Villedieu-les-Bailleul par Louis Duval
Département: Orne, Arrondissement et Canton: Argentan — 61
Domus Hospitalis Villedieu-les-Bailleul
Cet anéantissement de tout un passé sest accompli tout dun coup, dans des circonstances encore imparfaitement connues, avec une violence inouïe, et il nen est resté dans limagination du peuple quun souvenir analogue à celui que laisse, dans les pays quils ravagent, le passage subit dune trombe ou dun cyclone.
Quelques jours après le 14 juillet 1789, dans toute la France, un double mouvement se produisit. Dune part la nouvelle se répandit de labolition du régime féodal, de la gabelle, des aides, de tout ce dont le peuple avait souffert, de tout ce quil regardait comme la cause de sa misère. Dautre part des émissaires inconnus annonçait partout que des bandes armées savançaient, semant la mort et lincendie sur leur passage. Ce fut comme une traînée de poudre, à laquelle un imprudent, ou un misérable, a mis le feu. Dans toutes les villes, les habitants sarmèrent et détruisirent les bureaux de recette ; dans les campagnes ce fut bien pis, on sattaqua aux châteaux et lon mit le feu aux chartriers.
A Argentan, la nuit du 19 juillet, le peuple, se porta au bureau des aides et brûla les registres. A Mortrée, où existait également un bureau, la maison du receveur fut forcée et les livres jetés au feu. Les chefs de lémeute étaient, dit-on, le maître de poste et les postillons.
A Laigle, on eut bien de la peine à obtenir de la populace quelle se contentât de démolir le bureau, sans y mettre le feu, ce qui aurait occasionné lincendie de toute la ville.
Manoir des Templiers
Daprès une photographie de M. H. Magron.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6421248j/f163
Le 23 juillet une autre émeute éclata au Mesnil de Briouze et à Lignou. On y avait publié une prétendue déclaration du roi, qui ordonnait à tous les vassaux de brûler tous les chartriers, pour ne laisser aucun vestige de la féodalité que les États-Généraux venaient de supprimer.
Armés de fusils, de faux, de haches, les habitants insurgés, au nombre de plus de trois cents, forcèrent le seigneur de Lignou de Briouze, M. Le Forestier, à leur livrer tous les papiers de son chartrier qui furent brûlés au milieu de la cour, du château, pêle-mêle avec les titres de famille et de propriété qui sy trouvaient et quils sétaient fait remettre de force.
Le chartrier de la baronnie de Briouze fut, le même jour, livré aux flammes.
Des scènes analogues eurent lieu dans la plupart des localités où existaient des chartriers et se renouvelèrent plus dune fois pendant la Révolution qui suivit. A Villedieu-lès-Bailleul nous ne savons pas exactement comment les choses se passèrent, mais voici ce que constate un procès-verbal dressé dans les bâtiments de la Commanderie, par le juge de paix du canton de Trun, le 17 décembre 1792 :
« A lépoque où les paroisses étaient en mouvement, pour trouver les armes et les munitions, un grand nombre dhabitants de cette paroisse se transportèrent au lieu où nous sommes actuellement, pour y vérifier sil ny avait aucunes armes ou munitions. »
Lancienne habitation du commandeur, occupée alors par un paisible fermier, Michel Fouquet, navait nullement laspect dune forteresse ; il fallait avoir limagination terriblement exaltée pour y chercher un arsenal, et elle ne renfermait ni armes ni munitions. La foule sattaqua alors au chartrier, conservé, comme nous lavons vu, dans un coffre de chêne, recouvert de cercles de fer et muni de plusieurs serrures qui furent forcées. Par respect peut-être pour les souvenirs que rappelaient ces vénérables documents, ceux qui étaient à la tête du mouvement procédèrent avec plus dordre quon ne le fit ordinairement. Registres et parchemins furent mis en ballots et déposés chez le citoyen Jacques Viel, maire de la commune, dans une armoire, sur laquelle furent apposés les scellés et dont les clefs furent remises à Louis Charpentier, officier municipal.
La conservation de ces titres paraissait ainsi assurée ; mais vers la fin de 1792, Louis Charpentier, sur les menaces qui lui furent faites et sur les injonctions du nommé Etienne Cardon, remit les clefs à lenfant de celui-ci.
Etienne Cardon déclara en effet devant le juge de paix, et celui-ci a consigné dans son procès-verbal « quil a connaissance que les dits titres et papiers ont été brûlés, dans la paroisse, dans le clos du maire, mais ne sait, par qui ni pourquoi, ce quil a signé : Etienne Cardon. »
Un écrivain célèbre qui a pendant quelques années habité Argentan, en qualité de profès du couvent des Capucins de cette ville, labbé de Vertot, membre de lAcadémie des Inscriptions et Belles lettres (1), a fait, en termes éloquents, léloge des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem en tête de son Histoire de Malte
« Jentreprends décrire lhistoire dun ordre hospitalier, devenu militaire et depuis souverain, que le zèle de défendre les Lieux-Saints arma ensuite contre les infidèles et qui, au milieu dune guerre continuelle, sut allier les vertus paisibles de la religion avec la plus haute valeur dans les combats. »
Maison du XVe siècle, dite le Manoir (côté Nord-Est)
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k67018z/f20.item
Limportance de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul, malgré la destruction des titres conservés dans son chartrier, est attestée par de nombreux documents authentiques.
Les Archives de lOrne, en effet, déposées à la Tour du Temple, ont été réunies aux Archives Nationales en 1792 et y sont conservées. Lanalyse, malheureusement, nen a pas été publiée. Les amis des études historiques attendent ce nouveau service de lirradiation de notre savant confrère, M. Delaville Le Roulx.
Pour donner une idée de limportance de ce fonds, il suffit de dire quà elle seule, la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul renferme environ une trentaine de liasses, sous les cotes M 45, S 5049, 5057-5212-5512-5526, et que ces documents remontent au XIIe siècle.
Tant que lexploration complète de ce riche fonds naura pas été faite, plusieurs points très importants resteront obscurs dans lhistoire des Commanderies du Grand-Prieuré de France. M. Léchaudey dAnisy, par exemple, dans son mémoire intitulé Documents historiques touchant les Templiers et Hospitaliers en Normandie, affirmé, en sappuyant sur le Livre-Vert du Grand Prieuré, quil ny avait en Basse-Normandie que quatre Commanderies : Baugy, au bailliage de Caen ; Bretteville-le-Rabet, dans la vicomté de Falaise ; Villedieu-les-Poêles, à quatre lieues dAvranches, et Valcanville, dans lélection de Valognes.
Daprès cet écrivain, Villedieu-lès-Bailleul naurait été quun simple membre de la Commanderie de Villedieu-les-Poêles. Il résulte, au contraire, du simple examen des fonds des Commanderies aux Archives nationales, que Villedieu-lès-Bailleul lemportait de beaucoup sur Villedieu-les-Poêles, qui na même pas darticle à part dans LÉtat sommaire par séries des documents conservés aux Archives Nationales
Il nen est pas moins vrai que Guillaume de Jumièges (2) assigne aux libéralités de Henri Ier, roi dAngleterre, mort en 1135, lorigine de la Commanderie de Villedieu-les-Poêles. Certains historiens dArgentan sont mêmes partis de là pour affirmer que la Commanderie de illedieu-lès-Bailleul devait avoir la même origine (3). Dautres, sinspirant de lopinion du rédacteur du Terrier de 1741 et les auteurs même de la remarquable publication consacrée à Villedieu-les-Poêles, à laquelle nous ferons de nombreux emprunts, ont cru quil sagissait, au contraire, dun établissement des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, beaucoup moins connu, à savoir, Villedieu-de-Sautchevreuil, commune de Sainte-Scolasse (4).
Les confusions entre les différentes Commanderies de ces Ordres, qui portaient le nom de Villedieu, sexpliquent sans peine. On comprend dès lors que ce nest quà la suite dun examen complet des documents qui concernent chacune delles, que lon pourra être fixé définitivement sur leur histoire.
On sait toutefois que les possessions de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul furent confirmées par Geoffroy Plantagenet, comte dAnjou, duc de Normandie, et plus tard par Richard Cœur de Lion, roi dAngleterre, et que les rois de France, lorsquils furent devenus maîtres de la Normandie, sempressèrent de renouveler les chartes qui assuraient aux Hospitaliers la possession des biens assignés à cette Commanderie. Cest ainsi que Philippe-le-Bel, par une charte du mois doctobre 1203, accorda aux Hospitaliers de Villedieu-lès-Bailleul des lettres damortissement pour une rente à Tercé (apud Terceium), provenant de la libéralité de Guillaume de Grésy, frère de lHôpital de Villedieu de Saint-Chevreuil ; pour un rente à Villers-le-Galois (commune de Montabard), provenant des dons de frère Guillaume de Brevaux (Beuraux) ; une autre à Vrigni (Verigne) ; un autre au Mesnil (peut-être Ménil-Glaise), du don du frère Guillaume Le Fèvre ; un autre à Rouvres (?) ; dautres enfin à la Poterie-des-Vignats, à la Cochère, à Argentan, à Trun, à Coulonces (5).
Le travail actuel ne doit être évidemment considéré que comme provisoire. Cest un simple aperçu, en attendant le dépouillement méthodique que nous promet M. Delaville Le Roux. Nous avons voulu, en présence du monument élevé par M. Grente et Havard à la gloire des commandeurs de Villedieu-les-Poêles, essayer de montrer, par avance, que les Annales de Villedieu-lès-Bailleul ne le cèdent en rien à celles de toute autre Commanderie du même ordre, et payer ainsi un juste tribut dhommage à la mémoire des braves chevaliers qui y ont vécu.
Nous demandons dabord la permission de consacrer quelques instants à lexamen dune des chartes relatives à cette Commanderie, qui présente un intérêt particulier, parce quelle nous fournit des renseignements précis sur la condition des habitants de Villedieu et des environs à lépoque féodale. Cest une charte du XIIe siècle, publiée par M. Léopold Delisle (6) qui nous fait connaître une des obligations les plus dures auxquelles étaient soumis les vassaux de la Commanderie. Elle constate que les chevaliers de lordre du Temple, de même que ceux de Saint-Jean de Jérusalem, avaient droit, à cette époque, à la mort de leurs hommes, de prendre le tiers de leurs biens. Cette dure condition était spécialement imposée à ceux de Saint-Lambert-sur-Dives, en conséquence dune charte de Robert de Milcent qui, avec Richard, son frère, avait donné une de ses terres à un chevalier hospitalier.
Mais si la condition sociale des hommes de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul était alors peu relevée, il est dautant, plus intéressant de constater quau commencement du XIVe siècle, un progrès considérable avait été accompli au profit de la classe du Tiers-Etat. La profession davocat, à cette époque, et dès le XIIIe siècle, avait acquis une importance en rapport avec les complications croissantes de la procédure.
Denis Coulon
Chaque établissement ayant des intérêts à défendre était tenu, dès lors, dentretenir à lannée un ou plusieurs hommes de loi. Cest ainsi quen 1298, les religieux de labbaye de Silli sengagèrent à faire à Guillaume le Queu, écuyer, une pension viagère de 100 sous tournois, à charge par lui, de mettre, sa vie durant, au service de labbaye ses conseils et son talent davocat, dans toutes les affaires quils pourraient avoir dans les vicomtés de Falaise et dAlençon, avec toute espèce de personne, sauf le seigneur dudit Guillaume le Queu et ses parents, jusquau degré de cousins-germains (7)
Or, en 1319, dans un état des charges de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul nous trouvons cet article :
« Item pour trois pledeurs pensionnaires, dix livres tournois (8). »
Les relations de propriété qui existaient entre la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul et le prieuré de Saint-Lambert-sur-Dives, sont établies par plusieurs actes, notamment par une transition, du 6 janvier 1446 (n. s.) passée devant Ysambart Lefort, lieutenant général de Jehan de Pierres le jeune, vicomte de Villedieu-lès-Bailleul. II y est dit que frère Denis Coulon, gouverneur de la Commanderie de Villedieu renonça alors à laction quil avait intentée contre frère Jehan Hamon, prieur de Saint-Lambert-sur-Dives, au sujet des arréages de six septiers davoine quil avait droit de prendre sur la dîme de ladite paroisse (9).
Grâce à la magnifique publication que MM. Joseph Grente et Oscard Havard, viennent de consacrer à la Commanderie de Villedieu-les-Poêles, il nous est possible de donner la liste de nos commandeurs de Villedieu-lès-Bailleul, depuis le XVe siècle jusquà la Révolution.
Frère Pierre Lavie
Le premier que nous rencontrons, après Denis Coulon, que nous venons de nommer, et qui fut témoin de la guerre de Cent-Ans, cest frère Pierre Lavie.
Sa pierre tombale se voit encore dans léglise de Villedieu-lès-Bailleul et on y lit linscription suivante, à demi effacée :
ci GIST ... FRERE PIERRE LAVIE, en son vivant commandeur de sceans et de Villedieu de Montchevrel, lequel trépassa le premier jour de Février lan MIL CCCC IIII XX IIII. Priés Dieu pour luy.
Leffigie du Commandeur, gravée en creux, est placée sous une arcade ogivale ; il est représenté couché, les mains jointes sur la poitrine ; il porte une robe à plis qui descend au-dessous du genou ; son épée est suspendue à sa ceinture. Cest peut-être loccasion de dire que daprès la règle de lordre, les chevaliers portaient, en outre, pardessus la robe, un manteau noir, orné dune croix à huit pointes, dite croix de Malte : en temps de guerre, ils revêtaient la cotte darmes rouge, avec la croix de lordre.
Linscription qui encadre cette effigie appelle un commentaire.
Comme nous lavons vu, Villedieu-de-Montchevrel ou Villedieu-sous-Montchevrel était un autre établissement des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, situé en la paroisse de, Sainte-Scolasse-sur-Sarthe, dont les biens provenaient, en partie, de ceux que les Templiers possédaient dans le diocèse de Sées avant leur suppression. La chapelle était sous le nom de Sainte-Marie-Madeleine. Le vicaire de Saint-Aubin-dAppenai en acquittait les fondations, moyennant une rente de 40 livres que lui faisait le commandeur, Les revenus de ce bénéfice sélevaient à 750 livres, y compris le produit dun moulin banal, situé sur le ruisseau de la Fontaine. Le commandeur y possédait des droits de haute et basse justice, quil faisait exercer par un bailli, un procureur fiscal et un greffier (10).
Hugues de Boufllers
Le troisième Commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, dont le nom nous soit connu, est Hugues de Boufllers. Il est cité parmi les chevaliers qui se sont illustrés pour la défense de Rhodes. Il était fils de Jacques Boufflers, mort en 1477, et de Perronne de Ponches. Cest sous lui queût lieu, vers 1499, ladjonction de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul à celle de Villedieu-les-Poêles. En 1510, il était encore Commandeur de Villedieu et de ses dépendances, Montchevreul et Sautchevreul.
Armes : dargent à neuf croix recroisetées, de gueules 3, 3,3 et trois molettes de gueules, 2 et 1.
Jean de Marle
Qui lui succéda comme commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, en 1520, avait été reçu dans lordre le 18 juin 1512, et avait été désigné, en 1516, pour assister au chapitre général tenu à Rhodes. Cette Commanderie était vacante lors de la tenue du chapitre qui eut lieu au mois de juin 1523, où il fut dit que feu Jean de Marle lavait affermée, deux ans auparavant, par un long bail qui fut annulé. Elle fut affermée de nouveau, à la suite dune mise aux enchères, au profit du trésor de lordre. Frère Antoine de Wargnier ou Vernier, dit Bléville, en fut déclaré adjudicataire, pour la somme annuelle de 430 livres.
Ce chevalier continua, jusquau mois de juin 1524, à gérer le temporel de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul et de ses dépendances.
Louis de Dinterville
Né le 25 juin 1503, fils de Gaucher de Dinterville, seigneur des Chenets, Veulay, maître dhôtel du Roi, bailli de Troyes, gouverneur du Dauphin, fut placé à la tête de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul, au chapitre de 1525. Cette nomination donna lieu à un conflit, Louis de Vallée, dit Passy, ayant obtenu concurremment des bulles du Conseil de lordre. Laffaire portée devant le Grand Maître fut résolue en faveur de Louis de Dinterville qui, dans une assemblée provinciale des chevaliers, tenue le 2 novembre 1530, prend le titre de commandeur de Villedieu-lès-Bailleul. Il mourut à Malte, le 22 juillet de lannée suivante.
Armes : de sable à deux lions léopardés dor.
Denis de Vielzchastel
Fils de Philippe de Vieilzchastel, écuyer, et dAnne de Guibert, fut nommé commandeur de Villedieu en 1532.
Armes ; dazur à trois lions rampants, couronnés, armés et lampassés dor.
Dans cette revue rapide de nos commandeurs il est une figure devant laquelle nous sommes forcés de nous arrêter et qui mériterait un portrait en pied. Cest celle de Claude de la Sengle. Ce nest pas dailleurs sans quelque surprise que nous découvrons dans la paisible commanderie de Villedieu-lès-Bailleul, en 1542, un des chevaliers qui ont acquis le nom le plus illustre parmi les intrépides défenseurs de Malte.
Claude de la Sengle
Etait âgé de quarante-huit ans, puisquil était né en 1494. Il est à croire qualors il ne songeait guère à sélever à la plus haute distinction de lordre. La Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul était certainement une résidence agréable, quoique modeste Ce petit coin de terre, nous écrit un ami, dont le crayon élégant et fidèle, nous aidera à donner quelque relief aux souvenirs qui sy rattachent, ne manque pas de charme, sous le rapport de la variété des aspects. Lair est très pur ; le voisinage des bois contribue à lassainir et en rend le séjour agréable. Du haut de la tour servant de cage à lescalier de cette maison du XVe siècle quon voit encore à Villedieu et qui rappelle sa grandeur passée, on découvre un horizon très étendu, les bruyères qui sétendent du côté des Vaux-dObin, les hautes collines du pays dAuge, Bailleul et la magnifique plaine de Trun.
Cétait un lieu de repos où lon envoyait souvent les chevaliers se refaire de leurs blessures, de leurs fatigues ou ceux dont la santé avait pu être altérée par le climat de Malte, qui ne convient pas à tous les tempéraments. Or, tel parait avoir été le cas de Claude de la Sengle. Cest ainsi que lon peut sexpliquer que cette Commanderie ait eu quelque temps lhonneur insigne davoir comme titulaire un chevalier qui bientôt fut appelé au poste éminent de grand hospitalier, chef de la Langue de France et ensuite à celui dambassadeur de lordre auprès du Saint-Siège. Il remplissait cette mission à Rome en 1553, lorsque survint la mort du grand maître, Pierre dHomédes. Une assemblée générale des chevaliers fut immédiatement convoquée pour lélection dun nouveau grand maître.
Tout dabord, une candidature parut simposer aux chevaliers, dans lassemblée qui fut tenue à Malte, le 11 septembre 1553, celle de Léon Strozzi, prieur de Capoue, premier général
des galères, connu par ses entreprises glorieuses, dévoué à la France et fils du fameux Strozzi qui, fait prisonnier par Côme de Médicis, sétait poignardé après avoir gravé de la pointe de son poignard sur le mur de son cachot, ce vers célèbre : « Exoriare aliquis nostris ex ossibus ultor. »
Le conservateur conventuel de lOrdre, Georges Vagion prit alors la parole et représenta aux électeurs que, dans les circonstances actuelles, ce quil importait, cétait de choisir pour grand maître un homme dun caractère ferme et indépendant, dépouillé de toute passion et de toute vue dambition personnelle. Le commandent Claude de la Sengle, aussitôt proposé, quoique absent, réunit la majorité des suffrages et fut proclamé grand maître. Deux ambassadeurs furent envoyés pour lui notifier sa nomination, mais ils furent prévenus par le chevalier de Montgaudri, qui réussit à arriver à Rome secrètement avant eux. Le gouverneur du château Saint-Ange fit tirer le canon pour annoncer cette nouvelle qui fut à Rome loccasion dune fête publique. On fit avancer jusquà Terracine les galères qui devaient conduire à Malte le nouveau grand maître, et Strozzi lui-même, qui les avait amenées, les fît garnir de soie et dor, au chiffre de Claude de Sengle et pavoiser de ses armes : Croix de sable, accompagnée de coquilles dargent. Son entrée au phare de Messine ne fut pas moins brillante.
Le 1e janvier 1554, il fut reçu à Malte et des cendit en la cité sur un pont ingénieusement composé en formé de coquilles, pour faire allusion aux armes de sa famille.
Les actes de Claude de la Sengle comme grand maître, appartiennent à lhistoire de lordre. Nous devons nous borner à signaler quelques-uns de ceux qui émanèrent de son initiative personnelle, Sous son gouvernement, les Strozzi et Jean de la Valette firent plusieurs prises importantes sur les pirates barbaresques qui infestaient les côtes de la Sicile et du royaume de Naples. Cet exemple fut de même suivi par un certain nombre de simples commandeurs aux-quels leur fortune permettait darmer des vaisseaux en course et dassurer la liberté du commerce des chrétiens dans la Méditerranée.
Le sultan Soliman II, en prit ombrage et annonça le dessein de chasser les chevaliers de lîle de Malte, aussi bien quil lavait fait, quarante ans auparavant, à lîle de Rhodes, malgré lhéroïque défense du grand maître Villiers de lIsle-Adam. Pour parer à un pareil malheur, Claude de la Sengle résolut de mettre Malte et ses dépendances à labri de toute attaque Par ses ordres. Les galères de la Religion (cest ainsi quon appelait les navires de guerre armés par le Grand Maître de Malte), reprirent leurs courses sur les côtes de la Méditerranée doù elles ramenèrent bientôt des prises importantes qui furent employées à lapprovisionnement des magasins de lile. La Valette enleva aux Turcs trois vaisseaux chargés de blé destiné à Constantinople et à lEgypte
En même temps, le Grand Maître soccupait de faire élever de nouveaux ouvrages de détense au fort de Saint-Elme, où il fit construire un grand éperon, et à lile Saint-Michel, quil fit enclore dépaisses murailles, du côté opposé au rocher de Corradin. Ces murailles furent, en outre, fortifiées de boulevards et de bastions et, dans les fossés nouvellement creusés, on fit circuler leau de la mer. En mémoire du service signalé que ce Grand Maître avait rendu à la Religion, par lexécution de ce grand travail, les chevaliers donnèrent son nom à cette île quil avait rendue inexpugnable, et qui porte depuis le nom dIle de Sengle.
Au moment où la mise en état de défense était achevée, un cyclone effrayant, qui dura environ une demi-heure, vint sabattre sur Malte. Quatre galères furent renversées, les carènes en haut ; plusieurs brigantins et galiotes furent mis en pièces, et plus de six cents hommes, officiers, soldats ou rameurs perdirent la vie.
Les princes chrétiens, à lappel du Grand Maître, vinrent au secours de lordre. Claude de la Sengle, pour donner lexemple, fit construire à ses frais, dans le port de Messine, une galère dont les rameurs, tirés des prisons pontificales et pris parmi les forçats condamnés par la justice, furent libéralement offerts par le pape. Le roi dEspagne Philippe II, donna deux galères.
Les commandeurs riches mirent leurs ressources personnelles à la disposition de ce Grand Maître. Philippe du Broc, ancien chevalier de la langue de Provence, et prieur de Saint-Gilles, donna un grand galion que le commandeur Pascal du Broc, son neveu, conduisit à Malte, chargé de provisions de guerre et de bouche, et armé de bons soldats. Presquen même temps, on vit arriver dans le port, avec deux galères, François de Lorraine, grand prieur de France. Profitant du désarroi dans lequel Malte sétait trouvée par suite de la destruction presque totale de la flotte, un corsaire audacieux, nommé Dragut, réussit à y aborder, sans coup férir, avec sept galères, chargées de troupes de débarquement, ravagea la campagne et fit un grand nombre de prisonniers quil mit immédiatement aux fers en qualité desclaves. Heureusement le commandeur Louis de Lastic, grand maréchal de lordre, put arriver à temps, avec trois cents chevaliers, et après avoir taillé en pièces une partie des corsaires, parvint à délivrer les prisonniers et força Dragut à regagner en hâte ses vaisseaux.
Pour réprimer laudace des Barbaresques qui sans cesse épiaient loccasion dinquiéter les chrétiens, les galères de la Religion et celles du prince de Lorraine furent mises à la mer, portèrent de nouveau la terreur sur leurs côtes et leur enlevèrent plusieurs navires de guerre et de transport, chargés de marchandises.
Si lancien commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, devenu grand Maître de lOrdre de Saint-Jean-de-Jérusalem, occupe une place honorable dans les annales militaires de Malte, comme législateur et comme administrateur, il a laissé également un nom respecté. Il fit faire, en effet, pendant le temps de son magistère, une réforme générale des statuts et établissements de lordre. Il obtint du pape Paul IV, une bulle, donnée à Rome, le 14 juillet l555, la première année de son pontificat, portant interdiction daliéner aucune partie des biens de lordre. Le roi Henri II, par ses lettres-patentes, données à Villers-Cotterêts, au mois de septembre de la même année, ordonna que tous procès, nés et à naître, relatifs aux commanderies de Saint-Jean-de-Jérusalem, seraient soumis au jugement du Grand Maître et du couvent de lordre. Par ses autres lettres-patentes du 10 mars 1556, données à Ambroise, le même roi, par application de lédit ci-dessus, renvoya au Grand Maître et au convent de lordre, la connaissance dun procès pendant au Conseil privé du roi, relatif à la commanderie de Paulhac, dans la Marche.
Les chroniqueurs de Lordre ont encore noté quil est le premier Grand Maître qui ait adopté, comme coiffure ordinaire, le bonnet de velours, de forme ronde, analogue à celui que porte le pape en dehors des cérémonies solennelles, dans lesquelles on pose sur sa tête la tiare à trois couronnes.
Les dernières années de sa vie furent troublées par le souci des affaires de Lordre et par le chagrin quil eut de voir la division des princes chrétiens compromettre les grands intérêts quils avaient pour mission de défendre. Atteint dune maladie, de foie, que ces soucis ne firent quaggraver, il choisit comme lieutenant le prieur de Saint-Gilles, mais ne cessa de soccuper de faire travailler aux fortifications et de veiller aux affaires de Lordre. Il expira le 17 août 1557, à lâge de soixante-trois ans, après avoir été rudement tourmenté pendant quatre jours par un grand catarrhe qui létouffa.
« Il fut enterré avec grand deuil de tout le couvent, dit le P. de Naberat, et ses obsèques furent faits avec de grands honneurs. »
« II fut en son temps, ajoute-t-il, très bon religieux et mesnagea très bien les deniers publics. Et parce quil étoit mort soudainement et navoit eu loisir de tester, le Conseil, pour user de gratitude convenable à ses mérites, donna 4.000 escus pour la dot de la fille du seigneur de Montchannat, son frère, une autre somme pour fonder une chapelle, au nom du défunt, au château Saint-Ange, et 6,000 escus pour un parement pontifical de velours cramoisy, broché dor, aux armes de la Sengle, qui se voit encore à présent en léglise de Saint-Jean (11). »
Ce qui nest pas moins digne de remarque, cest quon ne crut pouvoir le remplacer quen élevant après lui, à la dignité de grand-maître, le célèbre Jean de la Valette, dont il avait constamment favorisé les entreprises maritimes (12).
Jean de Cochefillet
Le successeur de Claude de la Sengle, comme commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, fut Jean de Cochefillet, dune illustre famille du Perche.
On voit figurer dans le rôle de la noblesse du Perche, en 1541, Jehan de Cochefillet, sieur de Prulay. Le commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, était, croyons-nous, fils de Guillaume de Cochefillet et de dame Ingrande, héritière de Saint-Martin-de-Villergleuze (13) (Les armes de cette famille, daprès le sceau de Joseph de Cochefillet, seigneur de Saint-Martin, capitaine de cinquante lances en 1571, étaient un écu à deux lions, passant lun sur lautre, timbré de rinceaux, acosté de deux palmes (14).
Jean dAché
Commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, appartenait à une famille qui a longtemps possédé le fief de ce nom, près dAlençon. Armes ; de gueules à trois chevrons dor, à deux haches adossées en pal dans le premier chevron.
Edme de Villarceaux
Commandeur en 1569, rappelle également le nom dune famille qui a tenu un rang distingué, parmi les combattants pour la patrie française.
Louis de Mailloc
Commandeur en 1571, se rattachait à Jean de Mailloc, qui en 1366, était au service du roi de Navarre, en Normandie, et qui donna quittance de gages au receveur dOrbec. Armes : trois maillets au bâton en bande brochant, dans un quadrilobe.
Charles-Alexandre de Montigny
Commandeur en 1572, appartenait également à une famille dont on trouve le sceau aux Archives nationales et dans la collection Clairembault, mais qui ne paraît pas se rattacher directement à la Normandie. Il nen est pas de même de son successeur.
Charles de Gaillarbois-Merconville
Commandeur en 1594. Jacques de Gaillarbois était garde du château de Touques en 1415. Il donna quittance de gages, en cette qualité, à cette date, et la munit de son sceau à six annelets, au lambel de deux pendants, penché, timbré dun heaume, cimé dune tête de griffon (15).
Christophe dApremont
Est encore un nom familier aux amis de la vieille France ; il était commandeur de Villedieu-lès-Bailleul en 1613. On trouve des dApremont en Lorraine et en Bourbonnais. Armes : dargent à six tourteaux de sable, 3, 2 et 1.
Anne de Campremy du Breuil
Commandeur en 1629, nest pas non plus un inconnu pour nous. Les sceaux de cinq chevaliers de ce nom, qui ont pris part aux guerres de Flandre, figurent dans la collection Clairambault.
Anne-François dElbène
Commandeur en 1631, fit faire des réparations dans les diverses commanderies dont il avait la charge. Il fut receveur général du commun trésor de Malte.
A la même époque, vivait Alexandre dElbène, commandeur de Coulommiers, receveur général du Grand-Prieuré de France, fils de Pierre dElbène, sieur de Villereau, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi, colonel dinfanterie, frère dun évêque dOrléans. Armes des dElbène : deux bâtons fleurdelisés par le haut, passés en sautoir, le tout dargent (16).
Jean de Caillemer
Prêtre, docteur en théologie, prieur de Saint-Jean-en-lIsle-les-Corbeil, était conseiller du roi en son Conseil dEtat et privé, commandeur de Villedieu-lès-Bailleul en 1655. On rapporte à son honneur quil fit appel au zèle du vénérable P. Jean Eudes, pour faire donner des missions dans les paroisses qui dépendaient des commanderies dont il avait le gouvernement. On sait que plusieurs années auparavant, le P, Eudes avait donné des missions aux environs dArgentan, notamment à Ri, sa paroisse natale, et que les populations en avaient recueilli le plus grand bien.
Le mandement de Frère Jean de Caillemer commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, pour inviter lofficial et le curé de Sault-Chevreuil, à favoriser de tout leur pouvoir, le succès des missions, en faisant le meilleur accueil au R. P. Eudes et à ses auxiliaires, est daté du 15 septembre 1659. Il permuta avec Jacques de Thieuville en Bricquiebosq, chevalier de lordre de Saint Jean-de-Jérusalem, en 1674. Ce chevalier était issu dune famille de lélection de Valognes, dont la généalogie est dans les Recherches de la noblesse de la généralité de Caen en 1666. Un de ses membres, Paul de Thieuville, épousa Anne de Pellevé de Fiers.
Il portait dargent, à deux bandes de gueules accompagnés de sept coquilles de même, 2, 3 et 2.
Jacques de Thieuville
Était employé à Malte, au service de Lordre, lorsquil fut nommé commandeur. A la date du 15 juin 1674, par acte daté de Malte, il avait donné procuration à messire Jean Costard de la Motte-Hallot, chevalier de Lordre, pour prendre possession de la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul. Dans le procès-verbal qui fut dressé, en conséquence ; le 25 juillet 1674, il est fait mention de la chapelle de Saint-Laurent, dépendant de la Commanderie, dépourvue alors de tous les objets servant à la célébration de loffice divin. La chambre où couchait le commandeur, lorsquil résidait à Villedieu, était ornée de huit pièces de tapisserie fort anciennes, en droguet. Trois autres pièces de tapisserie garnissaient une autre petite chambre voisine, et aux murs dun cabinet attenant, étaient appendus également, deux morceaux de tapisserie.
Les armoires et les buffets étaient suffisamment garnis de linge et de vaisselle. Parmi les objets mobiliers, on remarque même la présence dune cloche en fonte (17).
Charles Sevin de Baudeville
Reçu chevalier en 1647, fut nommé commandeur de Villedieu-lès-Bailleul en 1684. Lordre compta deux autres chevaliers dans la même famille. Armes : dazur à une gerbe dor.
Louis de Rochechouart
De lillustre famille de ce nom, qui lient une place importante dans lhistoire de Malte et qui a compté parmi ses membres un général des galères de France, fut nommé commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, de 1691 à 1669. Né en 1635, il avait été nommé chevalier en 1656. Cousin de la marquise de Montespan, il prenait lui-même le titre de marquis, Son entrée à Villedieu-les-Poêles fut marquée par un incident, ou plutôt par une farce, dont nous devons la relation à lancien directeur des aides et domaines de Garentan, Constantin de Renneville, qui, mis à la Bastille pour quelques vers satiriques contre Louis XIV et contre Philippe V, roi dEspagne, profila de ces loisirs forcés pour préparer des Mémoires quil publia plus tard en Hollande et dans lesquels il a intercalé plusieurs épisodes amusants relatifs à notre pays. Celui de la pêche prodigieuse faite à loccasion de lentrée du chevalier-marquis, vaut peut-être la peine dêtre reproduit ici, comme un spécimen des amusements et de la joyeuse humeur de nos pères :
LAne et le Bailli
« Ville-Dieu est une Commanderie qui dépend des chevaliers de Malte, dont M. le chevalier-marquis de Roche-Chouart cousin de Mme de Montespan, était commandeur, auquel M. le chevallier de Bellefontaine a succédé. Lorsque jy étais, M. de Roche-Chouart y fit sa première entrée. Les bourgeois résolurent de faire pêcher, pour lui présenter avec le vin de leur ville, des truites qui sont parfaitement bonnes et dont leur rivière abonde. Les trois compères mentionnés dans lhistoire précédente (compère Engérand, compère Oblin et compère Bataille) furent délégués pour présider à cette pêche et se mirent aussi à leau pour pêcher eux-mêmes. La première chose qui tomba dans leur filet fut un âne, que des meuniers après sa mort, avaient jeté dans la rivière. Nos pêcheurs crurent, par sa pesenteur, que cétoit un poisson énorme. Lun affirmait que cétoit une baleine, lautre soutenoit que cétoit une chose impossible puisquune baleine étoit plus grande que tout Ville-Dieu. Le troisième conclut que cétoit un daufin, et que comme cétoit un poisson roïal, il ne leur étoit pas permis de le tirer de leau quen présence du juge. Lavis étoit trop juste pour nêtre pas suivi. Par cet avis, compère Engerran sortit de leau et, sans avoir le temps de prendre sa chemise, il ne mit que sa culotte, pour aller appeler M. le Baillif et lui enjoindre de venir sur les lieux être le témoin de leur pêche. Pendant quil alla faire sa députation en habit, là la vérité qui nétoit pas trop de cérémonie, mais qui fit bien rire Mme la Baillive et ses filles, la curiosité prit à compère Oblin devoir de quelle couleur étoit le daufin. Pour cet effet, il souleva le filet. La première chose que le daufin montra ce fut une oreille. Pardi, dit le compère Bataille, javois bien raison de dire que cétoit une baleine, puisquon voilà les nageoires. Oblin leva encore le filet un peu plus haut, découvrit le museau du beaudet, qui sembloit rire de leur étonnement, en montrant ses dents, et enfin toute la tête, qui leur fit connoître distinctement que leur baleine et leur daufin sétoient métamorphosez en âne. Oblin cria promptement à son compère Engerran qui à voit déjà été chez le Bailly, qui ne sétoit arrêté que pour prendre sa robe et son bonnet, afin de faire la chose plus décemment et qui commençoit déjà à paraître magistralement dans la prairie pour se rendre sur les lieux : Haïe ! haïe ! compère Engerrand, retourne dire à M. le Bailly quil ne vienne pas ; ce nest quun âne ! Nota que ce Bailly, qui sappeloit Henry Maurice, et qui se croioit un docteur en droit tout des plus subtils, auroit parfaitement bien tenu sa partie dans la société des Martins. Jen fis rire M. le marquis de Roche-Chouard de tout son cœur, auquel je tins compagnie pendant le séjour quil fît dans sa commanderie (18).
François-Auguste Mesnard de Bellefontaine
Capitaine des vaisseaux du roi, était commandeur en 1690. La porte par laquelle on entrait dans la Commanderie de Villedieu-lès-Bailleul était surmontée dun écusson à ses armes.
François de Commenges
La charge de commandeur de Villedieu-lès-Bailleul échut, en 1706, à François de Commenges, qui avait succédé, en l678, comme abbé commendataire de Leroux, au diocèse dAngers, à Philippe, son frère aîné, comme lui chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, mort en Allemagne, au service de la France. Il était fils de Gaston-Jean-Baptiste de Commenges, chevalier, comte de Commenges, lieutenant-général des armées du roi, ambassadeur en Portugal et en Angleterre, et de Sybille-Angélique dAmelli. Il prit possession de la Commanderie le 30 décembre 1706 (19) et mourut en 1732 (20). Armes : de gueules à quatre otelles ou amandes, pelées, dargent, posées en sautoir (21).
Gabriel de Calonne de Courtebonne
Dès 1717, il sétait démis, en faveur de Gabriel de Galonne de Courtebonne, capitaine des galères de France, reçu chevalier de Malte en 1699.
Les de Calonne, barons de Courtebonne, qui ont fourni un grand nombre de chevaliers à lordre de Malte, avaient pour armes un écu écartelé, au 1 et au 4, un aigle ; au 2 et au 3, une frette.
Henri-Antoine de Villeneuve-Trans
Egalement capitaine des galères de France, lui succéda en 1721. Il appartenait à une famille des plus illustres de la Provence, qui tient une grande place dans les annales des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Un de ses membres, Hélion de Villeneuve, vingt-cinquième grand maître, succéda en 1323 à Foulques de Villaret. Il mourut, en 1346, à Rhodes, où il avait fait bâtir une église magnifique et un château qui portait son nom.
Louis-Vincent du Bouchet de Sourches de Monsoreau
Reçu chevalier en 1692, fut nommé commandeur de Villedieu-lès-Bailleul en 1736. Les du Bouchet, plus tard marquis de Sourches et de Tourzel, comtes de Montsoreau, ont possédé la baronnie de la Ferté-Macé et le fief de Malèfre, près dAlençon. Armes : dargent à deux fasces de sable.
Villedieu-lès-Bailleul dut à ce commandeur la réparation de ses halles, de lauditoire de la haute justice, du four banal, etc.
Paul de Vion de Gaillon
Fut commandeur de 1746 à 1763.
Il était fils de Jean de Vion, seigneur de Gaillon et de Huanville, et de Marie du Mesnil-Jourdain.
Il avait été reçu chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem en 1700.
Il remplit les fonctions importantes de major de la place de Malte. Son frère cadet Charles-Claude-Urbain de Vion, était également chevalier de lordre.
Pierre de Saint-Paul
Dune famille qui a produit deux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, au XIVe siècle, fut nommé commandeur de Villedieu-lés-Bailleul en 1763 ; il occupa ce poste jusquen 1766.
Alexandre-Eléonore Le Matayer de la Haye le Comte
Fut commandeur de Villedieu-lès-Bailleul de 1766 à 1772.
Armes : dazur à trois aigles rangées, au vol abaissé, becquées et membrées de sable.
Marie-Gabriel-Louis Le Tessier dHauteville.
Reçu chevalier en 1735, fut commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, de 1772 à 1774. A cette dernière date, il fut nommé à la Commanderie de Beauvais-en-Gâtinois, qui valait 10,000 livres de revenu et dont-il jouit jusquà la Révolution (22).
François-Marie-Jean-Baptiste de Boniface du Belhart
Reçu chevalier en 1740, nommé commandeur de Villedieu-lès-Bailleul en 1774
Clôt la série des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui ont possédé ce domaine.
Il posséda, en outre, la commanderie de Coulours. Un contemporain, Aimé Besnou, nous a laissés dans ses souvenirs, une relation de la réception qui lui fut faite, lorsquil fît son entrée à Villedieu-les-Poêles (23).
Il fut harangué par le bailli de la haute justice, par le curé, par le syndic de la paroisse, entourés des membres des corps judiciaires, ecclésiastiques et administratifs, et lappariteur lui présenta un trousseau de clés, un pain et une bouteille de vin, en signe de vassalité.
Les biens de la commanderie de Villedieu-lès-Bailleul furent séquestrés en 1792, et eurent le sort de tous les biens nationaux.
Voici quelle était leur consistance :
On entrait dans la cour du manoir par une porte, décorée des armes du commandeur F.-A. Mesnard de Bellefontaine, comme on la vu plus haut. Lhabitation du commandeur se composait dun bâtiment assez régulier, bâti en pierres et entouré de fossés, précédé dune vaste cour où se trouvait la chapelle Saint-Sauveur, ainsi que les bâtiments dexploitation et les prisons ou basses-fosses.
Près de la porte dentrée était le four banal.
La commanderie possédait, en outre, un moulin banal, établi sur la rivière de Dives, au hameau de Magni, sur les limites des paroisses de Trun et de Tournai-sur-Dives.
Le domaine de la Commanderie se composait de soixante-six acres de terre labourable, de vingt-quatre acres de bois, appelés le Bois-du-Maitre, plus six acres de prairie sur le bord de la rivière de Dives et de trois arpents de garennes ou de bruyères.
Le commandeur, en sa qualité de seigneur et patron de Villedieu-lès-Bailleul, présentait à la cure. Léglise était, dailleurs, dédiée à Saint-Jean-Baptiste, patron de lordre. Il jouissait, en outre, dune partie des grosses et menues dîmes de la paroisse ainsi que de celles de Neauphe, et de Saint-Lambert-sur-Dives. Il prélevait enfin les droits de cens et rentes sur les mêmes paroisses, ainsi que sur celles de la Chapelle-Chouquet, Trun, Beaumais, Saint-Pierre-la-Rivière, Coulonces, les Moutiers, Morteaux et Sainte-Eugénie.
Tous ces biens réunis étaient affermés 2.300 livres, y compris les gages du garde forestier, montant à 50 livres, qui devaient être acquittés par le fermier de la Commanderie. Il est facile de voir quil restait à celui-ci un joli bénéfice.
Limportance du bourg de Villedieu-lès-Bailleul était incontestablement plus grande avant la Révolution quelle nest aujourdhui. Ses halles monumentales, posées sur des pilastres en pierre dont les chapiteaux de très grande dimension subsistent encore, attestent quil sy faisait alors un certain commerce. On y comptait, au XVIIe siècle, environ deux cents communiants (24).
Villedieu-lès-Bailleul, situé sur un plateau assez élevé fut fréquemment ravagé dans le siècle suivant par la grêle et par les orages.
En 1767, le revenu des terres était évalué, par lintendant dAlençon, à 3.500 livres (25).
Le montant des impositions, tant en propre quà ferme, était de 257 livres ; celui des taux matériels et industriels sélevait à 294 livres. Le revenu de la cure était de 300 livres.
En 1788 la municipalité ne portait la population quà 60 feux et à environ 160 à 180 communiants. Elle déclarait en outre quil ny avait dans la paroisse « pour tous gentilhommes, que M. le commandeur, seigneur et patron de la paroisse, et messire Louis-Georges du Omméel, écuyer, sieur de Vaux, mais il a vendu sa terre. Il ny a non plus aucun ecclésiastique ni autres privilégiés.
« Il ny a dans notre paroisse ni manufactures, ni commerce, et malheureusement point despérance dy en voir jamais établis. Tous les habitants, si on en excepte quatre ou cinq laboureurs propriétaires et trois fermiers, sont journaliers ou manœuvres et ne subsistent que par leur travail. Il y a cinq à six maisons où les pères et mères sont chargés denfants, qui auroient besoin de secours et qui nen trouvent que dans la charité de leurs voisins, ny ayant dans dite paroisse aucuns établissements ni ateliers de charité en leur faveur... »
« Les chemins de communication aux villes, bourgs et autres lieux circonvoisins sont praticables dans toute létendue de notre paroisse qui est très circonscrite, et nous sommes même en état de fournit abondamment à nos voisins matière à accommoder les leurs (26). »
Ces doléances étaient, croyons-nous, bien légitimes. Mais point ici de ces plaintes amères qui abondent dans certains des cahiers de 1789 quil faut bien se garder de confondre avec les Mémoires rédigés par les municipalités de lélection dArgentan qui nous ont été heureusement conservés et qui renferment les éléments dune enquête sérieuse sur létat du pays au moment de la Révolution.
Le commandeur de Villedieu devait directement lhommage au roi et recevait les aveux des arrière-vassaux de la Commanderie.
Il peut y avoir intérêt à rappeler la forme dans laquelle ils étaient rendus. En voici un spécimen, remontant à lannée 1617 :
« De hault et puissant seigneur, frère Christophe dApremont, chevalier de lordre de Saint-Jean-de-Hiérusalem, seigneur et commandeur des Commanderies de Villedieu-lez-Bailleul et autres dépendances dicelle Commanderie.
« Tiens, gage et advonc à tenir, parfoy en hommage, Me Etienne Marjot, presbtre, de la paroisse de Neaupthe, cest assavoir une maison avec une petite cour, etc.
Item une pièce de terre nommée le Fournil-Bailleux.
« A raison desquels ledit Marjot est subjet à la faisancs de six liards et demi chapon, qui est la moitié de trois sols et un chapon, dont Jacques Potier et Gilles Potier sont tenus fere lautre moitié, pour tenir leurs maisons en héritages subjets à la faisance dicelle rente. Plus ledit Marjot subjet à trois, sols et un chapon de rente dont les hoers François Blondel sont tenus men descharger, à raison quils ont acquis la maison et héritage de René Thierry qui estoit subjette à la faisance dicelle rente ; laquelle maison et héritage a voit esté baillié au dit Thierry par Ives Marjot pour len descharger. Sauf à plus avant bailler, si mestier. Fait le 14 de juin 1617 »
Cet aveu fut rendu aux assises tenues par Pierre du Borgner, lieutenant du bailli (27)
En raison de ce fief, le commandeur de Villedieu-lès-Bailleul jouissait des droits de haute justice quil faisait exercer par un bailli, assisté dun lieutenant, dun procureur fiscal et dun sergent. Cette juridiction sétendait, au Bourg-Saint-Léonard, dans les paroisses de Guèprei et de Tournai-sur-Dives et jusque sur certaines portions du territoire dEcpuché et de
Serans. Le ressort de cette haute justice était compris dans le baillage de Falaise. Un arrêt du parlement de Paris, au terme de la Toussaint 1272, avait ordonné, en effet, que lévêque de Sées, le commandeur de Villedieu-lès-Bailleul et labbé de Saint-Vigor de Cerisi, à cause de la baronnie de Marcei, ne seraient pas sujets à la juridiction de lEchiquier dAlençon, mais que reconnaissant le roi comme leur seigneur et unique souverain, et relevant immédiatement de lui, leurs causes seraient renvoyées devant le juge royal. Il en résulta que les appels des sentences concernant Sées, Villedieu-lès-Bailleul, Marcei et leurs dépendances furent reçus par le bailli de Caen ou son lieutenant à Falaise jusquà lépoque de la suppression de lÉchiquier dAlençon, lors de la réunion de ce duché à la couronne.
Cest dans cette période, cest-à-dire de 1272 à 1562, quà Villedieu-lès-Bailleul, à côté de la haute justice, exercée au nom du commandeur, exista une juridiction royale, appelée vicomté, ressortissant du baillage de Caen.
Nous avons cité plus haut (28), le nom dun des vicomtes de Villedieu-lès-Bailleul, Jehan des Pierres, qui vivait au milieu du XVe siècle. En 1517, nous en rencontrons un autre, Pierre du Londei, écuyer. En 1525, Mathieu Le Sermyer, écuyer, était, à la fois, vicomte et garde des sceaux de la vicomté (29).
En 1569, dans laveu rendu par Michel et Jacques Le Hongre, comme possesseurs de la sergenterie de Montaigu et Trun, se trouve mentionné Villedieu-lès-Bailleul et ses dépendances, du ressort de la haute justice de la Commanderie, relevant du siège de Falaise, qui subsista jusquà la Révolution. Il faut noter cependant quune partie du territoire de Villedieu relevait du fief de Tournai, tenu directement du roi, sous Exmes.
A la distance où nous sommes de lépoque orageuse où fut aboli le régime féodal, il est permis de se demander, sans crainte dêtre soupçonné de le regretter, ce que la France a gagné à la suppression de lordre de Malte et de rappeler sommairement le rôle politique quil continuait à jouer au moment de la Révolution. Cest loccasion de dire aussi que les noms ornais étaient nombreux encore parmi les chevaliers de lordre. Nous croyons même utile den citer quelques-uns :
Achard de Bonvouloir (Charles-François-Auguste), reçu chevalier en 1775, et Achard de Bonvouloir (Charles), reçu en 1789.
Acres de Laigle (Charles-Edouard des), reçu en 1775.
Andlaw (Jean-Stanislas d), reçu en 1784.
Argouges (Louis d), commandeur de Saint-Rémy, 1725.
Berghes (Eugène-Louis-Guislian de), reçu en 1794.
Bernard dAvernes (Eustache), 1705.
Bernard de Courmesnil (Jacques) 1643.
Brassard (Amédée-Hippolyte et Louis-Philippe-Joseph de), reçus en 1786 et 1789.
Grosourdy (Armand de), officier au régiment de Vintimille, demeurant au château de Saint-Pierre, titulaire de la chapelle de Saint-Anne de Mont-Milcent, en 1790.
Morel dAubigny (Achille-Hardouin de), reçu en 1712.
Moucheron (Auguste-Ferdinand de), reçu en 1781.
Thiboult du Grais (François de), reçu en 1610,
Thiremois de Tertu (Gilles-Pierre-Laurent et Pierre-Guillaume-René de), reçus en 1694 et 1695.
Turgot (Etienne-François, de), reçu en 1722.
Vauquelin (François-Marie-Jacques-Gabriel, reçu en 1777).
Les Commanderies, comprises dans les huit langues de lordre : Provence, Auvergne, France, Italie, Aragon, Allemagne et Castille, étaient au nombre de 750. Elles étaient administrées par des chevaliers, généralement âgés ou momentanément malades, délégués par lordre pour percevoir les revenus de ces fiefs viagers dont une part déterminée servait à alimenter le trésor de lordre et à assurer la défense de Malte.
Le vicomte de Mirabeau, ancien chevalier de Malte, frère du grand orateur, comme lui, membre de lAssemblée nationale en 1789, nhésita pas, dans la séance du 17 août, après avoir rappelé les avantages que la France tirait de lexistence de lordre, à signaler les dangers qui pouvaient résulter, dans lavenir, de sa suppression. Il montra lAngleterre, attendant avec impatience cette occasion pour se rendre la maîtresse de la Méditerranée, après sêtre emparée de lile de Malte. Il rappela la protection constante que la marine Maltaise prêtait à notre commerce et le secours que nos matelots malades recevaient dans cet hôpital, établi dans des conditions Exceptionnelles.
Dans une autre séance, un des baillis de lordre, également membre de lAssemblée nationale, présenta la question sous son véritable point de vue en insistant sur ce fait que les chevaliers de Malte formaient une véritable confédération de toutes les puissances catholiques, représentées par la noblesse, le clergé et les communes de ces même puissances, ayant essentiellement pour but la protection du commerce contre les pirates. La Chambre de Commerce de Marseille était trop intéressée dans le débat pour ne pas essayer dintervenir. Elle le fit avec énergie et déclara que lile de Malte et les vaisseaux entretenus par les chevaliers, étaient un secours indispensable pour la continuation de ses relations avec le Levant qui contribuaient pour une si grande part à alimenter le commerce de la France.
Ces prévisions pessimistes, lévènement la prouvé, nétaient que trop fondées, et il est évident que du moment que lalliance entre la France et lordre de Malte était rompue, lile était condamnée à tomber dans les mains des Anglais. Il est inutile dinsister sur les conséquences politiques de la disparition dun état indépendant, dont la neutralité assurait la paix de lEurope, et qui placé au cœur de la Méditerranée, servait non seulement de barrière entre lOrient et lOccident, mais contribuait à maintenir léquilibre entre les nations chrétiennes, toujours prêtes à se disputer lEgypte.
Nous prions ceux de nos lecteurs qui ne sattendent à rencontrer dans une monographie telle que celle-ci, que des faits locaux bien précisés, des noms et des dates, de nous pardonner cette excursion sur le domaine de lhistoire générale et de la politique européenne. Les autres, nous lespérons, nous sauront gré, au contraire, davoir essayé de rompre la monotonie dune sèche nomenclature en les invitant à porter un instant leurs regards au-delà des limites de la commanderie de Villedieu.
Ce nest pas sans un sentiment de regret que nous nous détachons de ces souvenirs, de ces ruines, en face desquels nous avons passé dheureux moments. Nous avons vu défiler la longue suite des commandeurs, drapés dans leurs manteaux blancs, décorés de la croix de Saint-Jean-de-Jérusalem, en tête desquels marche le grand maître, Claude de la Sengle. Nous avons pu, grâce au talent de notre ami, M. Angel Thouin, faire passer sous les yeux des lecteurs, les vues et plans des ruines de la commanderie et du manoir du XVe siècle, qui donne une idée de lancienne prospérité du bourg de Villedieu, notamment du bâtiment voûté en arc parabolique soutenu par des piliers ronds, quon dit être lancienne prison de la Commanderie.
Prison Villedieu-les-Bailleul BNF
La chaîne même qui servait à attacher les prisonniers et qui se terminait par un carcan aurait été retrouvée. Ce renseignement nous a été communiqué par M. Dannequin, juge de paix du canton de Trun, qui a eu la bonne pensée de recueillir quelques souvenirs relatifs à ce pays.
Après avoir interrogé les ruines et épelé les documents, nous avons encore lavantage de pouvoir emprunter à un Argentanais du XVIIIe siècle, une description de visu de la commanderie, au moment où la Révolution vint lanéantir ainsi que tous les établissements religieux qui faisaient lhonneur et la force de la vieille France.
« Villedieu paraît avoir été autrefois un lieu beaucoup plus étendu. On remarque encore dans cette paroisse, les traces de plusieurs anciennes rues, bordées de décombres. A droite de la rue qui traverse la paroisse en allant dArgentan à Trun, on y voit encore quatre gros piliers en pierre de taille, de forme ronde, avec leurs chapiteaux, une partie enfouie en terre, et des éclats de rochers, qui sont les restes dune ancienne halle. Ces débris attestent en faveur de la tradition du pays, que Villedieu a été autrefois un ancien bourg, composé de 1,700 feux, nombre quon peut croire exagéré. »
« Les gens du pays rapportent quil y avait dans lancien temps une communauté de Templiers, établis à Ville-Dieu. On montre le lieu quils habitaient et chaque religieux, disent-ils, avait une cellule et un jardin. Cet emplacement est à droite dune petite rue plus bas que lancienne halle, vers Trun, et qui se dirige du côté de Tournay. M. de Tertu ma assuré de lancienneté de cette tradition. »
« Du côté du Levant, léglise qui est vaste, les bâtiments de la commanderie, la chapelle du Commandeur, sous linvocation de Saint-Laurent. Lauditoire de la haute justice et autres habitations particulières, sont bornés par un vallon profond, inégal dans sa largeur, formé de deux chaînes de rochers, dont la variété, les escarpements, présentent un site qui étonne et imprime le sentiment de la terreur. »
« Le fond de ce vallon a formé autrefois le lit dun étang, les digues des deux bouts sont encore existantes en partie. Cest le lieu où sétait retiré le fameux serpent de Ville-Dieu sur lequel la tradition nous a transmis plusieurs versions (30). »
Sources : Duval, Louis. La commanderie de Villedieu-lès-Bailleul (Orne), ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Argentan 1903 BNF
Notes
1. Souvenirs du Collège dArgentan. Discours prononcé par, M. L. Lautour, Maire dArgentan, à la distribution des prix au Collège le 13 août 1845. In 8°.
Vertot dAubœuf (René-Auber de), né au château de Bonnetot, en 1655, était entré dans lordre des Capucins vers lâge de quinze ou seize a ans, en 1674, il avait fait profession à Argentan, mais le 7 Février 1675, il avait obtenu un bref qui lui permettait, à cause de la délicatesse de sa santé, dentrer dans un ordre moins sévère, celui des chanoines de Prémontré.
2. Recueil des Histoires de France, tome XII, page 581.
3. Bailleul (J. P. T.). Description locale des 469 paroisses qui composaient lancienne vicomté dArgentan. m. 1, article Villedieu-lès-Bailleul.
4. Joseph Grente et Oscar Havard, Villedieu-les-Poêles, sa commanderie, sa bourgeoisie, ses métiers. Librairie Champion, 3, quai Voltaire, Paris, 1898-1900, 2 vol in 8° plan.
5. Note de M. J. Delaville Le Roulx.
6. Etudes sur la Condition de la classe agricole en Normandie au Moyen Age, 1851, page 100, note 21.
7. Cartulaire de Silli, folio 185, v°.
8. Archives nationales, S. SQ49. — Cité par M. Léopold Delisle.
Cartulaire Normand n° 647, n° 39.
9. Fonds latin 10,070, n° 79. — Voyez aussi aux Archives de lOrne, H. 1919, aux chartes de 1493, relative à la dîme de Saint-Lambert.
10. Lechaudey dAnisy. Documenta historiques sous les Templiers et les Hospitaliers en Normandie. Mémoire de la Société des Antiquaires de Normandie. Tome XIV. Page 371.
11. Histoire des chevaliers de Saint-Jean-de-Hiérusalem. Paris, Michel Soly, Pierre Billaine et Gervais Alliot, 1629.
Le P. de Naberat, nous a conservé un portrait de Claude de la Sengle, dont nous avons obtenu une bonne reproduction.
12. Moreri, dans son Grand Dictionnaire historique (tome IX, page 340) a consacré un article à Claude de la Sengle.
13. Revue du Maine (tome VIII, page 166).
14. Inventaire de la collection Clairembault (page 2,635).
15. Ibidem, n° 5, 890.
16. La Chesnaye-des-Bois, 2e édition (tome VII, page 201)
17. Archives de lOrne, H. 5126.
18. Oscar Havard et J. Grente, Viliedieu-les-Poeles sa commanderie, etc. (tome X, page 13). — Constantin de Renneville, LInquisition française ou Histoire de la Bastille.
19. Archives de lOrne, H., 512 b.
20. Gallia Christiana (tome XIV, col. 730).
21. Renseignements communiqués par M. le comte de Souancé. 22. Mémoire des Intendants sur létat des généralités, tome 1, Généralité de Paris, publié par M. A. de Poislisle, page 118. — Inventaire sommaire des Archives départementales Seine-et-Marne. Tome II. 987-693, par Al. Lemaire. 23. Oscard Havard, Villedieu-les-Poêles. 24. Pouillé de lEvêché de Sées.
25. Archives départementales, G. 793.
26. Annuaire de lOrne, 1887. Partie historique. Archives départementales, G. 1186.
27. Archives de lOrne, H 3258.
28. Archives de lOrne, page 12.
29. Archives de lOrne, H. 1687 et 1753.
30. Description des cent soixante-neuf paroisses qui composaient lancien vicomté dArgentan (Mss).
Sources : Duval, Louis. La commanderie de Villedieu-lès-Bailleul (Orne), ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Argentan 1903 BNF