Bastide-des-Jourdans (La Cavalerie)
Département: Vaucluse, Arrondissement: Apt, Canton: La Bastide-des-Jourdans - 84
Domus Hospitalis La Cavalerie
A une heure de marche, à l'est de la Bastide-des-Jourdans, à quelques pas en deçà d'un ravin qui fait la limite des départements de Vaucluse et des Basses-Alpes, au débouché des vallées bien exposées au midi, qui, au-dessous du village de Montfuron (1), descendent de la montagne du Luberon ; on voyait, il y a une cinquantaine d'années, autour d'une église romane dont les murs étaient bien conservés, les ruines d'un ancien couvent, connu dans la contrée sous le nom de La Cavalerie. C'était une ancienne Commanderie des Templiers.
1. Montfuron, « mons furum », montagne des voleurs. Est-ce pour expulser ces voleurs, que les Templiers seraient venus s'établir dans cette vallée ?
Cet Ordre de chevalerie fut fondé en 1118 par Hugues de Paganis, auquel se joignirent d'abord huit chevaliers. On leur donna le nom de Templiers, parce qu'ils habitaient, près du Temple de Salomon, une maison que Baudouin II, roi de Jérusalem, leur avait donnée.
L'œuvre qu'ils entreprenaient était de défendre la Terre Sainte contre les infidèles, et de protéger les nombreux pèlerins qui venaient la visiter. Ils s'y dévouèrent avec ardeur, et leur Ordre fut bientôt très florissant. Guillaume, archevêque de Tyr, écrivait à la fin du XII e siècle : « qu'il n'y avait lieu en la chrétienté, où les Templiers n'eussent des biens, et que leurs richesses étaient comparables à celles des rois. »
Ils avaient des maisons dans tous les pays chrétiens et surtout en France. Ils possédaient de grands biens dans la haute Provence, au Revest, à Vachères, à Reillanne, et dans le bailliage de Portais, à la Tour-d'Aigues, et surtout à la Bastide-des-Jourdans, où ils avaient les domaines de la Cavalerie et de Limaye. Une ordonnance royale de 1660, conservée aux archives de la commune de la Bastide-des-Jourdans, indique que les Templiers avaient, en 1273, là où s'est formé le village, une maison de campagne, bastida on provençal, qui fut appelée en latin Bastida Jordanorum, la Bastide des Chevaliers qui venaient de guerroyer sur les bords du Jourdain.
Etant devenus riches, les Templiers trouvèrent dans leur opulence la cause de leur décadence et de leur ruine. A la fin du XIII e siècle, de graves accusations par rapport à la foi et aux mœurs pesaient sur eux. Les Papes Grégoire IX et Nicolas IV manifestèrent l'intention de les réformer ou de les unir aux Hospitaliers.
Le jour même du couronnement de Clément V, à Lyon, 14 novembre 1305, Philippe le Bel, lui dénonça la conduite des Templiers, et lui demanda d'instruire leur procès ; il lui renouvela bientôt plusieurs fois sa demande.
Les Templiers, se voyant suspectés, réclamèrent eux-mêmes le jugement du Saint-Siège.
Comme le Pape ne se pressait pas, le roi de France, agissant comme défenseur de l'Eglise et de la foi catholique, mais n'étant pas sans besoin d'argent ni sans quelque convoitise des richesses des Templiers, fit arrêter et incarcérer le même jour, 13 octobre 1307, tous ceux qui résidaient dans son royaume; il fit saisir leurs biens et commencer leur procès; et il écrivit aux rois et aux princes, pour les engager à imiter son exemple.
Comme il s'agissait d'un Ordre religieux, qui avait des maisons dans toute la chrétienté et dépendait du Pape, Clément V se plaignit vivement au roi, et revendiqua le droit qu'il avait seul de procéder au jugement des Templiers.
Philippe le Bel interrompit ses poursuites, et le Pape craignant que les autres princes ne suivissent l'exemple et les invitations du roi de France, et voulant sauvegarder ses droits, adressa, le 22 novembre 1307, à tous les rois et princes chrétiens, la lettre Pastoralis prœeminentiœ, dans laquelle il leur demandait d'arrêter en son nom, et de tenir sous bonne garde tous les Templiers, qui étaient dans leurs royaumes et principautés, dont il se réservait le jugement; do saisir leurs biens et de les confier à des personnes fidèles, pour les garder au nom du Saint-Siège, qui se réservait d'en déterminer l'emploi.
Nostradamus, dans son Histoire de Provence, page 324, rapporte que Charles II le Boiteux, roi de Naples et comte de Provence et de Forcalquier, se trouvait à Marseille, lorsqu'il reçut la lettre du Pape, et qu'il ne tarda pas d'envoyer à tous les juges, viguiers et officiers de ses comtés de Provence et de Forcalquier, des lettres closes avec cette instruction : « Nous vous envoyons nos lettres closes, et Nous vous enjoignons, sur la peine de la confiscation de vos corps et de vos biens, de les garder très secrètement, sans en parler à personne et sans les ouvrir, jusqu'au XXIII du présent mois de Janvier. — A ce jour, je vous marque que, avant qu'il soit clair, voire plutôt en pleine nuit, vous les ouvrirez, pour, après lecture faite, mettre exactement leur contenu à exécution, ce même jour, sans aucune faute, Nous certifiant, par écrit de la main de l'un de vous, de ce que fait en aurez. »
« Donné à Marseille le XIIIe jour de janvier, sous notre petit scel. » Signé : Charles.
Les lettres closes parlaient ainsi : « Charles par la grâce de Dieu, roi de Naples et de Sicile, comte de Provence, de Forcalquier et terres adjacentes, à tous nos officiers salut.
« Suivant l'exprès Mandement de Notre Saint Père le Pape, à Nous secrètement envoyé, Nous vous commandons par ces présentes, si comme à chacun devons appartiendra, que, incontinent icelles reçues, sous peine de confiscation de corps et de biens, vous preniez et fassiez prendre et saisir au corps tous les Templiers de Notre Comté de Provence, Forcalquier et terres adjacentes, les mettiez ou fassiez mettre et traduire, avec bonnes et sûres gardes, à leurs despens, ès prisons les plus fortes et sûres que vous adviserez. Et néanmoins leurs biens, meubles et immeubles, debtes, noms, actions et droits quelconques, vous mettiez par description inventaire, députant bons et louables commissaires, pour iceux régir et gouverner, jusqu'à ce que autrement par Sa Sainteté ou par Nous en ait été ordonné ; tellement que de tout le contenu en notre présente commission, vous procédiez à l'exécution d'icelles, sans dissimulation aucune. »
« Donné à Marseille, le XIIIe janvier de l'an de grâce MCCCVIII. »
En vertu de ces patentes secrètes, tous les Templiers qui étaient dans le Comté de Provence et de Forcalquier furent saisis le 23 janvier 1308.
Il y a aux archives départementales des Bouches-du-Rhône: 1308 B. 151, les procès-verbaux de la saisie et de l'incarcération des Templiers de la Bastide-des-Jourdans.
Le 23 janvier 1308, Maître Martin Triboulet, bailli de Pertuis, Guillaume Gaufredi, juge du même lieu, le notaire Raymond de Cabrières, des hommes de loi Pierre Mayol et Guillaume Jacobi, des gens d'armes Fulcon de Tournafort, Jaufroy Cascanelli et Boniface de Reillanne, avec plusieurs autres personnes honorables et dignes de foi, se rendirent à Limaye (1), maison des Templiers à la Bastide-dos-Jourdans, et y trouvèrent quatre chevaliers : Raymond Lautaudi, Raymond Salvayre, Pierre Lautaudi et Ugo Atizalli.
1. Limaye était une maison de campagne et un petit village où se trouvait la Cavalerie.
En leur présence, Maître Triboulet fit l'inventaire de leur mobilier : « divers objets de sacristie et d'église, entre autres une grande croix qui renfermait une parcelle de la vraie croix... des arbalètes, des besaces, des tonneaux de vin vides on à moitié pleins » qui ne démentaient pas le dicton dès lors accrédité : boire comme un Templier.
L'inventaire énumère aussi « 20 chevaux, 14 bœufs arants, 20 autres bêtes bovines, 10 trenteniers et demi de bêtes à laine, et 50 chèvres... » Le bailli rendit une ordonnance, d'après laquelle quiconque avait reçu des Templiers de l'argent ou autre chose, en prêt ou en commende, devait le restituer à la Cour. Devant toutes les personnes présentes, il fit donner lecture de l'inventaire aux quatre chevaliers, et leur demanda à qui ils voulaient donner la garde de leur maison et de leur domaine. Ceux-ci, après avoir conféré entre eux, demandèrent de la confier à Bertrand Alphanti et Raymond Berbeger, leurs voisins qui connaissaient aussi bien qu'eux-mêmes leur maison et leurs biens.
Les quatre chevaliers saisis à Limaye, ainsi que Bernard Torrès, le seul chevalier qu'on trouva à la Tour d'Aigues, furent le même jour conduits à Pertuis, où ils furent incarcérés dans la forteresse royale. Maître Triboulet les remit entre les mains de Raymond Constantin et Pierre Ginesta, qui devaient les garder fidèlement, ne jamais les perdre de vue, et de ne pas les laisser dépasser la seconde porte et la barbacane.
Les Templiers ne restèrent pas longtemps à Pertuis. Maître Triboulet, ayant reçu du roi Charles l'ordre de les traduire à Aix, vint, le 9 février, régler le compte des dépenses faites par eux et leurs gardiens, depuis le 23 janvier. Elles se montèrent à 67 sols.
Les chevaliers demandèrent que, parmi les objets inventoriés, on leur rendit ceux qui leur étaient nécessaires ; et le bailli, qui avait bon cœur, pietate motus, leur fit restituer quatre chemises, quatre caleçons (femoralia) et trois chapeaux pour la pluie (capellos pluviales). Il paraît qu'alors les parapluies n'étaient pas encore inventés.
Ce même jour, Maître Triboulet conduisit les cinq Templiers à la maison du Temple à Aix, où il les remit au noble Seigneur Pierre Gantelme, viguier du roi de Provence.
D'après les ordres du Pape Clément V, le procès des Templiers fut commencé, les informations durèrent plus de trois ans, et la cause fut discutée et jugée au Concile de Vienne, qui s'ouvrit le 1 er octobre 1311. Le Pape, dans le Consistoire secret du 22 mars 1312, par sa bulle Vox in excelso, procédant non par manière de sentence définitive, mais par voie de provision et d'Ordonnance Apostolique, abolit l'Ordre des Templiers, le soumettant, avec l'approbation du saint Concile, à une prohibition perpétuelle (1). Il publia cette bulle, le 3 avril, dans la seconde session du Concile, à laquelle assista Philippe le Bel avec plusieurs Princes ; le 2 mai, par la bulle Ad providum, il attribua les biens des Templiers aux Hospitaliers de St-Jean, qui venaient de s'emparer de l'île de Rhodes, et qu'on appela ensuite chevaliers de Rhodes et chevaliers de Malte ; il conservait ainsi ces biens à leur première destination, à la défense de la Terre Sainte, à la lutte contre les infidèles ; enfin par la bulle Ad certitudinem, publiée le 6 mai, il se réservait le jugement du grand-maître des Templiers et des principaux dignitaires de l'Ordre, et il renvoyait les autres au jugement du Concile de leur province, voulant que la rigueur de la justice soit adoucie par la miséricorde (2), que ceux qui seront reconnus innocents soient honnêtement entretenus sur les revenus de l'Ordre, que ceux qui auront confessé leurs fautes soient traités avec indulgence, et que ceux qui auront persisté à nier leur culpabilité soient logés dans les maisons de l'Ordre, ou à ses dépens.
1. Non per modum deflnitivœ sententiæ, sed per modum provision et ordinationis Apostolicæ prœfatum Templi Ordinem tollimus. ac perpetuæ prohibition! subjicimus, sacro Concilio approbante.
2. Ut rigor justitiœ misericordia mitigaretur, et sustentationis Templariorum cura haberetur.
En définitive, dit Rohrbacher (Histoire de l'Eglise, livre LXXVII),la plupart des Templiers furent rendus à la liberté.
Un grand nombre d'entre eux entrèrent dans l'Ordre de St-Jean, et conservèrent les mêmes dignités qu'ils avaient dans celui du Temple. Ainsi Albert de Blacas, Prieur d'Aix, conserva, sa vie durant, la commanderie de St-Maurice, comme Prieur des Hospitaliers.
Bastide-des-Jourdans (La Cavalerie)
2° Les Chevaliers de Malte et les Seigneurs de La Bastide-des-Jourdans à la Cavalerie 1313-1706Dans le cours du XIIe siècle, les Hospitaliers, qui furent appelés Chevaliers de Malte, avaient reçu des comtes de Forcalquier la terre, château et bourg de Manosque, avec divers droits et possessions aux terroirs de Beauvezer, Grambois, Beaumont, Corbière, Sainte-Tulle, Dauphin, La Roque, Voulx et Montagut.
Lorsqu'ils eurent été mis en possession des biens des Templiers, la Commanderie de Manosque eut sous sa dépendance Limaye et la Cavalerie à la Bastide-des-Jourdans, les Iscles de la Durance, et le Bourguet à Reillanne. Elle était alors une des plus riches de l'Ordre, mais au XVIe et au XVIIe siècle, elle était devenue une des plus médiocres, elle avait aliéné une bonne partie de ses droits et de ses domaines, pour contribuer aux grandes dépenses que les Chevaliers étaient obligés de faire, dans leur lutte contre les infidèles.
Le Visiteur du bailliage de Manosque, dans sa visite de 1635, relata que le dit bailliage possédait autrefois le membre de la Cavalerie et de Limaye, mais que le chevalier de Glandèves Pépin, bailli de Manosque, par acte du 10 juin 1615, notaire Antoine Giraud à Manosque, avait inféodé ces deux domaines à noble Jean Louis de Coriolis, Seigneur dudit Limaye et de la Bastide-de-Jourdans, sous la cense de huit florins et sept sols.
Mais dans la visite de 1681, le fermier de la Cavalerie faisait observer que l'acte du 10 juin 1615 n'était qu'une confirmation d'aliénations antérieures. En effet aux archives des Bouches-du-Rhône on trouve mentionnés:
1 — L'acte du nouveau bail reçu le 28 avril 1487 par Me Clémenti, notaire à Manosque, et par lequel la jouissance du membre de la Cavalerie était donnée à Jean Fauveau.
2 — L'acte d'inféodation du même domaine faite, le 11 mai 1503, à noble George Astaudi.
Pendant tout le XVIIe siècle, la Cavalerie fut possédée, à titre de fief, par les de Coriolis de Limaye, Seigneurs de la Bastide-des-Jourdans.
Le 24 mars 1702, par acte reçu par Me Bioule, notaire à Aix, Messire Joseph de Coriolis, baron de Limaye, Seigneur de la Bastide-des-Jourdans et autres lieux, Président de la Cour des Comptes, aydes, et finances de ce pays de Provence recognait à M. le bailli de Manosque le membre de la Cavalerie, reconnu par acte du 10 juin 1615 par son bisaïeul, noble Jean Louis de Coriolis, à la cense de huit florins et demi, tous les ans payables à la fête de Noël.
De concert avec M. Morellet, curé de la Bastide-des-Jourdans, le Président de Coriolis forma le projet de faire de la Cavalerie un monastère de Frères laboureurs, pour encourager les agriculteurs des environs, les édifier, les diriger et les aider dans leurs travaux.
A cette époque, il y avait au monastère de Saint-Hilaire à Ollières, près de Saint-Maximin, dans le diocèse de Fréjus, une Communauté de Religieux Bénédictins, appelés Frétées Ermites, fort estimés, soit pour leur habileté dans la culture des champs, soit pour la régularité et la sainteté de leur vie. C'est au Prieur de ce monastère, le Frère Antoyne Trompey que M. de Coriolis demanda quelques Religieux, pour l'établissement qu'il voulait fonder. Le 7 septembre 1706, par acte reçu par Me Brunet, notaire royal à la Bastide-des-Jourdans, ledit Seigneur Président « étant bien et dûment informé de la vie exemplaire et pénitente du Père Isaac Martin, frère Antoyne Trompey, et de ses confrères, qui ont renouvelé de nos jours ce qui était pratiqué par les anciens Pères du désert, et qui, pour n'être pas à charge au peuple, pourvoyant à leur entretien, par le travail de leurs mains ; voulant contribuer à leur saint établissement, pour avoir part aux prières et aux bonnes œuvres desdits solitaires, a, de son plein gré, donné à nouveau bail (1), et emphytéose perpétuelle, sous le bon plaisir de Mgr l'Archevêque d'Aix, au dit Antoyne Trompey, assisté du frère Mathieu Boullet, et leurs successeurs, l'affard de terre et tènement, que feu Messire Claude de Coriolis, Seigneur desdits lieux, avait retenu par droit de prélation, l'an 1500, dans le terroir dudit Limaye, quartier de la Cavalerie, avec tout le bâtiment et la vieille église qui s'y trouvent ; pour en jouir, eux et leurs successeurs, en qualité d'usufruitiers seulement ; demeurant le domaine et la propriété du fond audit Seigneur et à ses successeurs, et tiendront le tout, sous la mayeur, directe, seigneurie et juridiction dudit Seigneur, des siens et d'iceux ayant cause, à la charge de leur payer la tasque de tous les grains recueillis dans ledit tènement, laquelle tasque sera prise sur l'aire à grains, net, avant que d'en rien livrer ; plus payeront lesdits Frères un demi panal beau bled de cense, pour chacune saumée de terre en pré, vigne, verger et jardin, qui sy trouvent déjà, ou que l'on fera....
1. Sous le régime féodal, le bail simple était à terme, mais le nouveau bail était une convention, par laquelle un Seigneur cédait la jouissance d'un domaine, pour un long terme, ou même à perpétuité, sous la réserve d'une redevance ou de certaines conditions.
« Seront obligés lesdits Frères de résider dans ledit tènement, de le cultiver eux-mêmes, sans pouvoir l'arranter, ni transporter ailleurs les fruits et denrées qu'ils recueilleront, pour l'entretien d'une autre Communauté, mais en feront la consommation audit lieu, à peine de la privation d'iceux, hormis de la charité fraternelle, qu'ils pourront exercer sans préjudice de ladite maison... »
« Ils ne pourront vendre ni aliéner ledit tènement ni parti d'icelui, pas même en faveur d'aucune Communauté religieuse, sous prétexte de fondation, ni en faveur d'aucun particulier, à titre de vente, d'échange ou autrement, à peine de nullité, et de réunion des objets aliénés au domaine dudit Seigneur. »
« Ils ne pourront faire aucune quête audit lieu de Limaye, ni ailleurs, mais ils seront obligés de pourvoir eux-mêmes à leur entretien par le travail de leurs mains. »
« Ils ne pourront avoir, eux et leurs successeurs, aucune part aux affaires de la Communauté, entrer dans le conseil d'icelle, ni faire aucune fonction publique, ni se mêler d'aucune sorte d'affaire... »
« Ils seront obligés de passer reconnaissance des terres ci-dessus données, sous les pactes et conditions exprimés, toutes les fois qu'ils en seront requis. »
« Ne pourra être donné aucun trouble audits Frères par ledit Seigneur et les siens ; et en cas de trouble, veut ledit Seigneur que les biens qu'il a acquis à la Bastide et Limaye soient subrogés à la place de ceux aliénés par le présent acte, et qu'il soit tenu compte aux Frères de toutes dépenses, dommages et intérêts. »
« Se réserve ledit Seigneur pour lui et les siens le droit de faire un appartement dans la maison que les Frères feront construire, un jardin pour son usage particulier, et tous les droits honorifiques dans ladite maison et chapelle, pour lui et les personnes de sa famille, en qualité de Seigneur et de bienfaiteur, et comme donnant lieu à ce saint établissements, en considération duquel les Frères prieront pour ledit Seigneur et sa famille. »
« La vieille église ou chapelle, qui sera rétablie par les Frères, ne pourra jamais être érigée en bénéfice ou prieuré, ni être tenue et possédée, non plus que les susdits biens, par autre que par lesdits Frères et leurs successeurs, qui ne pourront à l'avenir acquérir aucun affranchissement de la juridiction et redevance convenues ci-dessus, et s'il leur était accordé, les dits Frères, tant pour eux que pour leur successeurs, consentent que ledit affranchissement soit nul et de nulle valeur... »
« Et sera ladite maison et chapelle sous le titre de Notre-Dame de la Retraite, pour la solennité en être faite, autant qu'il convient à la simplicité et pauvreté desdits Frères Ermites, le 1er jour de l'an, jour de la Circoncision ; le 8 septembre, jour de la Nativité de la Sainte Vierge ; et le 19 de mars, jour de la fête de Saint-Joseph ; auxquels jours sera dit par les Frères, immédiatement après leur communion, les litanies du Saint-Nom de Jésus, de la Sainte-Vierge et de Saint-Joseph, pour demander les secours du ciel et les grâces nécessaires audit Seigneur Président, et aux personnes de sa famille, pour faire sûrement leur salut... »
« Ainsi stipulé et convenu de pacte exprès ; entre les parties, sans quoi ledit Seigneur Président n'aurait fait le présent nouveau bail. »
« Acte fait, à La Bastide, dans le château dudit Seigneur Président, en présence de Martin Morellet ecclésiastique, et Jean Claude Clapier, marchand et consul moderne, témoins requis et signés avec lesdites parties : Baron de Limaye, Antoyne Trompey, Morellet, Mathieu Boullet, J. Clapier, et nous notaire Brunet. »
Limaye
Département: Vaucluse, Arrondissement: Apt, Canton: La Tour-d'Aigues - 84
Domus Hospitalis Limaye
Mais dans la visite de 1681, le fermier de la Cavalerie faisait observer que l'acte du 10 juin 1615 n'était qu'une confirmation d'aliénations antérieures. En effet aux archives des Bouches-du-Rhône on trouve mentionnés :
1° l'acte du nouveau bail reçu le 28 avril 1487 par Me Clémenti, notaire à Manosque, et par lequel la jouissance du membre de la Cavalerie était donnée à Jean Fauveau.
2° l'acte d'inféodation du même domaine faite, le 11 mai 1503, à noble George Astaudi.
Pendant tout le XVIIe siècle, la Cavalerie fut possédée, à titre de fief, par les de Coriolis de Limaye, Seigneurs de la Bastide-des-Jourdans.
La Cavalerie
Département: Vaucluse, Arrondissement: Apt, Canton: La Tour-d'Aigues - 84
Domus Hospitalis Cavalerie
De concert avec M. Morellet, curé de la Bastide-des-Jourdans, le Président de Coriolis forma le projet de faire de la Cavalerie un monastère de Frères laboureurs, pour encourager les agriculteurs des environs, les édifier, les diriger et les aider dans leurs travaux.
A cette époque, il y avait au monastère de Saint-Hilaire à Ollières, près de Saint-Maximin, dans le diocèse de Fréjus, une Communauté de Religieux Bénédictins, appelés Frères Hermites, fort estimés, soit pour leur habileté dans la culture des champs, soit pour la régularité et la sainteté de leur vie. C'est au Prieur de ce monastère, le Frère Antoyne Trompey que M. de Coriolis demanda quelques Religieux, pour l'établissement qu'il voulait fonder. Le 7 septembre 1706, par acte reçu par Me Brunet, notaire royal à la Bastide-des-Jourdans, ledit Seigneur Président « étant bien et dûment informé de la vie exemplaire et pénitente du Père Isaac Martin, frère Antoyne Trompey, et de ses confrères, qui ont renouvelé de nos jours ce qui était pratiqué par les anciens Pères du désert, et qui, pour n'être pas à charge au peuple, pourvoyent à leur entretien, par le travail de leurs mains ; voulant contribuer à leur saint établissement, pour avoir part aux prières et aux bonnes œuvres desdits solitaires, a, de son plein gré, donné à nouveau bail (1), et emphytéose perpétuelle, sous le bon plaisir de Mgr l'Archevêque d'Aix, au dit Antoine Trompey, assisté du frère Mathieu Boullet, et leurs successeurs, l'affard de terre et tènement, que feu Messire Claude de Coriolis, Seigneur desdits lieux, avait retenu par droit de prélation, l'an 1560, dans le terroir dudit Limaye, quartier de la Cavalerie, avec tout le batiment et la vieille église qui s'y trouvent ; pour en jouir, eux et leurs successeurs, en qualité d'usufruitières seulement ; demeurant le domaine et la propriété du fond audit Seigneur et à ses successeurs, et tiendront le tout, sous la mayeur, directe, seigneurie et juridiction dudit Seigneur, des siens et d'iceux ayant cause, à la charge de leur payer la tasque de tous les grains recueillis dans ledit tènement, laquelle tasque sera prise sur l'aire à grains, net, avant que d'en rien livrer ; plus payeront lesdits Frères un demi panal beau bled de cense, pour chacune saumée de terre en pré, vigne, verger et jardin, qui s'y trouvent déjà, ou que l'on fera....
1. Sous le régime féodal, le bail simple était à terme, mais le nouveau bail était une convention, par laquelle un Seigneur cédait la jouissance d'un domaine, pour un long terme, ou même à perpétuité, sous la réserve d'une redevance ou de certaines conditions.
« Seront obligés lesdits Frères de résider dans ledit tènement, de le cultiver eux-mêmes, sans pouvoir l'arrenter, ni transporter ailleurs les fruits et denrées qu'ils recueilleront, pour l'entretien d'une autre Communauté, mais en feront la consommation audit lieu, à peine de la privation d'iceux, hormis de la charité fraternelle, qu'ils pourront exercer sans préjudice de ladite maison...
« Ils ne pourront vendre ni aliéner ledit tènement ni parti d'icelui, pas même en faveur d'aucune Communauté religieuse, sous prétexte de fondation, ni en faveur d'aucun particulier, à titre de vente, d'échange ou autrement, à peine de nullité, et de réunion des objets aliénés au domaine dudit Seigneur...
« Ils ne pourront, faire aucune quête audit lieu de Limaye, ni ailleurs, mais ils seront obligés de pourvoir eux-mêmes à leur entretien par le travail de leurs mains... « Ils ne pourront avoir, eux et leurs successeurs, aucune part aux affaires de la Communauté, entrer dans le conseil d'icelle, ni faire aucune fonction publique, ni se mêler d'aucune sorte d'affaire...
« Ils seront obligés de passer reconnaissance des terres ci-dessus données, sous les pactes et conditions exprimés, toutes les fois qu'ils en seront requis...
« Ne pourra être donné aucun trouble audits Frères par ledit Seigneur et les siens ; et en cas de trouble, veut ledit Seigneur que les biens qu'il a acquis à la Bastide et Limaye soient subrogés à la place de ceux aliénés par le présent acte, et qu'il soit tenu compte aux Frères de toutes dépenses, dommages et intérêts...
« Se réserve ledit Seigneur pour lui et les siens le droit de faire un appartement dans la maison que les Frères feront construire, un jardin pour son usage particulier, et tous les droits honorifiques dans ladite maison et chapelle, pour lui et les personnes de sa famille, en qualité de Seigneur et de bienfaiteur, et comme donnant lieu à ce saint établissement, en considération duquel les Frères prieront pour ledit Seigneur et sa famille...
« La vieille église ou chapelle, qui sera rétablie par les Frères, ne pourra jamais être érigée en bénéfice ou prieuré, ni estre tenue et possédée, non plus que les susdits biens, par autre que par lesdits Frères et leurs successeurs, qui ne pourront à l'avenir acquérir aucun affranchissement de la juridiction et redevance convenues ci-dessus, et s'il leur était accordé, les dits Frères, tant pour eux que pour leur successeurs, consentent que ledit affranchissement soit nul et de nulle valeur...
« Et sera ladite maison et chapelle sous le titre de Notre-Dame de la Retraite, pour la solennité en être faite, autant qu'il convient à la simplicité et pauvreté des dits Frères Hermite, le Ier jour de l'an, jour de la Circoncision ; le 8 septembre, jour de la Nativité de la Sainte Vierge ; et le 19 de mars, jour de la fête de St-Joseph ; auxquels jours sera dit par les Frères, immédiatement après leur communion, les litanies du Saint-Nom de Jésus, de la Sainte-Vierge et de St-Joseph, pour demander les secours du ciel et les grâces nécessaires audit Seigneur Président, et aux personnes de sa famille, pour faire sûrement leur salut...
« Ainsi stipulé et convenu de pacte exprès ; entre les parties, sans quoi ledit Seigneur Président Saurait fait le présent nouveau bail...
« Acte fait, à La Bastide, dans le château dudit Seigneur Président, en présence de Martin Morellet ecclésiastique, et Jean Claude Clapier, marchand et consul moderne, témoins requis et signes avec lesdites parties : Baron de Limaye, Antoyne Trompey, Morellet, Mathieu Boullet, J. Clapier, et nous notaire Brunet. »
Sources : Le R. P. Marie-Benoît Barnouin, supérieur du monastère de La Cavalerie. Aperçu historique sur La Cavalerie. Redon, François-Xavier.
Aubanel Frères, Imprimeurs de N. S. P. La Pape, Avignon 1900 - BNF
Les Frères Ermites
3° Les Frères Ermites, Religieux bénédictins à la Cavalerie 1706-1792En vertu du bail nouveau, qui, moyennant une modique redevance, leur assurait la jouissance perpétuelle de la Cavalerie, les Frères Ermites de Saint-Hilaire d'Ollières, ne tardèrent pas de venir s'y établir. Ils eurent pour premier Supérieur le Frère Mathieu Boullet, religieux aussi distingué par sa vertu que par sa capacité. Ils se mirent à l'œuvre avec ardeur, et en peu de temps, ce vallon, qui n'était qu'un hermas stérile, redevint riant et fertile, grâce aux soins et aux labeurs des Frères Ermites et de leur digne chef. La vie de ce Religieux bénédictin a été écrite avant la Révolution, mais elle n'a jamais été imprimée, M. l'abbé Moutonnet en a publié le passage suivant, dans un journal d'Avignon, la Commune, n° du 19 mai 1850.
« De nombreux vieillards de la Bastide des Jourdans et des pays voisins ont assuré, qu'avant l'arrivée du Frère Mathieu et de ses confrères, il n'y avait à la Cavalerie qu'une antique chapelle, avec de vieilles masures et des tas de décombres, restes d'un édifice qui avait été bâti par les Chevaliers du Temple. Les terres environnantes étaient incultes et ne produisaient que des ronces et des épines, des touffes de thym et quelques rares arbustes. Ces vieillards regardaient comme un prodige l'étonnante transformation de ces lieux, où ils voyaient une église bien restaurée, ornée et décorée, un vaste couvent bien distribué, une ferme très bien aménagée, et, tout autour, des terres cultivées avec soin. On avait créé des jardins, des vignobles et des vergers plantés d'oliviers et d'autres arbres fruitiers, on avait trouvé et amené des eaux abondantes pour boire et pour arroser les jardins et les prairies. Cette métamorphose surprenante était le résultat du travail journalier du frère Mathieu et de ses Frères Ermites. Ils vivaient du fruit de leur travail, sans être à charge à personne. Leur Règle était à peu près celle de la Trappe ; ils jeûnaient trois fois la semaine, et ne mangeaient de la viande que lorsqu'ils étaient malades ; ils gardaient le silence et partageaient leur temps entre la prière, la méditation des choses divines, l'Office de la sainte Vierge, qu'ils chantaient ou récitaient suivant les saisons, et les travaux des champs. Ils se chargeaient d'élever quelques enfants pauvres du voisinage, dans la crainte de Dieu et l'amour du travail. Ils faisaient beaucoup d'autres bonnes œuvres dans le pays, et répandaient au loin la bonne odeur de Jésus-Christ, par les vertus qu'ils pratiquaient. »
« Leur monastère devint bientôt la Providence de toute la contrée. Tout leur superflu était employé au soulagement des pauvres, et leur hospitalité était toujours gratuite.
Y avait-il aux environs un laboureur dans l'impuissance de se procurer la semence nécessaire à son champ ? Il venait frapper à la porte du monastère dont les greniers s'ouvraient, toujours à l'honnête indigence. On y conservait toujours le blé des deux dernières années, pour subvenir aux besoins imprévus des habitants de la contrée.
Y avait-il quelque bastidan, c'est-à-dire un fermier, un habitant des bastides voisines, qui, étant malade, ne pouvait préparer ses champs pour les ensemencer, ou en faire la récolte ? Les Religieux de la Cavalerie partaient avec les mulets du monastère, et bientôt la terre du fermier malade était préparée, ensemencée, moissonnée, par amour pour le bon Dieu, qui nous a aimés jusqu'à mourir pour nous sur la croix, et qui a dit à ses disciples : Ce que vous ferez au moindre des miens, c'est à moi que vous le ferez.
« Le souvenir du frère Mathieu et de ses Religieux est toujours reste grave au cœur des habitants de cette contrée, en caractère ineffaçables de reconnaissance et d'amour. »
Les Frères Ermites exécutèrent fidèlement toutes les clauses du nouveau bail, qui les avait établis usufruitiers perpétuels de la Cavalerie ; ils réparèrent la chapelle et le vieux monastère ; ils défrichèrent et cultivèrent avec soin les terres du tènement ; ils gagnaient leur vie par le rude travail de leurs mains, et loin d'être à charge aux populations voisines, ils étaient toujours prêts à leur accorder de généreux secours, et ne cessaient de les édifier par le bon exemple de leur vie laborieuse et de leurs vertus.
De leur côté les de Coriolis, qui restaient Seigneurs de la Cavalerie, furent fidèles à l'engagement, qu'ils avaient pris de garantir aux Frères les droits d'usufruit, qu'ils leur avaient cédés, et de les défendre, contre ceux qui viendraient les troubler dans la jouissance de leurs droits.
Le 5 janvier 1747, Bernard de Roquette Buisson, chevalier grand-croix de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, bailli de Manosque, se croyant Seigneur suzerain de la Cavalerie, présenta une requête à la Cour d'Aix, « à l'effet de faire ordonner que, sans s'arrêter à l'acte du 7 septembre 1700, par lequel M. le Président de Coriolis avait donné à nouveau bail le domaine de la Cavalerie aux Frères Ermites de Saint-Hilaire, en se réservant des censives directes et droits en dépendant, qui appartenaient au bailli de Manosque, le Supérieur ou économe des Frères Ermites serait condamné au payement des arrérages des censives dus au sieur Bailli, suivant une précédente reconnaissance de 1702 »
Ce fut un long procès que les Frères Hennîtes eurent à soutenir. Il s'agissait de décider, si le domaine de la Cavalerie appartenait à M. de Coriolis Limaye, à titre de fief, ou s'il lui avait été donne par les baillis de Manosque seulement à titre emphytéotique.
Sur le rapport du conseiller de Boades, la Cour rendit, le 30 juin 1753 un arrêt qui condamna l'Econome des Frères Ermites, à passer reconnaissance, en faveur de M. le bailli de Manosque, aux charges et devoirs mentionnés aux titres antérieurs à celui de 1706, à payer le lods du pour raison de l'acte de 1706. Cet arrêt avait jugé que M. le Président de Limaye, ne possédant le domaine de la Cavalerie qu'à titre emphytéotique, n'avait pu, en le transportant aux Frères Ermites, se réserver une directe en sa faveur, ni établir à son profit de nouvelles charges dépendantes de cette directe. Mais le Président de Coriolis Limaye, qui n'avait point paru dans ce procès, attaqua l'arrêt du 30 juin 1753, en sa qualité de tiers non ouï, et présenta trois titres intervenus en 1503, 1504 et 1506, et portant concession du domaine de la Cavalerie. Les conseils des chevaliers de Malte examinèrent ces titres, reconnurent qu'ils renfermaient une vraie inféodation du domaine de la Cavalerie, et que le principe sur lequel avait été rendu l'arrêt de 1753 étant renversé, il fallait consentir à la révocation de cet arrêt et à l'exécution du nouveau bail de 1706 ; mais que néanmoins, étant vrai que les auteurs de M. Coriolis Limaye, ayant contrevenu à la clause insérée dans ces titres, et portant prohibition de transporter la Cavalerie à des gens de mainmorte et autres personnes prohibées, il fallait exécuter cette clause, et qu'il convenait que Me de Limaye se soumît, dans le cas de vente du fief, à ce que le lods fût payé au bailli de Manosque, tout comme si les biens désemparés aux Hennîtes de St-Hilaire, et par eux possédés, étaient soumis au droit d'indemnité ou demi lods.
Ces conclusions ayant paru justes à M. de Limaye, un acte de transaction fut passé, le 13 avril 1775, devant Me Rambot, notaire à Aix ; par lequel « le bailly Dominique Gaspard Balthazard de Gaillard, chevalier grand-croix de l'Ordre de St-Jean de Jérusalem, procureur général dudit Ordre, contractant sous le bon plaisir de ses Supérieurs du grand Prieuré de St-Gilles, — et Messire Joseph Paul Pie Ignace de Coriolis, baron de Limaye, Marquis de St-Jalle, Seigneur de la Bastide-des-Jourdans et autres terres, procureur fondé des Ermites de St-Hilaire, établis dans le domaine de la Cavalerie, par acte du 1er avril courant reçu par M. Clapier, notaire à la Bastide-des-Jourdans : « Lesquels ont convenu et accordé que l'arrêt du 30 juin 1753 soit regardé comme nul et non avenu, que l'acte du 7 septembre 1706 sorte tous ses effets, comme si la cassation n'en avait pas été prononcée.... que le fief de la Cavalerie demeurera toujours sous la mouvance des baillis de Manosque, avec la charge et la condition expresse que si le Seigneur de Limaye ou ses successeurs venaient à vendre le fief de la Cavalerie, par un titre donnant ouverture au droit de lods, ce droit sera payé par les acquéreurs aux baillis de Manosque.
« Et venant au compte des sommes payées à différentes reprises par les Ermites de la Cavalerie, en exécution de l'arrêt de 1753, il a été vérifié qu'ils avaient payé 600 livres, desquelles il faut déduire 300 livres encore dues des dépens. Il est convenu que la somme de 300 livres sera payée aux dits Ermites dans deux mois comptables d'aujourd'hui.... « Au moyen de ce, les parties s'entre quittent de toutes plus amples prétentions sur cet objet, avec promesse de ne plus se rechercher ni directement ni indirectement... »
Enfin débarrassés de ce procès, qui avait duré près de trente ans, les Frères Ermites continuèrent à la Cavalerie leur vie de prière, de travail, d'édification et de charité.
Mais bientôt arriva la Révolution de 1789, avec sa longue suite de désastres et de malheurs. En confisquant le monastère de Notre-Dame de l'Hermitage à la Cavalerie, elle ne commit pas seulement un crime contre la religion, elle en commit un surtout contre l'humanité. Les Religieux, qui étaient la Providence du pays, furent dispersés, leur monastère, avec les terres qui l'entouraient, fut mis en adjudication et vendu comme bien national, à Apt, le 8 germinal de l'an III, (28 mars 1795), par l'agent national Gardiol et les membres du directoire du district d'Apt. Michel Isnard, Chabran et Durouges.
Dans l'acte de vente par adjudication il est dit que « La Cavalerie est un domaine national de première origine, situé dans la commune de la Bastide-des-Jourdans, et provenant des ci-devant Religieux, dits de la Cavalerie, et consistant en terres labourables complantées de quelques choux et arbres fruitiers, à un enclos de vigne, à un verger et terres incultes et hermassides, à deux bâtiments : l'un appelé le ménage, et l'autre l'habitation desdits Ermites, distants l'un de l'autre de quelques cents pas ; que la contenance totale du domaine est de 100.596 cannes, faisant 5 saumées 7 éminées et 1 cosse, dont 31.903 cannes en hermas inculte, 4.979 cannes en verger, 1257 cannes en terres arrosables et prés, 5253 cannes en vignes, et le reste en terres labourables, estimé le tout au rapport des citoyens Dominique Roman et François Boyer à la somme de 14.733 livres. »
Les enchères s'ouvrirent sur l'offre de 20 mille livres faite, le 6 nivôse précédent, par le citoyen Savournin de Lourmarin. Les citoyens Clapier, J. Ripert, Jarjau de Reillanne, Mertau, Giraud, Jacques Luc et Larmet se disputèrent la Cavalerie, et en firent monter le prix ; mais le citoyen Melchior Arquier, orfèvre à Marseille, en offrit 115 mille livres. Son offre ne fut pas dépassée, et la Cavalerie lui fut adjugée. Ou ne doit pas s'étonner que la Cavalerie soit montée à un tel prix, parce qu'il y avait de grandes facilités pour le payement. Les trois quarts du prix étaient payés en six annuités égales, et le premier quart était payé en entrant en jouissance. De plus on pouvait payer en assignats, et bientôt avec dix sous de monnaie on avait un assignat de cent francs. Ainsi le Gouvernement ne retirait presque rien de la vente des biens du clergé, qui ne portaient pas grand bonheur à ceux qui les achetaient.
La Cavalerie passa en peu de temps entre les mains de divers possesseurs, ils n'y firent pas fortune. Bientôt les bâtiments tombèrent en ruine, et les terres redevinrent incultes et stériles. Vers 1846, ce domaine était la propriété d'un habitant de Portuis, M. Sibon, qui le vendit à M. Camille Guillibert, alors juge au tribunal d'Apt, dont il fut ensuite président. Il avait payé la Cavalerie 25 mille francs ; il la céda bientôt, au même prix, à MM. Figuière et Conil, d'Aix.
4° Restauration de la Cavalerie en 1848
Notre-Dame de La Cavalerie - Image
Héritier des vertus et de l'esprit de, son prédécesseur M. Morellet, à peine fut-il installé, qu'il se mit à visiter sa paroisse. Lorsqu'il arriva au désert de la Cavalerie, il eut le cœur navré, en parcourant ces bâtiments délabrés, en voyant l'antique chapelle des Templiers, dont les murs étaient bien conservés, mais dont on avait fait une écurie et un grenier à foin. Quand il sortit de ces ruines, il se dit, comme si cette pensée lui venait d'en haut : tout ce qu'il me sera possible de faire, dans ma pauvreté, je le ferai pour ressusciter une œuvre si belle.
v A quelque temps de là, le Révant Père Ange, Gardien du couvent des Capucins à Aix, vint prêcher le jubilé à la Bastide-des-Jourdans. Le pieux Curé ne tarde pas de lui parler de ce qu'il a tant à cœur, il l'entretient du projet qu'il a formé de rétablir le monastère de la Cavalerie. « Vous, ajouta-t-il, en s'adressant au Père Ange, vous, qui connaissez tant de personnes zélées pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, n'en connaîtriez-vous point qui voulussent m'aider pour exécuter mon projet ? »
« Dieu soit loué, répond le Père Ange, M. Figuière, doyen du chapitre d'Aix, où il a été longtemps secrétaire de l'archevêché, ayant trouvé dans les archives du secrétariat la Règle de Notre-Dame de l'Hermitage, à la Cavalerie, a eu la même pensée que vous. Sachant que je venais évangéliser votre paroisse, il m'a chargé de vous demander, si vous seriez disposé à entrer dans ses vues pour le rétablissement de ce monastère. Lui et M. Conil, Supérieur du petit Séminaire d'Aix, pourraient vous aider puissamment pour l'exécution de cette entreprise. »
C'était un coup de Providence !.
Bientôt avec l'approbation et, le concours de l'autorité diocésaine, le monastère, avec une grande partie des terres qui en dépendaient autrefois, était racheté, et une Communauté naissante s'installait à la Cavalerie.
M. Moutonnet a fait dans le journal la Commune le récit de la visite qu'il fit, en 1848, à M. le Curé-Dubois. « J'arrivai à la Bastide des Jourdans pour saluer M. le Curé, qui était mon condisciple, mon ami et presque mon compatriote.
M. le Curé n'y est pas, médit sa servante.
—Où est-il donc ?
— A la Cavalerie
— Eh bien, procurez-moi un guide, et j'irai l'y trouver.
« Après une heure de marche par monts et par vaux, j'arrive au fond du ravin, où se trouve l'ancienne habitation des Templiers: quelle belle et imposante solitude ! Quel calme tout autour, et sur les coteaux qui la dominent ! Comme l'âme se sent portée à la méditation et à la prière ! On se croirait dans une des solitudes de la Thébaïde, si affectionnées des premiers chrétiens.
« Comme si déjà il avait fait profession, M. le Curé faisait l'office de Frère Laboureur. Après les civilités d'usage entre condisciples et amis, nous visitons le monastère. Les hommes l'avaient respecté, mais il avait eu à souffrir les injures du temps. Le long corridor voûté du rez-de-chaussée, ainsi que les appartements distribués à droite et à gauche étaient dans un état de conservation suffisante. Le corridor et les cellules du premier étage, ainsi que les toitures, étaient fort délabrés. La vue de la chapelle changée en écurie et en grenier à foin, coupée en deux par un plancher, impressionnait péniblement une âme d'archéologue, et à plus forte raison une âme de prêtre. Cette chapelle en style roman simple, est très régulière et très belle par la pureté de ses lignes, elle est précieuse par son antiquité, c'est à coup sûr le monument le plus ancien et le plus vénérable de la contrée. La voûte a retenti des accents guerriers et chrétiens des Chevaliers du Temple, et plus tard des soupirs embrasés des Frères Ermites. Bientôt il sera encore le sanctuaire de la méditation et de la prière. « Quant aux murs de clôture, ils étaient en grande partie effondrés. »
« Le modeste dîner, auquel nous sommes invités à prendre part, est servi dans une cellule du rez-de-chaussée, l'ancien réfectoire ayant été transformé en chapelle provisoire, en attendant que l'antique chapelle puisse être rendue à sa destination primitive. » « Trois frères, un vénérable prêtre du diocèse de Digne, faisant fonction de Supérieur par intérim, M. le Curé et moi nous composions ce jour-là la communauté tout entière. Des trois Frères, deux étaient dans la force de l'âge, l'autre, le Frère Vitalis, était vieux, bien vieux. Avant la Révolution, sans avoir fait profession à Notre-Dame de l'Hermitage, il avait vécu avec les religieux de ce monastère. Après la confiscation du couvent il s'était fait ermite, et en cette qualité, il avait vécu très longtemps avec un Frère du monastère, que rien n'avait pu forcer à abandonner son costume et son état. Frère Vitalis savait par cœur toute la Règle des anciens religieux. C'était la règle vivante.
« Pendant le diner, un des jeunes Frères, placé au milieu du réfectoire, fit la lecture sur le livre de saint Alphonse de Liguori : Les grandeurs de la Sainte Vierge, comme s'il avait à se faire entendre de quarante religieux, et on l'écouta avec l'attention la plus soutenue, le silence le plus profond. C'était, on le voit une Communauté bien petite, mais déjà bien régulière et édifiante. » M. Dubois venait à la Cavalerie aussi souvent que ses occupations le lui permettaient ; il y présidait les principales fêtes. Le 25 mars 1849, muni des pouvoirs accordés par Mgr l'Archevêque, il fit solennellement la bénédiction de la chapelle provisoire du couvent, en présence d'une foule nombreuse de fidèles, accourus pour assister à cette intéressante cérémonie, à la fin de laquelle il célébra la sainte messe. Quelques jours après, le 29 mars, en vertu des pouvoirs qu'il avait reçus, il fit la bénédiction d'une petite cloche.
Le 15 septembre suivant, on avait restauré et réorganisé l'ancienne chapelle des Templiers, M. le curé en fit de nouveau la bénédiction solennelle, et l'inaugura en y célébrant la messe. Il se réjouissait des progrès que faisait l'œuvre de la Cavalerie et il écrivait à M. Peyre vicaire général à Avignon : « Nous avons déjà quelques sujets pour commencer cette fondation. Ce sont des hommes de bonne volonté, pleins de piété, d'amour du travail, de force et d'ardeur pour embrasser la Règle des ermites de Notre-Dame de la Retraite. Mais il leur manque un Supérieur, on désire un prêtre très pieux, qui aime la Règle, et qui veuille suivre celle du couvent de la Cavalerie, du moins après les modifications qui y seraient faites, avec l'approbation de l'Ordinaire. »
Son désir fut exaucé et sa joie fut bien grande, lorsqu'il apprit qu'un de ses confrères les plus pieux et les plus aimés, l'abbé Barnouin, quittait le vicariat de Lapalud, pour venir, avec l'approbation de son Archevêque et à la grande satisfaction de M. le chanoine Figuière, se mettre à la tête de la petite Communauté de la Cavalerie.
La Cavalerie
2° Les Chevaliers de Malte et les Seigneurs de La Bastide-des-Jourdans à la Cavalerie 1313-1706Dans le cours du XIIe siècle, les Hospitaliers, qui furent appelés Chevaliers de Malte, avaient reçu des comtes de Forcalquier la terre, château et bourg de Manosque, avec divers droits et possessions aux terroirs de Beauvezer, Grambois, Beaumont, Corbière, Sainte-Tulle, Dauphin, La Roque, Voulx et Montagut. Lorsqu'ils eurent été mis en possession des biens des Templiers, la Commanderie de Manosque eut sous sa dépendance Limaye et la Cavalerie à la Bastide-des-Jourdans, les Iscles de la Durance, et le Bourguet à Reillanne. Elle était alors une des plus riches de l'Ordre, mais au XVIe et au XVIIe siècle, elle était devenue une des plus médiocres, elle avait aliéné une bonne partie de ses droits et de ses domaines, pour contribuer aux grandes dépenses que les Chevaliers étaient obligés de faire, dans leur lutte contre les infidèles.
Le Visiteur du bailliage de Manosque, dans sa visite de 1635, relata que le dit bailliage possédait autrefois le membre de la Cavalerie et de Limaye, mais que le chevalier de Glandèves Pépin, bailli de Manosque, par acte du 10 juin 1615, notaire Antoine Giraud à Manosque, avait inféodé ces deux domaines à noble Jean Louis de Coriolis, Seigneur dudit Limaye et de la Bastide-de-Jourdans, sous la cense de huit florins et sept sols.
Mais dans la visite de 1681, le fermier de la Cavalerie faisait observer que l'acte du 10 juin 1615 n'était qu'une confirmation d'aliénations antérieures. En effet aux archives des Bouches-du-Rhône on trouve mentionnés: 1° l'acte du nouveau bail reçu le 28 avril 1487 par Me Clémenti, notaire à Manosque, et par lequel la jouissance du membre de la Cavalerie était donnée à Jean Fauveau.
2° l'acte d'inféodation du même domaine faite, le 11 mai 1503, à noble George Astaudi.
Pendant tout le XVIIe siècle, la Cavalerie fut possédée, à titre de fief, par les de Coriolis de Limaye, Seigneurs de la Bastide-des-Jourdans.
Le 24 mars 1702, par acte reçu par Me Bioule, notaire à Aix, Messire Joseph de Coriolis, baron de Limaye, Seigneur de la Bastide-des-Jourdans et autres lieux, Président de la Cour des Comptes, aydes, et finances de ce pays de Provence recognait à M. le bailli de Manosque le membre de la Cavalerie, reconnu par acte du 10 juin 1615 par son bisaïeul, noble Jean Louis de Coriolis, à la cense de huit florins et demi, tous les ans payables à la fête de Noël.
De concert avec M. Morellet, curé de la Bastide-des-Jourdans, le Président de Coriolis forma le projet de faire de la Cavalerie un monastère de Frères laboureurs, pour encourager les agriculteurs des environs, les édifier, les diriger et les aider dans leurs travaux.
A cette époque, il y avait au monastère de Saint-Hilaire à Ollières, près de Saint-Maximin, dans le diocèse de Fréjus, une Communauté de Religieux Bénédictins, appelés Frétées Ermites, fort estimés, soit pour leur habileté dans la culture des champs, soit pour la régularité et la sainteté de leur vie. C'est au Prieur de ce monastère, le Frère Antoyne Trompey que M. de Coriolis demanda quelques Religieux, pour l'établissement qu'il voulait fonder. Le 7 septembre 1706, par acte reçu par Me Brunet, notaire royal à la Bastide-des-Jourdans, ledit Seigneur Président « étant bien et dûment informé de la vie exemplaire et pénitente du Père Isaac Martin, frère Antoyne Trompey, et de ses confrères, qui ont renouvelé de nos jours ce qui était pratiqué par les anciens Pères du désert, et qui, pour n'être pas à charge au peuple, pourvoyant à leur entretien, par le travail de leurs mains ; voulant contribuer à leur saint établissement, pour avoir part aux prières et aux bonnes œuvres desdits solitaires, a, de son plein gré, donné à nouveau bail (1), et emphytéose perpétuelle, sous le bon plaisir de Mgr l'Archevêque d'Aix, au dit Antoyne Trompey, assisté du frère Mathieu Boullet, et leurs successeurs, l'affard de terre et tènement, que feu Messire Claude de Coriolis, Seigneur desdits lieux, avait retenu par droit de prélation, l'an 1500, dans le terroir dudit Limaye, quartier de la Cavalerie, avec tout le bâtiment et la vieille église qui s'y trouvent ; pour en jouir, eux et leurs successeurs, en qualité d'usufruitiers seulement ; demeurant le domaine et la propriété du fond audit Seigneur et à ses successeurs, et tiendront le tout, sous la mayeur, directe, seigneurie et juridiction dudit Seigneur, des siens et d'iceux ayant cause, à la charge de leur payer la tasque de tous les grains recueillis dans ledit tènement, laquelle tasque sera prise sur l'aire à grains, net, avant que d'en rien livrer ; plus payeront lesdits Frères un demi panal beau bled de cense, pour chacune saumée de terre en pré, vigne, verger et jardin, qui sy trouvent déjà, ou que l'on fera....
1. Sous le régime féodal, le bail simple était à terme, mais le nouveau bail était une convention, par laquelle un Seigneur cédait la jouissance d'un domaine, pour un long terme, ou même à perpétuité, sous la réserve d'une redevance ou de certaines conditions.
« Seront obligés lesdits Frères de résider dans ledit tènement, de le cultiver eux-mêmes, sans pouvoir l'arranter, ni transporter ailleurs les fruits et denrées qu'ils recueilleront, pour l'entretien d'une autre Communauté, mais en feront la consommation audit lieu, à peine de la privation d'iceux, hormis de la charité fraternelle, qu'ils pourront exercer sans préjudice de ladite maison... »
« Ils ne pourront vendre ni aliéner ledit tènement ni parti d'icelui, pas même en faveur d'aucune Communauté religieuse, sous prétexte de fondation, ni en faveur d'aucun particulier, à titre de vente, d'échange ou autrement, à peine de nullité, et de réunion des objets aliénés au domaine dudit Seigneur. »
« Ils ne pourront faire aucune quête audit lieu de Limaye, ni ailleurs, mais ils seront obligés de pourvoir eux-mêmes à leur entretien par le travail de leurs mains. »
« Ils ne pourront avoir, eux et leurs successeurs, aucune part aux affaires de la Communauté, entrer dans le conseil d'icelle, ni faire aucune fonction publique, ni se mêler d'aucune sorte d'affaire... »
« Ils seront obligés de passer reconnaissance des terres ci-dessus données, sous les pactes et conditions exprimés, toutes les fois qu'ils en seront requis. »
« Ne pourra être donné aucun trouble audits Frères par ledit Seigneur et les siens ; et en cas de trouble, veut ledit Seigneur que les biens qu'il a acquis à la Bastide et Limaye soient subrogés à la place de ceux aliénés par le présent acte, et qu'il soit tenu compte aux Frères de toutes dépenses, dommages et intérêts. »
« Se réserve ledit Seigneur pour lui et les siens le droit de faire un appartement dans la maison que les Frères feront construire, un jardin pour son usage particulier, et tous les droits honorifiques dans ladite maison et chapelle, pour lui et les personnes de sa famille, en qualité de Seigneur et de bienfaiteur, et comme donnant lieu à ce saint établissements, en considération duquel les Frères prieront pour ledit Seigneur et sa famille. »
« La vieille église ou chapelle, qui sera rétablie par les Frères, ne pourra jamais être érigée en bénéfice ou prieuré, ni être tenue et possédée, non plus que les susdits biens, par autre que par lesdits Frères et leurs successeurs, qui ne pourront à l'avenir acquérir aucun affranchissement de la juridiction et redevance convenues ci-dessus, et s'il leur était accordé, les dits Frères, tant pour eux que pour leur successeurs, consentent que ledit affranchissement soit nul et de nulle valeur... »
« Et sera ladite maison et chapelle sous le titre de Notre-Dame de la Retraite, pour la solennité en être faite, autant qu'il convient à la simplicité et pauvreté desdits Frères Ermites, le 1er jour de l'an, jour de la Circoncision ; le 8 septembre, jour de la Nativité de la Sainte Vierge ; et le 19 de mars, jour de la fête de Saint-Joseph ; auxquels jours sera dit par les Frères, immédiatement après leur communion, les litanies du Saint-Nom de Jésus, de la Sainte-Vierge et de Saint-Joseph, pour demander les secours du ciel et les grâces nécessaires audit Seigneur Président, et aux personnes de sa famille, pour faire sûrement leur salut... »
« Ainsi stipulé et convenu de pacte exprès ; entre les parties, sans quoi ledit Seigneur Président n'aurait fait le présent nouveau bail. »
« Acte fait, à La Bastide, dans le château dudit Seigneur Président, en présence de Martin Morellet ecclésiastique, et Jean Claude Clapier, marchand et consul moderne, témoins requis et signés avec lesdites parties : Baron de Limaye, Antoyne Trompey, Morellet, Mathieu Boullet, J. Clapier, et nous notaire Brunet. »
3° Les Frères Ermites, Religieux bénédictins à la Cavalerie 1706-1792
En vertu du bail nouveau, qui, moyennant une modique redevance, leur assurait la jouissance perpétuelle de la Cavalerie, les Frères Ermites de Saint-Hilaire d'Ollières, ne tardèrent pas de venir s'y établir. Ils eurent pour premier Supérieur le Frère Mathieu Boullet, religieux aussi distingué par sa vertu que par sa capacité. Ils se mirent à l'œuvre avec ardeur, et en peu de temps, ce vallon, qui n'était qu'un hermas stérile, redevint riant et fertile, grâce aux soins et aux labeurs des Frères Ermites et de leur digne chef. La vie de ce Religieux bénédictin a été écrite avant la Révolution, mais elle n'a jamais été imprimée, M. l'abbé Moutonnet en a publié le passage suivant, dans un journal d'Avignon, la Commune, n° du 19 mai 1850.
« De nombreux vieillards de la Bastide des Jourdans et des pays voisins ont assuré, qu'avant l'arrivée du Frère Mathieu et de ses confrères, il n'y avait à la Cavalerie qu'une antique chapelle, avec de vieilles masures et des tas de décombres, restes d'un édifice qui avait été bâti par les Chevaliers du Temple. Les terres environnantes étaient incultes et ne produisaient que des ronces et des épines, des touffes de thym et quelques rares arbustes. Ces vieillards regardaient comme un prodige l'étonnante transformation de ces lieux, où ils voyaient une église bien restaurée, ornée et décorée, un vaste couvent bien distribué, une ferme très bien aménagée, et, tout autour, des terres cultivées avec soin. On avait créé des jardins, des vignobles et des vergers plantés d'oliviers et d'autres arbres fruitiers, on avait trouvé et amené des eaux abondantes pour boire et pour arroser les jardins et les prairies. Cette métamorphose surprenante était le résultat du travail journalier du frère Mathieu et de ses Frères Ermites. Ils vivaient du fruit de leur travail, sans être à charge à personne. Leur Règle était à peu près celle de la Trappe ; ils jeûnaient trois fois la semaine, et ne mangeaient de la viande que lorsqu'ils étaient malades ; ils gardaient le silence et partageaient leur temps entre la prière, la méditation des choses divines, l'Office de la sainte Vierge, qu'ils chantaient ou récitaient suivant les saisons, et les travaux des champs. Ils se chargeaient d'élever quelques enfants pauvres du voisinage, dans la crainte de Dieu et l'amour du travail. Ils faisaient beaucoup d'autres bonnes œuvres dans le pays, et répandaient au loin la bonne odeur de Jésus-Christ, par les vertus qu'ils pratiquaient. »
« Leur monastère devint bientôt la Providence de toute la contrée. Tout leur superflu était employé au soulagement des pauvres, et leur hospitalité était toujours gratuite.
Y avait-il aux environs un laboureur dans l'impuissance de se procurer la semence nécessaire à son champ ? Il venait frapper à la porte du monastère dont les greniers s'ouvraient, toujours à l'honnête indigence. On y conservait toujours le blé des deux dernières années, pour subvenir aux besoins imprévus des habitants de la contrée.
Y avait-il quelque bastidan, c'est-à-dire un fermier, un habitant des bastides voisines, qui, étant malade, ne pouvait préparer ses champs pour les ensemencer, ou en faire la récolte ? Les Religieux de la Cavalerie partaient avec les mulets du monastère, et bientôt la terre du fermier malade était préparée, ensemencée, moissonnée, par amour pour le bon Dieu, qui nous a aimés jusqu'à mourir pour nous sur la croix, et qui a dit à ses disciples : Ce que vous ferez au moindre des miens, c'est à moi que vous le ferez.
« Le souvenir du frère Mathieu et de ses Religieux est toujours reste grave au cœur des habitants de cette contrée, en caractère ineffaçables de reconnaissance et d'amour. »
Les Frères Ermites exécutèrent fidèlement toutes les clauses du nouveau bail, qui les avait établis usufruitiers perpétuels de la Cavalerie ; ils réparèrent la chapelle et le vieux monastère ; ils défrichèrent et cultivèrent avec soin les terres du tènement ; ils gagnaient leur vie par le rude travail de leurs mains, et loin d'être à charge aux populations voisines, ils étaient toujours prêts à leur accorder de généreux secours, et ne cessaient de les édifier par le bon exemple de leur vie laborieuse et de leurs vertus.
De leur côté les de Coriolis, qui restaient Seigneurs de la Cavalerie, furent fidèles à l'engagement, qu'ils avaient pris de garantir aux Frères les droits d'usufruit, qu'ils leur avaient cédés, et de les défendre, contre ceux qui viendraient les troubler dans la jouissance de leurs droits.
Le 5 janvier 1747, Bernard de Roquette Buisson, chevalier grand-croix de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, bailli de Manosque, se croyant Seigneur suzerain de la Cavalerie, présenta une requête à la Cour d'Aix, « à l'effet de faire ordonner que, sans s'arrêter à l'acte du 7 septembre 1700, par lequel M. le Président de Coriolis avait donné à nouveau bail le domaine de la Cavalerie aux Frères Ermites de Saint-Hilaire, en se réservant des censives directes et droits en dépendant, qui appartenaient au bailli de Manosque, le Supérieur ou économe des Frères Ermites serait condamné au payement des arrérages des censives dus au sieur Bailli, suivant une précédente reconnaissance de 1702 »
Ce fut un long procès que les Frères Hennîtes eurent à soutenir. Il s'agissait de décider, si le domaine de la Cavalerie appartenait à M. de Coriolis Limaye, à titre de fief, ou s'il lui avait été donne par les baillis de Manosque seulement à titre emphytéotique.
Sur le rapport du conseiller de Boades, la Cour rendit, le 30 juin 1753 un arrêt qui condamna l'Econome des Frères Ermites, à passer reconnaissance, en faveur de M. le bailli de Manosque, aux charges et devoirs mentionnés aux titres antérieurs à celui de 1706, à payer le lods du pour raison de l'acte de 1706. Cet arrêt avait jugé que M. le Président de Limaye, ne possédant le domaine de la Cavalerie qu'à titre emphytéotique, n'avait pu, en le transportant aux Frères Ermites, se réserver une directe en sa faveur, ni établir à son profit de nouvelles charges dépendantes de cette directe. Mais le Président de Coriolis Limaye, qui n'avait point paru dans ce procès, attaqua l'arrêt du 30 juin 1753, en sa qualité de tiers non ouï, et présenta trois titres intervenus en 1503, 1504 et 1506, et portant concession du domaine de la Cavalerie. Les conseils des chevaliers de Malte examinèrent ces titres, reconnurent qu'ils renfermaient une vraie inféodation du domaine de la Cavalerie, et que le principe sur lequel avait été rendu l'arrêt de 1753 étant renversé, il fallait consentir à la révocation de cet arrêt et à l'exécution du nouveau bail de 1706 ; mais que néanmoins, étant vrai que les auteurs de M. Coriolis Limaye, ayant contrevenu à la clause insérée dans ces titres, et portant prohibition de transporter la Cavalerie à des gens de mainmorte et autres personnes prohibées, il fallait exécuter cette clause, et qu'il convenait que Me de Limaye se soumît, dans le cas de vente du fief, à ce que le lods fût payé au bailli de Manosque, tout comme si les biens désemparés aux Hennîtes de St-Hilaire, et par eux possédés, étaient soumis au droit d'indemnité ou demi lods.
Ces conclusions ayant paru justes à M. de Limaye, un acte de transaction fut passé, le 13 avril 1775, devant Me Rambot, notaire à Aix ; par lequel « le bailly Dominique Gaspard Balthazard de Gaillard, chevalier grand-croix de l'Ordre de St-Jean de Jérusalem, procureur général dudit Ordre, contractant sous le bon plaisir de ses Supérieurs du grand Prieuré de St-Gilles, — et Messire Joseph Paul Pie Ignace de Coriolis, baron de Limaye, Marquis de St-Jalle, Seigneur de la Bastide-des-Jourdans et autres terres, procureur fondé des Ermites de St-Hilaire, établis dans le domaine de la Cavalerie, par acte du 1er avril courant reçu par M. Clapier, notaire à la Bastide-des-Jourdans : « Lesquels ont convenu et accordé que l'arrêt du 30 juin 1753 soit regardé comme nul et non avenu, que l'acte du 7 septembre 1706 sorte tous ses effets, comme si la cassation n'en avait pas été prononcée.... que le fief de la Cavalerie demeurera toujours sous la mouvance des baillis de Manosque, avec la charge et la condition expresse que si le Seigneur de Limaye ou ses successeurs venaient à vendre le fief de la Cavalerie, par un titre donnant ouverture au droit de lods, ce droit sera payé par les acquéreurs aux baillis de Manosque.
« Et venant au compte des sommes payées à différentes reprises par les Ermites de la Cavalerie, en exécution de l'arrêt de 1753, il a été vérifié qu'ils avaient payé 600 livres, desquelles il faut déduire 300 livres encore dues des dépens. Il est convenu que la somme de 300 livres sera payée aux dits Ermites dans deux mois comptables d'aujourd'hui.... « Au moyen de ce, les parties s'entre quittent de toutes plus amples prétentions sur cet objet, avec promesse de ne plus se rechercher ni directement ni indirectement... »
Enfin débarrassés de ce procès, qui avait duré près de trente ans, les Frères Ermites continuèrent à la Cavalerie leur vie de prière, de travail, d'édification et de charité.
Mais bientôt arriva la Révolution de 1789, avec sa longue suite de désastres et de malheurs. En confisquant le monastère de Notre-Dame de l'Hermitage à la Cavalerie, elle ne commit pas seulement un crime contre la religion, elle en commit un surtout contre l'humanité. Les Religieux, qui étaient la Providence du pays, furent dispersés, leur monastère, avec les terres qui l'entouraient, fut mis en adjudication et vendu comme bien national, à Apt, le 8 germinal de l'an III, (28 mars 1795), par l'agent national Gardiol et les membres du directoire du district d'Apt. Michel Isnard, Chabran et Durouges.
Dans l'acte de vente par adjudication il est dit que « La Cavalerie est un domaine national de première origine, situé dans la commune de la Bastide-des-Jourdans, et provenant des ci-devant Religieux, dits de la Cavalerie, et consistant en terres labourables complantées de quelques choux et arbres fruitiers, à un enclos de vigne, à un verger et terres incultes et hermassides, à deux bâtiments : l'un appelé le ménage, et l'autre l'habitation desdits Ermites, distants l'un de l'autre de quelques cents pas ; que la contenance totale du domaine est de 100.596 cannes, faisant 5 saumées 7 éminées et 1 cosse, dont 31.903 cannes en hermas inculte, 4.979 cannes en verger, 1257 cannes en terres arrosables et prés, 5253 cannes en vignes, et le reste en terres labourables, estimé le tout au rapport des citoyens Dominique Roman et François Boyer à la somme de 14.733 livres. »
Les enchères s'ouvrirent sur l'offre de 20 mille livres faite, le 6 nivôse précédent, par le citoyen Savournin de Lourmarin. Les citoyens Clapier, J. Ripert, Jarjau de Reillanne, Mertau, Giraud, Jacques Luc et Larmet se disputèrent la Cavalerie, et en firent monter le prix ; mais le citoyen Melchior Arquier, orfèvre à Marseille, en offrit 115 mille livres. Son offre ne fut pas dépassée, et la Cavalerie lui fut adjugée. Ou ne doit pas s'étonner que la Cavalerie soit montée à un tel prix, parce qu'il y avait de grandes facilités pour le payement. Les trois quarts du prix étaient payés en six annuités égales, et le premier quart était payé en entrant en jouissance. De plus on pouvait payer en assignats, et bientôt avec dix sous de monnaie on avait un assignat de cent francs. Ainsi le Gouvernement ne retirait presque rien de la vente des biens du clergé, qui ne portaient pas grand bonheur à ceux qui les achetaient.
La Cavalerie passa en peu de temps entre les mains de divers possesseurs, ils n'y firent pas fortune. Bientôt les bâtiments tombèrent en ruine, et les terres redevinrent incultes et stériles. Vers 1846, ce domaine était la propriété d'un habitant de Portuis, M. Sibon, qui le vendit à M. Camille Guillibert, alors juge au tribunal d'Apt, dont il fut ensuite président. Il avait payé la Cavalerie 25 mille francs ; il la céda bientôt, au même prix, à MM. Figuière et Conil, d'Aix.
4° Restauration de la Cavalerie en 1848
Notre-Dame de La Cavalerie - Image
Héritier des vertus et de l'esprit de, son prédécesseur M. Morellet, à peine fut-il installé, qu'il se mit à visiter sa paroisse. Lorsqu'il arriva au désert de la Cavalerie, il eut le cœur navré, en parcourant ces bâtiments délabrés, en voyant l'antique chapelle des Templiers, dont les murs étaient bien conservés, mais dont on avait fait une écurie et un grenier à foin. Quand il sortit de ces ruines, il se dit, comme si cette pensée lui venait d'en haut : tout ce qu'il me sera possible de faire, dans ma pauvreté, je le ferai pour ressusciter une œuvre si belle.
v A quelque temps de là, le Révant Père Ange, Gardien du couvent des Capucins à Aix, vint prêcher le jubilé à la Bastide-des-Jourdans. Le pieux Curé ne tarde pas de lui parler de ce qu'il a tant à cœur, il l'entretient du projet qu'il a formé de rétablir le monastère de la Cavalerie. « Vous, ajouta-t-il, en s'adressant au Père Ange, vous, qui connaissez tant de personnes zélées pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, n'en connaîtriez-vous point qui voulussent m'aider pour exécuter mon projet ? »
« Dieu soit loué, répond le Père Ange, M. Figuière, doyen du chapitre d'Aix, où il a été longtemps secrétaire de l'archevêché, ayant trouvé dans les archives du secrétariat la Règle de Notre-Dame de l'Hermitage, à la Cavalerie, a eu la même pensée que vous. Sachant que je venais évangéliser votre paroisse, il m'a chargé de vous demander, si vous seriez disposé à entrer dans ses vues pour le rétablissement de ce monastère. Lui et M. Conil, Supérieur du petit Séminaire d'Aix, pourraient vous aider puissamment pour l'exécution de cette entreprise. »
C'était un coup de Providence !.
Bientôt avec l'approbation et, le concours de l'autorité diocésaine, le monastère, avec une grande partie des terres qui en dépendaient autrefois, était racheté, et une Communauté naissante s'installait à la Cavalerie.
M. Moutonnet a fait dans le journal la Commune le récit de la visite qu'il fit, en 1848, à M. le Curé-Dubois. « J'arrivai à la Bastide des Jourdans pour saluer M. le Curé, qui était mon condisciple, mon ami et presque mon compatriote.
M. le Curé n'y est pas, médit sa servante.
—Où est-il donc ?
— A la Cavalerie
— Eh bien, procurez-moi un guide, et j'irai l'y trouver.
« Après une heure de marche par monts et par vaux, j'arrive au fond du ravin, où se trouve l'ancienne habitation des Templiers: quelle belle et imposante solitude ! Quel calme tout autour, et sur les coteaux qui la dominent ! Comme l'âme se sent portée à la méditation et à la prière ! On se croirait dans une des solitudes de la Thébaïde, si affectionnées des premiers chrétiens.
« Comme si déjà il avait fait profession, M. le Curé faisait l'office de Frère Laboureur. Après les civilités d'usage entre condisciples et amis, nous visitons le monastère. Les hommes l'avaient respecté, mais il avait eu à souffrir les injures du temps. Le long corridor voûté du rez-de-chaussée, ainsi que les appartements distribués à droite et à gauche étaient dans un état de conservation suffisante. Le corridor et les cellules du premier étage, ainsi que les toitures, étaient fort délabrés. La vue de la chapelle changée en écurie et en grenier à foin, coupée en deux par un plancher, impressionnait péniblement une âme d'archéologue, et à plus forte raison une âme de prêtre. Cette chapelle en style roman simple, est très régulière et très belle par la pureté de ses lignes, elle est précieuse par son antiquité, c'est à coup sûr le monument le plus ancien et le plus vénérable de la contrée. La voûte a retenti des accents guerriers et chrétiens des Chevaliers du Temple, et plus tard des soupirs embrasés des Frères Ermites. Bientôt il sera encore le sanctuaire de la méditation et de la prière. « Quant aux murs de clôture, ils étaient en grande partie effondrés. »
« Le modeste dîner, auquel nous sommes invités à prendre part, est servi dans une cellule du rez-de-chaussée, l'ancien réfectoire ayant été transformé en chapelle provisoire, en attendant que l'antique chapelle puisse être rendue à sa destination primitive. » « Trois frères, un vénérable prêtre du diocèse de Digne, faisant fonction de Supérieur par intérim, M. le Curé et moi nous composions ce jour-là la communauté tout entière. Des trois Frères, deux étaient dans la force de l'âge, l'autre, le Frère Vitalis, était vieux, bien vieux. Avant la Révolution, sans avoir fait profession à Notre-Dame de l'Hermitage, il avait vécu avec les religieux de ce monastère. Après la confiscation du couvent il s'était fait ermite, et en cette qualité, il avait vécu très longtemps avec un Frère du monastère, que rien n'avait pu forcer à abandonner son costume et son état. Frère Vitalis savait par cœur toute la Règle des anciens religieux. C'était la règle vivante.
« Pendant le diner, un des jeunes Frères, placé au milieu du réfectoire, fit la lecture sur le livre de saint Alphonse de Liguori : Les grandeurs de la Sainte Vierge, comme s'il avait à se faire entendre de quarante religieux, et on l'écouta avec l'attention la plus soutenue, le silence le plus profond. C'était, on le voit une Communauté bien petite, mais déjà bien régulière et édifiante. » M. Dubois venait à la Cavalerie aussi souvent que ses occupations le lui permettaient ; il y présidait les principales fêtes. Le 25 mars 1849, muni des pouvoirs accordés par Mgr l'Archevêque, il fit solennellement la bénédiction de la chapelle provisoire du couvent, en présence d'une foule nombreuse de fidèles, accourus pour assister à cette intéressante cérémonie, à la fin de laquelle il célébra la sainte messe. Quelques jours après, le 29 mars, en vertu des pouvoirs qu'il avait reçus, il fit la bénédiction d'une petite cloche.
Le 15 septembre suivant, on avait restauré et réorganisé l'ancienne chapelle des Templiers, M. le curé en fit de nouveau la bénédiction solennelle, et l'inaugura en y célébrant la messe. Il se réjouissait des progrès que faisait l'œuvre de la Cavalerie et il écrivait à M. Peyre vicaire général à Avignon : « Nous avons déjà quelques sujets pour commencer cette fondation. Ce sont des hommes de bonne volonté, pleins de piété, d'amour du travail, de force et d'ardeur pour embrasser la Règle des ermites de Notre-Dame de la Retraite. Mais il leur manque un Supérieur, on désire un prêtre très pieux, qui aime la Règle, et qui veuille suivre celle du couvent de la Cavalerie, du moins après les modifications qui y seraient faites, avec l'approbation de l'Ordinaire. »
Son désir fut exaucé et sa joie fut bien grande, lorsqu'il apprit qu'un de ses confrères les plus pieux et les plus aimés, l'abbé Barnouin, quittait le vicariat de Lapalud, pour venir, avec l'approbation de son Archevêque et à la grande satisfaction de M. le chanoine Figuière, se mettre à la tête de la petite Communauté de la Cavalerie.
Sources : Le R. P. Marie-Benoît Barnouin, supérieur du monastère de La Cavalerie. Aperçu historique sur La Cavalerie. Page 5 à 26. Redon, François-Xavier. Aubanel Frères, Imprimeurs de N. S. P. La Pape, Avignon 1900. - BNF
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