Charles-Quint. Les Hospitaliers prirent dès lors le nom de Chevaliers de Malte.
30. — Toute la documentation que nous venons d’utiliser, sans indication de référence est extraite du fonds de l’ordre de Malte, série L (Archives départementale de la Haute-Garonne).
31. — La chapelle et le clocher du Plan d’Aragnouet ont été classés monuments historiques par décision du 5 janvier 1939.
32. — O. Redon. Chapelle de N.-D. du Bouchet, histoire de sa reconstruction Tarbes, 1946.

Sources : DOCTEUR A. SARRAMON. Pyrénées : organe officiel du Musée pyrénéen du Château-fort de Lourdes, de la Fédération franco-espagnole des sociétés pyrénéistes, du G.P.H.M. Numéro 10 avril-juin 1952. BNF

Les Hôpitaux de Geys et du Bouchet

La chapelle du Bouchet - Contribution de M. Paul Pettré
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Neste, Aure et Louron - 65

La chapelle du Bouchet
La chapelle du Bouchet

La chapelle du Bouchet est située sur la route de Guchen à Grézian. Le bâtiment actuel n’a rien de remarquable. Par contre la chapelle est construite sur une sorte de dalle entourée d’un petit muret qui sont peut-être les vestiges d’une chapelle ou d’un autre bâtiment datant du XIIe siècle.

Mon interprétation est que la chapelle du Bouchet des Hospitaliers se trouvait sur le chemin qui va de Guchen à la Hourquette d’Ancizan.

J’ai fait autrefois une randonnée sur le chemin ancien menant à la Hourquette d’Ancizan en laissant la voiture à proximité d’une maison qui doit être maintenant une résidence secondaire. Je parle de mémoire, mais cette maison était construite en continuité avec ce que l’on pouvait prendre pour une grange, laquelle était une construction massive construite sur une terrasse et je me souviens de m’être fait la réflexion qu’à l’origine ce devait être autre chose qu’une grange. Maintenant, je pense effectivement que l’ensemble, avec plusieurs bâtiments, des terrasses, un ruisseau et peut-être une source, peut correspondre à un hôpital du XIIe siècle.

Hourquette d’Ancizan

Hourquette d’Ancizan
Domaine du Temple Hourquette d’Ancizan

Voici ce qui m’a amené à faire ces recherches. La maison que je possède à Vielle est très proche de l’église classée du XIIe. J’ai plusieurs raisons de penser que sa construction pourrait être contemporaine de celle de l’église. J’ai donc fait une recherche généalogique sur cette maison en particulier pour montrer qu’elle avait pu survivre au tremblement de terre de 1660 dont les traces sont visibles à Vielle-Aure ainsi qu’à Agos.

Chapelle d’Aragnouet
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Vielle-Aure - 65

Chapelle d’Aragnouet
chapelle d’Aragnouet. Sources : Patrimoines Midi-Pyrénées

Chapelle du Plan, Aragnouet

Chapelle du Plan, Aragnouet
Chapelle du Plan, Aragnouet

La chapelle d’Aragnouet a été construite par les Chevaliers (dont certains avaient participé aux croisades) au XIe siècle, pour des raisons purement militaires, pour la défense d’Arreau qui possédait un château à l’époque, de même que Cadéac. Arragnouet permet de surveiller trois cols vers l’Espagne et un col vers Héas et Gèdre qui sont dans une autre vallée pas forcément amie. La chapelle est orientée (vers Jérusalem ?) comme les églises de Vielle, Jéseau et la chapelle d’Agos. Le clocher qui fait un angle de 80 degré avec la chapelle est orienté de manière à avoir la meilleure efficacité sonore dans la vallée et une sorte de casemate permettait d’actionner les cloches même si la chapelle était encerclée par l’ennemi.

Tous les auteurs précisent que pour la bataille de Cadéac en 1012 les Sarrazins sont passés par le col d’Ordissétou qui est beaucoup plus difficile à franchir que les ports Vieux, de Bielsa ou de Barroude. Ceci suggère que le passage était déjà surveillé à Aragnouet et que les Sarrazins ont choisi un passage difficile pour bénéficier d’un effet de surprise.

Cette chapelle a certainement été occupée plus tard au XIIe siècle par les templiers qui tout en maintenant une surveillance sur les passages vers l’Espagne ont installé un Hôpital. A l’époque on pouvait franchir le port Vieux même en hiver.

Dans son article (Revue de Comminges, 1983) « Messieurs de Malte », M. G.P. Souverville dit que la chapelle d’Aragnouet est « bien orientée », ce qui confirme mon observation. Par contre en ce qui concerne le clocher, l’idée de M. Souverville qu’il ait pu être reconstruit au XVIIe siècle n’est pas fondée. J’ai lu à plusieurs reprises que le clocher date de la même époque que la chapelle, ce qui est plus logique avec mon interprétation : le clocher serait un moyen de transmission militaire pour avertir la vallée en cas d’intrusion Sarrazine.
Revue de Comminges Pyrénées centrales, bulletin de la Société des études du Comminges, tome XCVI, année 1983. Sources numériques Bnf

Possessions Templières en Vallée d’Aure
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Vielle-Aure - 65

Saint-Barthélémy de Vieille-Aure
Eglise Saint-Barthélémy de Vieille-Aure, construite au XIIe siècle - Sources: Cparama

Comme Pierre de La Boulignère indique que les Templiers avaient des possessions en vallée d’Aure et en particulier à Vielle-Aure, il était logique de m’intéresser à la question de savoir si ma maison ne pouvait pas être un bâtiment ayant appartenu aux templiers. Plusieurs auteurs indiquent que l’église de Vielle était une chapelle ayant appartenu aux templiers. C’est assez naturel de penser que si les templiers avaient une chapelle (relativement importante) à Vielle, ils avaient des maisons, des fermes et des granges proches de celle-ci.

Localisation de Vielle-Aure

Localisation de Vielle-Aure
Localisation de Vielle-Aure

Cependant toutes les publications des monuments historiques ou du patrimoine prétendent que toutes les chapelles dites des « Templiers » appartenaient en fait aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (en particulier Aragnouet, Gavarnie et Luz).
J’ai compris que cette assertion vient du livre de Armand Sarramon « Les Quatre Vallées » qui écrit « ... d’un Ordre (du Temple) qui répétons-le, ne vint jamais en Aure ». Comme source A. Sarramon ne cite que l’Histoire du Grand Prieuré de Toulouse de Antoine du Bourg (1882). J’ai donc consulté ce livre et j’ai pu vérifier que l’assertion de A. Sarramon est non seulement sans aucun fondement, mais au contraire que Du Bourg donne un lien entre la commanderie de Bordères-sur-Echez et Guchen avant la disparition de l’Ordre du Temple.
Sic Antoine Du Bourg, page 376 Suite

Les nombreux membres de cette Commanderie étaient disséminés dans toute l’étendue du comté de Bigorre c’étaient:
Les anciennes dépendances du Temple; Pintac, Gajen, Ossun, Tachoires, Guchen, avec la chapelle de Notre-Dame de Boisset dans la vallée d’Aure.
3º Aurelhan et ses membres de Sarouille, Campau, Bagnères, Peyriguière, Perroton, Bazillac, la Fitolle, Mengoi, Marquerie, Soyaux, Maubourguet, Preychac, Castelnau-de-Rivière-Basse.
Geys et Bouchet, etc.

Mais Du Bourg a bien écrit que ni Gavarnie, ni Luz, n’ont appartenu à l’Ordre du Temple parce que ces chapelles auraient toujours appartenu aux Hospitaliers. C’est une opinion sans preuve qui lui est personnelle.

Malheureusement le mal est fait pour la vérité historique et tout le monde croit en vallée d’Aure, malgré l’évidence, que les Templiers « ne sont jamais venus en Aure ».

J’ai donc approfondi mes recherches en partant de l’observation des Chrismes puisque La Boulignère écrit que le Chrisme d’Aragnouet porte le monogramme des Templiers. Le Chrisme d’Aragnouet est remarquable et il est absolument identique à ceux de Cazaux-Débat et Arreau chapelle Saint-Exupère. Voir l’épée portée par la hampe du rho. Il est par ailleurs très comparable aux Chrismes de Cadéac, Sailhan, Saint-Lary Soulan et Tramezaigues. Voir la pièce jointe et le site Abellios pour voir tous les Chrismes des Hautes-Pyrénées. La chapelle Saint-Exupère d’Arreau a été construite pour remercier Exupère (qui a vécu au Ve siècle) d’avoir aidé à gagner une bataille sur les Sarrazins qui a eu lieu à Cadéac en 1012 avec l’appui du roi de Pampelune et comte de Sobrarbe : Don Sanche III Garcès dit le Grand.

Pour Vielle-Aure j’ai consulté, aux archives départementales à Tarbes, le vieux cadastre de Vielle-Aure qui date de 1651 ou 1661 et un cadastre non daté mais qui date vraisemblablement de 1695.
Dans ces deux cadastres le premier Terrier est celui de Monsieur le Recteur. A l’époque Recteur désignait très certainement un personnage chargé de gérer les possessions des Hospitaliers héritées des Templiers comme on peut le voir en page 293 note (2) de la Revue de Gascogne de 1899 :
2. Elle appartenait aux Hospitaliers de Saint-Jean (Chevaliers de Malte depuis 1330) et devait être annexée, selon un usage constant de l’Ordre, à un hôpital dont le voisinage des Thermes justifiait l’existence.
Les Hospitaliers avaient des rentes sur des maisons situées dans les jardins des Vigneaux.
(...) Néanmoins la chapelle, de Saint-Jean fut plus tard érigée en paroisse dont les religieux bénéficiaires portaient le titre de Recteur. Etc...

Mon interprétation est qu’en 1661 il y avait un Recteur à Vielle qui gérait les propriétés des Hospitaliers elles-même héritées en 1312 des Templiers. Dans son article (Revue de Comminges, 1983) « Messieurs de Malte », M. G.P. Souverville montre que Vielle-Aure payait une dîme en 1680 à l’ordre de Malte. Ceci confirme mon interprétation sur la présence d’un « Recteur » à Vielle dans les Terriers de 1661 et 1695, consultables aux archives départementales à Tarbes.

Le Recteur occupait une maison qui autrefois avait une tour. A Vielle on l’appelle l’ancien presbytère. Cette maison existe toujours mais elle a été très modifiée. Sinon il ne devait rester que des terres. Cependant on peu penser que ces propriétés étaient assez importantes et ont été conservées jusqu’à la révolution.
Mais je pense que cela constitue bien une preuve que les Templiers ont bien été présents à Vielle et plus généralement en vallée d'Aure.
Sources: Pierre de La Boulinière, Itinéraire descriptif et pittoresque des Hautes-Pyrénées françoises, jadis territoires du Béarn, du Bigorre, des Quatre Vallées, du Comminges et de la Haute-Garonne..., Trois Volumes, 1825.
Revue de Gascogne: bulletin mensuel du Comité d’histoire et d’archéologie de la province ecclésiastique d’Auch, 1899. Source Numérique Bnf.
Antoine Du Bourg : Histoire du Grand prieure de Toulouse (ordre de Malte) et des diverses possessions de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem dans le Sud-ouest de la France Languedoc, pays de Foix, de Comminges, de Béarn, Gascogne, Guyenne, Périgord, Quercy, Albigeois, Rouergue, avec les pièces justificatives et les catalogues des Commandeurs, 1882.


La chapelle du Notre Dame du Bouchet
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissemen: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Arreau, Commune: Ancizan - 65

chapelle Notre-Dame-du-Bouchet
Sources: Patrimoine de France

Chapelle d’Argos

chapelle d’Agos
Sources: Patrimoine de France

Dans la Revue de Comminges de 1983, page 350, dans le chapitre sur la chapelle d’Argos en bas du deuxième paragraphe il y a une date « 1860 » qui est manifestement fausse. Il faut sans doute lire « 1660 ». En 1651 « Estienne Ducasse » était consul de Vielle. A cette époque Agos ne dépendait pas de Vielle, mais Estienne Ducasse devait être un assez gros fermier et pouvait affermer des terres à Agos qui n’est pas loin de Vielle.

En ce qui concerne la chapelle et l’hôpital d’Agos j’ai compris qu’ils étaient abandonnés de longue date en 1680 (1580 ?). Je pense que la chapelle a beaucoup souffert du tremblement de terre de 1660 en raison d’un glissement de terrain important. Contrairement à M. Souverville je pense qu’il faut remercier M. Viollet-le-Duc d’avoir sauvé la chapelle d’Agos qui est un des monuments roman les plus remarquables en vallée d’Aure.

En ce qui concerne la note (11), page 350, je pense qu’il y a un amalgame. Comme l’hôpital d’Agos, l’hôpital et la chapelle du Bouchet avaient été délaissés de longue date et ne se trouvaient peut-être pas à cet endroit. Par contre il faut sans doute lire le mot « metterie » « métairie » ce qui est vraisemblable à l’emplacement de la chapelle actuelle.

J’ajoute une remarque concernant l’orthographe de « Boisset » ou « Boxet » ou « Bouchet » ou « Bouysset ». J’ai lu les Terriers de Vielle de 1651-1661 et 1695. Ce sont des manuscrits relativement difficiles à lire. Certains mots sont du patois (proche du gascon). Les lieu-dits et noms propres n’ont pas d’orthographe. Souvent l’orthographe est phonétique. Ainsi un lieu-dit « Larro » en 1661 devient « Larrou » en 1695. Un nom propre « Gornez » en 1661 devient « Gouarné » en 1695. Je pense que le nom le plus vraisemblable pour cet hôpital avant 1680 était « Boxet ». Le B est facile à reconnaître et il est dans tous les noms de même que la terminaison « et ». Le « o » devient « ou ». Le problème vient du « x » qu’on peut lire « y » et qui se prononçait comme un « s » ou « ss ».

Dans « Arreau et le pays des Nestes » de A. Péré, j’ai noté page 288 que la chapelle N.D. du Bouchet avait été reconstruite récemment (il le dit en 1983) sur l’emplacement d’une ancienne possession des Hospitaliers. Cela confirme tout à fait ce que je pense de cette chapelle.
Revue de Comminges Pyrénées centrales, bulletin de la Société des études du Comminges, tome XCVI, année 1983. Sources numériques Bnf

Sur l’origine du mot Bouchet
Voici ce que j’ai trouvé sur le mot « Bouchet" dans le dictionnaire Godefroy au mot « Buisset » : Buisset, buysset, bouchet, s. m., dimin. de buis :
Montaignes plaines de neige et sapins et de buissetz. (J. Molinet, Chron., ch. CCCXIV, Buchon.)
Pour bouchet a benir en choeur le jour de Pasques flories. (1529, Douai, ap. La Fons, Gloss. ms., Bibl. Amiens.)
On plante des buissetz en l’enclos du cloistre. (1582, Douai, ap. La Fons, Gloss. ms., Bibl. Amiens.)
En deuxième sens : « Bâton de buis » avec un exemple.

Ce résultat est cohérent avec les diverses orthographes : Boisset, Bouysset et Bouchet.
Mon idée est que Bouchet n’est pas un nom de lieu-dit mais une référence, soit à une particularité de la chapelle, soit à une statue ou une représentation religieuse avec un personnage tenant un bâton de buis. Je préfère cette deuxième interprétation. Il s’agissait peut-être d’une statue de la vierge qui était très adorée au moyen-âge.

Hôpital de Geyx
Département: Hautes-Pyrénées, Arrondissement: Bagnères-de-Bigorre, Canton: Campan - 65

Commanderie de Geyx
Commanderie de Geyx

Geyx, appelé ici Gaichet était autrefois le chef-lieu d’une Commanderie de Malte
Je vous livre l’étude de M. De Froidou, et les notes de M P de Casteran. Je dois cette recherche à l’aimable collaboration de M. Paul P., qui possède une maison dans ce secteur et a fait des recherches historiques approfondies personnelles sur les lieux où il y avait des possessions templières et hospitalières.
J’ajouterais à la fin de cette étude l’étude de la Revue de Comminges Pyrénées centrales, elle est aussi intéressante pour localiser certaines possessions des Ordres.

Hôpital Notre-Dame du Bouchet, Hôpital de Geyx, membre de la commanderie de Bordères
Extrait de l’inventaire des titres du Bouchet
Inventaire des titres de Bouchet en geyx en Aure Membre dépendant de la commanderie de Bordères

— Premièrement un acte de déllaissement fait en papier de lettre fort ancienne sans signature du lieu de Geyx en faveur du commandeur dudit Geyx fait par les habitants dudit lieu coté par... Etc...

— Plus en contract de vente du 3 may 1300 detenu par Jean de Cazanance ou de la Ville Aure, faite par Guillaume manent damoiseau avec Blanche sa femme, une pièce de terre dans le dimaire de Sainte Marie en faveur de monsieur Le Commandeur de Geys Frere Pierre de Garge Commandeur de l’Hôpital de la Vierge Marie de Bouchet pour la somme de Cinq soles Tolosan... etc...

Lettres de M. De Froidour
Enfin, mon cher compère, voilà une relation assez ample de tout ce que j’ai vu et de tout ce que j’ai fait à Bannières-de-Bigorre en dix jours de temps. Si elle n’est pas bien écrite, au moins est-elle bien longue et bien véritable. J’en suis party le premier jour d’octobre avec tout mon monde et me suis rendu environ les neuf heures du matin à Campan où je n’ai pas été plutôt descendu au logis du sieur de la Font médecin et premier consul, que tous les autres en nombre de cinq avec les officiers de la communauté et trente des plus notables habitants sont venus me saluer.
Campan est le lieu si renommé dans ces provinces pour le bon beur et pour la grande quantité qu’il en fournit et, qui se distribue partout. Les consuls m’ayant fait préparer à déjeuner, je mangeai pour la première fois aux dépens d’une communauté plutôt par curiosité et pour manger sur les lieux de ce beur qu’on dit être si excellent que par nécessité, parce que j’avais déjeuné à Bagnieres avant que d’en partir. Mais, je trouvai de si beau et de si bon poisson et si bien apprêté, je trouvé aussi le vin blanc et clairet si bon et si bien rafraichi, qu’au lieu d’un simple déjeuner je fis un très bon diner. Je n’oubliai pas de manger du beurre qui est en vérité excellent et égal à celui de notre pays.

Je visitai ensuite toute la vallée et particulièrement les bois qui en dépendent; et comme j’étais accompagné des consuls et des plus notables habitants du lieu, je ne manquai point de m’informer de tout ce qu’on m’avait dit de cette vallée, de ses habitants et de leurs moeurs pour pouvoir vous faire une relation juste de tout ce que j’avais vu et de tout ce que j’aurais appris.

Elle est dans la comté de Bigorre à la tête de celle de Bannières, mais beaucoup plus serrée et plus étroite particulièrement par bas; elle aboutit du côté de la main droite au ruisseau de Rivière (1) qui se jette dans l’Adour, et d’autre côté au-dessus du lieu d’Astay; elle s’élargit à la tête où elle a trois différents vallons dans chacun desquels il y a un ruisseau qui viennent se joindre proche une chapelle appelée la chapelle Sainte-Marie et forment la rivière de l’Adour qui arrose la vallée. L’un de ces ruisseaux (2) qui est à gauche, descend des montagnes qui sont communes avec la vallée d’Aure et passe dans le vallon où est le hameau de Gaichet. Celui qui est au milieu, appelé Tourmalet (3), vient du côté de Baretge, lieu fort élevé et fort misérable couvert de neige huit à dix mois de l’année, mais fort recommandable par l’excellent bien qu’il y a et arrose le vallon où est le hameau de Grippe. Et le dernier, appelle d’Arises (4), vient des montagnes de Bannières et traverse un petit vallon où il y a quelques maisons dispersées.

Le bourg est au-dessous de la jonction de ces trois ruisseaux, bâti de même que Bannières et presque aussi grand. Il y a une paroisse beaucoup plus grande et plus belle et ce qu’il y a de plus est que depuis le bourg en remontant le long d’un fort beau chemin jusques aux hameaux de Gaichet et Grippe sur les coteaux; il y a à droite et à gauche pour le moins deux cent tant granges que maisons qui en dépendent et de manière que cette communauté contient plus de huit cens feux (4). Et pour la commodité des habitants qui sont dans les lieux les plus écartés il y a plusieurs chapelles (5) où tous les dimanches et fêtes on célèbre le service divin. J’ai remarqué dans le bourg que presque chaque maison a une petite jalousie pour regarder dans la rue sans être vu et Panebeuf m’a dit que cela tenait un peu de l’Espagne, peut-être à cause du voisinage, mais je vous assure que les gens de cette contrée n’ont que cela de commun avec les Espagnols comme vous le verrez dans la suite.

A droite et à gauche et à l’extrémité de la vallée, sont de grandes et hautes montagnes; celles qui sont exposées au midi sont sèches et arides et la plupart des rochers tous nus parmi lesquels il y a quelques buis. Celles qui ont d’autres aspects et même quelques petits coteaux ou pour mieux dire quelques petits plis et replis que font les montagnes qui ont le regard du midi sont ou plantés en bois ou réduit en pré ou pâturages. Tout le vallon, étroit comme je vous l’ai dit et étant occupé par le bourg et par un grand nombre de maisons et granges écartées, ne peut pas suffit pour la nourriture d’une cinquantaines de bêtes; mais les coteaux et les montagnes sont si vastes et produisent une si grande quantité de pâturages que je crois qu’il y en a suffisamment pour deux mil bêtes à cornes et trois fois autant de menu bétail, je crains encore de ne pas vous en dire assez pour en juger.

Figurez-vous que cette vallée contient au moins huit cens feux, qu’il ne s’y dépouille pas un grain de blé, pas un grain de raisin, ni fruit quelconques que toute la richesse ne consiste qu’en bestiaux (6) et qu’il n’y a d’autre commerce que celui du bétail et de la vente du beurre et du fromage; que le commerce s’en fait dans le lieu même où les marchands et pourvoyeurs viennent faire leurs achats, sans qu’aucun habitant de la vallée s’entremette d’en transporter et d’en aller vendre en quelque lieu que ce soit; que tout le monde y est riche et qu’il n’y a personne si misérable qui n’ait, un cheval que le peuple de l’un et de l’autre sexe y est propre et change souvent, d’habits, vendent ordinairement les vieux aux pays des lieux circonvoisins pour en avoir de nouveaux, de manière que jamais on n’y voit de haillons; qu’on y mange de très bon pain et qu’on y boit le meilleur vin du royaume. Et figurez-vous après tout cela que les prairies seules donnent toutes ces commodités et toutes ces richesses. Vous croyez peut être qu’il faut qu’il ait sur ces montagnes de grandes plaines où soient toutes ces prairies parce que comme dans tous les pays que nous connaissons les prairies sont dans les vallons et dans les plaines qui accompagnent les cours des rivières, nous nous imaginons facilement qu’il faut qu’il en soit de même partout ailleurs; mais en cette vallée, les prairies sont sur les coteaux et la plus part en des précipices qui vous paraitraient inaccessibles si vous les voyiez. Mais les gens de ces contrées qui sont élevés dans les montagnes vont partout où les chèvres peuvent aller et avec la même facilité. Et comme ces montagnes sont pleines de sources et de ruisseaux jusques aux extrémités ils font mil petits canaux le long des coteaux par le moyen desquels les arrosant, et les tenants toujours humides ils les rendent si fertiles et si abondants en herbes qu’ils surpassent les meilleurs prés que vous ayez vus jusques ici.

Il y a aussi très grande quantité de bois qui sont dispersez en divers triaiges, la plus grande partie de hêtre et quelques-uns de hêtre mêlé de sapin d’autres mêlé de coudre, aulne, tilleul et autres bois blancs et peu de chênes, mais le tout en mauvais état le bon ménagement des bois n’ayant jamais été connu ni entendu en ces provinces. Toutes les roches qui sont en ces montagnes sont de marbre. Dans le temps même de mon passage j’en vis 15 on 16 grandes colonnes qu’on voiturait pour les bâtiments du Louvre (7). Il y en avait qui tiraient du bleu au vert, et d’autres du vert au gris et d’autres qui étaient jaspées, et je vis même la carrière (8) d’où on les tirait à l’extrémité de la vallée au-dessus de Gaichet (9).
Signé: De Froidour. P De Casteran
Revue de Gascogne: bulletin mensuel du Comité d’histoire et d’archéologie de la province ecclésiastique d’Auch, 1899. Source Numérique Bnf

Notes. Commanderie de Geyx
1. — L’Adour de Lespone qui se jette dans l’Adour au hameau de la Rivière.
2. — L’Adour de Pailhole ou de la Séoube; il nait au pic d’Arbizon, traverse les Artigues de Geyx et Saint-Jean-de-Paillole. Geyx, appelé ici Gaichet était autrefois le chef-lieu d’une Commanderie de Malte, comme, on le verra plus bas.
3. — L’Adour de Grippe.
4. — L’Adour de Rimoula ou d’Arize nait dans une gorge voisine des cabanes de Tramezajgues au-dessous du Pic du Midi. D’après une légende, le vieil Arize serait enseveli dans ce quartier sous un rocher qu’il suffit de heurter en passant pour causer une tempête effroyable.
5. — Sur son emplacement, appartenant encore aujourd’hui aux Quatre Veziaux d’Aure (Guchen, Ancizan, Cadeac, Grézian), est située l’hôtellerie portant le nom significatif de Saint-Jean.
Au sud de Pailholle, on lit sur la carte de l’Elat-Major : Artigous-Gez. Cet endroit, inhabitable une grande partie de l’année, est situé près de vastes pâturages et des célèbres carrières de marbre d’Espiadet. Les Hospitaliers de Saint-Jean pourvoyaient de secours spirituels et matériels les patres et les ouvriers qui s’y trouvaient en grand nombre pendant la belle saison.
Ce point mettait en communication les vallées d’Aure, de Campan et de Barèges. Il était aussi fréquenté par les voyageurs qui allaient de Bigorre en Espagne par Aragnouet et le port de Bielsa.
La chapelle et l’hôpital de la Vierge Marie du Bouchet étaient sous la dépendance de Geyx et lui correspondaient sur le versant opposé dans la vallée d’Aure.
Geyx avait le titre de Commanderie, antérieurement à 1300. A cette époque, en effet, les habitants de Gerde et d’Asté, conjointement avec leurs seigneurs de la maison vicomtale d’Asté, confirmèrent en faveur de Frère Sole de Guchen, commandeur de Geyx, la vente faite à ses prédécesseurs du lieu d’Estingles appelé plus tard la Laurence.
Le 3 mai 1300, Guillaume Manent, donzel, et Blanche sa femme vendirent une pièce de terre, située sur le décimaire de Sainte-Marie, à Frère Pierre de Guchen, précepteur de l’hôpital de Saint-Jean-de-Geyx et à l’hôpital de la Vierge Marie de Boxet (Bouchet).
Geyx existait encore le 6 mars 1447. A cette époque Pierre de Prunet, précepteur de Bordères, donna à bail: « Medietatem illius sarre vulgo nomine nuncupate la Sarra de l’Espitau de Sent Johan de Gees situate in montaneis et pertinentiis vallis Aure. »
Les deux hôpitaux de Geyx et Boxet, ou Bouchet, furent abandonnés vers la fin du XVe siècle. Un procès, plaidé de 1558 à 1563, montre qu’à cette époque ils sont depuis longtemps transformés en simples fermes.
Arnaud Figue, tenancier de l’ordre, put alors faire entendre au Roy qu’il était le fondateur de cette Hospitalette et qu’elle était vacante; il en obtint même l’institution, mais fut débouté sur l’opposition de frère de Doulcel, commandeur de Bordères.
Jean Sangros, son successeur, eut les mêmes prétentions en alléguant que ces doux hôpitaux avaient été fondés par les habitants et les notables de la vallée d’Aure, qui les avaient dotés de toutes choses pour nourrir et entretenir les pauvres et même les enfants orphelins. Relevons les passages où il est dit que: « Geys est sur le chemin de Bigorre ez montagnes » et que « De tout temps oxistoit la chapelle de N.-D. du Bouchet où il y avoit des prêtres pour l’office divin, on y recevoit les orphelins et autres passants. Le logis et les édifices sont tombés en ruynes par la négligence des précédents administrateurs qui ont usurpé ledit Hôtel-Dieu. »
Frère de Montauban, successeur de Doulcet et subrogé à son instance, après avoir démontré que Sangros ne pensait qu’à son intérêt privé, opposa la donation laite par les seigneurs d’Asté.
Le nouveau Commandeur de Bordères ajoutait: « S’il faut une Réformation à Boixet et Geys on y avisera. » « Les revenus de la Commanderie servent à défendre par mer et par terre contre les armées du Turc qui marche contre la terre sainte, le sieur Montauban y emploiera sa personne et son bien. »
Sangros fut débouté de ses prétentions sur l’Hospitalette à l’audience du Grand Conseil, à Pontoise, le 18 mai 1563 (3e du règne).
Après la destruction de Geyx, l’hôpital du Bouchet continua à jouir du pré sur lequel il s’élevait, mais le quartier de la Laurence ou d’Estingles fut attribué au Prieuré de Saint-Jean de Bagnères. (Archives de la Haute-Garonne, fonds de Malte, Bouchet et Geyx, au dos est écrit: Port d’Estingles.)
6. — Dans son Mémoire du pays et des Etats de Bigorre, page 32, de l’édition Bourdette, M. de Froidour indique les procédés usités dans ce pays pour le nourrissage des bestiaux.
7. — Les marbres de Campan allaient sur des charriots à Sarrancolin et de là sur des radeaux à Toulouse, où des bateaux plats les transportaient à Bordeaux. Dans ce port ils étaient embarqués pour Rouen et remontaient ensuite la Seine jusqu’à Paris. L’Administration du Garde-Meuble les recevait au Cours-la-Reine.
8. — La carrière d’Espiadet a fourni les huit colonnes ioniques qui décorent le péristyle du château de Trianon, 22 colonnes au palais royal de Berlin et huit colonnes à l’opéra de Paris.
9. — Le hameau de Geyx dont il a été question plus haut.

Sources : Revue de Gascogne: bulletin mensuel du Comité d’histoire et d’archéologie de la province ecclésiastique d’Auch, 1899. Source Numérique Bnf

II. La Montagne des quatre Veziaux
1° — Situation et limites: Au Nord de la muraille, pic d’Arbizon (2831 m), Montfaucon, Pic d’Aulon (2796 m), s’étend une vaste étendue de pâturages (2710 ha) et de forêts (525 ha) qui, sur 6 kilomètres, descend du Plagnot de Soubiran (1 694 m) jusqu’à l’Adour de Payolle (1 110 m) a la limite de la commune de Campan (1). C’est un large plateau mamelonné où les torrents d’Artigousse, Camoudiet et de Gaube ont creusé leur lit dans une masse de terrains carbonifères traversés par deux bandes parallèles d’étage dévonien. Elle est limitée à l’Est par la crête aboutissant au Col d’Aspin et la séparant de la vallée d’Aure et à l’Ouest par la crête Montarrouy, Marianette qui surplombe le cirque de Caderolles ; et plus bas par le ruisseau de Gaube affiuent de l’Adour.

Cette montagne appartient à quatre communes de la vallée de la Neste : Ancizan, Cadéac, Grézian, Guchen : les Quatre Véziaux d’Aure (2).

2° — Une voie de passage : Cette montagne a constitué de tous temps une voie de passage. Le ruisseau le plus central qui le traverse porte le nom d’Artigue de Gez, à l’Ouest de son confluent avec l’Adour de Payolle, la carte d’E. M. (3) signale Pelouse-Saint-Jean, Camp Bataillé ; trois points de repère dans l’histoire de ces lieux au premier millénaire.

Le camp rappelle la résistance que les Bigérionni ont opposé aux troupes romaines envahissant l’Aquitaine (4). Sur la pelouse où s’élève actuellement l’Hôtel Saint-Jean, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, vers le XIIe siècle, avaient bâti une chapelle dépendant de l’Hôpital de l’Artigue-de-Geyx.

Les moines chevaliers pourvoyaient aux secours spirituels et matériels des voyageurs allant de Bigorre en vallée d’Aure et Aragon. Il est probable qu’on leur doit le défrichement des diverses artigues de la forêt (grange d’Artigueny dans le vallon de Gaube, granges d’Artigousse à la partie supérieure de la forêt) (5).

Nous sommes ici à la limite séparant le Comté de Bigorre de la vicomté de Labarthe. « Le ruisseau de Gaube qui, avec celui de l’Artigue de Gex forment l’Adour-de-Campan, servait de limites à la baronnie de Labarthe dans le pays des 4 vallées » (6)

A la limite supérieure de la montagne deux hourquettes (hourquette d’Arreau (ou de Cadéac) et la hourquette d’Ancizan (1 564 m) ouvrent la descente dans la vallée d’Aure (7), mettant en communication la vallée de l’Adour et de la Neste. Au centre du triangle Ancizan, Guchen, Grézian, la chapelle N.-D. du Bouchet (9) a été récemment reconstruite à l’emplacement d’une ancienne possession des Chevaliers de l’Ordre de Malte, les deux hôpitaux de Geyx et du Bouchet furent abandonnés à la fin du XVe siècle, ils jalonnaient une bretelle des voies de Compostelle suivie dès le XIIIe par les pèlerins de Bigorre, gagnant soit l’Hospice du Rioumajou et le Port du Plan, soit l’Hôpital Saint-Jean de la Combe (Aragnouet) et les ports de Bielsa ou du Port-Vieux (10).

Au XVIe siècle, le commerce des laines et moutons et mulets étant très florissant, les transactions entre marchands d’Aure, Bigorre et Aragon se faisaient par la montagne des Quatre Véziaux, la route de la Neste par Labarthe et Sarrancolin étant plus longue, le Col d’Aspin, alors hourquette de Pouycau, ne fut carrossable que vers le milieu du XIXe siècle.

Le 1er octobre 1668, M. Louis de Froidour, grand maître des Eaux et Forêts de la maîtrise du Languedoc, chargé d’enquêter sur les forêts de Bigorre et des Vallées des Nestes, suivit le chemin des Quatre Véziaux pour descendre sur Arreau (11).

Cent vingt ans après, Louis Ramond de Carbonnières prenait le même chemin pour se rendre à Luchon.

3° — La possession de la montagne : Pendant des siècles, gens de Campan et d’Aure se disputèrent cette montagne aux grasses prairies, aux pâturages abondants et aux forêts épaisses, ce n’étaient que vols (pignores), discussions, bagarres parfois mortelles. Pour y mettre fin, on décida qu’un duel fixerait la possession de la montagne.

Voici comment le Dr Sarramon (12) narre l’événement, ou plutôt la légende : « La riche vallée de Campan nourrit de poulets pendant trois mois un hercule de la plaine que l’on appelait le dogue. Les croquants d’Aure durent se contenter de Fréchou, un berger de Lançon (13), haut de six pouces et sec. David et Goliath étaient mieux assortis. Si bien qu’en voyant cet avorton qu’on lui opposait, le champion de l’Adour, riant aux éclats, cria : « Ecrivez Campanois, la montagne est à nous ! »

« Les muscles du berger étaient du pur acier. Au premier choc le dogue s’effondra, les reins cassés. Alors une agonie atroce commença. Sans autre blessure, il était encore plein de vie. Fréchou lui lia les pieds et se mit à le traîner sur la pente. Le malheureux campanois fut ainsi traîné jusqu’à la Prade-Saint-Jean, un peu en amont de Payolle. Là, il expira. La borne y fut plantée. Voilà pourquoi les sapinières de Coumelade, de Terray d’Arrieutort et la Prade de-Saint-Jean, quoique en vallée de l’Adour, sont propriétés auroises. »

A côté de la légende, l’histoire nous précise l’acte d’inféodation du 2 mai 1294. « Brunissende de Labarthe épouse de Bertrand de Fumel fait donation de la montagne du Trasportaux quatre villages aurois qui se réfèrent à cet acte lors de toute contestation » (14) : « Vers la fin du XIIIe siècle, noble dame Comtesse Brunissende, notre légitime suzeraine, fit à la ville d’Ancizan conjointement avec les communes de Cadéac, Guchen, et Grézian, que le titre appelle les Véziaux d’Aure, donation de cette belle montagne du Transport et de la Forêt du Rieutort. »

4° — La montagne du Trasport : Louis Ramond de Carbonnières, secrétaire du Cardinal du Rohan, découvre les Pyrénées depuis le Pic du Midi. Arrivé à Barèges fin juillet 1787, il part de Barèges le 16 août pour aller à Luchon. Il passe le Tourmalet, gravit depuis Gripp les collines au-dessus de Sainte-Marie de Campan, gravit les Quatre Véziaux jusqu’à la Hourquette d’Arreau d’où il descend sur la vallée de la Neste. Dans son ouvrage « Observation des Pyrénées » il note (15) : « ....Les campanois appellent ce lieu montagne du Trasport, montagne d’au-delà du Port, et en effet elle est au versant de Campan à qui elle appartient de par la nature. C’est un des plus beaux pâturages de la contrée, pas une pierre, pas un escarpement....

5° — L’Hôtellerie de la Prade-Saint-Jean : L’hospice de Saint-Jean de Jérusalem à Payole (Payolle 65440 Ancizan) étant abandonnée par la Commanderie de Gex, une hôtellerie a été reconstruite au début du XIXe siècle ; elle est affermée par le Syndic des Quatre Véziaux. « Créé dans un lieu désert, cet établissement est le refuge obligé de nombreux voyageurs qui en toute saison descendent ou remontent la Vallée de Campan ; il doit leur offrir avant tout une sécurité entière et pour cela être dirigé par un homme d’une probité éprouvé. »
Revue de Comminges Pyrénées centrales, bulletin de la Société des études du Comminges, tome XCVI, année 1983. Sources numériques Bnf

Notes. La Montagne des quatre Veziaux
1. — Campan, dans la vallée de l’Adour, est une des communes les plus étendues des Hautes-Pyrénées 9 318 ha ; elle comprend trois sections : le Bourg, Mainte-Marie de Campan (avec Gripp) et la Séoube (avec Payolle).
2. — Et Béziau, en patois = voisinage, le bourg où réunions de voisins. - Et prat béziau (ou bédiau) = le pré commun. Et bézis eras bézies = les voisins et les voisines.
3. — Carte Campan 50 000e.
4. — René Escoula, Glanes Bigourdanes, p. 30, Didier Privât, 1930.
5. — Courtaou de l’Artigou, Sarrat d’Artigou.
6. — La Bliottière et Roussel, Légende de tous les ports, cols et passages des Monts Pyrénées, pp. 81, 1716. La maison de Labarthe avait succédé en 1265 aux comtes d’Aure. Il s’agit de Labarthe de Neste,
7. — Les ports sont des passages sur la frontière, les cols des passages d’une vallée à l’autre, la hourquette, petite fourche plus étroite que le col. Mais ces appellations souffrent des exceptions : un port (celui de Peyrefitte) n’est en réalité qu’un col, le col du Somport est un port. Le commentaire de la carte de Roussel indique : Port de la Hourquette.
7 bis. Froidour en 1667 et Ramond en 1787 sont passés par la Hourquette d’Arréou.
8. — En 1305 et 1640 des actes de vente sont passés au nom de N.-D. du Bouysset (Bouchet) qui relève au XVIIe siècle de la Commanderie de Borderes-sur-l’Echez.
9. — Archives de la Haute-Garonne, fonds de Malte Geys et Bouchet.
10. — Dr Sarramon : Hospices et Hôpitaux dans les Quatre Vallées et le Louron ; Pierre Billon, Eglises et Chemins de Saint-Jacques-en-Aure (R.C., 1977, p. 34).
11. — A. Péré : Forêts et chemins du Pays des Nestes, R. C. 1982, p. 428.
12. — Dr Sarramon : Les Quatre Vallées, p. 391.

13. — Lançon. village d’Aure, sur un replat de la rive droite en face Cadéac (aIt. 1500 m). La légende transmise oralement dans les villages du pays des Nestes est citée par maints ouvrages dont celui de Pierre Minvielle, Pyrénées (1981). Mais c’est en vain que l’on cherche une trace écrite de l’époque approximative du duel.
14. — En 1235, Arnaud Guilhem de Labarthe épousa la fille héritière de Bernard, Comte d’Aure et la maison de Labarthe (de Neste) devint suzeraine de la vallée d’Aure. Brunissende était petite fille d’Arnaud Guilhem de Labarthe. - Une délibération de la commune d’Ancizan, en date du 12 février 1865, fait état de cette donation.
15. — A. Péré: Ramond Dralet les Pyrénées, B.S.A.G., 2 tr. 1982.

Revue de Comminges Pyrénées centrales, bulletin de la Société des études du Comminges, tome XCVI, année 1983. Sources numériques Bnf

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