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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Commanderie de Devesset

Commanderie de Devesset

Les ordres militaires, dans le sud-est de la France, bénéficient d'un grand intérêt depuis plusieurs années. Parmi eux, l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem et l'ordre du Temple (1) font l'objet de nombreuses publications (2) en raison de la densité de leurs établissements. Le Vivarais, province épousant l'actuel département de l'Ardèche, n'est pas une région dans laquelle les Templiers et les Hospitaliers se sont fortement implantés. Toutefois, c'est dans le Bas-Vivarais que se concentre le plus grand nombre de commanderies créées par les ordres (3). Quant au Haut-Vivarais, une unique maison hospitalière, dont la commanderie-chef était Devesset (4), se constitua sur son territoire. Le bailliage (>5) de Devesset s'étendait jusque dans les diocèses du Puy et de Viviers, dans lesquels il possédait principalement des granges, mais les nombreux membres et annexes qui lui étaient rattachés étaient surtout installés dans l'actuel département de la Loire. La commanderie de Devesset possédait deux membres en Ardèche : Sainte-Epine de Tournon (6) et Saint-Georges d'Annonay (7).

Tandis que les commanderies du Bas-Vivarais font l'objet de nombreuses recherches depuis quelques années (8), les établissements situés dans le nord de la région n'ont, jusqu'à présent, pas suscité semblable intérêt, se trouvant simplement évoqués dans de courtes citations locales (9). Cette constatation résulte de deux faits. Le premier tient à l'insuffisance des documents d'archives pour le Haut-Vivarais. Le second concerne l'absence totale de vestiges toujours pour la même zone géographique, le Bas-Vivarais étant mieux fourni sur ce point. Pour ces raisons, notre attention s'est portée sur le Haut-Vivarais, plus précisément sur Sainte-Épine de Tournon et Saint-Georges d'Annonay (Devesset ayant été étudié par P. Paya (10). Dans le contexte d'un travail universitaire (11), nous avons débuté une étude monumentale de l'architecture religieuse des ordres militaires. Les sites ont été recensés à partir de l'ouvrage de René Lacour (12), ancien archiviste en chef des Archives départementales du Rhône. En outre, leur localisation a été établie à l'aide des indications relevées dans les procès-verbaux de visites modernes (13), dans lesquels les agglomérations proches sont souvent citées, ainsi que les lieux-dits ou encore les noms de bourgs. L'absence de données monumentales nous a conduit à reconsidérer l'importance que l'on doit accorder aux sources. En effet, si le rôle de ces documents est bien défini lorsqu'ils complètent les données relevées sur un édifice en place, l'apport des archives semble tout autre lorsqu'il ne subsiste aucun vestige. Dans le cadre d'une démarche d'archéologie du bâti, il s'agit de déterminer les apports et les limites des données recueillies pour une meilleure connaissance de l'édifice disparu. L'analyse de ces documents permettant de proposer une restitution relative du bâtiment.

Les chartes et les procès-verbaux de visites constituent les deux types de documents d'archives présentant un intérêt direct pour notre étude.

Les chartes, sources les plus anciennes, contiennent les premières mentions d'un édifice. Celles-ci, lorsqu'elles sont antérieures à 1312 (14), sont susceptibles de donner des indications quant à l'attribution d'un bâtiment aux Templiers ou aux Hospitaliers. Ces documents qui sanctionnent des donations et des transactions, permettent de suivre l'implantation des ordres au sein d'une région. En outre, des informations concernant l'architecture peuvent être puisées dans ces chartes, comme une porte d'église devant laquelle est établi l'acte. Enfin, les chartes apportent parfois des renseignements relatifs au domaine funéraire lorsqu'il est fait mention, par exemple, d'un cimetière ou d'un tombeau dans la chapelle et d'une personne désirant y être ensevelie.

Les procès-verbaux de visites sont des documents tardifs mais ils constituent les sources les plus fournies pour notre étude. Datés pour les plus anciens du début du XVIIe siècle, ils étaient dressés par des commandeurs, délégués par les prieurs. Ces derniers avaient en charge de vérifier le bon entretien des bâtiments ainsi que celui du domaine. Ces visites consignent de précieuses données architecturales, transcrivant l'évolution morphologique de l'édifice. Ses différentes parties sont observées et décrites le plus souvent par le matériau qui les compose. Le choeur et l'autel sont toujours examinés avant la nef et les chapelles annexes, lorsqu'il en existe, car ils font suite à une cérémonie religieuse obligatoire avant chaque visite. C'est également la raison pour laquelle la chapelle est inspectée avant le château et les bâtiments annexes. On décrit le couvrement (charpente ou voûte), le dallage, la couverture, les portes et le clocher de la chapelle, et quelques indications sont parfois données quant à son appareil et ses enduits. D'autres éléments associés à l'architecture, car liés à elle, sont parfois signalés, comme une clôture séparant le chœur de la nef, ou encore un tombeau maçonné dans le mur.

Si la synthèse de ces sources permet une restitution partielle de l'édifice, il convient de toujours garder à l'esprit la période durant laquelle ces documents ont été rédigés.

Notes

1 — Il s'agit des Templiers et des Hospitaliers. L'ordre du Temple est né vers 1120 en Terre Sainte afin d'assurer la protection des pèlerins. Sa vocation première est militaire, mêlée à une démarche religieuse. L'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, né également en Orient, vers 1099, est érigé en ordre hospitalier indépendant par Pascal II en 1113. Il a avant tout un rôle caritatif auquel s'ajoute une activité militaire dans les années 1130-1136.
2 — Citons parmi les nombreux écrits : Damien Carraz, « Une commanderie templière et sa chapelle en Avignon : du Temple aux chevaliers de Malte », Bulletin Monumental, 1996, tome 154 ; N. Coulet, « Les ordres militaires, la vie rurale et le peuplement dans le sud-est de la France au Moyen Age » dans Les ordres militaires, la vie. rurale et le peuplement en Europe occidentale, XII-XVIII siècles, Auch, Flaran 6, 1984, pages 37-60 ; A. Hartmann-Virnich, « Aix-en-Provence, église Saint-Jean-de-Malte : approches d'un premier chantier du gothique rayonnant de Provence », Bulletin Monumental, 1996, tome 154, pages 345-350.
3 — Citons les deux maisons principales, Jalès et Trignan. La commanderie de Jalès (commune de Berrias) appartenait aux Templiers tandis que celle de Trignan était possession hospitalière. Après l'abolition de l'ordre du Temple en 1312, Jalès fut rattachée à Trignan et cet ensemble conserva le nom de Jalès.
4 — Arrondissement de Tournon, canton de Saint-Agrève.
5 — Le bailliage ou baillie était l'ensemble des établissements relevant d'une même commanderie et portant le nom de la maison principale.
6 — Arrondissement et canton de Tournon, commune de Saint-Jean-de-Muzols.
7 — Arrondissement de Tournon, canton et commune d'Annonay.
8 — D. Le Blévec, « La seigneurie de Jalès », Revue du Vivarais, 1987, tome XCI, pp. 37-51. R. Saint-Jean, « La commanderie de Jalès : les bâtiments, XIIe-XVIIIe siècles », Revue du Vivarais, 1987, tome XCI, pp. 53-80. D. Le Blévec, « Les hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem en bas-Vivarais : la commanderie de Trignan, XIIe-XIIIe siècles », Religion et société en Ardèche et dans l'ancien pays de Vivarais, Privas, Mémoires d'Ardèche, Temps présent, actes du 2e colloque, 1985, pp. 18-39.
9 — Parmi eux citons : Filhol (abbé), Histoire religieuse et civile d'Annonay et du haut-Vivarais, Annonay, 1880-82, tome 1, pp. 76-80. G. Peyron-Montagnon, Chronique de l'église Saint-Julien de Tournon et sa paroisse, 1300-1900, imprimé à Grange-lès-Valence, 1978.
10 — P. Paya, Documents historiques sur Devesset et sa commanderie, Aubenas, Haubazit, 1938.
11 — Etude réalisée pour un mémoire de maîtrise, au sein de l'université Lumière-Lyon II, en 1996-97. Il était question d'effectuer une étude archéologique d'élévation sur les bâtiments cultuels construits par les ordres militaires dans cette région, ceci afin de mener à une synthèse définissant le rôle et la place de ces ordres au sein du paysage architectural religieux roman.
12 — R. Lacour, Index alphabétique des noms de personnes et de lieux relevés dans l'inventaire du fonds de l'ordre de Malte (48H), Lyon, Archives départementales du Rhône, 1978, 386 p.
13 — Fonds de l'ordre de Malte (48H), conservé aux Archives départementales du Rhône (ADR) à Lyon.
14 — A partir de 1312, les biens du Temple furent donnés principalement aux Hospitaliers. Sans acte antérieur à cette date, il devient difficile d'attribuer un édifice à l'un ou à l'autre des deux ordres car les documents postérieurs n'en font généralement pas mention.

Sources : Florence Patrie — Revue du Vivarais, tome CII, n°4, octobre-décembre 1998 (fascicule 736)

 

Sainte-Epine de Tournon

Département: Ardèche, Arrondissement: Tournon-sur-Rhône, Canton: Tournon-sur-Rhône, commune: Saint-Jean-de-Muzols — 07

Sainte-Epine de Tournon

Les documents les plus anciens mentionnant la commanderie de Sainte-Epine ou Pont-de-Doux résident dans deux actes de 1298 (15). Le premier est un accord passé entre Pons de Fay, commandeur de la maison de Pont-de-Doux, et Aymar Payan, chevalier et seigneur de Mahun et de Seray, au sujet de la juridiction du territoire qui s'étend a rivulo de Combaroyales usque ad rivum de Furo. Le second relate un autre accord conclu entre Pons de Fay et noble Guy, seigneur de Tournon et d'Izerand. Le mandement, du château d'Izerand s'étend du mas et terroir de Royols, depuis le lieu-dit Comba Royholessa jusqu'au ruisseau de Furo. La juridiction appartient au seigneur de Tournon, excepté sur les frères et donats de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Les animaux de Pont-de-Doux pourront paître dans les pâturages du seigneur de Tournon tandis que celui-ci sera tenu de protéger la maison de Pont-de-Doux. La première mention de l'église qui nous soit parvenue est contenue dans un acte de 1329 (16), par lequel un prêtre séculier est institué pour célébrer, dans l'église de Pont-de-Doux, les messes fondées par Arnaud et Eustache de Fay, frères, et Arthaud d'Izerand, damoiseau.

La commanderie de Sainte-Epine de Tournon était composée d'un château, d'une grange et d'une chapelle « dans l'enclos du château. » Il convient de noter que cette commanderie avait reçu dans un premier temps le nom de Pont-de-Doux (venant d'un cours d'eau proche), usité jusqu'au début du XVIIe siècle. Le nom de Sainte-Epine semble apparaître dès la première moitié du XVe siècle (17). Un document de 1579 signale que le terroir de Sainte-Epine est récent, auparavant il était nommé « Malleterre (18). » Le nom de la commanderie a pu suivre cette évolution. Les deux noms sont utilisés conjointement durant une longue période de transition (19) : on voit la commanderie appelée successivement « Pont Sainct Epine lez Tournons » en 1547 (20), « Pont de Doux et Sainte Epine lez Tournons » en 1552 (21), ou encore « Pont de Doux lez Tournons dicte Ste-Epine » en 1583 (22).

Le plan de la chapelle de Sainte-Epine était formé d'un choeur prolongé à l'ouest par une nef unique, et ses dimensions, en 1616 (23), étaient de sept cannes de long sur trois et demi de large (24). Le vocable sous lequel elle était placée était en 1616 celui de Sainte-Epine, puis Saint-Jean-Baptiste, patron des Hospitaliers, en 1643. Un testament de 1381 (25) mentionne une église dédiée à Notre-Dame, située à Pont-de-Doux : Arnaud de Fay, chevalier, désire être enseveli dans le tombeau de ses ancêtres in ecclesia beate Marie de Ponte Dulcis propre Turnonem, en échange de quoi il effectue une série de dons, notamment à la maison de l'Hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem dudit lieu.

La chapelle, qualifiée de « grande » dans la visite de 1684, était voûtée, peut-être dans sa totalité (choeur et nef) car il n'est fait aucune mention de charpente. Elle prenait jour par trois fenêtres sans vitraux, l'une « ronde » (recevait-elle un arc en plein cintre ?) percée dans le mur gouttereau nord, la seconde en oeil-de-boeuf derrière l'autel du choeur et la troisième au-dessus de la porte du mur pignon ouest. Cette dernière fut condamnée entre 1616 et 1684. L'accès à l'intérieur de la chapelle s'effectuait par une porte unique ouverte dans le pignon occidental. Le vantail de celle-ci était, en 1684, en sapin et elle fermait par une serrure et des clefs. Le sol de l'édifice n'était « ni pavé, ni planché, ni carrelé », sa surface étant simplement terrassée en 1684. L'ordonnance qui suit cette visite insiste sur la nécessité de « faire carreler ou paver la chapelle. » Peu de données ont été consignées sur le bâti de l'église. On apprend simplement, en 1684, que les murs étaient blanchis, certainement à la chaux, et en 1726 elle se composait de « quelques pierres de taille. »

Le choeur et la nef étaient séparés en 1616 par des « barreaux de bois », mais cet élément n'est plus cité dans les visites suivantes. Ceci est peut-être à mettre en relation avec la visite de 1684, dans laquelle on signale que la chapelle « autre fois estoit paroisse et qu'elle aisté transferrée aud St Jean de Musol. » Cette tradition perdure jusqu'au procès-verbal de 1726 où l'on argumente en faveur de cet ancien statut paroissial en avançant les dimensions de l'édifice : « prouve par sa grandeur qu'elle était autrefois paroisse. » La séparation entre le choeur et la nef, décrite en 1616 évoque un jubé, destiné à séparer les religieux des laïcs. Toutefois, elle pouvait être également matérialisée par une table de communion, sorte de clôture basse séparant le choeur et la nef, où se donne le sacrement de la Communion.

L'extérieur de la chapelle ne fait pas l'objet de description détaillée. Le seul élément qui retienne l'attention des visiteurs est un clocher situé « au bout de la chapelle » ; aucune indication ne permet de savoir s'il était bâti du côté oriental ou occidental. Qualifié de « pinacle », en raison de sa forme pyramidale, il était composé de deux fenêtres, dans l'une desquelles était installée une cloche.

Le décor de l'édifice se résumait à quelques tableaux. En 1616, au-dessus du maître-autel (il existait un second autel dans la nef, contre un des murs gouttereaux), est accrochée une peinture « sur toile » représentant le Crucifix et le Mystère de la Passion. Un autre tableau est signalé, mais non localisé, figurant le Christ couronné d'épines. Ce second tableau existe encore lors de la visite de 1684, dans laquelle il est placé au-dessus du maître-autel.

Il convient de noter la présence d'un détail intéressant cité dans le procès-verbal de 1684. Un élément est décrit comme s'il s'agissait d'un enfeu (26) : proche de l'autel de la nef, « dans le gros du mur est enterré un vieu tombeau de pierre de taille, sur le millieu duquel sont entaillées les armes de nostre ordre, et de chaque costé celle de quelques commandeurs que nous n'avons pu reconnoistre. » Cette tombe a peut-être un lien avec celle mentionnée dans le testament d'Arnaud de Fay, en 1381, cité précédemment, et par lequel il souhaite être enterré dans le tombeau de ses ancêtres.

L'église de Sainte-Epine était autrefois importante si l'on en croit les multiples messes de fondations créées au cours du XIVe siècle et dont le souvenir s'est perdu par la suite. Les visites des XVIIe et XVIIIe siècles assurent qu'il n'y a jamais eu aucune fondation dans ce lieu. Après 1684, l'édifice entre dans une phase de déclin. En 1726, les visiteurs trouvent la chapelle « abandonnée depuis un temps immémorial. » Ils évoquent la visite précédente réalisée en 1700, dans laquelle il n'avait pas été jugé à propos de restaurer la chapelle, « ce serait une grande dépense et très inutile. » Seule la voûte est en partie conservée, « qui va bientôt tomber. » Ainsi « les visiteurs sont d'avis que le commandeur tire ce qu'il pourra des masures, tant du château que de la chapelle pour être employé aux réparations de la grange qui est en bas du château. Aussi bien, chacun peut piller les matériaux qui ne consistent plus qu'en quelques pierres de taille et autres. » Cet abandon concerne donc l'ensemble de la commanderie et, en 1789, on ne compte plus à Sainte-Epine qu'une grange, des vignes, des terres, un pigeonnier et les vestiges d'une ancienne chapelle « toute ruinée. »

Notes

15 — ADR, 48H 1782, pièces 6 et 7.
16 — ADR, 48H 1782, pièce 2.
17 — ADR, 48H 1778, pièce 14, 1543.
18 — ADR, 48H 1778, pièce 21.
19 — Ce fait a entraîné de multiples confusions. Léopold Niepce, notamment, évoque deux commanderies dans son ouvrage intitulé Le Grand Prieuré d'Auvergne. En outre, cette ambiguïté peut avoir été provoquée par un autre fait : en 1305, Guy, seigneur de Tournon, cède aux Hospitaliers ses droits de collation sur l'hôpital de Tournon contre une maison située dans la même ville. Il ne s'agit pas d'une commanderie mais bien d'un hôpital, considéré en somme comme un établissement annexe (ADR, 48H 1781, pièce 1).
20 — ADR, 48H 1778, pièce 17.
21 — ADR, 48H 1778, pièce 18.
22 — ADR, 48H 1778, pièce 22.
23 — Les procès-verbaux de visites que nous citerons tout au long de notre étude sont les suivants :
— 1616 : 48H 1819, pièce 2, f° 24 v° et pièce 3.
— 1643 : 48H 1819, pièce 6, f° 5 v° .
— 1658 : 48H 1819, pièce 8, f° 5.
— 1684 : 48H 151, ff° 260-273.
— 1726 : 48H 1819, pièce 11, P 2.
— 1789 : 48H 182, f° 62 r° .
24 — Si l'on considère qu'une canne équivaut à 1,80 m, les dimensions de la chapelle de Sainte-Epine étaient environ de douze à treize mètres de long sur six à sept mètres de large.
25 — ADR, 48H 1782, pièce 4.
26 — Un enfeu est une niche funéraire à fond plat, surmontée le plus souvent d'un arc et destinée à recevoir un tombeau. D'autres chapelles ayant appartenu aux ordres militaires ont reçu ce type de tombe, comme celle de la commanderie de Bellecombe (Isère). Elle présentait un enfeu inclus dans sa maçonnerie et orné sur sa partie inférieure de trois écus figurant des armes. Cf. étude réalisée par E. Rouger, Approche méthodologique et archéologique sur les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem en Dauphiné : l'exemple du bailliage de Bellecombe (Grand-Prieuré d'Auvergne), Lyon II, Mémoire de D.E.A., 1995, 73 p.

Sources : Florence Patrie — Revue du Vivarais, tome CII, n°4, octobre-décembre 1998 (fascicule 736)

 

Saint-Georges d'Annonay

Département: Ardèche, Arrondissement: Tournon-sur-Rhône, Chef-lieu de canton — 07

Saint-Georges d'Annonay

La commanderie de Saint-Georges d'Annonay constitue un exemple significatif illustrant les limites des archives. L'acte le plus ancien concernant Saint-Georges, conservé dans les archives du château des Boses-Solignac, est daté de 1293 (27). Par cet acte, Gautier du Mas, commandeur d'Annonay, aliène un jardin sis en cette ville avec l'assentiment de Pons de Fay, commandeur du Puy et de Devesset. Les ouvrages et articles locaux nourrissent quelques ambiguïtés quant à l'origine de cette commanderie. Poncer (28) est un des premiers à affirmer que la commanderie fut fondée en 1250 par Alphonse de Roussillon, fils de Guillaume, seigneur d'Annonay, à son retour de croisade. Mr. Poncer ne cite pas ses sources et cette affirmation est reprise plus tard par Mrs. Filhol et Chomel (29).

Mr. Poncer, ajoute qu'une autre commanderie, templière cette fois, fut créée par Guichard de La Tour d'Auvergne en 1213. Il évoque un acte de 1226 mentionnant des rentes qui appartenaient aux Templiers, ainsi qu'un second document de 1235, dans lequel la ville cède une maison au commandeur du Temple d'Annonay.

Mr. Chomel, quant à lui, avoue que la date de fondation de la commanderie hospitalière de Saint-Georges n'est pas connue avec précision, mais qu'un testament fut publié en 1271 sur « la place qui se trouve entre la maison des frères Mineurs et la maison de l'Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem. » Les références de ces documents n'étant pas précisées, il convient de rester prudent quant à l'utilisation de ces témoignages.

Les procès-verbaux de visites (30) de Saint-Georges d'Annonay font état très tôt de sa destruction prématurée. Ainsi en 1616, on apprend que la chapelle dédiée à saint Georges est « entièrement ruinée », démolie au cours de la guerre de Cent ans (31). Cette idée se transmet sans doute oralement car, en 1726, on évoque la tradition : « dans le pays, les Huguenots ont autrefois brûlé le château et la chapelle qui y était. » Cette tradition se perd au cours du temps car en 1789 on ne relève aucune mention de chapelle. A cette date, la commanderie ne consistait plus qu'en une petite maison (comportant une cuisine, une chambre et une cave), une petite écurie, des terres, des prés et un petit jardin clos de toutes parts. Deux portes étaient percées dans les murs de ce jardin, longeant le chemin de Saint-Georges.

Si les indices relatifs à l'architecture de l'édifice sont maigres, d'autres données apparaissent à travers ces documents. Sa condition de commanderie péri-urbaine est induite à travers les indications concernant sa situation géographique. Elle était située hors de la ville d'Annonay, dans le faubourg de Deûme, au terroir dit de Saint-Georges à proximité de nombreuses autres communautés religieuses. La volonté de ne pasreconstruire le bâtiment est peut-être à mettre en relation avec la densité du tissu religieux urbain à cet endroit ainsi que le nombre restreint de personnes vivant à la commanderie aux XVIIe et XVIIIe siècles. Son statut non paroissial a également pu contribuer à ce choix, le service paroissial étant assuré dans d'autres édifices proches.

Notes

27 — A. Chassaing, Cartulaire des Hospitaliers du Velay, Paris, Picard, 1888, chap. XVI, pp. LII-LIII.
28 — J.-A. Poncer, Mémoires historiques sur Annonay et le Haut-Vivarais, 1835, tome 1, 346 p.
29 — Abbé Filhol, Histoire religieuse et civile d'Annonay et du Haut-Vivarais, Annonay, 1880-82, tome 1, pp. 76-80. E. Chomel, Annonay pas à pas, pierre à pierre, Imprimerie du Vivarais, 1995, p. 41 et pp. 199-202.
30 — Les visites évoquées et qui concernent Saint-Georges-d'Annonay sont les suivantes :
— 1616 : 48H 1819, pièce 2, f° 21 v° .
— 1658 : 48H 1819, pièces, f° 5.
— 1684 : 48H 15l, ff° 257-260.
— 1726 : 48H 1819, pièce 11, f° 5.
— 1789 : 48H 182, ff° 59 r° 61.
31 — Poncer situe la destruction de l'édifice en 1574.

Sources : Florence Patrie — Revue du Vivarais, tome CII, n°4, octobre-décembre 1998 (fascicule 736)

 

Restitution

Lorsque les sources font défaut, cette restitution est limitée. Saint-Georges d'Annonay illustre parfaitement ce fait. Toutefois, la synthèse des documents d'archives permet de restituer la morphologie générale d'un édifice disparu, à une période donnée.

Ainsi, la commanderie de Sainte-Epine de Tournon possédait une chapelle simple dans son plan et de petites dimensions, ne pouvant accueillir qu'un nombre restreint de personnes. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, son élévation était modeste et dépouillée. Ses trois puis deux baies devaient offrir un éclairage suffisant. Elle comportait au minimum deux types d'appareils dont l'un était composé de moyens ou grands blocs. Son ornementation se résumait en quelques tableaux. Malgré sa condition modeste, cette petite chapelle semble avoir eu un rôle prépondérant au sein de la paroisse. Réservée à l'usage de l'ordre, cette chapelle, située dans l'enclos de la commanderie, a pu assurer le service paroissial à une certaine époque, comme le suggèrent les multiples allusions à la tradition. La présence d'un enfeu et, au XIVe siècle, les nombreuses messes fondées dans le lieu, témoignent de l'importance qui lui était accordée. L'insertion de l'ordre au sein de la communauté locale est confirmée par les tâches qui lui sont confiées, comme celle de la gestion de l'hôpital de Tournon. Le déclin de cette commanderie s'amorce dès la fin du XVIIe siècle, les bâtiments ne sont plus entretenus et tombent rapidement en ruines.

Il s'avère difficile de restituer la chapelle de Sainte-Epine dans le contexte architectural du rivage rhodanien dont elle fait partie. D'une part, en raison de la difficulté à établir son origine précisément, d'autre part car les données monumentales restent minces. Cependant, on peut se demander si l'aspect austère de l'édifice ressenti à travers les procès-verbaux résulte d'une volonté liée aux préoccupations d'une époque, ou s'il s'agit d'une retranscription de la réalité.

En outre, une autre question se pose. En effet, il s'agit de savoir si les descriptions transcrites dans les procès-verbaux correspondent à celles de l'édifice médiéval originel, toujours en place à cette période. Si l'on ne peut affirmer ce fait, il demeure difficile d'avancer le contraire car aucun document n'indique que le bâtiment eut à subir une quelconque reconstruction. Face à ce doute, il convient de rester prudent et de garder à l'esprit qu'il s'agit principalement de l'histoire d'une chapelle dans son état XVIIe.

Ce type de source fournit une base utile aux travaux archéologiques. En effet, bien que les indices sur le bâti, la mise en oeuvre des matériaux et les détails architecturaux restent minces dans certains cas, il s'avère possible de reconstituer la morphologie générale de l'édifice. De plus, ces documents sont parfois les seules sources rendant possibles la localisation d'un site, disparu ou non. Dans le cadre d'un recensement des édifices templiers et hospitaliers, comme dans le cadre d'une recherche sur l'architecture des ordres militaires, il est donc important de considérer tous les types de données.
Sources : Florence Patrie — Revue du Vivarais, tome CII, n°4, octobre-décembre 1998 (fascicule 736)

 

Bibliographie

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E. Rouger, Approche méthodologique et archéologique sur les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem en Dauphiné : l'exemple du bailliage de Bellecombe (Grand-Prieuré d'Auvergne), Lyon, Mémoire de D.E.A., 1975, 73 p.
R. Saint-Jean, J. Nougaret, Vivarais, Gévaudan romans, Paris, Zodiaque, 1991, 361p.

Sources : Florence Patrie — Revue du Vivarais, tome CII, n°4, octobre-décembre 1998 (fascicule 736)

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