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Puimoisson

Département: Alpes-de-Haute-Provence, Arrondissement : Forcalquier, Canton: Manosque - Commune: Puimoisson - 04


Domus Hospitalis Puimoisson

Puimoisson depuis l’arrivée des Hospitaliers jusqu’à la Révolution française (1120-1789)
A la suite des invasions des barbares, des incursions sarrasines et des tracasseries des guerres féodales, de grands maux avaient fondu sur l’Eglise. Durant les années d’anarchie sociale qui donnèrent naissance à ce pouvoir nouveau appelé la féodalité, la violence et la spoliation l’avaient réduite, chez nous, à une situation misérable. Cédant trop souvent au besoin d’envahissement qui le dominait, le pouvoir laïque, par la force et la violence, s’emparait de ses biens, percevait ses dimes et ne laissait même plus aux prêtres des paroisses et aux chapitres diocésains les revenus nécessaires à leur subsistance.
D’autre part, l’ignorance, le relâchement s’étaient glissés, avec la gêne, dans les rangs du clergé séculier ; de telle sorte que la discipline n’était pas moins compromise que le revenu temporel. Il en était ainsi partout un peu, et notamment dans le diocèse de Riez.
Il devenait pressant de remédier à tant de maux, de ramener l’ordre et la discipline, de faire régner la justice, de faire respecter le droit.
L’évêque Augier y consacra tous ses soins. Doué d’une grande énergie, d’une activité étonnante, ce prélat fit valoir ses droits avec fermeté, menaça les usurpateurs des censures canoniques, ramena dans la mense épiscopale les revenus ecclésiastiques dont les laïques s’étaient indûment emparés, grâce à la faiblesse et à la négligence des pasteurs, et assura par ce moyen, à son chapitre et à son clergé, des revenus convenables.
Mettant la main au spirituel, il confia aux religieux de divers ordres un nombre considérable de paroisses de son diocèse, et plaça au milieu des populations des pasteurs exemplaires pour remédier aux maux que l’ignorance, la cupidité et l’incontinence des clercs avaient fait naître. C’est ainsi qu’il donna aux moines de Lérins Notre-Dame de Beauvoir (1096) et toutes les églises de Moustiers (1103), les églises de Roumoules, de Montagnac, de Beaudinard, de Montmeyan, d’Esparron, de Quinson, d’Albiosc de Saint-Martin et de Sibillanne. Aux moines de Saint-Victor, il confia l’église de Saint-Cassien, de Tavernes (1097); à ceux de Montmajour, les églises d’Estoublon, de Mezel, de Saint-Julien et de Saint-Pierre de Chauvet.

L’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem venait de prendre naissance (1104). Après la prise de la Ville sainte par les croisés (1099), Gérard Tenque, humble religieux, originaire des Martigues, qui servait les pauvres dans l’hospice annexé au monastère de Sainte-Marie de la Latine, proposa à ses frères de se consacrer d’une manière spéciale et exclusive au service des pauvres et des pèlerins. Quelques frères animés du même esprit que lui acquiescèrent à la proposition de Gérard et, se séparant de l’ordre de Sainte-Marie de la Latine, formèrent une congrégation à part, sous le titre et la protection de saint Jean-Baptiste, d’où leur vint le nom d’Hospitaliers de Saint-Jean. Ils prirent donc l’habit régulier, qui se composait primitivement d’une simple robe noire, avec un manteau à capuce de même couleur et sur lequel était attachée une croix de toile blanche à huit pointes, du côté du cœur.

Peu après et dans le but de venir plus efficacement en aide aux pèlerins qui allaient en Terre-Sainte et de mieux les protéger, les frères de l’Hôpital furent armés. De là, l’origine à la fois religieuse et militaire de cet ordre puissant, qui fit dès lors profession de combattre les infidèles, et fut comme une croisade permanente chargée de défendre les Saints Lieux. Ses membres s’appelèrent d’abord Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et, plus tard, chevaliers de Rhodes et chevaliers de Malte, selon le pays qu’ils habitèrent. Bientôt, l’ordre fut organisé ; on y distingua les chevaliers, hommes de guerre, qui étaient nobles et portaient pour costume une cotte d’armes rouge avec une croix blanche à huit pointes sur le côté gauche ; les chapelains conventuels ou diacots, chargés du service spirituel des hôpitaux et des armées ; les frères servants, qui servaient d’écuyers aux chevaliers ; les donats, qui se dévouaient, dans les hôpitaux, au service des malades et des pèlerins, et, plus tard, les chapelains d’obédience (titre que possédaient nos curés de Puimoisson), qui desservaient les églises dépendantes d’une commanderie.
Ils furent institués canoniquement par le pape Pascal II, et leur règle fut approuvée par le pape Calixte II, en 1120.

C’est vers cette époque, vraisemblablement cette même année 1120, que l’évêque Augier donna à Gérard Tenque lui-même, fondateur et premier grand-maître de l’Ordre, et par une simple tradition fiduciaire, l’église de Saint-Michel de Puimoisson, avec ses dîmes et ses dépendances, réservant comme tribut annuel à l’église de Riez trois boisseaux de blé, trois boisseaux d’orge et deux livres de poivre (1).
1. Il est communément admis que Gérard Tenque mourut en 1121. C’est donc au plus tard en 1120 que la donation de Puimoisson lui fut faite, puisque, d’après Reybaud (Grand Prieuré de Saint-Gilles, Aix), c’est à Gérard lui-même que l’évêque Augier fit cette donation

Dès lors, les Hospitaliers vinrent se fixer à Puimoisson pour desservir l’église de Saint-Michel, qui venait de leur être confiée. Cette église n’était point paroissiale.
Cinq ans plus tard, l’évêque Augier, édifié par la vie exemplaire que menaient les Hospitaliers, trouvant, d’autre part, dans le clergé paroissial, une grande négligence dans l’accomplissement des devoirs de sa charge et dans le payement des redevances dues au chapitre, résolut de confier exclusivement aux religieux tout le domaine spirituel du pays. De concert avec Guillaume, prévôt de sa cathédrale, Aldebert, archidiacre, et tous les chanoines, il donna l’église paroissiale de Puimoisson, avec toutes ses dépendances, à l’hôpital de Jérusalem, à l’église de Saint-Michel et aux Hospitaliers et clercs qui y vivaient, ainsi qu’à leurs successeurs, sauf la redevance convenue de six boisseaux, trois de froment, trois d’orge, et deux livres de poivre (2) (1125) ; et ce n’est plus par simple tradition fiduciaire qu’il leur fait cette cession, mais par un acte écrit et revêtu de toutes les formes. « L’autorité ecclésiastique et la loi romaine, dit-il, ont établi que quiconque veut transférer sa chose propre en puissance d’autrui doit le faire par témoignage écrit. Car un acte revêtu des formes légales donne à la chose concédée ou livrée de bonne foi ou échangée à toute autre condition une force perpétuelle et en garantit à jamais la propriété de trouble et de contestation. »
2. Les redevances en poivre sont fréquentes dans les instruments de cette époque, où ce condiment entrait pour une large part dans l’alimentation et se vendait au poids de l’or ; de là, le proverbe : cher comme poivre.
.... Quapropter, ego, Augerius, regensis episcopus, et Guliemus, prepositus et archidiaconus Aldebertus, cum omnibus nostre ecclesie canonicis, donamus ecclesiam parochialem de Poimoxo, cum omnibus sibi pertinentibus Hierosolimitano Hospitali et ecclesie sancti Michaelis et Hospitalariis et clericis ibidem, degentibus et eorum successoribus, salvo redditu statuto regensis ecclesie videlicet sex modios, tres annone et tret ordei et duas piperis libras. (Archives de Saint-Jean d’Arles. Avocat Reybaud. Mss Chaix.)

Le sage prélat, on le voit, eut recours à la tradition fiduciaire tout d’abord, qui lui laissait la faculté de changer de détermination, et ne s’engagea vis-à-vis des Hospitaliers par un acte solennel et légal qu’après qu’une expérience de cinq années eut justifié ses espérances et l’opportunité de son choix.
Par le fait de cette donation, les Hospitaliers furent investis du pouvoir spirituel dans le pays et substitués au clergé séculier, puisqu’ils eurent l’administration de l’église paroissiale. Et, chose étonnante, on ne leur imposa, en retour de cette donation, d’autre redevance que celle imposée déjà lors de la cession de l’église de Saint-Michel. L’omission de cette clause donna lieu, trente ans plus tard, à une contestation suivie d’un compromis, dont nous parlerons bientôt.

Ce qui ressort clairement de l’acte que nous venons de citer, c’est d’abord :
1° — Qu’il y avait, à cette époque, deux églises à Puimoisson, dont l’une paroissiale et l’autre dédiée à Saint-Michel : une était l’église du Castrum, l’autre l’église de la Villa, car, ainsi que nous l’avons dit plus haut, le Castrum et la Villa étaient séparés : cela explique comment l’évêque donne l’église paroissiale à l’église de Saint-Michel, la fondant pour ainsi dire dans cette dernière et la lui soumettant.
2° — Que déjà, en 1125, des Hospitaliers et des clercs résidaient à Puimoisson pour y desservir l’église à eux confiée verbalement par Augier, en 1120 (3).
3. .... Et Hospitalariis et clericis ibidem degentibus .... Vid. sup.

En l’année 1134, Foulque 1er de Castellane, qui avait succédé à Augier sur le siège de Riez, fut appelé à confirmer en faveur des Hospitaliers la donation faite par son prédécesseur (4).
4. .... Laudavit etiam hoc donum et roboravit Fulco, ejusdem prenominate ecclesie episcopus et secundus ab eo eadem imtitutione. (Archives de Saint-Jean d’Arles. Mss Chaix.)

Cet Ordre puissant, à peine à sa naissance, s’étendait déjà fort au loin, et ses richesses s’augmentaient chaque jour de donations nombreuses et importantes. Les papes le prenaient sous leur protection, lui accordaient de grands privilèges : les princes, les seigneurs, les gentilshommes se rangeaient à l’envi sous ses étendards, à cette époque où florissait la chevalerie, et, en prenant l’habit et la croix de l’Ordre, y faisaient entrer en même temps la meilleure partie de leurs grandes seigneuries. Toutefois, l’Ordre n’avait pas établi encore à Puimoisson le siège d’une commanderie, n’y possédant que le pouvoir spirituel et n’y percevant d’autres revenus que ceux de la dîme des deux églises qu’il y desservait ; le pays relevait encore du comte de Provence.

Ce prince, cédant à son tour au mouvement de générosité pieuse qui se faisait sentir partout, devait bientôt s’en dessaisir, partiellement du moins, en faveur des Hospitaliers. En effet, en septembre 1150, Reymond Béranger II, comte de Provence, assisté de son oncle et tuteur Reymond, comte de Barcelone, prince d’Aragon, leur donna, en franc-alleu, le village de Saint-Michel de Puimoisson, avec plusieurs autres privilèges, et jeta ainsi les fondements de la puissance temporelle de l’Ordre dans notre pays.
L’instrument qui contient cette donation nous paraît d’une importance telle pour l’histoire que nous n’hésitons pas à en insérer ici la traduction, renvoyant le lecteur aux pièces justificatives pour en étudier et contrôler le texte.
« Au nom de la Sainte-Trinité, nous Reymond, par la grâce de Dieu comte de Barcelone, prince d’Aragon et marquis de Provence, de concert avec mon neveu, Reymond Béranger, comte de Provence, donnons, concédons et fermement allouons à la sainte maison de l’Hôpital de Jérusalem et au vénérable Arnal, prieur de Saint-Gilles, ainsi qu’à tous les frères du susdit Hôpital, tant présents que futurs, librement et en franc-alleu, le village (villam) de Saint-Michel de Puimoisson, avec toutes ses dépendances et tout ce qui lui appartient à quelque titre que ce soit. Nous donnons aussi et allouons au susdit Hôpital, à tous ses membres, au susdit prieur Arnal et à tous ses frères à venir un droit de gîte (à prendre) chaque année, dans tous les châteaux et villages de Provence, chez un des hommes les plus honnêtes et les plus importants, là seulement où ils n’auront pas d’Hôpital (1).
1. Unum ospitium..., droit d’ostie que les rois levaient autrefois. En provence, droit d’albergue, synonyme de droit de gîte, impôt comtal. Guicard a donné de cette phrase une traduction singulière. Eliminant le mot quotannis, qui visiblement le gênait et aurait donné à sa phrase un sens inacceptable, il traduit ainsi ; « ... Nous donnons ... la faculté d’établir une maison dans tous les châteaux et villages de Provence et d’y choisir un des hommes les plus probes et les meilleurs, partout où ils n’en possèdent point. » Souvenirs historiques, par Firmin Guichard, Digne, 1847. Ordre de Malte, à Puimoisson, page 20. — Voir le texte aux pièces justificatives, pour juger de l’exactitude de cette traduction.

Nous leur donnons aussi et allouons le droit de prendre dans la forêt de pins de la Camargue la quantité de bois sec qu’ils voudront pour les besoins de leurs manoirs de Saint-Gilles et d’Arles. Nous leur concédons encore et allouons fermement la franchise de tout péage et de toute redevance ; établie par les anciens usages dans tous les pays du comté de Provence, soit qu’ils aillent, soit qu’ils viennent, par terre ou par eau pour n’importe quel motif. Toutes les concessions ci-dessus, interprétées dans le sens le plus favorable possible à l’Hôpital et à tous ses frères, sont faites par nous à ladite maison de l’Hôpital et aux frères, aux fins qu’ils possèdent ces droits et jouissent à perpétuité des privilèges que nous leur avons concédés pour la rémission de nos péchés et pour le salut des âmes de nos ancêtres et notamment de notre frère Reymond Béranger, vivant comte de Provence, dont le corps est déposé dans l’église de Saint-Thomas d’Arles, appartenant audit Hôpital (1).
1. C’est Béranger Raymond, comte de Melgueil et de Provence, frère de Raymond Béranger le Vieux et père de Raymond le Jeune, enseveli dans l’église de Trinquetaille (Bouches-du-Rhône)

Que si, dans la suite, quelqu’un essayait de violer ou de rompre notre présente donation, que celui-là n’en retire aucun profit, mais qu’il encoure, avec le traître Judas, la colère de Dieu, et qu’à jamais demeure solide et inébranlable la présente donation, qui a été faite au mois de septembre, l’an de l’Incarnation du Seigneur 1150. » Suivent les sceaux et noms des témoins (2).
2. Bibliothèque de Carpentras, Fonds Peiresc, XLVIII
— Vidimus etiam Bouches-du-Rhône, tome II, page 138.


Par suite de cette donation du comte de Provence, le village de Saint-Michel de Puimoisson devenait un fief appartenant aux Hospitaliers et quant au spirituel et quant au temporel. Mais ce que les auteurs qui parlent de cette donation n’ont ni remarqué, ni fait ressortir, c’est que le comte de Provence ne leur cède pas le Castrum sur lequel il garde ses droits seigneuriaux comme château fermé et qu’il ne leur vendra que plus tard, et pour la somme de dix mille sous raymondins. Car il importe de ne pas perdre de vue qu’il y avait ici, à cette époque, la Villa et le Castrum, et surtout de ne pas confondre l’un avec l’autre. Il n’est donc pas exact de dire, avec Feraud, commentant cette charte, que Reymond Béranger abandonna à l’Ordre le lieu de Puimoisson sans aucune retenue quelconque (1) ; ni avec Guichard, « que cette donation compléta la puissance de l’Ordre à Puimoisson (2) », puisque, d’une part, la charte ne donne que la Villa sancti Michaelis et que, d’autre part, le Castrum releva du comte de Provence jusqu’en 1231, époque à laquelle il le vendit aux Hospitaliers, ainsi que nous le dirons en son lieu.
1. Feraud, Souvenirs religieux, page, 99.
2. Guichard, Souvenirs historiques, etc. Ordre de Malte, page 19.


Cinq ans plus tard, en 1155 et le XIII des calendes de février, Pierre Géraud, qui avait succédé à Foulque de Castellane sur le siège de Riez, fut prié de confirmer en faveur des Hospitaliers les donations faites par Augier et approuvées par Foulque. Il le fit, de concert avec Bérard, prévôt du chapitre, et du consentement de tous les chanoines, en portant toutefois de deux livres à quatre livres de poivre la redevance imposée à l’Ordre en faveur de la mense capitulaire. La charte de confirmation fut dressée en présence de Pierre, évêque, de Bérard, prévôt, de Guillaume de Beaudinard et de Mainfroid, Hospitaliers, « auxquels, ajoute la charte, cette donation a été faite » et dont l’un, ajoutons-nous, était probablement commandeur de Puimoisson (1).
1. Archives de Saint-Jean d’Arles. Mss Chaix.

La qualité des personnages qui signent cette charte, les termes dans lesquels elle est conçue et la bonne entente qui paraît régner entre les parties ne permettaient pas de supposer que bientôt un conflit sérieux allait s’élever entre elles, au sujet d’une affaire qui paraissait réglée à leur mutuelle satisfaction. Toutefois, l’année suivante (1156) vit s’élever une contestation entre l’évêque et son chapitre, d’une part, et les Hospitaliers, de l’autre. Le chapitre et le prélat voulaient rentrer en possession de l’église de Sainte-Marie et de ses dîmes, parce que, disaient-ils, cette église n’avait été cédée aux Hospitaliers qu’à titre précaire et par simple tradition fiduciaire. De leur côté, les Hospitaliers prétendaient qu’ils possédaient cette église en vertu d’une donation régulière et légitime, qu’ils payaient la redevance constituée à l’époque de la donation et qu’ils la desservaient paisiblement depuis trente années.

L’évêque Géraud, à l’arbitrage duquel on en référa, parut embarrassé par l’ambiguïté de la preuve. D’un côté, en effet, la donation légitime, rendue authentique par Augier, confirmée par Foulque et par Géraud lui-même, le payement exact, régulier, de la redevance établie, enfin la paisible possession trentenaire constituait un titre tout à fait probant en faveur des Hospitaliers. D’autre part, on ne se rendrait pas compte du motif sur lequel la partie adverse pouvait baser ses prétentions, si on ne supposait, ce qui seul, du reste, peut donner un semblant de légitimité à ses revendications, que le titre de paroisse dût être transféré par les Hospitaliers de l’église de Sainte-Marie à l’église de Saint-Michel et que, dès lors, l’ancienne église paroissiale, dépouillée de son titre et devenant simple église secondaire, ne pouvait plus être la même que celle qui était comprise dans la donation d’Augier, qui concédait une église paroissiale, ecclesiam parochialem Elle devait donc revenir à la mense capitulaire, puisqu’elle n’était plus dans les conditions énoncées par le donateur, c’est-à-dire paroissiale. C’est la seule supposition, nous le répétons, qui donne quelque apparence, bien spécieuse toutefois, de légitimité aux revendications du vénérable chapitre. On comprend que l’arbitrage fut difficile. Cependant, les titres des Hospitaliers paraissant incontestables, l’évêque inclina de leur côté. Il leur attribua donc l’église qui faisait l’objet du litige, celle de Saint-Hilaire, détruite à la vérité, mais possédant encore son tènement, et toutes les autres églises qui seront construites sur le terroir de Puimoisson. Toutefois, pour sauvegarder les droits de l’église de Riez, il fit cette cession sous la redevance annuelle de neuf boisseaux, moitié froment, moitié orge, et de deux livres de poivre. L’acte fut dressé dans l’église de Riez, avec le consentement du chapitre, en présence de nombreux témoins, et notamment de Pierre, évêque de Sisteron (1). « Dès lors, dit Fisquet, citant un extrait de cette charte, les Hospitaliers furent exclusivement et absolument propriétaires de toutes les églises du territoire de Puimoisson. »
1. Archives de Saint-Jean d’Arles. — Cet évêque de Sisteron était Pierre III de Sabran (1143-1169), qui signa beaucoup de donations faites aux Hospitaliers, notamment celle du 30 mai 1149, par laquelle Guigues, comte de Forcalquier, leur donna la ville de Manosque.

A notre avis, l’historien va plus loin que ne le permettent les termes de la charte. Le donateur a parlé des églises qui seront construites à l’avenir, mais ne concède pas toutes celles qui existent actuellement.
En effet, l’église de Saint-Apollinaire, bâtie sur le territoire de Puimoisson, ne leur appartenait pas, mais relevait de l’église de Valence, qui la faisait desservir par les moines de l’abbaye de Saint-Tiers de Saou, ainsi que nous le prouve l’instrument que nous avons cité déjà deux fois au cours de ce travail et que nous demandons permission au lecteur d’invoquer encore.

En l’année 1178, l’empereur Frédéric, se trouvant à Vienne (Dauphiné), dut s’occuper d’accommoder les différents qui s’étaient élevés entre les Valentinois et leur évêque. Il fut prié par ce dernier de confirmer, en faveur de l’église de Valence, la donation de l’église de Saint-Apollinaire de Puimoisson, faite par Charlemagne. Il le fit par acte donné à Vienne, le XV des calendes de septembre, l’an 1178, indiction 11 (1).
1. On trouvera la transcription de cet important document aux pièces justificatives, et le document lui-même à la bibliothèque de Carpentras. Acta ad firmandam, etc., tome II, n° VIII, folio 120, v, et seq. du 32 mss, n° 502. Nous n’envoyons le lecteur qu’à Carpentras et non à Vienne en Autriche, comme l’a fait un très distingué, mais peu charitable confrère auquel nous nous étions tout d’abord adressé et qui possédait copie de la pièce prise à Carpentras. Le savant professeur autrichien Grassauer, custos de la bibliothèque impériale et royale de l’université de Vienne, a été plus aimable, et c’est grâce à ses indications que nous avons pu trouver ce document que nous cherchions depuis longtemps.

Jusqu’à ce jour, la commanderie naissante ne possédait rien en dehors du terroir de Puimoisson, et ses revenus se bornaient au produit de la dîme et à la perception des droits seigneuriaux dans la Villa de Saint-Michel. Mais voici que ses possessions vont s’étendre et que le chef va avoir des membres (2).
2. En style de l’Ordre, la commanderie était appelée chef ; les terres en dépendant, mais situées loin de l’Hôpital ou en dehors du terroir, s’appelaient membres ou filholes ou filles.

C’est d’abord Pierre de Bras qui donne au commandeur le droit de dépaissance dans toute l’étendue de sa juridiction (1192) (3).
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 857.

Pons de Bras lui concède la moitié du devens vieux dit « le Vallon des Trois-Pierres », donation confirmée par Guillaume de Bras (1).

Telle
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Domus Hospitalis Telle
Domus Hospitalis Telle

Mais une donation autrement importante fut celle que fit Gordel, seigneur de Brunet, en entrant dans l’Ordre. Il lui apporta, en effet, le grand domaine de Telle, qui était terre seigneuriale relevant de sa directe et qui devint le premier et le plus ancien membre de notre commanderie. Les détails particuliers que contient cette pièce intéressante, au sujet de la donation, des engagements réciproques des parties et de la cérémonie de réception, nous déterminent à la traduire intégralement, pour la mieux faire apprécier des lecteurs.

« Sachent tous les hommes présents et à venir que moi, Gordel de Brunet, j’ai donné ma personne d’abord à l’Hôpital de Jérusalem et aux pauvres de cet Hôpital, choisissant ma sépulture dans le cimetière de l’Hôpital de Saint-Michel, de façon à ne pouvoir me vouer dorénavant à aucun autre Ordre religieux (2). Ensuite j’ai donné la Condamine de Telle et une pièce de terre qui est près de ladite Condamine (3), laquelle pièce de terre avait été possédée autrefois par la maison de l’Hôpital, à la suite d’un arrangement. Quant à la dîme de cette condamine, je l’ai échangée (4) au recteur de l’église de Brunet pour la redîme de la terre de Raymond de Brunet, que j’ai donnée au susdit recteur Isnard, ce qui lui a plu et convenu. Cette condamine commence : du côté du levant, au chemin qui va à la Font de Telle, jusqu’au chemin de Valensole ; de l’autre côté, elle se termine au chemin qui va de Saint-Michel (Puimoisson) à Brunet, et ces deux limites comprennent toute l’étendue de la donation qui est faite librement, absolument et sans réclamation de qui que ce soit. Si quelqu’un voulait y contredire, qu’il sache que j’ai du et voulu donner absolument tout cela à la maison de l’Hôpital de Saint-Michel et que j’ai fait serment de le laisser tel quel à perpétuité. En outre, aussi longtemps que je vivrai, je dois donner trois sous (III solidos) annuellement à l’Hôpital. A la fin de ma vie, je donnerai mon cheval, mes armes, ma cuirasse, et mon corps sera enseveli là (5). Que si je n’avais pas de cheval, j’ai résolu de donner 300 sous pour l’Hôpital : j’ai donné tout cela à l’Hôpital de Jérusalem pour le saint de mon âme, de celle de mon père, de ma mère ; que cette donation soit ferme et établie à jamais. Amen. Cela fait, Sanche de Lombers, commandeur de l’Hôpital de Saint-Michel, du consentement et désir de tous les frères demeurant là avec lui, m’a reçu à titre de frère et m’a rendu participant de toutes les bonnes œuvres, aumônes, prières qui se font et se feront à jamais dans l’Hôpital de Jérusalem. De concert avec ses frères, le commandeur a décidé qu’après ma mort et pendant une année, un chapelain de la maison de l’Hôpital chantera tous les jours la messe pour le salut de mon âme et de celle de mon père et de ma mère. Furent témoins : Datulus ; W. Datuli ; Raymond de Brunet ; Guillaume Raymond et Gauffred, chapelains de Moustiers ; Martin ; (mot illisible) ; Turrel ; Pons Chardousse ; Guillaume Ros ; Raymond Bompart ; Pierre Bota, prêtre ; Pierre Guiz ; Bertrand Artel ; Hugues Taxil. Fait dans le cloître de Moustiers, l’an 1194, mois de décembre, régnant l’empereur Henri et Umbert, évêque de Riez. Amen. »
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 857.
2. C’était une sorte d’engagement de stabilité qu’il prenait en entrant dans l’Ordre.
3. Unam peciam terre que est juxta Condaminam. — Cette pièce est une terre d’une étendue considérable qui, chose remarquable, fait partie aujourd’hui encore du domaine de Telle, quoiqu’elle en soit séparée et appartienne à la commune de Brunet. On ne la désigne encore actuellement que sous le nom de « pèço de Brimet »
4. « Concambiavi. » — En détachant de la circonscription paroissiale de Brunet les terres de Telle, sur lesquelles le curé de Brunet avait le droit de dîme, il devenait juste et nécessaire de lui attribuer une dîme équivalente sur une autre terre. C’est ce que fait le donateur.
5. Au XIe et au XIIe siècle, beaucoup de nobles chevaliers donnaient leur cheval et leurs armes et quelque redevance aux diverses commanderies de l’Ordre. On trouve de nombreux exemples de donations de cette nature dans le « Rôle des donations faites à la commanderie de Saint-Martin de Gap, n° 31, 32, 33, 34, 35, 37, 47, 49, 57, 58, etc. », publié par l’abbé P. Guillaume, archiviste des Hautes-Alpes. (Origine des Ch., p. 15.)


Cette donation, confirmée plus tard par le même Cordel, devenu frère hospitalier, était très importante tant à cause de la grande étendue de terrain qu’elle comprenait qu’à cause de sa proximité du terroir de Bras, où la commanderie possédait déjà le droit de dépaissance. Ce premier membre de la commanderie de Puimoisson, qui commence la longue série des donations qui lui furent faites successivement, lui resta uni jusqu’à la Révolution.
Sur la carte de l’IGN, il y a : Petite Telle et Grande Telle.

Mauroue, Commandaire
Département: Alpes-de-Haute-Provence, Arrondissement: Forcalquier, Canton: Manosque - Commune: Puimoisson - 04

Domus Hospitalis Mauroue
Domus Hospitalis Mauroue

Quatre ans plus tard, un autre membre vient se rattacher à ce tronc déjà puissant et en augmenter les revenus. C’était la terre de Mauroue, qui était située moitié dans le terroir de Puimoisson, moitié dans celui de Riez.
Je pense que cette localisation pour la carte de l’IGN, doit être Commandaire ou Ferme de Commandaire.

Cette donation, qui a le caractère d’une réparation et à laquelle les auteurs donnent intentionnellement la plus grande notoriété possible, fut faite par Spade et Guillaume Augier, riches seigneurs de la ville de Riez, en réparation des dommages et des mauvais procédés dont ils s’étaient rendus coupables à l’égard de la maison de l’Hôpital de Saint-Michel de Puimoisson. Ces grands envahisseurs des terres d’autrui, ces violents oppresseurs de tout droit et de toute justice n’étaient pas toujours bien cuirassés contre les atteintes du remords, et la terreur des jugements de Dieu leur inspirait seule, parfois, quelques sentiments de justice. Voici en quels tenues nos deux seigneurs formulent leur amende honorable : « Sachent tous les hommes présents et à venir que Spade et Guillaume Augier, pour le dommage et le mal qu’ils ont causé à la maison de L’Hôpital de Saint-Michel de Puimoisson, en réparation de tous leurs méfaits, pour le salut de leur âme et de celles de leurs prédécesseurs, ont donné la Condamine de Mauroue, qui part de la Mote y renfermée, de la terre de Bertrand Esparron, et va jusqu’au chemin de Saint-Julien, qui sépare le terroir de Riez de celui de Puimoisson (1). Si, dans l’étendue des termes susdits, il se trouve quelque terre possédée par un autre, Spade doit en faire l’acquisition et la remettre en franc-alleu à l’Hôpital ; c’est ainsi qu’il a juré de le faire sur le texte des Evangiles. Cette réparation a été faite dans le bourg de la cité de Riez, en présence de presque tout le peuple de la ville, au mois d’avril 1198 (2). »
1. Mota. — Tumulus seu collis cui inedificatum est castellum ; in dephinatu Poypia. — C’est la mote seigneuriale, monticule naturel ou fait de main d’homme avec fossé tout autour, fortifié avec tours en bois ou en maçonnerie et disposé en rond. C’était quelquefois une simple position de défense, quelquefois le principal manoir du fief. Les noms de pays dans la composition desquels entre « la Mote » n’ont pas d’autre origine que celle-là. Remarquons que le monticule désigné dans cet instrument et situé au-dessus de la campagne de Mauroue porte encore le nom de « la Moute. »
2. ... Fuit autem hec restauracio facta in burgo Regensis civitatis ante domum Amedei, in audiencia et presentia tocius fere regensis populi, mense aprili M° C° N° VIII°.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 853.


Cette belle pièce originale, signée de cinquante-quatre témoins et curieuse surtout à cause du grand nombre de noms qui y figurent, sera transcrite aux pièces justificatives. Spade et Guillaume ajoutèrent à cette donation un droit de dépaissance dans tout le terroir de Riez, la franchise des leydes et la majeure directe et seigneurie sur un homme de Riez appelé Augier Regainat et sa postérité. Agnès, fille de Spade, confirma plus tard ces importantes donations et y ajouta quelques terres. Ce domaine, qui resta uni à la commanderie jusqu’en 1789, faillit devenir un arrière-fief. Le 16 février 1789, le chevalier de Gaillard et Alexandre de Gueydan vinrent sur les lieux et, constatant le mauvais état du domaine et les réparations coûteuses qui s’imposaient, délibérèrent d’ériger Mauroue et la Grande-Bastide en arrière-fief à bail emphytéotique de 99 ans, à raison de 600 livres par an et 50 francs à chaque changement de commandeur, ou bien un éperon d’or, comme don de bienvenue. On lui attribuait un droit de chasse jusqu’à Brunet. Mais c’était bien tard s’occuper de constituer des arrière-fiefs et passer un bail emphytéotique de 99 ans. La tempête révolutionnaire grondait, menaçante, et son souffle puissant devait bientôt disperser au loin et le projet et les auteurs eux-mêmes.

Chapitre II

Certains habitants de Puimichel avaient fait des donations immobilières à l’hôpital de Puimoisson (1).
Le seigneur de ce pays, Raymond de Puimichel, sous le prétexte que ces biens, situés dans sa juridiction seigneuriale, dépendaient de sa directe, voulut continuer d’y exercer ses droits. Une sentence arbitrale intervint qui adjugea purement et simplement ces biens au commandeur et de plus, confirma en sa faveur toutes les acquisitions qu’ils pourra faire à l’avenir ç Puimichel, nonobstant qu’elles relèvent dudit seigneur (1220). A l’égard du prieur, qui avait joint ses réclamations à celles de son seigneur, il fut décidé qu’il prendrait la troisième partie des legs faits au commandeur par les habitants de Puimichel qui éliraient leur sépulture dans le cimetière de la maison de l’hôpital, et qu’il ne percevrait pas de dîme sur les terres relevant de la commanderie.

En même temps qu’il voyait ses domaines s’élargir, l’hôpital de Puimoisson, qui avait à sa tête Isnard de Saint-Vincent, voyait aussi ses rangs se resserrer. Des Frères servants d’armes, des donats, des chapelains sollicitaient l’honneur d’être admins dans l’ordre.

Brunet

Domus Hospitalis Brunet
Domus Hospitalis Brunet

Suivant l’exemple de son père, Cordel de Brunet, fils de Cordel, qui avait été reçu en 1194, vint, en 1230, grossir le nombre des chevaliers de notre commanderie. Il élit donc sa sépulture dans le cimetière de Puimoisson, promet son cheval, son armure, fait promesse de stabilité entre les mains du commandeur, Isnard de Saint-Vincent, qui le reçoit dans l’Ordre, et, suivant l’usage, il apporte une sorte de dot à l’hôpital. Voici en quoi elle consistait : il continue la donation de son père, concède le droit de dépaissance et de lignage dans toute l’étendue du terroir de Brunet et donne le bois et le défend contigu au défend des Gilberts. L’acte fut passé dans le bois de la Bobine, en face de Brunet, en présence d’Isnard de Saint-Vincent et d’autres témoins (1).
1. ... Actum fuit hoc in serro de la Bobina in aspectu Bruneti, in presentia et in manu Isnardi de sancto Vincentio preceptoris de sancto Michaele de Podio moisosno, fratris Isnardi de Rosseto, W. Baimundi clerici G. de Bruneto Raymundi, Raymundeti, bastardi filii Cordelli et aliorum. — Archives des Bouches du Rhône, H, 861.

Mais voici une acquisition qui rend les Hospitaliers absolument maîtres du pays, les fait seigneurs directs en leur conférant les droits possédés jusque-là par le comte de Provence.
Nous avons dit, plus haut, que Reymond-Béranger leur concéda, en 1150 et à titre gracieux, la seigneurie de la villa de Saint-Michel, c’est-à-dire de cette partie du pays qui n’était pas comprise dans la ceinture de murs. Le castrum proprement dit, ou village fermé et fortifié, proprement Puimoisson, relevait encore du domaine comtal et ne reconnaissait pas d’autres seigneurs que les comtes de Provence. Le grand-prieur de Saint-Gilles, Bertrand de Comps, négocia l’achat de cette seigneurie ; et, par acte du 6 des ides de décembre de l’année 1231, Reymond Béranger V, comte de Provence, lui vendit tous les droits, la seigneurie, la juridiction, en un mot tout ce qu’il avait dans le village fermé de Puimoisson, pour la somme de dix mille sous raymondins (1).
1. ...Omnia jura que nobis competunt vel competere possunt aliqua ratione vel jure vel visa sunt competere... in Castro sancti Michaelis de Podio moyson et in pertinentiie et tenemento ejusdem castri et omnem rationem et omnem seynoriam et omnem juridictionem quam habemus et visi sumus habere sive sint in cavalcatis albergis, sive in albergin, sive in quistis, etc., etc. L’acte porte quittance.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 825.


C’est seulement à partir de ce jour que Puimoisson, ne relevant plus du domaine comtal, les Hospitaliers furent véritablement maîtres et seigneurs directs du pays, et quant au spirituel et quant au temporel, administrant la paroisse, possédant la majeure directe, la haute et basse justice, percevant les revenus ecclésiastiques et les droits seigneuriaux.
Ces droits nouveaux imposaient des obligations nouvelles. Devenus seigneurs temporels et souverains du pays, les Hospitaliers eurent le devoir de protéger et de défendre ses habitants devenus leurs ouailles et leurs vassaux. Le pacte féodal le demandait : l’obligation de pourvoir aussi à sa propre défense et de se garantir contre les incursions des seigneurs voisins, en ces temps de guerres féodales, l’importance que prenait chaque jour la commanderie par l’adjonction de nouveaux membres, les décidèrent à quitter la villa Saint-Michel et à s’établir au plus haut point du plateau, pour dominer les habitations et protéger plus efficacement les vassaux. C’est alors que fut construit ce château monumental, aux proportions grandioses, à l’aspect sévère, dont les huit tours de seize mètres de hauteur, reliées entre elles par une ceinture de créneaux, dominaient au loin toute la région. Ce monument servait en même temps de palais au commandeur, de couvent aux religieux et d’hôpital pour les pauvres. Construit en pierres de taille au dedans et au dehors, visiblement en vue de la défense, il ne prenait jour qu’à l’intérieur, dans une cour, au milieu de laquelle fut creusé un puits, et présentait plutôt l’aspect d’une formidable forteresse que d’un palais (1). Naturellement, à côté du château fut bâtie l’église qui lui était contiguë et dont les murs, au couchant, étaient mitoyens. Le style ogival la fait bien remonter au XIIIe siècle. Elle devint bientôt paroissiale et prit le titre d’église de Saint-Michel que portait la première église cédée aux Hospitaliers, titre qu’elle a gardé jusqu’à nos jours.
1. Ce monument portait le nom de « Palais du commandeur » Nous en ferons la description dans la troisième partie de cet ouvrage, en racontant comment il fut détruit.

Une fois la villa Saint-Michel abandonnée des Hospitaliers et l’église laissée sans culte, le besoin de se rapprocher de la nouvelle église, de se mettre à l’abri des surprises derrière les murs d’enceinte et à l’ombre du château féodal, et déserter peu à peu la partie basse du pays : des habitations se construisirent plus pressées à l’intérieur, chacun voulant pourvoir à sa sûreté, et bientôt la villa Saint-Michel, abandonnée de ses derniers habitants qui étaient venus se grouper dans l’enceinte du bourg, ne fut plus qu’à l’état de ruine ; elle est à peine aujourd’hui à l’état de souvenir qui va se perdant peu à peu dans le lointain des âges.

Bien que possédant la majeure directe et la seigneurie dans Puimoisson, les Hospitaliers n’y étaient pas seuls et exclusivement les maîtres. Des coseigneurs, des forains y avaient acquis certains fonds et certains droits, soit à prix d’argent, soit au moyen d’alliances contractées. Ce voisinage les gênait et nuisait au besoin de domination absolue, au désir de la possession exclusive. D’autre part, ces coseigneurs n’étaient pas sans redouter la puissance de l’ordre, et le prestige d’une puissante commanderie, admirablement organisée, dominant le pays dans lequel ils possédaient des droits, ne leur laissait guère d’espoir d’en tirer parti, ni de les faire prévaloir. Guillaume Verre, qui venait d’entrer en possession de la commanderie, entreprit de se débarrasser de tous ceux qui pouvaient gêner l’exercice de sa puissance.

Blacas, seigneur d’Aups, et Laure de Castellane, sa femme, possédaient des droits et des terres à Puimoisson. Il sut habilement les amener à lui vendre tout l’affar qu’ils possédaient dans le village, les terres qu’ils tenaient à Saint-Michel et généralement toutes leurs possessions dans les deux terroirs. L’acte fut passé au château d’Aups, dans la maison de Raymond, en présence de Guillaume Verre, commandeur (1231). Il serait difficile de déterminer quels étaient les domaines qui composaient cette vente ; on peut au moins conjecturer qu’ils avaient une grande importance, puisque les donateurs reconnaissent avoir reçu 25 mille sous par libéralité (1). Cette libéralité devait les engager plus tard à vendre leurs droits seigneuriaux qu’ils s’étaient réservés.
1. était-ce une vente ? était-ce un don ? L’acte porte bien Donamus, mais ces 25 mille sous donnés par libéralité et acceptés par les donateurs ne sont-ils pas le prix même de la vente, un peu déguisé ? Voici l’extrait de cette charte : .... Dunamus totum affare de Castro Podii moisoni et totum affare sancii Michaelis et suis pertinentiis videlicet totum quod in dictis locis habemus... et corumdem territoriis.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 825.
— On voit bien ici et clairement énoncée la distinction des deux lieux et des deux territoires.


L’année suivante, c’est Guillaume de Moustiers et Guillaume, son fils, qui donnent au commandeur les domaines et les censes qu’ils possèdent à Puimoisson, par un acte passé en mars 1232, en présence de Guillaume Verre, commandeur, de Jean, chapelain, d’Elie, sacristain de l’église de Saint-Michel, de Jean Chardousse, etc. (1).
1. Archives, des Bouches-du-Rhône, H, 825.

En même temps (ides de mars 1232), Cordel, seigneur de Brunet, dont le père et le frère étaient chevaliers de l’Ordre, céda purement et simplement, par donation entre vifs, le défend de la Silve, qui, depuis quelque temps, était un sujet de litige entre l’Hôpital et le seigneur de Brunet. Ce défend, qui comprenait des bois d’une vaste étendue, des terres cultivées, des pâturages, un droit de chasse, etc., était situé entre le château de Brunet et celui de Puimoisson séparé de ce dernier par le chemin qui va de Riez à la font de Telle (2).
2. .... Demandum de Selva... quod demandum est inter castrum de Brunet et hospitale Podii moisonis et confrontatur in via que venit a Regio et ducit ad fontem de Tella.... Actum est hoc infra hospitale Podii moisonis super domum peltoric, etc.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 861.


Cette nouvelle donation, qui formait comme un trait d’union entre les terres de Mauroue et celles de Telle, rendait les Hospitaliers maîtres de la plus grande partie du plateau qui s’étend de la vallée du pas de la Val à la vallée d’Asse.
Voici maintenant que Blacas d’Aups et Laure de Castellane, qui, deux ans auparavant, avaient cédé leurs propriétés à l’Ordre, se décident à lui faire cession de tous les droits seigneuriaux qu’ils possèdent à Puimoisson. Guillaume Verre, qui poursuivait son œuvre d’élimination avec une profonde habileté et une constance remarquable, sut amener ces deux personnages non seulement à se démettre en sa faveur des droits seigneuriaux qu’ils possédaient à Puimoisson, mais de ceux qu’ils possédaient à Comps. En effet, par acte du cinq des calendes de septembre 1233, indiction VI, passé à Puimoisson en dehors de la porte de l’Hôpital, près de la muraille de la salle (3).
3. Actum est extra portant donnat hospitalis, juxta parietem sale dicte domus, Guillemus Verriy commendator dicti hospitalis.
— Archives, des Bouches-du-Rhône, H, 825.


Blacas d’Aups et Laure de Castellane, sa femme, fille de Boniface, vendirent à l’Hôpital tout ce qu’ils possédaient à Puimoisson et au château de Comps, consistant soit en revenus, droits, terres, prés, pâturages, cours d’eaux, etc., pour la somme de 35 mille sous raymondins, l’acte portant quittance (1).
1. ... Omnia que habemus uterque nostrum... in Castro sancti Michaelis Podii moissonis inter et extra in ejus territorio et in castro de Comis... tam in honoribus et juribus, terris cultis et incultis pratis, pascuise aquis cursibus aquarum, etc., etc.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 825.


Jaloux de ramener dans la même main toute la puissance temporelle du pays, Guillaume Verre ne l’était pas moins d’être seul à y exercer la puissance spirituelle. Or, l’église de Saint-Apollinaire échappait encore à sa juridiction. Ce prieuré rural, qui desservait la petite vallée, plus peuplée assurément qu’aujourd’hui, relevait de l’abbaye de Saint-Tiers de Saou, au diocèse de Valence. C’étaient les religieux détachés de cette abbaye qui y tenaient communauté et remplissaient les fonctions pastorales. L’annexion de ce prieuré à la commanderie de Puimoisson présentait de sérieuses difficultés : il était à supposer, en effet, que l’église de Valence n’aliénerait pas volontiers cet oratoire, qui lui rappelait de si précieux souvenirs, dont Frédéric lui avait authentiquement confirmé la possession (1178) et qu’elle tenait de la générosité de Charlemagne. Mais l’ordre des Hospitaliers était en possession de l’église de la Répara, située au diocèse de Valence et non loin de l’abbaye de Saint-Tiers (2). Guillaume Verre vit là l’occasion d’un échange qui pourrait accommoder les Augustins et ferait passer dans sa main l’unique église de son terroir qui ne fut pas sous sa juridiction. Des négociations furent ouvertes entre Bertrand de Comps, grand prieur de Saint-Gilles, et Artaud, abbé de Saou, à la suite desquelles ce dernier céda à Bertrand de Comps, à titre de permutation, l’église de Saint-Apollinaire, avec tout son ameublement (cum omni instructione sua), livres, vases sacrés, ornements, toute la juridiction, les prés, vignes, chasses, en un mot tout ce qui lui appartenait tant au spirituel qu’au temporel ; il reçut en échange l’église de la Répara, avec tous ses droits spirituels (veille des calendes de juillet 1233).
2. La Répara, 116 habitants, canton sud de Crest (Drôme).

Or, cet échange avait été fait à l’insu de l’évêque de Riez, lequel, en ayant eu connaissance plus tard, refusa de l’approuver, comme ayant été opéré sans son consentement et au mépris de ses droits. Un différend s’éleva donc entre Rostaing de Sabran, d’une part, et les contractants, de l’autre. Il fallut recourir à un arbitrage. L’évêque d’Orange, choisi par les deux parties pour trancher la question, décida que l’évêque de Riez serait tenu d’approuver l’échange opéré, quand même il eût été fait sans son consentement ; que l’église de Saint-Apollinaire demeurerait sous la juridiction de l’évêque de Riez, comme elle l’était quand elle appartenait à l’abbé de Saou ; que la présentation du prieur serait faite par le commandeur et que ce dernier payerait, de ce chef et annuellement, à l’évêque, une pension de douze setiers de froment et de douze autres setiers moitié froment et moitié orge ; moyennant quoi, le différend fut terminé (1).
1. Archive des Bouches-du-Rhône H. 850.
— L’église de Saint-Apollinaire, avec ses dépendances, a appartenu aux Hospitaliers jusqu’à la Révolution.


Ce différend était à peine terminé qu’il en surgissait un autre, et, celui-là, entre Guillaume de Moustiers-Callian et Bertrand de Comps, grand prieur de Saint-Gilles, agissant au nom de l’Hôpital de Puimoisson. Voici en quoi il consistait. Bertrand de Comps demandait à Guillaume :
1° — La moitié d’un affar que dame Beatrix, sa mère, avait à Puimoisson.
2° — La moitié de la quarte du château de Puimoisson.
3° — Une maison appelée Reirecort, touchant l’Hôpital et lui appartenant de droit divin, disai
t-il.
4° — 125 livres raymondins que le Grand-Prieur prétendait avoir été prêtées par l’Hôpital à Pons Rostaing, père dudit Guillaume.
5° 10,000 livres royaux.
6° — Il se plaignait, enfin, de certains mauvais procédés dont ledit Guillaume se serait rendu coupable vis-à-vis de plusieurs frères dudit Hôpital. Il fut décidé de part et d’autre qu’on s’en rapporterait à l’arbitrage de Rostaing de Sabran, évêque de Riez, et de Guillaume de Moustiers-Entrevennes, sous peine d’une amende de 200 marcs d’argent fin, à payer par la partie qui contreviendrait à la décision des arbitres, et permission d’occuper tout l’affar que la partie contrevenante posséderait dans la vallée de Puimoisson. Ces précautions préalablement prises, voici ce qui fut décidé par les arbitres :
1° — Guillaume de Moustiers-Gallian devrait désemparer à l’hôpital, librement et absolument, pour la moitié de l’affar demandée par le prieur, la Condamine du col Alpérier, confrontant ce col et la terre d’Augier Verre ; une bande de terrain (uno faïsso) au quartier des Combes, attenante à la Condamine dudit Hôpital ; de plus, les Pourrières avec leurs fiefs, Bertrand Fauchier, Pierre Fauchier, les Mouzis, tous avec leurs fiefs. Il fut convenu qu’à l’avenir ledit Guillaume ne pourrait ni ne devrait rien exiger, ni de droit, ni de fait, des dénommés ci-dessus, qui devenaient hommes du commandeur.
2° — Guillaume devrait désemparer librement et absolument à l’Hôpital la moitié de la quarte du château de Puimoisson et de son territoire, dans laquelle moitié sont contenus les Oliviers avec leur fief, les Chautier (Eyssautier ?) avec leur fief, les Tancols et les Sauvaires, tous avec leurs fiefs. Il restituerait également la maison de Reirecort, qui confrontait l’Hôpital.
Cet acte fut passé en partie dans l’église de Saint-Michel, en partie en dehors de la porte de l’Hôpital, près du mur de la salle, le 4 des calendes de septembre 1233, indict. VII (1).
1. Archive des Bouches-du-Rhône, H, 826.

Cet acte projette un jour intéressant sur l’état social du pays vers le milieu du XIIIe siècle. Il nous montre, en effet, certaines familles, dont le nom, du reste, s’est conservé jusqu’à nos jours, en possession de métairies, sortes de petits fiefs roturiers qu’elles exploitent sous la suzeraineté de quelque seigneur auquel elles prêtent hommage et payent redevance (2).
2. C’est ainsi qu’il faut traduire cum suis casamentis, mention qui suit chaque nom de famille cité dans l’acte. Ducange : Casamentum : feudum quod a casa domnicci pendet.

Sans doute, primitivement, ceux qui possédaient des fiefs s’intitulèrent gentilshommes, furent réputés seuls nobles et obtinrent que les fiefs ne seraient jamais possédés par des roturiers. Mais la nécessité où furent beaucoup de gentilshommes de vendre leurs fiefs pour les voyages de Terre-Sainte fournit l’occasion aux roturiers de pouvoir, à leur tour, posséder des fiefs. Les papes, du reste, qui sollicitaient les croisades, obtinrent le consentement des rois en leur faveur. C’est ainsi que, bien avant que Philippe le Hardi eût donné aux roturiers permission de posséder fiefs, en payant une certaine redevance (1275), nous avions, à Puimoisson, des fiefs roturiers, sortes de bastides, de fermes d’exploitation de peu d’importance si l’on veut, mais possédés en propre comme domaine privé (cum suis casamentis), exploités par les propriétaires qui en jouissaient, moyennant une redevance payée au seigneur direct, équivalant du plus au moins à l’imposition foncière payée aujourd’hui à l’Etat.

Revenons maintenant à la sentence arbitrale. Il ne paraît pas qu’elle ait indisposé Guillaume de Moustiers contre l’Ordre, bien qu’elle n’eut pas été rendue en sa faveur. Son testament, écrit peu de temps après, nous apprend que ce riche seigneur laissa à l’Hôpital de Jérusalem et à celui de Puimoisson un legs de 1,000 sous raymondins à chacun et institua même le commandeur son exécuteur testamentaire, à défaut et en empêchement de l’évêque de Riez.
Ici, se présente une longue série d’achats et de donations que nous ne pouvons qu’énumérer rapidement.
En 1235, Bertrand Christol et ses frères vendent à Guillaume Verre, commandeur, le pré qu’ils possèdent dans la vallée de Saint-Apollinaire (1).
La même année, Guillaume de Moustiers, seigneur d’Aiguines, lui donne le droit de dépaissance à Aiguines, tant en hiver qu’en été, avec permission aux bergers d’y couper du bois (2).
De son côté, Olivier de Saint-Jurs lui concède le même droit dans toutes les terres relevant de sa directe.
Bertrand et Boniface de Blacas, fils de Guillaume, conjointement avec Laure, leur mère, lui concèdent de pareils droits dans toutes leurs terres sises à Aups, Moissac, Tourtour, Fabrègues, Fos-Amphoux, et Cordel, fils de Béatrix, lui renouvelle la même faveur pour tout le terroir de Brunet.
Enfin, en 1239, Franc de Moustiers lui donne tout l’affar qu’il possède dans la vallée de Saint-Apollinaire.
Raimbaud de Moustiers lui vend pour 1100 sous le grand affar qu’il possède au même endroit (3).
Et Raimbaud, archidiacre de Riez, de concert avec sa sœur Rexende, lui désempare, pour la somme de 8 livres dix sols tournois, un autre affar qu’il possède dans la même vallée.
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 852.
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 855.
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H. 852.
— Affar au terroir castri sancti Apollinaris et in tenemento ejus.
La mention de castrum attribuée à saint Apollinaire ne laisse pas que d’être curieuse ; elle prouve bien que l’église et le couvent étaient fortifiés et ceints de murs.


En terminant ce chapitre, mentionnons un accord intervenu entre Foulque de Caille, évêque de Riez, et son chapitre, d’une part, et Feraud de Barras, qui venait de succéder à Guillaume Verre, accord qui termine certaines difficultés matérielles concernant la perception des droits de l’Eglise de Riez. Il fut convenu que le commandeur payerait annuellement à l’évêque de Riez 2 sous 8 deniers melgoriens pour sa quarte épiscopale (1), qu’il nourrirait et défrayerait les hommes et bêtes qu’il enverrait à Puimoisson pour chercher les censes en grains qui lui étaient dues, ainsi que cela se faisait dans toute l’étendue du diocèse (2). Par le même acte, le commandeur remet et désempare à l’évêque 10 stérées de la condamine ayant appartenu à Espase, seigneur de Riez, à prendre au plus proche de la bastide de Mauroue (Bastida de Maurosa).
Le 9 des calendes de septembre 1246.
1. La quarte épiscopale était une redevance franche due aux évêques par les prieurs décimateurs, en considération de leurs fonctions épiscopales. Elle était prise sur le produit de la dîme.
2. ...Que veniebant querere censum quem habent in ecclesia Podii moissoni et sancti Apollinaris supradicta in expensis providerent ecclesie supra dicte ..., super eo vero que superius continetur de bestiis et hominibus supra dictis de victu et potu illud intelligatur specialiter que alie ecclesie diocesis faciunt nunciis et bestiis que et qui veniunt pro cerre (petit c pour grand q) censum bladi deportando, etc.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 832.


Chapitre III

On a pu voir, dans les deux chapitres qui précèdent, les accroissements rapides de la puissance de notre commanderie. Etabli dans le pays depuis à peine un siècle, l’Ordre y était successivement devenu, dans la personne du titulaire, seigneur spirituel et seigneur temporel, recevant hommage des rares coseigneurs qui y possédaient encore quelque lambeau de juridiction, y exerçant la justice, percevant les dîmes et jouissant de tous les privilèges seigneuriaux.
Ses possessions s’étendaient tous les jours plus au loin. Les vastes domaines de Mauroue, de Telle, de la Silve, les Condamines, la vallée de Saint-Apollinaire, en majeure partie du moins, lui appartenaient. Ses nombreux troupeaux, disséminés sur une étendue immense, pouvaient librement chercher au loin la nourriture que le terroir du pays eut été insuffisant à leur fournir. Saint-Jurs, Brunet, Bras, Aiguines, Moissac, Tourtour, Fabrègues, Fos-Amphoux, Puimichel, etc., etc., lui fournissaient d’abondants pâturages et des redevances en espèces ; il était devenu, en un mot, une véritable puissance chez nous.
Cet accroissement prodigieux s’explique facilement. Les générosités dont la commanderie naissante fut l’objet de la part des évêques, des princes, des seigneurs et de quelques puissants personnages de la région, n’avaient d’autre but, dans l’intention des donateurs, que de contribuer à la délivrance de la Terre-Sainte et de mettre l’Ordre en mesure de faire face à ses nobles obligations, car on n’ignore pas que les Hospitaliers formaient comme une croisade permanente.
Il importait donc essentiellement au succès de l’œuvre qu’aucun des privilèges concédés ne fût aliéné, qu’aucun de ces domaines offerts par la pieuse générosité des fidèles ne fut réalisé, et que des revenus assurés et permanents permissent aux valeureux champions de la guerre sainte de continuer leur croisade sans interruption.
C’est dans ce but que le pape Innocent IV, par une bulle datée de Lyon, du 11 des calendes de mars 1261, adressée au Grand-Maître et à tous les Frères de l’Ordre, leur défendit expressément, sous peine de nullité et avec menace de la colère du Tout-Puissant et des saints Apôtres, de vendre, distraire, louer ou aliéner, de n’importe quelle façon et sans le consentement du souverain pontife, les terres, attenances, droits des commanderies de Manosque, de Puimoisson, de Lardiers, de Tallard, de Pui-Lautier, etc., « .... Ces richesses que la pieuse dévotion des fidèles a données pour la défense de la Terre Sainte, ne devant en aucune façon être affectées à d’autres usages » (1).
1. .... Veritate presentium inhibemus ne de Aurafice, Manunasa Podiomoyssono, Larderis, etc..., quas terras aut villas aut eorum aliquid quisquam vestrum vendere, diatrahere, locare, vel alienare, inconsulto romano pontifice, quoquo modo presumat, quod si factum fuerum contra presumptum nullius esse decernimus firmitatis cum ea quam (que) in defencione terre sancte pia sunt fidelium devotione concessa non sunt in usus alios transferenda.

Mais la commanderie de Puimoisson, loin d’être tentée de vendre ou d’aliéner, n’avait pas fini encore d’acquérir ; au lieu de songer à restreindre les limites de ses domaines, elle s’occupait incessamment de les étendre et de les élargir.
Le 4 des calendes de janvier 1259, Thomas, fils de Feraud, donne à l’Hôpital les divers droits qu’il tenait de ses ascendants et de son oncle, Guillaume d’Aiglun, sur des biens situés à Puimoisson (2).
2. C’est Béranger Monge, commandeur de Manosque, qui reçoit le don au nom de l’Hôpital de Puimoisson. Au nombre des témoins, figure Martin, clerc de saint Apollinaire.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 827.


Boniface Salvage vend à Feraud de Barras, grand-prieur de Saint-Gilles, un affar situé dans la vallée de Saint-Apollinaire, et, la même année, 1264, Isnard des Crottes lui vend, pour une somme insignifiante, trois terres situées au même quartier (3).
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 852.

Restait encore un seigneur feudataire qui possédait à Puimoisson et à Saint-Apollinaire des droits et des biens sous la directe du commandeur. C’était Isnard de Moustiers, seigneur de Callian. Arrivé à sa majorité, il eut hâte, comme l’avait fait d’ailleurs Guillaume de Moustiers, son père, de sortir de la suzeraineté de l’Ordre en lui vendant tous les droits qu’il possédait actuellement et aurait pu posséder à l’avenir dans le castrum de Puimoisson et dans le terroir de Saint-Apollinaire, consistant soit en hommes, soit en juridiction, tasques, usages, quistes, cens, services, quartons de vignes, corvées personnelles et corvées de labour, défends, bois, chasses, prés, pâturages, marais, cours d’eaux, et tout ce qu’il possède sous la directe de l’Ordre, pour la somme de 14,000 sous tournois et 50 livres provençales. Cette somme fut payée en espèces par Feraud de Barras, grand-prieur de Saint-Gilles, achetant au nom de la maison de l’Hôpital de Puimoisson (1265), 18 des calendes de septembre (1).
1. L’acte fut passé à l’Hôpital d’Aix, en présence de Béranger Monge, commandeur de Manosque et d’Aix. Le nom du commandeur de Puimoisson ne paraît pas.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 827.
— Le sol tournois valant 1 franc 25 centimes, et la livre provençale 20 francs, le prix de la vente faite par le seigneur de Callian s’élevait à la somme de 18,500 francs.


En parcourant la série des donations qui précèdent, en assistant au développement progressif et rapide de la commanderie, le lecteur se dit à lui-même qu’il y avait à Puimoisson d’autres habitants que les Hospitaliers et voudrait connaître quelle était la situation sociale de ces habitants à l’époque dont nous nous occupons. Il serait difficile de le déterminer avec précision. L’absence du papier (2), la cherté du parchemin, dont l’usage était restreint et qu’on employait seulement pour la rédaction des titres, nous expliquent le manque de documents écrits.
2. Au parchemin trop cher, on substitua plus tard le papier de coton, grossier et filandreux ; le papier de lin n’apparaît que vers les premières années du XIVe siècle, d’après Editions de Laplane, XVI.

Quelques traits de lumière éclairent cependant un peu l’état social de cette époque. Ils nous viennent de quelques rares instruments, et ils sont trop précieux pour que nous ne les recueillions pas avec empressement. Une charte de 1233, citée plus haut, nous a permis de constater l’existence de certaines familles feudataires, jouissant de la franchise et possédant en propre des domaines qu’elles exploitaient sous la directe du seigneur. Un autre document, postérieur de quelques années et d’une grande importance, nous montre l’organisation de la commune représentée par des syndics et déjà assez fortement constituée pour faire reconnaître ses franchises et traiter presque d’égal à égal avec le commandeur.

La faculté de tester ou d’aliéner les biens par vente ou donations entre vifs avait été jusqu’alors limitée à une certaine catégorie de personnes et ne pouvait, en aucun cas, s’exercer sans la permission préalable du commandeur. Ces conditions gênaient les habitants de Puimoisson, qui devenaient tous les jours plus jaloux de leur liberté. Il fut résolu, dans le conseil de la communauté, qu’on tenterait de se soustraire à cette servitude. Les syndics furent chargés de faire connaître au chapitre provincial ce vœu des habitants et d’en solliciter la réalisation. Le vénérable chapitre provincial de Saint-Gilles, séant à Arles, accueillit favorablement cette proposition, et, par décision du 6 des calendes de juin 1270, il les déchargea de cette servitude, sous les conditions suivantes :
Les habitants de Puimoisson ne pourront disposer de leurs biens qu’en faveur de leurs enfants légitimes et, à défaut, en faveur de leurs parents jusqu’au quatrième degré. Il leur est accordé la succession des parents qui mourraient ab intestat
Les habitants sont également autorisés à vendre leurs biens à des étrangers, à la condition toutefois que ces derniers éliront domicile dans le territoire de Puimoisson et se soumettront à la juridiction du commandeur, sans quoi la vente serait frappée de nullité. En outre, le commandeur percevra sur le tous les droits de lods et de trézain et conservera son droit de prélation.
Il est aussi établi que, au cas où quelque habitant s’établirait hors du territoire, il serait permis au commandeur de se mettre en possession des biens de l’émigrant (1).
1. Ces deux articles avaient pour but de prévenir le déguerpissement, la dépopulation du lieu et la substitution des forains aux indigènes dans la possession des terres. Si ces dispositions étaient encore en vigueur, nous ne verrions pas nos meilleurs et plus beaux domaines possédés par des étrangers, et le produit de nos terres emporté et consommé en dehors du pays et sans bénéfice pour lui.

En considération de la concession des privilèges ci-dessus, les habitants donnent au commandeur celui de vendre son vin pendant trente jours consécutifs, et cela chaque année, sans qu’ils puissent vendre le leur pendant ce temps (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 836.

Ces concessions, nous avons à peine besoin de le faire observer, marquaient un grand pas dans la voie de l’affranchissement ; comme aussi, cet échange de privilèges prouve que la commune n’était pas à la merci de son seigneur, mais que ce dernier devait compter avec elle, malgré la prépondérance que lui donnait l’organisation de l’état social.
Toutefois, la puissance un peu envahissante de la commanderie ne laissait pas que d’exciter la jalousie des seigneurs voisins. Le mouvement de générosité pieuse qui l’avait fait si forte se ralentissait, et le commandeur voyait avec peine les voisins lui contester des droits légitimement acquis et le troubler dans leur usage.
Raybaud de Saint-Maxime, seigneur de Brunet, et sa femme, Béatrix, lui contestèrent le droit de pâturage dans l’étendue de leur seigneurie, et firent saisir les troupeaux qui y paissaient. La concession de ce droit, ainsi que de celui de lignerage, avait été faite dans les formes voulues par Cordel de Brunet fils, entre les mains d’isnard de Saint-Vincent, en 1230 (1). Il fallut néanmoins recourir à un arbitrage. Jean Silvestre, official d’Aix, choisi par les parties, maintint purement et simplement le commandeur dans le droit de pâturage et de lignerage au terroir de Brunet (1272) (2).
1 .... Dono et concedo..., pascua et in toto tenemento Bruneti recollectionem lignorum ad opus oapitalariorum, H, 861.
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 856.
— Acte dans la salle épiscopale de Riez ; témoins : F., évêque de Riez ; Pierre Giraud, prévôt ; Raymond Tapol, official et chanoine de Riez, etc. 9 juillet 1272.


Ce différend à peine terminé, voici qu’il en surgit un autre. Celui-là a trait au prélèvement du droit de dîme sur les terres qui, quoique relevant du domaine de Saint-Apollinaire, sont situées dans le terroir de Moustiers. Bérard de Grasse, prieur de Moustiers, réclamait son droit sur ces terres comprises dans sa circonscription paroissiale ; les collecteurs de la commanderie prétendaient que ces terres relevaient de la directe du commandeur et souvent feignaient l’ignorance des limites. De là, des contestations. Pour y mettre fin, on recourut à une délimitation qui se lit en présence de Raymond Tapol, official de Riez, et Martin, frère donat de l’hôpital de Puimoisson, représentant les deux parties. Il fut décidé que depuis le terme de la Ristole jusqu’au rocher de Baleine et au vallon de Mouresse, droit fil, la dîme appartiendrait à Puimoisson, et que depuis Ginestot, dans le vallon d’En-Val et au-delà, la dîme appartiendrait à Moustiers (1270) (3).
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 850.

Une difficulté de même nature existait entre le chapitre de Riez et le commandeur. Pour mettre fin aux différends causés par la confusion des droits de dîme, les deux parties, d’un commun accord, donnèrent pouvoir à Guillaume Gallon, prêtre, et à Guillaume Gontard de dresser l’état des propriétés sur lesquelles le prévôt avait seul droit de prendre la dîme et de celles sur lesquelles il la prélevait de moitié avec le commandeur (14 calandes juin 1286) (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 832.
— Suit une longue énumération des terres, vignes, accompagnée des noms des propriétaires qui devaient acquitter les droits. La contenance des biens est indiquée en stérées ou en émines.


Il n’est pas jusqu’au clavaire de Digne, Jacques Ruffi, qui n’entreprît sur les droits du commandeur. Cet officier de la cour royale exigeait le payement des taxes de la part des habitants de Chénerilles, relevant de la directe de la commanderie. Hugues Chardousse, chapelain, fut délégué pour sommer le clavaire de se désister du payement de ces taxes (2). Le différend ne fut porté que par devant Bérenger Gantelmi, juge de Digne.
2. Acte à Digne dans la maison d’Amphoux-Mercadier (19 novembre 1289).
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 859.


Mais c’est au sénéchal de Provence que dut s’adresser le commandeur pour faire cesser les empiètements du juge de Moustiers, qui prétendait étendre sa juridiction sur les habitants de la vallée de Saint-Apollinaire. Cette confusion des pouvoirs venait de ce que la délimitation du terroir des deux communes n’était pas encore faite à cet endroit. Le commandeur eut gain de cause, car le sénéchal adressa un mandement enjoignant au juge de Moustiers de ne rien entreprendre sur la juridiction des habitants de la vallée jusqu’après la délimitation du terroir (1293) (3).
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 852.

Mais la série des difficultés n’était pas close, et la paisible possession des biens et privilèges devait coûter plus de peine que n’en avait coûté l’acquisition.
Notre commanderie possédait, comme on l’a vu plus haut, des terres et des droits aux lieux de Fos-Amphoux et de Saint-Jean-de-Bresc. Comme les terroirs n’étaient pas délimités, Réforciat de Castellane, seigneur de Salernes, prétendait y exercer la haute, moyenne et basse juridiction. De son côté, le commandeur se croyait fondé à revendiquer seul la majeure directe sur ces lieux. Suivant l’usage du temps, on s’en remit de part et d’autre à un arbitrage. Me Geoffroy du Fort, choisi par les parties, décida :
1° — Que Réforciat de Castellane aurait le droit de ban et la juridiction totale sur les vassaux habitant Fos-Amphoux.
2° — Que le commandeur aurait le droit de ban, la directe et l’entière juridiction au terroir de Bresc.
3° — Que le droit de dépaissance du bétail étranger et le droit de leyde sur les marchandises vendues par les étrangers, levé dans les deux localités, appartiendraient moitié au seigneur de Salernes, moitié au commandeur (1).
1. Acte à Draguignan, le 22 septembre 1297.
— Archives des Bouches-du Rhône, H, 864.


Le pilori fut dressé à Bresc, aux armes de l’Ordre, comme signe de haute juridiction. Les habitants, passant ainsi sous la directe du commandeur, sollicitèrent de l’Ordre la faveur dont jouissaient depuis trente ans les habitants de Puimoisson, de disposer de leurs biens suivant leur volonté ; mais ce ne fut qu’en 1331 qu’ils obtinrent ce privilège.

En 1286, Jean de Villaret, grand-maître de l’Hôpital de Jérusalem, vint visiter Puimoisson, et c’est au cours de cette visite et dans le château de la commanderie qu’il confirma, par une charte célèbre, les libertés et privilèges de la ville de Manosque (2).
2. .... Datum in domo nostra de Podio moysono, XII. kalandes septembria anno Domini Domini M° CC° octuagesino sexto.

L’ordre chronologique, que nous suivons en écrivant cette histoire, amène sous notre plume la question du lieu d’origine de Durand de Mende, surnommé le Père de la Pratique, un des canonistes français les plus distingués. Cet homme célèbre, élève d’Henri de Suze, professeur de droit canon à Modène, chapelain du pape Clément IV, légat de Grégoire X au concile de Lyon et finalement évêque de Mende, mourut à Rome, où il avait été délégué pour poursuivre la canonisation du roi Louis IX (1er novembre 1296). Son corps fut enseveli dans l’église de la Minerve.
Le point intéressant pour nous serait de savoir si la tradition qui fait naître à Puimoisson ce personnage célèbre repose sur de solides fondements. Parmi les biographes qui le mentionnent, les uns le font naître à Puimisson (Hérault), d’autres lui assignent comme lieu d’origine Puimoisson (Basses-Alpes). Qui a raison ? Ceux qui le font naître à Puimisson invoquent la tradition populaire, montrent la maison où étaient les Durand (qui ne sont plus) et allèguent un texte ainsi conçu : Guilhermus Durand natus Paimissone in Gallia Narbonensi. Nous pourrions alléguer qu’à Puimoisson aussi la tradition populaire fait naître Durand, qu’on y montre également la maison où il serait né, que plusieurs familles du nom de Durand, fort anciennes du reste, vivent encore dans le pays et dans les lieux circonvoisins. Nous aimons mieux convenir que ce ne sont pas là des raisons péremptoires, propres à faire triompher ni l’une ni l’autre de ces deux thèses. Toutefois, et pour ne rien omettre de ce qui pourrait éclairer l’opinion du lecteur, nous dirons que Feller, Nostradamus, Bouche surtout, personnalité éminemment provençale et dont le père était originaire de notre pays, berceau de sa famille, le font naître à Puimoisson. Ce dernier base son jugement sur la qualification de Provençal que se donne à lui-même Durand de Mende, au livre IV de Feudis (1), et sur le mot de Provence désigné comme pays d’origine du Speculator dans son épitaphe, qu’on voit encore dans l’église de la Minerve et qui, d’après cet historien digne de foi, résout le doute en faveur de Puimoisson.
1. Nos provinciales nobiles feudatorios, vassaloa vero plebeios nostros vulgariter appellamus, locution citée.

Quem memori lande genuit Provincia dignum
Et dedit a Podio Missone diœcesis ilium (1),
Et Romam rediit domini sub mille trecentis
Quatuor amotis annis, tumulante Minerva,
Surripit hunc festiva dies et prima novembris.

1. Nous ne pouvons-nous prononcer sur la traduction qu’il convient de donner à Podio missone, mais nous devons à la vérité de dire que, dans aucun instrument des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, nous n’avons vu écrit de cette manière le nom de notre pays. D’autre part, la confusion des noms de ces deux pays est chose commune. Dans ses lettres patentes, datées de Lyon (juin 1522) et adressées au commandeur Jacques de Montlor, François Ier écrit Puimisson pour Puimoisson ; des erreurs de ce genre se commettent encore fréquemment de nos jours.

Chapitre IV

Au cours du chapitre précédent, nous avons pu constater que le commandeur était souvent inquiété dans l’exercice de ses droits juridictionnels.
Dans le but de prévenir le retour des empiétements que commettaient à son préjudice les juges de Digne et surtout de Moustiers, le commandeur avait sollicité et obtenu du comte de Provence une charte qui confirmait authentiquement tous ses droits, réglait l’étendue de sa juridiction et frappait d’une amende de 25 livres ceux qui y porteraient atteinte.
Malgré ces garanties, le juge de Digne n’avait pas craint de rendre certains jugements contre les vassaux de la commanderie. Isnard de Flayosc porta plainte au juge des secondes appellations de Provence, qui lui accorda des lettres ordonnant de faire croiser les jugements indûment rendus (1300) (1). De son côté, le juge de Moustiers avait fait arrêter, sans lettres réquisitoires et sans permission des officiers de la commanderie, un nommé Pierre Arnoux, coupable de divers délits et maléfices ; de plus, à la requête d’un juif nommé Aquinet, Hugues Rostang, Raymond Sauvaire et autres habitants avaient été assignés à comparaître par devant la cour de Moustiers. Le vice-commandeur, Guillaume d’Amphoux, requit le juge Jean Ardoin de lui remettre le prisonnier (1300), et lui fit connaître qu’il encourait l’amende de 25 livres pour avoir attenté aux droits de la commanderie (1301, 18 décembre) (2). A cette intimation, le juge répondit qu’il n’avait point eu dessein de contrevenir aux prescriptions de la transaction, ce qui ne l’empêcha pas de faire proclamer, la même année, son mandement de justice à Puimoisson (ce dont le commandeur fit appel), de juger des femmes qui n’étaient pas ses justiciables et de manifester la prétention de faire faire des criées dans notre pays, au mépris des droits juridictionnels du seigneur du lieu (3).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 838, liasse.
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 838.
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 839, liasse.


Il devenait urgent de mettre un terme à tous ces empiétements et de sauvegarder dans toute leur intégrité les privilèges et les droits de la commanderie. Il fallait aussi enlever à la cour de Moustiers le prétexte de s’immiscer dans les affaires juridictionnelles de Puimoisson, en accordant au juge du pays la juridiction la plus étendue. Foulque de Villaret, grand-maître de l’Ordre, porta sa plainte à Charles II, roi de Jérusalem et de Sicile, comte de Provence et de Forcalquier, qui, par acte donné à Marseille, l’an 1307, 23 octobre, indiction VI, concéda par libéralité et à titre purement gracieux, à Foulque de Villaret et à ses successeurs, le merum imperium dans le château de Puimoisson, juridiction qui avait appartenu jusque-là à la cour royale (1).
1. ... Venerabili et religioso viro fratri Fulconi de Villareto, ordinis hospitalis magistro presenti et recipienti.... ac etiam ipsi ordtni damus, donamus ac proprii motus instinetu in perpetuum concedimus de liberalitate mera et gracia speciali merum imperium ad nostram pertinens curiam in Castro de Podio Moyssonno quod esse dignoscitur hospitalis ejusdem cum omnibus et singulis ad ipsum merum imperium spectantibus et spectare debentibus quoquo modo majori dominio nostri aliis et cujuslibet alterius juribus semper salvis...
L’acte eut pour témoins : Jacques, évêque de Fréjus, François de Lecto, sénéchal, Jean Cabassole, chevalier, Jacques Ardoin, procureur et avocat fiscal.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 839.
Le merum imperium signifiait haute justice ou juridiction criminelle : le haut justicier avait la connaissance des cas de mort naturelle ou civile, de mutilation et incision des membres ou autres peines corporelles, comme de fouetter, essoriller, écheler (1), exposer au carcan ou pilori, marquer au fer chaud ; il élevait les fourches patibulaires, avait droit sur les épaves, biens vacants, terres hernies, confiscation des biens d’un condamné à la mort naturelle ou civile; droit de prééminence à l’église, de faire prier Dieu pour lui au prône, de mettre ses armes et deuil à l’entour de l’église paroissiale, tant en dedans que dehors, etc.
— Vide, Traité des Fiefs 2e partie, page 40.
1. écheler : Domaine judiciaire. Degrés servant à monter au gibet, à la potence ; pierre méton, gibet, potence. C’est une servante qu’on mène pendre pour avoir volé à sa maîtresse (...) En ce moment, elle doit être à l’échelle (France, Opinions J. Coignard,1893, page 244).


Le 15 décembre de la même année, frère Bertrand Brude, hospitalier, juge de Puimoisson, se rendit à la cour royale de Moustiers et présenta aux juges Barras, Escoffier et Hugues Turrel le privilège royal, les requérant de le faire publier, de le faire transcrire sur les registres de la cour et de lui délivrer acte du tout, ce qui fut fait par Raymond Orset, notaire, dans la Cour de Moustiers, en présence de Raymond Chardousse, légiste, Jacques Bouisson, notaire, Hugues de Saint-Martin et Hugues Garnier, damoiseaux, etc., etc., le 15 décembre 1307.

Cette même année devait être marquée par un événement important, qui a une petite liaison avec notre pays et dont nous dirons un mot, en passant.
On sait qu’après la prise de Saint-Jean-d’Acre, lorsque la Palestine fut définitivement perdue, les chevaliers du Temple se dispersèrent dans leurs commanderies, et le Grand-Maître se retira à Paris, avec ce qui restait des trésors de l’Ordre. A tort ou à raison, les Templiers devinrent bientôt suspects à l’église, aux nobles, au roi. Le peuple ne les aimait pas. Philippe le Bel se crut assez fort pour faire arrêter Jacques Molay, Grand-Maître de l’Ordre (13 octobre 1307). Les Templiers résidant en Provence furent arrêtés et saisis le 24 janvier 1308 et enfermés, vingt-sept à Meyrargues (1), et, vingt-un à Pertuis (2).
1. Meyrargues. Département : Bouches-du-Rhône, Arrondissement et Canton : Aix-en-Provence - 13
Meyrargues
2. Pertuis. Département : Bouches-du-Rhône, Arrondissement et Canton : Aix-en-Provence - 13
Château : Il ne reste que le donjon, qui est l’office de tourisme.

La commanderie de Gréoulx mieux Gréoux, une des plus importantes de la contrée, n’échappa point à la loi commune. Les Templiers y furent arrêtés, et leurs biens mis sous séquestre.
Comme, en vertu d’une entente préalable entre le pape et le roi, les biens des Templiers situés en Provence devaient être donnés aux Hospitaliers, le commandeur de Puimoisson crut pouvoir faire percevoir à son profit le droit de péage sur les marchandises qui passaient à Gréoulx plutôt Gréoux (3), se substituant ainsi à l’ancien titulaire de cette commanderie. Mais Philippe IV étant revenu sur la parole donnée et voulant s’adjuger la plus grande partie des richesses de l’Ordre, Hugues Turrel, baile de la Cour royale de Moustiers, adressa un mandement à Raymond de Saint-Donat, lui enjoignant de percevoir le péage sur les marchandises à Gréoux, pour le compte de la Cour et non plus pour le compte de la commanderie (20 décembre 1308).
3. Gréoux : Département : Alpes-de-Haute-Provence, Arrondissement : Forcalquier, Canton : Manosque - 04

Pierre Fouque, mandataire du commandeur, fit appel de ce mandement par devant le juge des premières appellations de Provence (1).
1. Par lettres données à Marseille, le 4 décembre 1307, le roi Charles II, comte de Provence, avait décidé que, dans le ressort des terres que l’Hôpital tient de la Cour, les premières appellations seraient réservées à la Cour. (Puimoisson, Avignon, Ginasservis, etc., etc.)

Nous n’avons pu savoir si ce mandement fut maintenu, ou si la commanderie continua de percevoir le droit de péage qu’on essayait de lui ravir (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 840, pièce en mauvais état.

En 1312, intervint une sentence arbitrale entre le commandeur, d’une part, et le procureur d’Elzéar de Sabran, seigneur de Puimichel, et Delphine de Signe, son épouse, par laquelle il fut réglé que les habitants de l’Hospitalet et de Saint-Etienne de la Brègue, possédant biens dans le terroir de Puimichel, payeraient au comte Elzéar la vingtième partie des blés et légumes, hormis ceux qui possédaient des terres relevant de la directe du commandeur.

La commanderie de Puimoisson était vacante. Foulque de Villaret la pourvut d’un nouveau titulaire dans la personne d’Hellion de Villeneuve, un des plus illustres chevaliers de son temps, homme austère, économe des deniers de son Ordre, devenu successivement lieutenant du Grand-Maître, Prieur du prieuré de Provence (3) et toujours jaloux d’augmenter les droits de la religion à la tête de laquelle il fut placé plus tard (1319), pour réparer les désordres qui s’y étaient introduits sous le magistère de Foulque de Villaret.
3. Le prieuré de Provence fut créé en 1317. Puimoisson relevait de la métropole d’Aix.

Nous pensons que, vu la qualité du personnage, on lira volontiers la traduction d’une partie de la lettre qui le met à la tête de notre commanderie ; ce document, d’ailleurs, le seul que nous citions de ce genre, est instructif en plus d’un point.

Frère Foulque de Villaret, par la grâce de Dieu, humble maître de la sainte maison de l’Hôpital da Saint-Jean de Jérusalem et gardien des pauvres du Christ, et nous, Chapitre de la même maison, faisons savoir à tous ceux qui les présentes liront, présents et à venir, que, nous rappelant volontiers de l’obligeante douceur et des agréables services que notre cher frère en Jésus-Christ, Elyon de Villeneuve, nous a rendus à nous, à la Maison, qu’il nous rend assidûment et qu’il pourra nous rendre à l’avenir avec le secours de Dieu ; considérant aussi le mérite de sa grande probité, la gravité de ses mœurs, le commerce agréable de sa vie et les nombreuses qualités dont il a plu à Dieu d’orner sa personne ; voulant, en vue de ses mérites, lui donner un gage de notre libéralité ; dans notre chapitre général de Rhodes, heureusement célébré en 1314, le 3 des nones de novembre, nous avons donné et conféré et, par les présentes, donnons et conférons au susdit frère Elyon, trouvé digne, nos antiques maisons ou bailliages de Puimoisson et de Manosque, de notre prieuré de Saint-Gilles, ainsi que les lieux, possessions, terres, villages, fermes, appartenant en quelque façon que ce soit à nos dites maisons, avec tous les droits, juridictions, attenances, produits, revenus, et pour les cinq années à venir seulement, pour qu’il puisse les posséder, les garder, les régir, les gouverner et, s’il y vit justement et honnêtement, les posséder en toute paix et tranquillité. Observant néanmoins que ledit frère Elyon devra donner, livrer, céder, payer à notre Ordre, à titre de responsion annuelle (1), le taux établi par le lieutenant nommé par nous dans ces régions, lesquelles responsions nous donnons ordre à notre lieutenant de fixer dans lesdites maisons.
Nous voulons, en outre, et ordonnons que frère Elyon soit soumis à notre lieutenant dans le prieuré de Saint-Gilles, comme à son supérieur, qu’il lui obéisse avec dévouement en toute chose licite et honnête, qu’il le reçoive agréablement lorsqu’il descendra chez lui pour visiter la commanderie, qu’il le traite avec bonté, qu’il pourvoie à ses besoins et à ceux de ses envoyés et de ses familiers, prenne soin de ses chevaux, etc. Qu’appelé par le Grand-Prieur, notre lieutenant, pour tenir chapitre, il se rende, sauf empêchement légitime, qu’il administre, tant au spirituel qu’au temporel, gouverne fidèlement, améliore, soigne et augmente nos susdites maisons, tant dans le chef que dans les membres, etc., etc. (1314, 3 des nones de novembre)
1. On appelait responsion une certaine somme d’argent en rapport avec le revenu de la commanderie, somme qui était fixée par le Grand-Prieur de la Langue et que le titulaire devait payer chaque année à l’Ordre. En temps de guerre, le conseil de l’Ordre pouvait élever le taux de ces responsions.

Le premier acte d’administration du nouveau commandeur fut un prêt de 200 livres réforciats (monnaies de Provence), qu’il consentit à la Cour royale, à titre de subside, pour les besoins de l’Etat. Le grand sénéchal de Provence dut ordonner aux officiers en exercice sur le territoire de Puimoisson de contraindre les habitants à participer au payement de cette somme, empruntée dans un but d’intérêt public (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 840.

Elyon de Villeneuve ne garda pas longtemps la commanderie de Puimoisson ; ses hautes capacités et une réunion heureuse de qualités remarquables devaient, en peu de temps, l’élever aux plus hautes fonctions de l’Ordre. Mais il n’oublia ni Puimoisson, ni ses habitants, et, une fois devenu Grand-Maître de l’Ordre, il témoigna son attachement à notre pays en lui accordant un privilège fort apprécié à cette époque, la tenue d’une foire annuelle qui durerait trois jours, dans la semaine qui précédait la Pentecôte, et la tenue d’un marché tous les mardis de l’année. La bulle portant ce privilège est du 11 mars 1321 (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, inventaire Combe.

La constitution originaire du fief donnait au commandeur et par droit commun la banalité des fours. Celui-ci livrait ordinairement à ferme la perception de ces droits ; mais cette perception donnant lieu à de nombreux abus de la part des fourniers, il devint nécessaire de déterminer authentiquement les droits des particuliers et les droits du seigneur. Une transaction intervint donc sur ce sujet, entre le commandeur François de Puyagut et la communauté, représentée par cent trente habitants. Il fut convenu :
1° — Que le commandeur prendrait un pain sur trente-huit, comme droit de fournage.
2° — Que les habitants n’auraient aucun droit à payer sur les gâteaux.
3° — Que, lorsqu’ils feraient cuire dans une même fournée du pain blanc et du pain bis, le droit de fournage ne serait acquitté qu’en pain bis, d’après la proportion indiquée ci-dessus, sous la réserve que, dans les quinzaines de Noël, de Pâques et de Pentecôte, le fournage se payerait en pain blanc sur toute la fournée.
4° — Que les fourniers établis par le commandeur n’auraient qu’à s’occuper de la cuisson du pain, les habitants étant tenus de pétrir eux-mêmes, de fournir le bois nécessaire pour chauffer le four et de transporter le pain, avant et après la mise au four (19 avril 1327) (1).
1. Acte reçu par Guillaume Jacques, notaire, et ratifié par le Grand-Maître Elyon de Villeneuve, de passage à Avignon.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 848, liasse.


Ces conditions n’étaient pas exagérées, le droit de fournage s’élevant aujourd’hui à un taux supérieur, toutes proportions gardées. Elles n’eussent donné lieu à aucune protestation, si les fourniers banaux avaient répondu à la confiance forcée des habitants, au lieu de se livrer à des manœuvres qui doublaient ou triplaient quelquefois les droits légalement établis. Ce fut pour se soustraire aux exactions des employés subalternes du château, plutôt que pour s’insurger contre un droit universellement reconnu à cette époque, que la communauté entreprit la construction d’un four.

Il fallait un grand courage, une grande indépendance et une grande foi en la justice de sa cause, pour se dresser ainsi en face d’un pouvoir absolu, pour oser attenter aux droits d’un Haut-Justicier qui avait à sa disposition des juges, une prison et la potence !... Une dénonciation de nouvelle œuvre fut faite par le commandeur aux syndics de la communauté, au sujet de la construction de ce four communal entreprise au mépris des droits de la commanderie. Un procès s’ouvrit, dont l’issue ne pouvait être douteuse ; mais, en attendant le prononcé du jugement et tandis que la procédure, toujours longue, suivait son cours, un compromis intervenu entre les deux parties établit que, jusqu’au jugement de la contestation :
1° — Le commandeur ne pourrait pas faire démolir le four entrepris par les syndics.
2° — Que les habitants ne pourraient cuire leur pain ailleurs qu’au four de la commanderie.
Le commandeur gardait ainsi la possession.
La tentative audacieuse de la communauté ne devait pas être couronnée de succès. Entre ces deux puissances, la lutte n’était pas égale, et la plus faible devait fatalement succomber. Or, en ces temps sombres du XIVe siècle, où la féodalité fleurissait encore, la plus faible était la communauté. Les syndics le comprirent à temps, et, avant que le jugement fût rendu, ils demandèrent à passer une transaction qui consacrait une fois de plus les droits féodaux, en même temps qu’elle était un aveu de leur propre impuissance et de l’inanité des efforts essayés ; les temps n’étaient pas murs !!!

Cette transaction, en effet, portait comme condition absolue que les habitants devraient faire cuire leur pain au four banal et moudre leur blé aux moulins du commandeur ; que le droit de fournage resterait le même ; que le droit de mouture serait ainsi perçu, savoir : trois poignerées sur six setiers de blé, depuis la Saint-Jean jusqu’à la Noël, et deux poignerées depuis la Noël jusqu’à Saint-Jean. Les habitants s’obligèrent, en outre, à passer au commandeur reconnaissance de tous leurs biens, à lui payer toutes censes, services, trézains, treize/1, selon les anciens titres, la taille annuellement et 20 livres de droits funéraires, conformément aux conventions passées en 1207, qui règlent aussi les droits de pâturage, d’arrosage et autres droits (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 848, liasse.

D’ailleurs, ces tendances libérales, qui se faisaient jour de loin en loin dans notre pays, se manifestaient également ailleurs, à cette époque, et c’était toujours un événement heureux à l’égal d’une conquête, quand une commune pouvait arracher au pouvoir autocratique quelque lambeau de liberté, fut-ce à prix d’argent. C’est ainsi que les habitants de Fos-Amphoux et de Saint-Jean-de-Bresc, relevant de la directe du commandeur, réussirent à obtenir de ce dernier la permission accordée déjà aux habitants de Puimoisson de tester et de disposer de leurs biens par donation ou autrement, en faveur de leurs parents, tant descendants qu’ascendants et collatéraux, pourvu que les héritiers vinssent reconnaître le commandeur comme Haut-Seigneur et lui payassent les lods et trézains, treize/1, usités en cas de vente. Il fut stipulé, néanmoins, qu’en cas de contravention aux susdites dispositions les biens ainsi cédés, seraient confisqués au profit du commandeur ; que les habitants de ces deux localités payeraient une cense annuelle de 20 sous au jour de Saint-Michel, en retour de ce droit nouveau, et que, si les possesseurs nouveaux étaient étrangers, ils devaient faire résidence dans le lieu où sont assis leurs biens. Une semblable transaction fut passée avec les habitants de Montfort (10 janvier 1331).

Le 18 août 1388, eut lieu, à Puimoisson, la première visite priorale dont le procès-verbal ait été conservé aux archives de Marseille. Elle avait pour but de prendre des informations précises sur les biens, les droits, les revenus, les jouissances de chaque commanderie, non moins que sur les frères et les donats qui les habitaient. Les commandeurs Pierre Furon de Saint-Thomas de Trinquetaille et Isnard de Villemus-Claret furent nommés commissaires par Guillaume de Reillane, Grand-Prieur de Saint-Gilles, pour faire en son nom la visite de la commanderie de Puimoisson. Ils y trouvèrent quatorze frères avec le commandeur, dont trois chevaliers, savoir : Bertrand de Saint Maxime, Philippe de Reillane et Bertrand Babot ; sept chapelains, savoir : Guillaume Constant, Guillaume Reynaud, Michel Troubat, Jérôme Albe, Raymond Clapier, Guillaume Sacreste et Rostaing Chardousse : quatre servants d’armes, savoir : Jean Jarjayes, Hugues Fabre, Guillaume Adalbert et Pierre Crochet ; huit donats, dont six nobles et deux non nobles, savoir : Villemur de Moustiers, Bertrand Amic, Jean de Bodou, Bertrand de Blieux, Pierre Ardoin, Guy des Prés, Isnard Arnoux et Guillaume Maurel.
Il y avait donc une communauté de vingt-deux personnes dans le château, à cette époque, et la conventualité était en pleine vigueur. L’énumération des terres, droits, privilèges et revenus de la commanderie nous entraînerait trop loin et n’offrirait pas un grand intérêt au lecteur.

La peste épouvantable qui, de 1347 à 1350, avait fait tant de victimes en Provence, avait eu pour résultat d’amener des perturbations profondes dans la transmission des propriétés. Le commandeur jugea à propos de se faire passer reconnaissance par ceux des survivants sur lesquels devaient se prélever les droits seigneuriaux (1354).

La seconde moitié du XIVe siècle s’annonçait encore plus sombre, plus désespérante et surtout plus sanguinaire que la première. Notre malheureuse Provence fut littéralement en feu ; des troupes de toute nation, amies et ennemies, la piétinaient, la traversaient en tous sens ; il fallait payer et nourrir et les amis et les ennemis, et la distinction n’était pas toujours facile à établir. Les princes et barons, les moindres seigneurs convoquaient ban et arrière-ban ; les évêques ceignaient parfois l’épée et se mêlaient de guerre. C’est d’abord Robert de Duras, cousin germain du roi, qui vient guerroyer en Provence contre la maison de Tarente (1355).
Cette révolte est à peine étouffée qu’une troupe d’aventuriers et de pillards, guidés par « Arnaud de Cervoles, dit l’Archiprêtre, se rue sur la Provence, en voulant aux Etats de la reine Jeanne » Les paysans en étaient réduits à dévaster eux-mêmes les campagnes, pour lui ôter les moyens de subsister. Le pape dut composer avec lui et le fit sortir des terres du Comtat, moyennant une indemnité de 40,000 écus (1355 1358).

Vinrent ensuite les bandes des routiers, des Tard-Venus, qui, alléchés peut-être par la perspective d’une indemnité semblable à celle d’Arnaud de Cervoles, menaçaient le pape Urbain V dans Avignon (1362).

Enfin, Henri de Transtamare, frère naturel du roi de Castille, se présente à la tête d’une troupe d’aventuriers où dominaient les Espagnols, ravage nos villages et vient faire le siège de Riez. Cette ville, n’ayant pas des forces suffisantes pour repousser un pareil ennemi, chercha à le désarmer par un autre moyen ; on lui offrit une rançon. Il la fixa lui-même à, 10,000 florins d’or pur, 10,000 setiers de blé et 2,000 bêtes à laine. Puimoisson paya un florin d’or par feu.

Détournons un instant nos regards de ces scènes de dévastation et de pillage et reportons-les dans l’intérieur de notre pauvre pays. Nous y voyons le commandeur sollicitant du Grand-Maître de l’Ordre une mesure générale d’affranchissement, en faveur des habitants de l’Hospitalet, membre de la commanderie de Puimoisson. Il est assez heureux pour obtenir ce privilège, qui, de serfs, faisait des hommes francs ; il sollicite également et obtient pour eux la faculté de tester librement et de donner leurs biens à qui ils voudront (12 mai 1366) (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, inventaire Combe.
— Le 27 novembre 1375, Jean Négrel, recteur de la maison de Saint-Etienne de la Brègue, agissant au nom de l’Hospitalet, se fait passer reconnaissance par Raymond Marron, Isnard Aillaud, Etienne Béroard, Guillaume Gipier, Michel Lancoyn, Pierre Aymes, André Bonnet, Vincent Aillaud, Hugues Blanc, Guillaume Taxil, tous habitant Chénerilles, des terres, fours, maisons qu’ils possèdent « in castro de Chanadrilles, sub dominio et seigneuria domus de Hoapitaleto. »
— Archives des Bouches-du-Rhône, pièce non inventoriée.


Un autre privilège qui nous touchait de plus près et qui marquait pour nos ancêtres un nouveau pas dans la voie de l’émancipation fut la permission accordée par le commandeur Guillaume de Laureïs, à notre communauté et à tous ses habitants, de nommer un ou plusieurs procureurs ou défenseurs pour agir dans les affaires en justice et par devant toutes les cours où ils devront se présenter. Ces lettres de permission furent publiées sur tout le territoire relevant de la juridiction du commandeur et provoquèrent chez tous une explosion de joie mêlée de reconnaissance (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 841.
— Date des lettres, 10 novembre 1380 ; les publications furent terminées le 22 juin 1381.


Cette même année, la commanderie voit encore ses domaines s’agrandir. Hugues Terpol, de Riez, et Astruge, sa femme, lui donnèrent la totalité de leurs biens, consistant en un moulin à paroir, une maison au pas d’Angres, une vigne et un pré, au quartier de Rousset, le tout situé à Riez (1380) (3).
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 854.

D’autre part, le Léopard de Moustiers nous apprend que les droits d’albergues et de cavalcades, à Puimoisson et à Saint-Apollinaire, s’élevaient à la somme 50 sous coronats, payables en deux fois (4).
4. Archives des Bouches-du-Rhône, B, 1056, Leopardus Mosteriorum, enquête de 1384.
— Le sou coronat devait valoir, à cette époque, 1 franc 25 centimes.


Mais voici que nos régions, qui commençaient à respirer en paix, sont replongées de nouveau dans les horreurs de la guerre. Une nouvelle invasion plus terrible que les autres devait s’ajouter à la sanglante série ; nous voulons parler de la guerre de Raymond de Turenne contre les partisans de la maison d’Anjou en Provence, au cours de laquelle beaucoup de châteaux et de villages furent rasés et de nombreuses archives détruites. Ce terrible brigand, issu d’une très illustre famille et possesseur de beaux et nombreux fiefs, fut poussé à cette effroyable guerre, entre autres motifs, parce que le duc d’Anjou, ayant réuni au domaine comtal toutes les aliénations que la reine Jeanne avait faites, se vit privé tout d’un coup des terres que son père avait acquises de la libéralité de cette princesse et lui avait transmises à lui-même. Il voulut donc, tout en gardant celles qu’il possédait encore, recouvrer celles qu’il avait perdues. On prétend encore que la Chambre apostolique, à qui appartenait le Comtat Venaissin, lui devait de fortes sommes, soit prêtées par son père, soit gagnées par lui en guerroyant pour le pape. Il menaçait donc aussi d’envahir le Comtat, afin de contraindre la Chambre apostolique à lui payer ce qu’il prétendait lui être dû.

Quoi qu’il en soit du motif qui lui mettait les armes à la main, ce guerrier farouche rassembla autour de lui les anciennes bandes de Charles de Duras, tous les meurtriers, voleurs, larrons, brigands, faux-monnayeurs et autres gens de sac et de corde qu’il put trouver, les réunit à ses troupes et se mit à faire des courses par toute la Provence, ravageant, pillant, brûlant, faisant mille outrages (1).
1. M. Bouche, Histoire de la Provence.

Ceci se passait au commencement de l’année 1390.
Or, il y avait en ce moment à la tête de la commanderie de Puimoisson un chevalier remarquable, d’une illustre famille et d’une grande valeur. C’était Réforciat d’Agoult, fils de Raymond, seigneur de Sault, vicomte de Reillane, et de Léonie ou Eléonore des Baux, des seigneurs de Meyrargues. Il tenait dans sa main les commanderies d’Aix et de Puimoisson, depuis 1385 (1).
1. Suivant le journal de Jean Lefèvre, évêque de Chartres, Réforciat d’Agoult fit hommage à Louis II, pour ces deux commanderies, le 26 mars 1385 et le 24 juillet 1386, fut nommé Grand-Prieur de Saint-Gilles, en mars 1402, par Benoit XIII, regardé comme antipape.

Ayant été nommé capitaine par le roi Louis II, dès le commencement de l’invasion, et chargé de la défense, il fit mettre en état les remparts du pays, ravitailla la place, garnit le château de soldats et de munitions de guerre. Le 20 février 1390, il se porta à Moustiers, ordonna aux habitants de fortifier leur ville, fit faire lui-même plusieurs redoutes et de nouvelles fortifications, et, après avoir assuré la défense du chef-lieu de la viguerie, vint attendre derrière les murs de son château les bandes du farouche Raymond de Turenne.

Cependant un édit royal venait de mettre le guerrier hors la loi et ordonnait une convocation générale des trois états de la Provence, pour le 15 août 1390, dans la ville d’Aix. Richaud Richanez y fut délégué par la ville et le bailliage de Moustiers. Riez et Valensole y envoyèrent un délégué spécial. Réforciat d’Agoult y assista. Il y fut résolu une alliance offensive et défensive contre Raymond de Turenne ; une levée de gens de guerre comprenant trois cents lances, quatre mille arbalétriers, trois cent cinquante fantassins sous le commandement de Charles, prince de Tarente, frère du roi et gouverneur de Provence ; enfin des subsides et des contributions de guerre à prélever tant sur les laïques que sur les ecclésiastiques, cardinaux, pape, communautés, ordres religieux, barons, seigneurs et gentilshommes. Comme cette façon d’imposer les ecclésiastiques et les communautés à raison de leurs bénéfices pouvait paraître insolite et irrespectueuse, deux principaux et plus sages seigneurs de la province, Francisquet d’Arcussia de Cupro, seigneur de Tourves, et Réforciat d’Agoult, commandeur de Puimoisson, furent délégués par les Etats réunis pour aller représenter au pape l’état lamentable de la province et du Comtat, le prier d’agréer la taxe imposée pour la guerre et d’y contribuer lui-même (1).
1. M. Bouche, Histoire de Provence, passim.

C’est au cours des alarmes continuelles de ces guerres dévastatrices qu’eut lieu, à Puimoisson, le fait prodigieux que signalent Bouche, la Chronologie de Lérins et autres historiens recommandables, et que nous allons relater en terminant ce chapitre.
Les religieux qui desservaient l’église de Saint-Honorat, à Arles, et auxquels était confiée la garde des reliques de ce saint, craignirent de voir tomber ce dépôt entre les mains des bandes indisciplinées qui ravageaient le pays. Ils résolurent donc de les emporter secrètement dans le monastère de Ganagobie (Basses-Alpes), que le prieur connaissait bien pour y avoir habité autrefois. La translation eut lieu sans accident. Quelque temps après, le prieur, craignant que ces saintes reliques ne fussent pas en assez grande sûreté dans ce monastère ou guidé par quelque autre motif que l’histoire ne dit pas, les offrit au monastère de Lérins. L’abbé Jean de Tournefort les accepta avec grand empressement, et le prieur se mit en chemin, accompagné du frère sacristain et d’un autre moine. Arrivés à Ganagobie (1), ils prirent le précieux dépôt qui leur était confié et se hâtèrent de retourner à Lérins. « Mais, étant arrivés au lieu de Puimoisson, dit Bouche, comme un de ces moines commença à douter si ce qu’ils portaient étaient les vraies reliques de saint Honoré, voilà que sur le champ il fut atteint de grandes douleurs par toutes les parties de son corps, en façon qu’il n’avait point de repos ; mais, ayant invoqué l’assistance de ce saint, il en fut incontinent délivré » (2).
2. Ganagobie : Département : Alpes-de-Haute-Provence, Arrondissement et Canton : Digne-les-Bains - 04
1. Vide, M. Bouche, tome II, page 421.
— Vide, Chronologie de Lérins, 1re partie, page 79, et Histoire religieuse du Diocèse de Digne, par Cruvellier et Amdrieu, page 386.


Chapitre V

En sa qualité de Haut-Justicier et de seigneur spirituel du pays, le commandeur possédait le droit de mortalage, qui consistait à s’approprier une partie plus ou moins importante des biens laissés par les habitants décédés. Le montant de ce droit, n’ayant été fixé par aucun règlement, était fort arbitraire, et l’abus devenait d’autant plus facile, pour peu que le seigneur du lieu fût attaché à ses intérêts.
Ce fut précisément le cas du commandeur Réforciat de Pontevès, qui émit la prétention de faire monter son droit jusqu’à la quatrième et même la troisième partie des biens du défunt, et poussa la rigueur jusqu’à ne pas souffrir qu’on ensevelît les morts dans le cimetière de l’église qu’auparavant il n’eût été satisfait de son droit de mortalage (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 842.
— Cette prétention laisse supposer que les habitants ne se gênaient pas pour esquiver la loi quand ils pensaient pouvoir le faire impunément.

Mortelage
Ce droit était pour le commandeur de Puimoisson, de percevoir la troisième ou quatrième partie des biens du défunt. Si les habitants refusaient de payer ce droit, le commandeur refusait l’inhumation du défunt dans la cimetière de l’église

Ces prétentions exorbitantes provoquèrent des protestations et décidèrent les habitants à formuler une plainte au chapitre provincial du grand-prieuré de Saint-Gilles, par l’organe de leurs syndics et de leurs défenseurs. La vénérable assemblée députa Pierre de Gaubert, commandeur du Temple d’Arles et de Fos, pour se rendre sur les lieux et régler d’une façon définitive le montant du droit de mortalage.
Après avoir entendu le commandeur Réforciat de Pontevès, les syndics Etienne Toffan et André Jacques et, de plus, Bertrand Chardousse, Pierre Hugues, Pierre Andron et noble de Requiston, coseigneur d’Asse, tous conseillers et défenseurs des habitants de Puimoisson (2), il arrêta : que le droit de mortalage serait, à l’avenir, de 24 sous pour les défunts riches, d’un florin pour ceux d’une fortune moyenne, meïane opulentie, et de 10 sous pour ceux qui seront considérés comme pauvres (3). Les parties s’engagèrent à respecter ce règlement, qui fut dressé dans le château de Puimoisson par le notaire Jean Roche, le 7 août 1407 (4).
2. Consiliares et defensores.
— Locution cité.
3. Minores vero in bonis seu illi qui pauca possident et quasi pauperes nominant solidos decem.
— Locution cité.
4. Archives des Bouches-du-Rhône, fonds de Malte, H, 842.


Les archives de Malte nous apprennent qu’en l’année 1415 le chevalier Louis Reynaud, commandeur de Puimoisson, avait fait faire des criées dans tout le pays et jusque dans la ville de Sisteron, portant défense aux habitants de transporter du bois hors du terroir de leur pays respectif, et qu’ayant fait condamner à l’amende deux particuliers qui avaient contrevenu à cette ordonnance la ville de Sisteron, qui se prétendait en droit de faire transporter du bois en dehors, en vertu de privilèges à elle précédemment concédés, demanda que la question fût tranchée par un arbitre. D’un commun accord, les deux parties dressèrent un compromis par lequel elles désignaient Guy Crespin, de Sisteron, pour arbitre (25 novembre 1415). La sentence fut rendue en faveur du commandeur (30 juin 1116). Hâtons-nous de dire qu’il se départit en faveur des habitants de Puimoisson de la défense portée et qu’il leur permit le libre transport du bois, de la chaux, du charbon, à la condition expresse, toutefois, qu’on l’en informerait, afin qu’en cas de besoin il pût le retenir (1).
1. 18 juillet 1416.
— Archives des Bouches-du-Rhône, II, 828.


Cette défense, toutefois, n’avait pas laissé que de mécontenter les habitants, dont elle gênait le petit commerce et amoindrissait les revenus. Ils pensaient qu’un commandeur qui était si rigoureux dans la revendication de ses droits ne devait pas l’être moins dans l’accomplissement de ses devoirs. Les tentatives qu’il essayait pour se soustraire à ses obligations et pour étouffer certaines libertés de ses vassaux déterminèrent les deux syndics, Bertrand Castel et André Chardousse, à adresser un mémoire au chapitre provincial, dans lequel ils relevaient les griefs des habitants contre Louis Raynaud.
Le chapitre de Saint-Gilles députa deux commissaires Elzéar Balbi, commandeur de Comps, et Constant de « Montemalo », commandeur de Sainte-Marie-de-Rue, avec mission de se porter à Puimoisson, d’examiner les réclamations des habitants et de réglementer les obligations du commandeur.
Les deux délégués du chapitre, après avoir interrogé le commandeur, les deux syndics et plusieurs habitants de la localité, rendirent une ordonnance dont voici les points principaux :
1° — Le commandeur de Puimoisson aura charge de tenir pour le service de l’église un curé, un secondaire et un clerc, suffisants et capables.
2° — Il devra dorénavant faire l’aumône selon qu’il a été établi et selon sa conscience.
3° — Les hommes de Puimoisson pourront, dorénavant et à leur gré, labourer et cultiver hors du terroir de Puimoisson, ou dans toute l’étendue du terroir, à quelque endroit que ce soit, sans que le commandeur y trouve à contredire.
4° — Les hommes de Puimoisson pourront, désormais et indéfiniment, recevoir des mègeries (1) de n’importe quel bétail, gros ou menu, de tout genre ou espèce. Toutefois, quand le bailleur de mègerie sera étranger, il devra, au préalable, demander permission au commandeur ; dans le cas où il introduirait de l’avérage sur le terroir, sans avoir obtenu permission, il subira la peine de dénonciation accoutumée pour ce genre de délit, et, si le commandeur ne voulait pas donner la permission ou la différait sous quelque prétexte, le bailleur et le méger pourront introduire leur avérage dans le terroir, sans encourir de peine.
5° — A l’avenir, le commandeur ni ses officiers ne pourront rien exiger à raison de la canne et de l’aune, c’est-à-dire à raison du mesurage des terres et des marchandises ; toutefois, on ne pourra se servir que de mesures marquées au coin de la cour du seigneur commandeur, signo curie dicti Dni preceptoris.
6° — Quant aux cens et services dus par les habitants pour leurs possessions, il est ordonné que, chaque année, le commandeur fera publier, huit jours à l’avance, en tous les lieux accoutumés de l’endroit, le jour où les cens et services doivent être payés. Passé le terme indiqué, il sera payé un double cens ou fait un double service. Exception est faite pour les mineurs et les étrangers, dont les biens seront gagés pour leur dû, et, s’il y a lieu, la propriété sera distraite et vendue selon la coutume usitée au pays de Puimoisson, pour l’aliénation des gages ainsi faits pour semblable cause.
Ce règlement, dont nous venons de faire connaître les principales dispositions, fut dressé par le notaire Antoine Blanqui, en présence de noble Antoine Agnel, citoyen d’Aix, de Bertrand Geoffroy, d’Avignon, tous deux hommes de loi, et des témoins Antoine Bertrand et Antoine Balbi, le 24 février 1410 (2).
1. (Dauphiné-Provence). MEGER. Fermier qui partage avec le propriétaire de la ferme les produits de la récolte.
2. Archives des Bouches-du-Rhône, Fonds de Malte, H, 834.


Il n’est pas sans intérêt de signaler cette nouvelle conquête de la commune sur le pouvoir féodal. La liberté de disposer de son travail, tant en dehors qu’au dedans du pays, sans aucun contrôle, la faculté de recevoir à mègerie, a mie creï, des troupeaux étrangers et de les garder sur toute l’étendue du terroir, la gratuité des opérations de mesurage étaient, pour cette époque, des privilèges appréciés et qui modifiaient heureusement la situation matérielle et sociale de nos pères, tandis que l’obligation d’avertir huit jours à l’avance ceux qui devaient des cens en espèces, des corvées de labour ou des corvées personnelles, leur permettait soit de se procurer les fonds, s’ils en étaient dépourvus, soit de parer aux nécessités les plus pressantes des travaux de leurs champs.

En vertu d’une donation de 1238, le commandeur avait le droit de pâturage dans toute l’étendue du terroir d’Aups. Ce droit, légitimement conféré, régulièrement exercé pendant près de deux cents ans, n’avait jamais été contesté par personne. Il arriva pourtant que les officiers de Pierre de Blacas, seigneur d’Aups, se saisirent un jour d’un troupeau de trente-cinq juments appartenant au commandeur et réussirent à faire condamner le gardien à 100 sous d’amende et à faire confisquer les juments au profit du seigneur d’Aups. Une atteinte si grave portée à la commanderie et juridiquement consacrée par un arrêt constituait une injustice que le commandeur n’était pas disposé à subir. Il fit donc appel de cette sentence par devant Jordan Buc, juge des secondes appellations de Provence. Celui-ci prononça la cassation de la sentence, ordonna la restitution des trente-cinq juments saisies à tort, confirma au commandeur le droit de pâturage au terroir d’Aups, faisant expresse défense au sieur de Blacas de l’y troubler à l’avenir (1).
1. Acte à Aix, le 28 avril 1425.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 856.


En 1455, le vice-commandeur Jean de Pont reçoit de Jean-Antoine Pralier la donation de la totalité de ses biens, situés à Courbons et à Thoard, et fait passer reconnaissance aux habitants de Courbons et de l’Hospitalet, relevant de sa juridiction (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 862.

Le fonctionnement de la vie communale durant le cours de ce siècle sombre et triste nous échappe, du moins dans ses détails. Toutefois, les quelques documents qui sont venus jusqu’à nous nous font constater la continuation, l’accentuation même d’un mouvement déjà signalé, d’une sorte d’évolution vers l’indépendance. L’avidité jalouse qu’elle met à conquérir quelque lambeau de liberté, à conserver les privilèges déjà acquis, les tentatives pour obtenir de nouvelles franchises, l’âpreté avec laquelle elle dispute pied à pied le terrain au pouvoir féodal, ne nous permettent pas de nous méprendre sur la nature des aspirations de notre population et sur ses tendances vers l’affranchissement complet. L’annexion définitive de la Provence à la France, prononcée par les Etats généraux réunis à Aix, le 9 avril 1487 (1), fut saluée par elle comme l’aurore d’un avenir nouveau. De jour en jour, les abus et les exactions lui devenaient moins supportables ; on l’a constaté par les démarches tentées contre le commandeur ; et, tout en portant encore le joug que les nécessités de l’organisation sociale lui imposaient, on comprend qu’elle le subissait avec moins de docilité et, en tout cas, ne permettait pas qu’on l’aggravât.
1. Les lettres patentes d’annexion sont du 24 octobre 1486.

Un des abus contre lequel elle lutta avec le plus d’énergie et de persévérance et dont plus tard elle devait saluer l’abolition avec bonheur était celui résultant de la banalité des fours. Depuis longtemps, cette banalité lui était devenue particulièrement odieuse, moins encore à raison des droits seigneuriaux qui y étaient attachés qu’à cause des exactions et des prélèvements exorbitants et frauduleux que se permettaient les rentiers de la banalité. Après bien des réclamations restées sans résultats, après de nombreuses plaintes toujours repoussées comme non justifiées, la communauté entreprit hardiment la construction d’un four communal dans la maison de la confrérie du Saint-Esprit, située à la rue Plus Basse, au-dessus de la fontaine. C’était là un acte de courage et d’insubordination auquel le commandeur était loin de s’attendre. Elion de Demandolx dénonça la communauté dans la personne de ses syndics, et se plaignit du dommage que ce four porterait aux siens, qui étaient banaux. C’était le 28 mars 1488. Or, en ce temps-là, plus que de nos jours encore, la procédure était lente ; et, tandis que lentement l’affaire s’instruisait, l’œuvre du four allait à son achèvement. Le commandeur, fatigué d’attendre, irrité de l’obstination de la communauté, recourut à la force brutale, et, en compagnie de ses gens et de ses affidés, se porta à de telles violences et à de tels excès contre les syndics, les ouvriers et autres habitants, que la communauté dut le dénoncer à son tour, et que la souveraine cour, sans égard pour la haute situation de l’inculpé, décréta la saisie de la temporalité de ses rentes (1488). Ce décret de la souveraine cour privait le commandeur de l’exercice de son droit juridictionnel et lui enlevait la faculté de rendre la justice. Il s’empressa de demander la permission de créer les notaires lieutenants de juge pour leur faire exercer la justice à sa place. Mais les officiers de Moustiers, qui jalousaient la puissance d’un seigneur voisin ne relevant pas de leur juridiction, s’emparèrent aussitôt de cette juridiction et continuèrent de la détenir et de l’exercer, alors même que le commandeur avait été remis en possession de tous ses revenus (20 février 1489). Elion de Demandolx dut porter plainte et obtint du sénéchal, Aymar de Poitiers, un jugement qui ordonnait aux magistrats de Moustiers de laisser au commandeur la juridiction du territoire de Puimoisson et le rétablissait lui-même dans le pouvoir d’exercer la justice (14 février 1490) (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 842, H, 843.

Ces incidents étaient ainsi réglés à l’avantage du commandeur, mais les faits qui y avaient donné lieu demandaient une solution, car il était indispensable de déterminer à nouveau les droits et les devoirs de chacun, d’établir un modus vivendi entre le commandeur et la communauté. Une transaction eut lieu le 8 octobre 1491 (2).
2. Cette transaction fut reçue par Joan Raynaud, notaire de Moustiers, et Pierre Fabre, notaire de Bargemou.

Il y fut décidé :
1° — Que les habitants de Puimoisson resteraient dans l’obligation de faire cuire leur pain aux fours du commandeur et non ailleurs.
2° — Qu’ils devraient faire moudre leur blé à ses moulins, sauf le cas de sécheresse ou autre empêchement ; auxquels cas, ils demanderont au commandeur ou au meunier la permission d’aller moudre ailleurs.
3° — Que le droit de fournage serait acquitté de la manière qu’il a été déterminé par la transaction du 19 avril 1327.
4° — Que le droit de mouture serait fixé à trois poignerées sur la quantité de six setiers de grains quel qu’il soit, depuis la fête de saint Jean-Baptiste jusqu’à la Noël, et à deux poignerées seulement sur la même quantité, depuis la Noël jusqu’au 24 juin.
5° — Les habitants s’engagent à passer au commandeur et à ses successeurs reconnaissance de tous leurs biens, chaque fois qu’ils en seront requis : à payer les censives et services de leurs biens selon la valeur indiquée par les anciennes reconnaissances ; à acquitter la censive annuelle de 20 livres, à la Toussaint, et les droits funéraires tels qu’ils ont été réglés par la transaction du 7 août 1407.
6° — Que le commandeur aura le droit de prendre une journée de chaque compagnie de juments qu’on amènera dans le terroir, pour le foulage et triturage de ses blés, sans qu’il lui en coûte autre chose que la nourriture à fournir aux animaux (1).
1. Ce droit assez peu usité en Provence s’appelait « droit de cabestrage » Claude de Glandevès en déchargea les habitants par transaction du pénultième février 1558.
7° — Que les habitants ne mèneront plus paître leur bétail au « prat-nouvel », quartier de Saint-Apollinaire ; en cas de contravention, il sera dû un gros par tête de gros bétail, 5 sous coronats par tête de bétail menu, sans préjudice du droit de dommage, de ban et d’information criminelle.
8° — Que les habitants ne détourneraient plus l’eau des moulins du commandeur, pour en arroser leurs prés, en dehors des jours déterminés ci-après, savoir : depuis le mercredi à midi jusqu’au lendemain, au lever du soleil, et du samedi à midi jusqu’au lever du soleil du lundi, sous peine d’une amende de 5 sous coronats en cas de contravention (1).
1. 3 octobre 1491.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 848.


Cette fois encore, la communauté dut succomber ; ses petits empiètements furent réduits, et les efforts tentés pour se soustraire à la banalité n’aboutirent qu’à provoquer une réglementation qui la mit à l’abri, pour un temps du moins, des exactions et des fraudes des préposés aux fours et aux moulins banaux.

Chapitre VI

Le XVIE siècle venait de s’ouvrir sous de fâcheux auspices ; la peste faisait des ravages dans la Provence et passait des grands centres jusqu’aux moindres bourgs. A l’approche du fléau, les habitants aisés se hâtaient de fuir les pays contaminés, tandis que les moins fortunés, attachés au sol, tremblant d’épouvante, attendaient la mort.
Si, par l’impéritie des médecins et la négligence des magistrats, beaucoup de localités de la Provence payèrent leur tribut au fléau dévastateur. Puimoisson n’en ressentit pas même les premières atteintes, et ce fut grâce à l’énergie, au rare sang-froid et à l’héroïque dévouement de son premier consul.

Gaspard Bouche, l’un des premiers anneaux de cette puissante famille Bouche qui, dans le cours de plus de trois siècles, fournit des consuls à Puimoisson, à Aix, des avocats au Parlement, des notaires, des magistrats, des historiens et des députés, remplissait, en ce moment, les fonctions de premier consul dans son pays (1). Une énergie de caractère peu commune, une grande probité, une vie irréprochable lui donnaient un grand ascendant sur la population. Sa noble conduite, dans les circonstances critiques que nous allons décrire, justifie, une fois de plus et de la manière la plus éclatante, la confiance dont l’avaient honoré ses concitoyens. Elle contraste, d’ailleurs, si heureusement avec celle de plusieurs consuls, et notamment de ceux de Marseille, qui se déshonorèrent en fuyant lâchement devant le danger, que nous croyons remplir un devoir en la faisant connaître.
1. Ce Gaspard Bouche était un ancêtre de l’historien Honoré Bouche, dont le père était né à Puimoisson, berceau de la famille, ainsi que nous le dirons plus tard.

Dès l’apparition des premiers symptômes du mal contagieux, Bouche donne l’ordre d’évacuer immédiatement le pays et dirige sa population au quartier des Condamines ; des tentes sont dressées : une sorte de camp est formé, entouré de barrières: des sentinelles sont disposées tout autour, pour intercepter toute communication avec les étrangers, tandis que d’autres sentinelles sont établies dans le village, pour garder les meubles délaissés et les soustraire à la rapacité des vagabonds, et que des mesures intelligentes sont prises pour assurer les approvisionnements.
Mais ce n’était là que le côté matériel et non le plus difficile. Pour gouverner ce peuple en pareille situation et rendre ces mesures efficaces, il fallait un règlement sévère et, à ce règlement, une sanction. Bouche, de concert avec ses collègues, dresse ce règlement, le fait connaître au peuple, lui fait jurer de l’observer et le fait afficher sur divers points du campement. Puis, il fait dresser des fourches patibulaires, comme une menace perpétuelle qui devra prévenir toute infraction.
« Je veux vous sauver, leur dit-il, en vous préservant de la contagion, ou, si vous avez le malheur d’être atteints, vous empêcher de la communiquer aux populations voisines. Les lois que vous avez approuvées et juré d’observer sont affichées dans ce camp ; comme vous, je jure d’y être fidèle ; je serai le premier à braver le danger, le dernier à m’éloigner, Je vous fais ici le sacrifice de ma fortune, de ma tranquillité, de ma vie. Maintenant, jetez les yeux sur ce gibet ; qu’on m’y attache, si je trahis mes serments ; mais malheur aussi à celui qui enfreindra nos lois de police et de santé (1) ! »
1. A ce langage ferme, résolu, hardi, comme celui d’un général haranguant ses soldats avant la bataille, on reconnaît bien l’ancêtre de Balthazar Bouche (1591-1669), deux fois consul d’Aix, auquel sa fermeté et sa constance pour le soutien des libertés du pays contre les entreprises du ministère valurent les honneurs de la persécution et le glorieux surnom de « Martyr de la Patrie. »
— Vide Roux Alphéran, les Rues d’Aix.


Le peuple, soumis et respectueux, jura de nouveau obéissance. Trente jours s’écoulèrent, pendant lesquels le fléau gagnait les pays environnants : Gréoux, Albiosc et autres localités étaient atteints.
Une épreuve était réservée au patriotisme de notre intrépide consul. Son fils. Melchior Bouche, habitant Allemagne, voulut se dérober au fléau. Il part, accompagné de sa femme, de ses enfants, se dirige vers Puimoisson, se présente aux barrières des Condamines, se fait connaître, invoque le crédit de son père et supplie qu’on le laisse entrer, affirmant que ni lui ni les siens ne sont atteints. La consigne était sévère ; la sentinelle menace de tirer sur lui, s’il ne s’éloigne. Le consul, instruit de ce qui se passe, arrive bientôt et, du haut des barrières, crie à son fils de s’éloigner. Les larmes de Melchior, de son épouse, de ses enfants ne parviennent pas à le fléchir. « Faites-vous une tente comme vous pourrez ; j’aurai soin de vous faire arriver des provisions et d’envoyer deux fois par jour le médecin du camp pour m’assurer de l’état de votre santé. » La quarantaine expirée, Melchior fut reçu dans le camp. Après six mois de campement aux Condamines, la population, heureuse de n’avoir eu à déplorer aucun cas de peste, rentra dans l’intérieur du pays.

Cependant des commissaires furent envoyés dans la province par ordre du Parlement, afin de prendre des informations sur l’état des lieux qui avaient souffert de l’épidémie. Apprenant que Bouche avait fait dresser des fourches patibulaires, ils virent là un excès de pouvoir et comme un empiètement sur la puissance royale, et le mandèrent pour lui demander raison de sa conduite.
— « Pourquoi avez-vous fait dresser cette croix patibulaire ? Ignorez-vous qu’au roi seul et à ses magistrats appartient le droit d’élever des gibets ? »
— « Je le sais, répliqua Bouche avec fermeté ; mais je gouverne un peuple mutin ; pour le sauver de la mort, il fallait tous les jours lui en mettre le souvenir sous les yeux ; ce moyen a secondé mes vœux ; aucun habitant n’est mort de la peste. Je vous invite à remercier le ciel de ce que, par mes soins, un peuple entier a été sauvé.
Cette réponse énergique, faite par un homme vertueux, désintéressé, béni du peuple, qui, à la seule expression de son nom, versait des larmes de reconnaissance, imposa silence aux commissaires. Ils se bornèrent à dresser rapport de leur mission et partirent pénétrés de vénération pour un homme qu’un travail pénible et continu pendant six mois n’avait pas découragé et qui, vêtu d’un simple habit de toile, avait veillé pendant la nuit, agi pendant le jour, donnant à tous l’exemple de la patience, du courage et d’un dévouement soutenu par une vive foi et un ardent patriotisme (1).
1. D’après Fouque, avocat. Les Faites de la Provence, tome II, pages 308, 309 et suivantes. — Ce récit a été puisé par lui dans des mémoires particuliers tout à fait dignes de foi.

Reprenons maintenant le cours de notre récit.

Labaud
Département: Alpes-de-Haute-Provence, Arrondissement: Digne-les-Bains, Commune: Les Dourbes - 04

Domus Hospitalis Labaud
Domus Hospitalis Labaud

Sur la carte de l’IGN, Pas de Labaud, sur la carte de Cassini, La Baume.
Parmi les membres de la commanderie de Puimoisson, se trouvait le château de Labaud, terre située entre les Sauzeries et les Dourbes, ayant appartenu autrefois aux Templiers. Ce hameau, visité en 1242 par Aymar, archevêque d’Embrun, réuni au bailliage de Castellane par mandement du sénéchal, en 1352, passa à l’Ordre de Malte et releva de notre commandeur, qui y possédait la moyenne et basse juridiction (la haute appartenant au roi), des terres, deux prairies et la compascuité avec la terre de Clumanc. Comme il n’y avait en ce hameau ni forteresse, ni prison, quoiqu’il fût assez peuplé, le commandeur François de Blacas obtint du Parlement de Provence un arrêt l’autorisant à faire incarcérer à Puimoisson, ubi sunt tuti carceres, et à y faire juger les délinquants qui seraient pris au territoire de Labaud (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 861.
— Acte donné le 17 septembre 1506, à Brignoles, le Parlement y siégeant à cause de la peste.


Nous avons déjà vu que la commanderie de Puimoisson possédait des terres et des droits féodaux à Puimichel. Les seigneurs, se succédant dans la possession de ce fief, ne voyaient qu’avec peine des hommes, habitant leur terre, échapper à leur juridiction et payer à un seigneur étranger des redevances qu’ils se croyaient seuls fondés à percevoir. Bien souvent, des procès s’élevaient entre les deux seigneurs ; mais les droits du commandeur, établis sur des titres d’une valeur indiscutable, triomphaient toujours.

En 1507, le seigneur du Puimichel voulut affirmer ses prétentions et fit démolir le four du commandeur situé au hameau, aujourd’hui disparu, de Saint-étienne-de-la-Brègue, terroir de Puimichel. Le Parlement, saisi de l’affaire, rendit un arrêt, le 29 août 1508, condamnant Guillaume de Sabran, comte d’Arian, seigneur de Puimichel, et mandant au juge de Digne de réintégrer le commandeur en la possession de la juridiction de Saint-étienne-de-la-Brègue (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 865.

On ne comprend guère qu’un commandeur, qui recourait au Parlement pour venger ses droits, eût besoin de ce Parlement pour se faire tracer son devoir. C’est pourtant ce qui arriva. Des réparations urgentes avaient été faites a l’église et au clocher ; le commandeur fut invité à participer, en sa qualité de seigneur spirituel et de gros décimateur, aux dépenses occasionnées par ces réparations. Comme il refusait obstinément son concours, les consuls le traduisirent à la cour du Parlement, qui condamna Pierre de Grasse à prendre sa part de la dépense, suivant les conventions arrêtées entre les précédents commandeurs et la communauté (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 833.
— 21 avril 1512.


Il n’est pas sans intérêt pour l’historien et pour le lecteur de considérer ces pauvres syndics d’un modeste village affirmant leurs droits contre les prétentions arbitraires d’un pouvoir absolu, ne craignant pas de se mesurer avec le seigneur puissant, le traduisant à la cour du Parlement pour le ramener, par la force de la loi, à une juste appréciation de ses devoirs et pour sauvegarder les droits et privilèges du peuple qu’ils représentent. Décidément, ces hommes avaient du caractère !
Mais il arrivait parfois que ce caractère, au lieu de se traduire par la force d’âme, se changeait en obstination, leur devenant ainsi plus nuisible qu’utile.

Le chevalier Jacques de Montlor, dit de Maubec, venait de prendre possession de la commanderie. Suivant l’usage et conformément au droit qu’il en avait, il demanda aux habitants de lui faire le dénombrement de leurs biens et de produire leurs titres de possession. Cette opération était dispendieuse pour les particuliers. Parfois, les titres étaient égarés ; le papier était rare ; le parchemin était cher ; les tabellions demandaient des honoraires pour les extraits ; il fallait faire enregistrer les déclarations par notaire et aux frais de l’hommageable. Les syndics prièrent le commandeur de se contenter d’un hommage collectif, qui serait fait par eux, au nom de la communauté, et occasionnerait peu de frais ; le commandeur refusa. Que faire ? On ne pouvait pas le traduire au Parlement, puisqu’il agissait dans toute la plénitude de son droit. On se réunit donc en conseil général, et il fut unanimement décidé qu’on refuserait quand même, et qu’on opposerait aux prétentions, sinon injustes, du moins insolites, du commandeur, la résistance passive. Cette fois encore, le Parlement intervint, et ce fut pour condamner les habitants à se soumettre à la loi. Qui le croirait ? La population resta sourde à cette puissante voix du Parlement et ne se départit point de son inertie. Le commandeur eut alors recours à un autre moyen qui devait triompher de cette obstination. Il leur déclara qu’il allait leur imposer de nouvelles tailles et commença par exiger le payement du droit de cabestrage (1), qui leur était, paraît-il, spécialement onéreux. Devant ces menaces, qui visaient le côté sensible, les habitants désarmèrent. Une délégation fut chargée d’aller apaiser le commandeur irrité, et de le faire condescendre aimablement à une transaction.
1. Et quant aux objets particuliers relatifs à cette communauté de La Mole, le conseil a encore chargé les susdits députés de demander la permission d pouvoir faire embarquer les denrées que l’on fait passer par voie de mer à la plage et de n’être pas obligé de les faire transporter pour l’embarquement au port de Saint-Tropez qui est éloigné de trois quart de lieue de Provence de la dite plage, ce qui est un objet de vexation et surcroit de dépense insupportable, de faire prendre en considération la détresse de tous les habitants qui, n’ayant que des terres presque stériles et qui ne sont susceptibles d’aucune autre production que du blé, sont grevés d’un nombre infini de droits seigneuriaux et d’une dîme qu’ils payent inutilement n’ayant point de curé, lesquels droits prennent toujours les trois quart de leur mince récolte parce qu’ils sont d’ailleurs multipliés à l’infini tels que tasque, cabestrage, florinage, relarguier et en outre la prohibition de couper le bois dans son propre fonds, considérations qui doivent faire donner à cette communauté tous les adoucissements possibles.
Sources : Archives du Var, fichier PDF

Il fut décidé que les syndics s’engageraient à faire donner le dénombrement par les habitants et à faire passer les reconnaissances exigées, à payer les droits de lods et une pension annuelle de dix livres : moyennant quoi, le commandeur tiendrait quitte la communauté du droit de cabestrage et n’imposerait aucune nouvelle taille.

Toutefois, le commandeur, ayant cru reconnaître dans l’obstination de la communauté une sorte d’esprit de révolte et une atteinte portée à la légitimité de ses droits et privilèges, jugea prudent de les affirmer à nouveau et d’en demander une confirmation authentique. Il obtint de François Ier des lettres patentes datées de Lyon (juin 1522), dans lesquelles le roi dit :
Nous inclinans à la supplication et requeste de notre amé et féal frère Jacques de Montlor, dit de Maubec, chevalier de l’Ordre de Saint Jehan, commandeur de la commanderie de Puymisson (sic), au diocèse de Ries, tous et chacuns des privilèges, droiz, exemptions, franchises, libellez et conventions par noz prédécesseurs, comtes de Provence, aux commandeurs de ladicte commanderie passés et octroïés, avons audict suppliant, à présent commandeur dessusdit loués, confirmés, rattifiés et approuvés, et par la teneur de ces présentes, de notre certaine science, plaine puissance et auctorité, royal et provensal, louons, confirmons, ratifions et approuvons pour en joïr et user par ledict suppliant et ses successeurs a toujourmés, perpétuellement, plainement et paisiblement, tant et sy avant que luy et ses prédécesseurs en ont par cidevant deuement et justement joy et usé et qu’ils en joïssent et usent de présent, etc. (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, série H (Ordre de Malte), liasse 829.
— Pièce originale, avec grand sceau en cire verte sur queue de soie verte et rouge.


Ces lettres patentes, qui consacraient ses droits d’une manière complète et absolue, servirent au commandeur pour combattre les empiètements du prévôt de Riez. Au mépris de la transaction passée le 13 juin 1286, qui désignait les terres sur lesquelles le prévôt du chapitre devait prendre la dîme, tantôt seul, tantôt avec le commandeur, le prévôt la percevait seul depuis longues années sur des terres où le commandeur seul avait le droit de la prélever. Jacques de Montlor voulut faire cesser cet abus ; il se pourvut donc par devant le juge conservateur des privilèges de l’Ordre et fit condamner le prévôt à la restitution de la dîme indûment perçue, qui fut réglée à la somme de 200 florins au bénéfice de la commanderie, non moins qu’à la ratification et à l’exécution fidèle, pour l’avenir, de la transaction de 1286 (1).
1. 14 janvier 1529.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 833.


Ce commandeur, un des titulaires qui ont possédé le plus longtemps, fit, en 1540, 15 mai, le dénombrement de sa commanderie. Il déclare qu’il a en sa qualité « bon droict, juste titre et de toute ancienneté que n’est mémoyre d’homme le lieu de Puimoisson et tous droits de justice qu’il peut distribuer à son plaisir, faire élever gibet et pilori, qu’il lève les droits de ban, de passage, pulvérage, tasque, censés, lods, etc., qu’il reçoit hommage des manants et habitants, qui lui doivent le droit de mouture et de fournage, qu’il possède deux vignes, trente-deux stérées de pré et un jardin, etc., etc. (2). »
2. Archives des Bouches-du-Rhône, B, 3308.
— 15 mai 1540.


Par édit de François Ier, donné à Compiègne, il avait été arrêté que tous les biens précédemment aliénés par le domaine royal devraient faire retour à la couronne. En vertu de cet édit, le procureur du roi au siège de Digne fit saisir la terre de Puimoisson (1541). Jean de Boniface, commandeur, présenta requête au lieutenant du siège de Digne pour être déchargé de la saisie, car, disait-il, « le domaine de Puimoisson ne saurait être visé par redit en question, puisqu’il n’a, en aucun temps, appartenu à la couronne de France, mais a été donné par le comte de Provence à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (1150) et qu’il a été ensuite étendu et agrandi par le moyen de donations ou d’acquisitions faites à prix d’argent et pour la plupart antérieures à la réunion du comté de Provence à la France (1). »
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 829.

La question des fours et moulins, un moment assoupi, se réveilla de nouveau par la tentative, non pas cette fois des habitants, mais d’un personnage puissant possédant terre à Puimoisson. François d’Agoult et Marie de Vintimille, sa femme, entreprirent la construction d’un moulin dans leur propre fonds, situé sur le terroir, en amont des moulins banaux. Jean de Boniface dénonça cette entreprise au roi lui-même, qui avait confirmé, peu de temps auparavant, les droits de la commanderie. Des lettres de la chancellerie de François Ier ordonnèrent au Parlement de faire respecter les droits du commandeur et obligèrent François d’Agoult et Marie de Vintimille à faire démolir ce moulin, qui portait préjudice au droit de la banalité (2).
2. 22 novembre 1543.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 848.


D’autre part, la communauté de Bras, où le commandeur possédait pareillement la banalité, demanda à ce dernier la faculté de construire un four et un moulin. La permission fut accordée, et une transaction fut passée, suivant laquelle lesdits habitants pourraient construire un four et un moulin dans leur terroir, à la condition de payer au commandeur une cense annuelle de trois charges de blé (10 novembre 1550).
Il semble que la condition n’était pas onéreuse, eu égard à l’importance du privilège concédé et aux avantages qui devaient en résulter. Et cependant, l’année suivante, la communauté de Bras demanda à transiger de nouveau et à renoncer à ce privilège, que les habitants de Puimoisson auraient été heureux de posséder, « actendu la grande pouvreté de ladite communauté de Bras-d’Asse, laquelle ne peult payer et satifaire audit sieur commandeur ledict service de troys charges de bled. » Dans une nouvelle transaction, il fut donc fait remise et désemparation au commandeur de tous les droits qu’il exerçait sur la communauté de Bras avant celle de 1550, qui fut annulée a par la seulle exhibition de la présente » (17 décembre 1551) (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 858.
— Les deux actes sont enregistrés en un seul petit cahier.


Mais voici que s’ouvre un procès considérable, motivé, d’un côté, par les prétentions du commandeur et, de l’autre, par l’obstination de la commune, et qui, après bien des péripéties diverses, se termine par une importante transaction.
Les habitants, nous l’avons vu, prenaient volontiers des allures d’indépendance vis-à-vis du pouvoir seigneurial et ne négligeaient rien pour faire prévaloir ce que, à tort ou à raison, ils considéraient comme leur droit. C’est ainsi que, bien des fois, ils éludaient la loi en ne demandant pas investiture de terres par eux acquises à prix d’argent ou recueillies en héritage. Ces mutations clandestines constituaient une sorte d’usurpation et occasionnaient, en même temps qu’un préjudice matériel par la suppression du droit de lods, un préjudice moral, une atteinte sérieuse aux privilèges d’investiture que possédait le commandeur.
Claude de Clandevès voulut enrayer la marche de cet abus. Il posa en principe qu’il possédait non seulement la juridiction générale, mais encore la directe particulière de toutes et chacune terres du pays ; se plaignant ensuite de ce que plusieurs de ces propriétés avaient été usurpées sans titre, investiture et son légitime consentement, il demanda que les particuliers fussent tenus d’exhiber leurs titres emphytéotiques ou équivalents, de lui faire dénombrement, et que ceux qui ne pourraient montrer leurs titres fussent condamnés à désemparer.
La communauté déclara que les particuliers ne pouvaient être obligés à aucune exhibition de titres, « parce que les biens par eux tenus et possédés avaient esté tenus et possédés du tousjours par eux et leurs prédécesseurs desquels ils avaient cause, voyant et non contredisant ledit commandeur, laquelle patiance et tollérance leur doibt servir de titre. »
L’affaire fut portée au Parlement d’Aix, qui condamna les particuliers à faire le dénombrement réclamé par le commandeur, à exhiber les titres emphytéotiques ou équivalents par devant le commissaire à ce député par la cour (12 décembre 1555).
La communauté ne se tint pas pour battue ; elle s’adressa directement au roi, pour obtenir que l’affaire fût évoquée à un autre Parlement, « prétendant avoir nombre suffisant de récusables. » Le roi la renvoya à son grand conseil. L’avis du grand conseil fut que le roi devait évoquer à soi ladite instance. Il le fit et renvoya le procès par devant la cour du Parlement de Grenoble, condamnant le commandeur aux dépens, qui furent liquidés à la somme de 391 livres tournois.
Devant la cour de Grenoble, la communauté changea de tactique et prétendit simplement que tous ses biens étant allodiaux de leur nature, c’était au commandeur à exhiber les titres particuliers par lesquels lui ou ses prédécesseurs avaient acquis le droit de directe sur toutes et chacune propriétés du terroir ; elle récusait aussi les transactions et l’arrêt de la cour d’Aix. Le commandeur se préparait à maintenir cet arrêt de toutes ses forces. Mais les parties, avant de s’engager dans ce nouveau procès, prêtèrent l’oreille aux persuasions d’un ami commun, qui les amena à sortir de procès à l’amiable par le moyen d’une transaction.
Elle fut passée sur la place, dans un appareil tout à fait solennel. Au jour indiqué, la grosse cloche convoqua le conseil général ; quatre-vingt-seize chefs de famille, « faisant la plus grande et plus saine partie des hommes manants, habitans, tenans biens audit Puimoisson, à scavoir de trois parties les deux et des plus entiens. (anciens) pour lesquels la république est régie et gouvernée per modum universi et congrégés comme de coustume », se rendirent au lieu désigné. Bientôt, arrivèrent le commandeur Claude de Glandevès, Hodet Audibert, tabellion royal de Puimoisson. Antoine de Gallice, tabellion de la cité de Riez, Claude Serezen, juge, Jacques Paulonia, médecin, Antoine Gasquet, écuyer, tous de Manosque, et Antoine de Rochas, de Digne, chanoine de Riez, pris pour témoins ; Maximin Bouteille, Georges Gallois, Gaspard Ardoin, consuls, et finalement Suffrat Gallois, lieutenant du juge de la cour ordinaire de Puimoisson, qui autorisait la réunion et lui donnait un caractère officiel.
Il fut convenu :
1° — Que tous et chacun propriétaires seront tenus de faire dénombrement de leurs biens au commandeur un mois après qu’ils en auront été requis ; de déclarer qu’ils se reconnaissent mouvant de sa directe ; de lui passer reconnaissance, de lui payer les droits de lods suivant et en la forme qu’il a été stipulé dans la transaction de 1491.
2° — Qu’on ne pourrait aliéner que dans la forme de droit et selon les coutumes.
3° — Que pour les droits de censes, tasques et services, la communauté payera au commandeur une rente annuelle de 10 livres tournois à chaque fête de Notre-Dame de février ; moyennant quoi, le seigneur tient quitte la communauté de tous droits de services, tasques, censes, etc.
4° — Si quelqu’un venait à molester un particulier, prétendant que les biens qu’il possède relèvent de la directe d’un autre seigneur, le commandeur sera tenu d’assister au procès, de prendre la défense de celui qui sera mis en cause ; « toutefois, en cas de succombance, ce que on ne croyt, ne sera tenu le commandeur que de tenir quitte celluy qui succombera des droits à lui recogneus pour raison de sa directe et seigneurie, à cause de la pièce et propriété que se pourrait treuver de la directe d’un autre. »
5° — Le seigneur renonce à prélever son droit de cabestrage, qui était d’une journée par troupeau de bétail étranger qu’on amenait dans le pays pour fouler le blé, et autorise la communauté à faire l’acquisition d’une maison commune, tenant à sa directe et franche de lausime.
6° — De son côté, la communauté ne fera plus payer au commandeur aucune taille pour les biens, vignes, jardins acquis par lui ou ses prédécesseurs, biens non nobles, quoique incorporés à la commanderie, et sujets à la taille.

Cette transaction, après qu’elle aura été ratifiée par le chapitre provincial de l’Ordre, devra être soumise par les parties à l’homologation de la cour du Parlement de Grenoble. Mais, dans le cas où il interviendrait procès pour l’interprétation ou rescission de cet instrument, la communauté déclare que les parties ne pourront se pourvoir autre part que par devant le Parlement de Grenoble, « non entendant, en icelluy cas, se départir du droit de leur évocation dudit procès audit Parlement où la matière est évoquée. » Comme garantie, le commandeur engage tous ses biens personnels et ceux de la commanderie, et les consuls obligent les leurs et ceux de la communauté per modum universi Ainsi se termina à l’amiable ce procès qui durait depuis quatre ans.
A la vérité, la commune n’eut pas gain de cause sur le point fondamental du litige, et, comme par ci-devant, fut obligée aux reconnaissances, aux dénombrements et au droit de lods. Mais elle s’exonéra du droit de cabestrage ; se libéra, moyennant une modique rétribution annuelle, des droits de cense, tasque, services ; acquit la faculté de posséder une maison de ville, et l’on peut dire, en somme, que si la tentative essayée n’eut pas tout le résultat qu’on en attendait, elle eut encore un succès relatif, puisqu’elle donna lieu à une transaction qui améliorait la situation matérielle et morale des habitants, et constituait une sorte de petite conquête sur les droits féodaux et un pas de plus dans la voie de l’émancipation (1).
1. Pénultième février 1558.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 847.


Chapitre VII

Les cruelles guerres de la religion et de la Ligue, qui, pendant près de quarante ans, ensanglantèrent la France (1559-1598), eurent leur douloureux écho dans notre pays. La position de notre bourg, son voisinage de Riez et, par-dessus tout, la présence de sa forteresse féodale, avec ses huit tours crénelées et ses épaisses murailles, à l’abri desquelles l’ennemi devenait tout d’un coup puissant et pouvait facilement soutenir un siège, attiraient forcément l’attention et l’exposaient aux incursions des partis. Pris ou repris cinq fois successivement par les religionnaires, par les ligueurs, par les royalistes, Puimoisson ressentit plus cruellement que bien d’autres pays toutes les horreurs de la guerre civile.
Les archives municipales étant devenues la proie des : flammes au cours de ces guerres malheureuses, nous, serons réduits à utiliser les documents que pourront nous; fournir soit l’histoire générale, soit certains mémoires( particuliers, soit le trésor des archives des Bouches-du-Rhône.

A la suite des discussions sanglantes qui se produisirent à Castellane entre catholiques et protestants (1550) et que nous n’avons pas à relater ici, Antoine de Richieud, sieur de Mauvans, nouvellement converti à la religion réformée, se mit à la tête de trois cents sectaires et, après avoir saccagé le pays, massacré ou incendié tout ce qui se trouvait sur son passage, se jeta sur Senez, dont il dévasta, la cathédrale, brûla le palais épiscopal. De là, il se précipita sur Barrême, où il rançonna les habitants, dépouilla les, chapelles et livra aux flammes les archives communales.
« Il courut ensuite, nous dit Bouche, par tous les villages, voisins du diocèse de Senez, de Riez, de Glandèves, démolissant les églises, brûlant les images, emportant croix et ; calices, et fit toutes sortes d’indignités tant aux ecclésiastiques qu’aux catholiques (1). »
1. M. Bouche, tome II, page 628.

Puimoisson ne fut pas à l’abri des fureurs du farouche, Mauvans, et c’est de cette incursion qu’il faut faire dater ; la disparition de nos archives et la dégradation de notre, belle église de Saint-Apollinaire; car, nous disent les archives des Bouches-du-Rhône, « durant lesdicts troubles, ladicte église Saint-Pollinart fut assaillie et prise par gens de guerre, ceux de la religion prétendue réformée, quy auraient desmoli et abattu les autels, ymaiges et portes de ladicte église, et fut désolée, polluée et contaminée par calamité du temps et courses de ceux qui portaient les armes, ennemis de la religion catholique (1). »
1. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 851.

Ce misérable sectaire ne devait pas poursuivre longtemps le cours de ses brigandages. Tandis qu’il se rendait au château de Flayosc, où devait avoir lieu le jugement de sa cause et de celle de son frère, par devant Claude Ier de Villeneuve, marquis de Trans, il dut entrer dans la Tille de Draguignan avec sa bande. La population l’ayant reconnu, elle voulut venger sur lui les excès journaliers dont le récit la comblait d’horreur ; Antoine de Richieud fut massacré, salé et porté à Aix, où il fut pendu (2).
2. M. Bouche, tome II, page 628.
— Gauffridi, Histoire de Provence, tome 1. XI, f° 498.
— Papon, tome IV, I. XI, f° 147.


Cependant, notre chapelle de Saint-Apollinaire avait été saccagée. Vases sacrés, ornements, tableaux, meubles, tout avait disparu. Les ruines des autels abattus jonchaient le sol. Des brèches considérables faites aux murs extérieurs lui donnaient l’aspect désolé d’une ruine. Le service divin, forcément interrompu, n’avait pas été repris, le commandeur ayant négligé de la remettre en état.
Le prieur de Moustiers, Guillaume Abeille, de concert avec son neveu, Jean Abeille, prétendit que la chapelle, ne servant plus au culte, avait perdu ses droits à la dîme et que, dès lors, lui, prieur, devait être seul en droit de la prélever sur les terres de Saint-Apollinaire, enclavées dans le terroir de Moustiers. « L’église, disait son avocat, ayant été polluée et contaminée par les religionnaires, a perdu son droit de dîme ; d’ailleurs, ajoute-t-il, il n’y a plus les choses nécessaires au culte, qui n’y est plus célébré. » A quoi, le commandeur Antoine Flotte, dit de la Roche, répond : « Que si l’église de Saint-Apollinaire a été assaillie. prise, saccagée par les gens de guerre, elle n’a pas été totalement ruinée, mais seulement désolée, et que depuis il a fait redresser et mettre en état ladite église et tout ce qui est nécessaire pour décence d’icelle, où le divin office est célébré suivant l’institution de coustume ancienne ; qu’en ce moment elle est droicte et en bon estât, garnie de toutes choses requises à une église où aux Testes solennelles on célèbre plusieurs messes et y sont faites processions de grande dévotion ; que le second jour de Pasques, chasque année, on va en procession dudict lieu de Puymoisson à ladicte église Saint-Polinart, à laquelle de tous les lieux oirconvoisins se trouve grand quantité de peuple en dévotion, où se célèbre l’office divin par les prestres qui sont aux gages du sieur commandeur tant pour son église de Puymoisson que dudict Saint-Polinart (1). »
Le procès, qui dura fort longtemps, fut terminé par une sentence interlocutoire, puis définitive, du juge, qui maintint le commandeur dans le droit de prélever la dime au trézain sur tous les grains de cette partie du terroir selon les limites énoncées d’autre part (2).
1. Quelquefois l’affluence du peuple était si grande à cette procession qu’on était obligé de dire la messe hors de la chapelle, afin que tous les pèlerins pussent y assister.
2. Cette sentence fut confirmée par un arrêt, peu de temps après.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 851.


Mais voici venir les guerres de la Ligue. A son début, cette guerre civile eut à la fois un caractère religieux et national ; elle fut aussi une guerre politique dirigée en faveur de l’ambition égoïste d’une famille.
Albert de Gondy, maréchal de Retz, successeur d’Honoré de Tende dans le gouvernement de la Provence, n’était pas encore à Aix. Mettant à profit son absence, les protestants lèvent l’étendard de la guerre civile. Cinq cents calvinistes, guidés par Thaddée de Baschi, seigneur d’Estoublon, et par Timothée du Mas de l’Isle, frère du baron d’Allemagne et beau-frère de Baschi, se mirent à guerroyer dans nos pays. Après s’être emparé de la ville de Riez, le 5 du mois de juillet 1574, ils vinrent faire le siège de Puimoisson, et, s’en étant rendus maîtres, ils exercèrent les plus incroyables cruautés et les plus indignes profanations. L’église fut souillée, les autels renversés, les images brûlées, les vases sacrés d’or et d’argent pillés. Il n’est pas d’excès auxquels ils ne se portassent contre les personnes et les choses. Un vénérable chanoine de la métropole de Saint-Sauveur, à Aix, François Bouche, frère de Balthazar Bouche et oncle du grand historien qui devait illustrer la Provence, étant venu à Puimoisson pour visiter sa famille, qui en était originaire et qui y résidait, fut impitoyablement massacré « par les libertins de la nouvelle religion » (août 1574) (1). Combien d’autres victimes ignorées ont dû succomber sous le fer de ces abominables sectaires !
Cette domination cruelle durait depuis cinq mois. Les calvinistes, fortifiés dans le château du commandeur, continuaient à semer l’épouvante dans tous les environs et semblaient délier les approches de l’ennemi. Et ce n’était pas Puimoisson seul qui gémissait sous le joug sanglant des religionnaires. Gréoux, Allemagne, Riez, Espinouse, Digne, Seyne étaient entre leurs mains. Il devenait urgent de reprendre toutes ces places, de remédier à tant de maux et de couper chemin à la marche toujours de plus en plus envahissante d’un ennemi qui se croyait tout permis et menaçait d’occuper toute la Provence.
1. Le 17 août 1575, il fut fait à Aix « le Cantar du bout de l’an », pour François Bouche, chanoine de Saint-Sauveur d’Aix, tué par les libertins de la nouvelle religion.
— Roux Alphéran, les Rues d’Aix, tome I, pages 235-236.


Le 19 novembre 1574, le maréchal de Retz partit d’Aix, accompagné d’Henri d’Angoulôme, Grand Prieur de France, du comte de Garces, du vicomte de Cadenet, du sieur de Vins et d’autres gentilshommes de Provence, et, après avoir repris Grôoulx sur les religionnaires, vint hardiment mettre le siège devant Riez et Puimoisson. Ici, la place était commandée par Honoré de Grasse, sieur de Tanaron, Antoine de Grasse, sieur de Montauroux, Honoré Sartoux, dit le capitaine Collomb, Jacques Gastaud, Gaspard Moret, etc., etc.
Bouche semble dire que l’ennemi ne fit pas grande résistance. A la vérité, Riez capitula comme avait fait Gréoux. Le déploiement considérable des forces amenées par le sieur de Flassans, le baron des Arcs, le renfort de trois mille Suisses qui venaient de Manosque pour prendre part à la lutte sous les drapeaux du maréchal de Retz (1) étaient bien faits pour déconcerter l’ennemi et lui faire perdre l’espoir d’une victoire. Néanmoins, les religionnaires renfermés dans le château de Puimoisson essayèrent de résister et le siège commença. Les assaillants pointèrent le canon vers la partie du château qui regardait le cimetière et parvinrent à faire une large brèche du côté des bas offices (2). La place fut vivement disputée. Le guidon du maréchal de Retz y fut blessé ; de Vins eut un cheval tué sous lui; les catholiques y perdirent vingt hommes, mais parvinrent à s’emparer du pays (4 décembre 1574).
1. Dans les Mémoires du sieur du Teil, sous le numéro VIII, on lit : « En ladite année 1574, logèrent en cette ville (Manosque) troys mille Suisses durant huit jours, qui reprirent Riez et Puimoisson. »
2. « Dans la cuisine, on voyait encore la marque d’une brèche qui avait été faite du temps des guerres civiles ; on avait fiché dans cette brèche, visant au cimetière, trois boulets de gros calibre pour en perpétuer le souvenir. » Extrait d’un mémoire dressé, on 1789, par le sieur Martin et conservé aux archives paroissiales.


Les calvinistes y éprouvèrent des pertes sensibles. Ceux d’entre eux qui purent échapper se réfugièrent dans le couvent des Carmes de Trévans, qui leur avait déjà servi d’asile et de place forte, en 1560, et qui, l’année suivante, fut pris et rasé par le comte de Carces (30 août 1575).

En ces temps d’anarchie sociale et de perturbation universelle, les chemins n’étaient pas surs. Des bandes de pillards s’organisaient partout et, comme après la Révolution, profitaient du désarroi général pour accomplir leurs tristes exploits. Deux insignes malfaiteurs, Sébastien Fabre, de Mane, et Guillaume Ripert, de Saint-étienne de Cruis, choisirent les avenues de Puimoisson pour y exercer leurs brigandages et, tombant sur Charles Giraud, muletier, de Callas, et sur Raymond, bâtier, de Moustiers, les assassinèrent et les pillèrent. Le crime, ayant été commis dans le terroir de Puimoisson, relevait de la juridiction du commandeur. Les deux assassins furent saisis, jugés et condamnés à être fouettés par l’exécuteur des hautes œuvres par tous les lieux et carrefours de la ville d’Aix jusqu’à la place des Jacobins, à avoir les deux oreilles coupées sur le pilori, et furent ensuite transférés sur les galères royales, avec défense d’en sortir sous peine d’être pendus et étranglés (1).
1. Cette sentence du juge de Puimoisson fut confirmée par un arrêt du Parlement en date du 10 juin 1577.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 843.


Après avoir chassé l’ennemi de ses murs, Puimoisson s’occupait à réparer les maux de la guerre, à relever ses ruines, à échapper à la disette qui menaçait les habitants, mettant ainsi à profit les bienfaits d’une paix relative qu’on croyait durable et qui ne fut qu’une trêve de quelques années. La disgrâce et la retraite du comte de Carces vint bientôt semer dans le pays de nouveaux germes de sédition et attiser le feu de la guerre civile ; l’on vit alors la Provence se diviser en deux partis : l’un tenait pour Jean de Pontevès et s’appelait le parti des Garcistes ; l’autre tenait pour le maréchal de Retz et prit le nom de parti des Razatz.

Puimoisson, fidèle au gouvernement et s’inspirant de la conduite de la ville de Riez, embrassa le parti du maréchal de Retz, qui, quatre ans auparavant, l’avait délivré du joug cruel des religionnaires. Or, le parti des Razatz comptait maintenant dans ses rangs, non seulement des catholiques, mais aussi des huguenots, et ces derniers, sous prétexte de soutenir le parti national, profitèrent des circonstances pour servir leur propre parti. Ils jugèrent donc à propos de s’emparer de nouveau de Riez et de Puimoisson, moins pour les empêcher de tomber au pouvoir des Garcistes que pour en faire des places huguenotes. Ils s’y établirent (1578) ; mais leur domination, cette fois, ne fut pas de longue durée. Henri de Valois d’Angoulême, nouveau gouverneur de la Provence, envoya des forces pour faire évacuer ces deux places, et les calvinistes durent se retirer (1578).

Sept années s’écoulèrent pendant lesquelles notre pays jouit d’une tranquillité longtemps désirée. La guerre, dite des trois Henri, vint bientôt rallumer toutes les fureurs de la Ligue (1). Ses partisans eurent hâte de s’emparer de Puimoisson, regardé comme une place importante. C’est dans ce but que le fameux de Vins, neveu du comte de Garces et généralissime des ligueurs de Provence, vint en faire le siège, après s’être emparé de Saint-Paul et de Riez. Ce fut le capitaine Cartier, ardent ligueur, qui s’eu empara et en prit possession au nom de la Ligue (avril 1585).
1. Henri III, roi de France ; Henri de Guise, ligueur ; Henri de Navarre, calviniste.

Les calvinistes, cependant, s’agitaient toujours. Devins méditait de les frapper au cœur en attaquant, dans son château, le fameux, baron d’Allemagne, qui était leur chef. On sait quelle fut l’issue de cette lamentable bataille, qui eut pour théâtre le modeste village d’Allemagne et dans laquelle, d’après les mémoires du temps, périrent plus de douze cents catholiques sous les coups des huguenots, commandés par Lesdiguières (5 septembre 1586) (1).
1. Voir Louvet, Histoire des troubles de Provence ; Fisquet, Riez, page 400 ; Feraud, Histoire et Géographie des Passes-Alpes, page 187, etc.

Après cette sanglante défaite, de Vins se réfugia à Riez et doubla la garnison du château de Puimoisson, qui fut de nouveau converti en une véritable forteresse. Les meurtrières furent garnies de coulevrines, les tours, garnies de soldats, les caves, remplies de munitions de guerre et de provisions ; des sentinelles faisaient la ronde, jour et nuit, sur les remparts. Plusieurs fois, les calvinistes avaient tenté de s’en emparer, soit par force, soit par surprise, afin de s’y retrancher et, de là, tomber sur de Vins, qui était à Riez, et l’écraser. Plusieurs assauts vigoureux avaient été tentés en plein jour, mais sans succès ; l’ennemi, réduit à l’impuissance devant ces formidables murailles, était obligé de battre en retraite, en laissant après lui des morts et des prisonniers. Déjà, Claude de Gabriellis, ardent calviniste, était enfermé sous bonne garde dans la tour du château : un grand nombre des siens, prisonniers comme lui, remplissaient les cachots de Moustiers.
Le seigneur d’Espinouse, un des chefs du parti huguenot, forma le projet hardi de s’emparer de nuit du château et de délivrer ses coreligionnaires, voulant ainsi venger d’un seul coup tous les échecs que son parti avait éprouvés sous les murs de cette puissante forteresse.
Dans ce but, il se dirigea vers Puimoisson, à la tête de ses troupes, et le moment* venu, afin de mieux tromper la vigilance des sentinelles, il fit tenir ses soldats à l’écart et s’approcha sans bruit des murs du château pour mieux le reconnaître et prendre ses dispositions en vue d’une escalade. Tandis qu’il essayait de planter un mât, il fut aperçu par la sentinelle et par la ronde. Il voulut fuir alors, mais un coup d’arquebuse l’étendit raide mort sur la place. C’était le 26 décembre 1587, vers l’heure de minuit. Mais laissons-nous raconter ce sanglant épisode par nos bons consuls, qui en furent les témoins. En effet, Jean de Selhare, prévôt des maréchaux, reçut ordre de la cour de venir faire une information secrète sur la tentative d’invasion du sieur d’Espinouse. Il partit d’Aix, le 31 décembre, accompagné d’un huissier de la cour, d’un greffier et de onze archers, et, étant arrivé à Puimoisson, lit comparaître Melchior Bouche, Barthélemy Nicolas et Jacques Surian, qui lui firent le récit qu’on va lire :
«... Nous auraient dict et respondu que dimanche dernier et sur les minuit, ledict sieur d’Espinouze accompagné de quelques ungs estaient là venus aux fins de reco-gnoistre ledict lieu, pour icelluy surprendre, et de faict se seroict, ledict feu sieur, approché du château dudict lieu pour icelluy recognoistre et commencé de faire ung trou en terre aux fins de poser une bigue, pour par ce moyen mettre une esehelle et prendre ledict lieu par escallade, et faisant le trou feut descouvert par la sentinelle dudict château et combien que ladite sentinelle dudit château heust crié par beaucoup de fois, dont personne n’aurait rien dict, et passant la ronde sur les murailles du château (1), entendant ladicte sentinelle crier et voyant ledict feu sieur d’Espinouze estre descouvert par ladicte sentinelle, se mist en fuite, et le voyant ainsi fouyr, luy feust tiré un coup d’arquebuzade ; et après une troupe des habitants dudict lieu sourtirent et apprès avoyr icelluy recongneu feut porté dans le fort dudict château, mort, lequel despuy ils ont faict acomocler (sic) et faict em-baulmer par ung chirurgien et d’icelluy corp leve les entrailhes et les molles de sa teste; quoy entendu, nous aurions requis lesdicts consuls de nous le fère voir en quel estât il estait. Et après, en compagnie desdicts consuls, nous serions acheminés aux forts ou estant aurions atreuvé ledict sieur d’Espinouze estant mort, le long d’une chaiz, vestu dun acoustrement de vellours gris et un bas de drap gris, et après avoir icelluy veu nous en serions revenus en notre dict lougis et neantmoings aurions requis lesdits consuls ou estait Claude de Gabriellis prisonnier, lesquels nous auraient dict qu’il estait dans le chateau et a ung lieu bien asseuré, les ayans néantmoings admonestés de le fère bien garder, ce qu’ilz auraient promis fère. »
1. Il existait donc un chemin de ronde pratiqué en dessus des murs du château, dans leur épaisseur, permettant de circuler d’une tour à l’autre.

Suivant le pouvoir qu’il en avait reçu, le prévôt se saisit des coupables, séquestra leurs biens et fit transférer Claude de Gabriellis et ses complices dans les prisons d’Aix. Quant au sieur d’Espinouze, bien qu’il eût été tué, la procédure à son encontre n’en suivit pas moins son cours, et, selon la coutume de l’époque, le cadavre fut traduit en justice et convaincu du crime de lèse-majesté (janvier 1588) (1).
1. Archives des Bouches-du-Rhône, B, 1494.
— Cahier de trente-deux pages, ayant trait à l’invasion de Puimoisson. Document intéressant à cause de la façon de procéder pour les crimes de cette nature, laquelle est mentionnée dans très peu d’actes contemporains.


Cependant, le château de Puimoisson était toujours gardé, et le payement du commandant et la nourriture des gens de guerre constituaient de lourdes charges pour le pays. Le 2 décembre 1590, le chevalier de Tournon, qui commandait la place, ne parvenant pas à se faire payer ses états de gouverneur et les contributions de guerre, fit saisir Balthazar Bouteille, Jacques Rougon, Gaspard Bouche « et quelque nombre de gros bétail » et contraignit Antoine Giraud, marchand, de Riez, de le payer. Celui-ci n’en voulant rien faire, la communauté députa, à Digne, le capitaine Louis Maistre et le chargea d’acheter un cheval pour M. de Tournon. On allait l’amener, lorsque le chevalier de Saint-Jeannet, sieur de Mouresse, leur fit remarquer que le cheval pourrait bien être pris en chemin par les ennemis. La communauté le paya ; M. de Saint-Jeannet le garda à la disposition fie M. de Tournon, et les détenus furent relâchés (1).
1. Archives municipales, Page, 15.

Cependant, le duc d’Epernon venait d’obtenir du roi le commandement général des troupes : or, c’était le gouvernement de la Provence que ses amis et lui sollicitaient avec instance. Il était donc mécontent. Au lieu de saluer, dans l’abjuration du roi (1593), l’avènement d’une paix si universellement désirée, cet homme factieux n’y vit que la cessation de la guerre, qui en était une conséquence, et la perte de son autorité. Le roi, qui se rendait compte de ses dispositions et de son impopularité, l’avait fait engager par toutes les voies de la persuasion à se démettre de son gouvernement, lui promettant toutes les satisfactions qu’il désirerait. Il ne reçut jamais que des réponses froides et évasives.
Malgré les ordres du roi et la répugnance du pays, Puimoisson et Riez tenaient encore pour le duc d’Epernon. Il comptait même beaucoup sur ces deux places et y entretenait de fortes garnisons, lorsqu’il apprit qu’elles lui échappaient, grâce à la défection d’Antoine de Pontevès, qui passait pour un de ses amis. Ce dernier, en effet, gouverneur de Moustiers, secondé par les troupes de Lesdiguières, rival d’Epernon, venait, par un habile coup de main, de s’emparer de la ville de Riez, dans la nuit du 26 octobre 1595. Bien que la citadelle eût résisté et refusé -de se rendre, l’ennemi n’était pas moins dans les murs et la défection de Riez pouvait amener, à brève échéance, celle de Puimoisson.
En apprenant cette nouvelle, dit Louvet, « d’Epernon partit de Sisteron au commencement de novembre, par un si mauvais temps de pluie, qui avait continué toute l’automne, et un si grand débord d’eau, que ce fut miracle quand il ne se noya au passage des rivières plus de gens qu’il ne fit, et, après avoir séjourné deux jours à Puimoisson et visité la citadelle de Riez, qu’il ravitailla, il se retira précipitamment à Brignoles (1) »
1. Louvet, Histoire des troubles de Provence deuxième partie, page 552.

Pendant ce temps, le pouvoir du duc de Guise, comme gouverneur de la Provence, avait été vérifié (17 novembre 1595), et Puimoisson, néanmoins, tenait toujours pour le parti du duc d’Epernon, ainsi que Norante, Blieux, Saint-André, etc.
Le roi, étant à Lyon, avait persuadé à Lesdiguières d’accepter la lieutenance générale de la Provence et le gouvernement de Sisteron. 11 voulait, par ce moyen, l’intéresser davantage à chasser d’Epernon de la Provence et guider les armes du duc de Guise, le nouveau gouverneur.
Le comte de Garces, qui ne voyait pas de bon œil cette lieutenance générale de Lesdiguières et sa nomination au gouvernement de Sisteron, dirigea des menées contre lui et fit si bien que, lorsque Lesdiguières se présenta à Aix pour faire vérifier les lettres patentes le nommant lieutenant général du roi en Provence, le Parlement refusa de les vérifier, sous prétexte qu’il était protestant. Il dissimula cette injure, et, pour sortir avec honneur de la Provence, aussi pour témoigner sa reconnaissance au roi, il prit Martigues et Marignane. Puis, ayant reçu un canon de Pertuis et de Sisteron, il attaqua et prit Vinon, la citadelle de Riez, Puimoisson, Blieux, Saint-André, Norante, qui étaient restés fidèles à d’Epernon, les soumit au roi et se retira de bonne grâce en Dauphiné (décembre 1595) (1).
Puimoisson, en ce moment, n’était pas en état d’opposer, une longue résistance. La garnison était affaiblie par des défections journalières. Les quelques soldats qui restaient trouvaient à grand-peine les subsistances nécessaires dans ce pays épuisé par de longues luttes et miné par la disette. D’autre part, la fuite du duc d’Epernon n’était pas faite pour ranimer le courage de ses partisans, et ce fut sans coup férir, sans même essayer de la résistance, que le capitaine Mouton, pour lors gouverneur du château, céda la place à Lesdiguières et fit sa soumission entre les mains de ce grand capitaine (décembre 1595) (2).
1. D’après, Louvet, Additions, IIe partie, page 315.
2. Dans les procès-verbaux de réduction des dettes de la communauté, nous avons pu constater que « le lieu était dans une grande extrême nécessité de grains » et que les consuls en empruntaient à des prix exorbitants « pour fournir vivres au capitaine Mouton et à ses hommes qui gardaient le château »
— Archives municipales, Page 15.


Chapitre VIII

Après les luttes sanglantes de la Ligue, la paix était enfin rendue au pays. Puimoisson avait cruellement ressenti tous les maux de la guerre et servi de théâtre à plus d’un combat. Successivement au pouvoir des huguenots, des ligueurs, des royalistes, des révoltés, pris par les uns, repris par les autres, il avait vu couler le sang de ses ennemis et aussi de ses amis et disparaître ses ressources en argent et en grains. Ces incursions incessantes, ces garnisons qui séjournaient dans ses murs et se renouvelaient sans cesse, parfois s’augmentant, avaient complètement épuisé le pays.
Les terres laissées en friche ou ensemencées dans de mauvaises conditions, ne donnant que des demi-récoltes, avaient eu pour conséquence d’accentuer l’état de gène en élevant le prix du grain.
La communauté avait dû emprunter à de nombreux particuliers de Puimoisson et d’ailleurs des secours en blé, en espèces, en bestiaux. Profitant des circonstances troublées dans lesquelles s’opéraient ces emprunts, les prêteurs avaient eu soin de prélever, au moment du prêt, les intérêts d’un an ou même de deux à des taux usuraires, variant du dix au douze. Lorsque la paix fut rétablie, les créanciers se présentèrent pour être remboursés. Les uns réclamaient plus qu’ils n’avaient prêté ; d’autres voulaient qu’on leur payât le blé au cours actuel, qui était de beaucoup supérieur au taux en vigueur lors de la livraison. La communauté fut effrayée à la vue du gouffre immense qu’elle voyait creusé devant elle et comprit qu’il était nécessaire de faire rabattre par qui de droit ces prétentions exorbitantes et de faire réduire les créances à leur légitime valeur. Elle présenta donc une requête à Nosseigneurs tenant la souveraine Cour au Parlement de Provence, afin d’avoir commission pour faire assigner les créanciers et pour faire procéder à la réduction des contrats faits à son préjudice.
Par décret du 24 mars 1598, la Cour commit et députa Guillaume de Faucon, sieur de Sainte-Marguerite, conseiller du roi et lieutenant principal des soumissions au siège de Digne, à l’effet de procéder à la vérification des dettes et à la réduction des contrats. Balthazard Audibert, notaire, fut délégué pour lui porter sa commission.
Le commissaire, Guillaume de Faucon, arriva à Puimoisson le 18 janvier 1599, en compagnie de Jacques Saunier, son secrétaire, descendit à l’auberge « où pend pour enseigne la figure du Soleil », tenue par étienne Nicolas, et, dès le lendemain, 19 janvier, fit comparaître les créanciers devant une commission nommée par lui et composée des trois consuls en exercice, de quatre délégués de la communauté et de l’avocat Louis Bernard, chargé d’impugner les obligations et d’en demander la réduction. Les titres furent produits et discutés : le blé fut coté au cours moyen de l’année et du mois où il avait été vendu ; les intérêts furent tous invariablement réduits au taux du cinq pour cent, et il fut tenu compte de ceux prélevés lors de la passation du contrat (1).
1. Le prix du blé fut coté à 3, 4 ou 5 écus la charge, suivant l’époque d’achat, et le vin au prix unique de 36 sous la coupe.
— Archives municipales, Page 15.


Dans cet intervalle, une Chambre spéciale fut créée par le roi pour s’occuper du fait des réductions dans le pays de Provence, conformément aux dispositions d’un règlement particulier établi à cet effet. Les consuls de Puimoisson, qui avaient pris l’initiative de faire procéder à ces réductions avant la promulgation de ce règlement, demandèrent qu’il fût procédé à la réformation des réductions opérées.

La Chambre délégua de nouveau Guillaume de Faucon, sieur en partie d’Aiglun et de Mallemoisson, conseiller du roi et lieutenant principal des soumissions au siège de Digne. Le 25 septembre 1600, le commissaire se transporta donc à Puimoisson et, dès le 20 septembre, fit comparaître les créanciers devant une commission analogue à celle qui avait présidé aux réductions de 1599. On réforma les créances et les réductions qui paraissaient le demander, d’une manière conforme aux dispositions du règlement. Peu se regardèrent lésés dans leurs intérêts et firent appel : le plus grand nombre se soumit et accepta la réduction.
Cependant le chevalier d’Astros venait de prendre possession de la commanderie et voulut faire dresser un état détaillé de ses biens et revenus. Nous pensons que le lecteur sera bien aise de connaître d’une manière exacte l’étendue de ces biens et l’importance de ces revenus, en 1597 ; nous allons donc résumer cette pièce, qui ne manque pas d’intérêt.
Les terres de la commanderie situées dans le terroir de Puimoisson, en y comprenant le domaine de Mauroue, contiennent la valeur de quatre-vingts charges de semence de froment. Seize bœufs et deux mulets labouraient cette grande superficie de terre.
Deux membres ou filholles, comme dit le procès-verbal, dépendaient du chef, qui était Puimoisson ; l’un, en terre de Clmmanc, nommé Labaud, rendait quatorze charges de froment ; l’autre, appelé l’Hospitalet de Puimichel, en rendait douze.
Les terres descartens et la dîme de Saint-Jean-de-Bresc, terroir de Fos, rendaient huit à dix charges de blé par an.
Courbon, membre assez important jadis, ne rendait plus que quatre setiers de fèves.
Il est a noter, dit l’exposant, que les devanciers ont laissé couller plusieurs censes, services et droits seigneuriaux, tant à Puimichel, Courbon, « Chénerilles et Bras, que une grande partie s’en recouvreraient y ayant, grâces à Dieu, bons titres »
Voilà pour ce qui concerne les biens fonds. Quant aux droits et juridiction, la pièce que nous analysons nous apprend que le commandeur y est seigneur haut, moyen et bas, spirituel et temporel.
Comme seigneur spirituel, il prélève la dîme au trézain sur tous les grains, et au dizain sur le vin, les chevreaux et les agneaux.
Comme seigneur temporel, il a le droit de lods à raison de six un, « qui est un lods fort advantageux » ; les censes et services sont réduits à une pension féodale de 30 livres payées annuellement par la communauté. Le rapport ne spécifie pas l’évaluation du produit annuel du droit de lods ; mais le taux en étant fort avantageux et les transactions assez nombreuses, il est permis de supposer que le commandeur réalisait de ce chef un revenu assez considérable.
Les deux fours et les deux moulins étaient banaux et s’arrentaient à 100 charges de blé par an.
Le greffe rendait 20 écus de rente.
Le droit de passage, de pulvérage et du poisson venant de Marseille était également arrenté, « mais cela n’est chose de grande valeur, dit le commandeur, tous hommes menant beste chargée et passant par ledict lieu doibt la parolle (1) »
1. Nous expliquerons, au chapitre XI, en quoi consistaient les droits de passage, de pulvérage, etc.

Voici maintenant l’énumération des charges dont ces revenus étaient grevés :
Le commandeur devait assurer le service divin dans la paroisse, rétribuer les quatre prêtres, ainsi que le prédicateur du carême, fournir l’huile, le vin, les cordes pour les cloches et douze charges de grain à l’évêque de Riez.
L’aumône du jeudi saint, qui absorbait six charges de blé et quatre setiers de fèves (2), les trois charges de blé données au juge pour ses gages et l’unique charge donnée au procureur d’office étaient prises sur ce revenu.
1. Nous expliquerons, au chapitre XI, en quoi consistaient les droits de passage, de pulvérage, etc.
2. Nous aurons à faire connaître bientôt la destination de ces fèves.


De plus, l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem prenait annuellement 227 écus de 60 sous pièce 58 sols 5 deniers, et le roi 84 écus pour décimes, soit un prélèvement total de 311 écus 58 sols 5 deniers.
La commanderie était affermée pour la somme de 2,000 écus par an, payable un tiers en or, un tiers en grosse monnaie d’argent et le reste en sous, le tout porté dans les villes d’Avignon, Marseille ou Arles, en deux payements égaux, à la Noël et à fin mai.
Outre ces 2,000 écus, les rentiers devaient, au cours de leur arrentement, qui durai deux ans, fournir 15 charges de blé, 10 de seigle, 18 d’avoine, 50 coupes de vin (1), 200 quintaux de foin, 300 quintaux de paille, sans préjudice de la somme stipulée dans le bail.
1. Ce vin devait être fourni par le rentier à ceux qui communiaient à Pâques.

Le commandeur cède les bâtiments tels qu’ils sont, s’engage à faire réparer le couvert de la galerie intérieure du château, donne 73 écus pour la réparation des fours et de la métairie de Saint-Apollinaire et ne s’engage à autres réparations que dans le cas où quelque bâtiment serait ruiné ou démoli par guerre « que Dieu ne veuille » (2).
2. Ce mémoire fut drossé à Arles, le 3 novembre 1597.
— Archives des Bouches-du-Rhône, série H, Ordre de Malte, liasse 830. Pièce originale.


On sait que, par une sage disposition, tout gros décimateur, quel qu’il fût, était obligé de prélever la part des pauvres sur le produit de la dîme perçue. Le taux de cette part variait, selon les provinces, de la vingtième à la vingt-quatrième du produit total. En sa qualité de décimateur, le commandeur de Puimoisson devait cette part. Il faut croire qu’il la payait, et de bonne grâce. Mais, le plus souvent absent du pays, il était obligé de s’en rapporter, sur ce point, à la délicatesse des fermiers, qui peut-être ne la donnaient pas en totalité, ou la distribuaient de manière à rendre le contrôle impossible. Les pauvres étaient donc lésés.
Les consuls demandèrent qu’on les chargeât de distribuer eux-mêmes cette aumône. Les rentiers s’y refusèrent énergiquement. Un procès s’ensuivit, dont l’issue fut favorable à la communauté (1599). Le commandeur pressa, de son côté, la communauté de distribuer aux pauvres l’aumône à laquelle elle était obligée et qui, depuis quelque temps, était négligée. Une transaction intervint donc (27 décembre 1603), par laquelle la commune s’obligea à payer annuellement aux pauvres une pension de 105 livres, représentant les intérêts de capitaux reçus et destinée soit à marier les filles pauvres, soit à donner du pain aux plus nécessiteux (1).
1. Acte passé rière Maximin Maty, aux écritures de Maitre Bausset.

Dans l’énumération faite ci-dessus par le chevalier d’Astros des charges de la commanderie, on a dû remarquer la mention d’une aumône de blé et de fèves au jour du jeudi saint.
Il existait, en effet, à Puimoisson et de temps immémorial, l’usage de distribuer un pain et une écuelle de fèves bouillies à tous les particuliers qui, ce jour-là, se présentaient au château. Cette aumône était distribuée par le rentier de la commanderie, qui devait fournir également tout le vin qu’on donnait à boire, le jour de Pâques, à ceux qui avaient communié.
Cet usage de donner du vin à boire à la sainte table même, et de suite après l’accomplissement du devoir pascal, n’a pas été sans nous surprendre. Serait-ce un souvenir lointain de la communion sous les deux espèces, qui fut en usage assez longtemps dans certaines églises, alors même que la pratique de la communion sous une seule espèce était universellement répandue ? Nous n’avons vu l’existence de cette coutume nulle part à cette époque dans aucun de nos pays de la Provence, et nous n’oserions la signaler si nous n’en avions trouvé la preuve indiscutable dans un document que nous possédons et que nous allons transcrire tout au long. C’est une requête en information adressée par la communauté à Nosseigneurs du Parlement contre les rentiers de la commanderie accusés d’empoisonnement.
Le jeudi saint de l’année 1613, il arriva que tous les particuliers qui avaient mangé les fèves distribuées à l’aumône, éprouvèrent les symptômes de l’empoisonnement. On conclut à un « vénéfice » méchamment préparé par les fermiers pour se soustraire, à l’avenir, à une aumône qu’ils trouvaient gênante, ou pour se venger de quelques ennemis particuliers. On joignit à ce premier grief le refus de donner du vin aux communiants, le jour de Pâques, et on rédigea la supplique qu’on va lire :
Du 23 avril 1613.
A Nosseigneurs du Parlement.
Supp. humblement les consuls et commu., du lieu de Puimoisson que de tout temps le seigneur comandeur dudit lieu, en conséquence de se quil tire plus de six mil livres de rante, tous les ans, sont en coustume de faire une ausmonne généralle et de donner a chasque jour du judy saint ung pain et une escueille de fèves, a chasque particulier dudit lieu, quy le va quérir. En conséquance de quoy Marc André et Balthazard Girauds fils d’Anthoine, modernes rantiers, auraient le judy saint dernier faict ladite donne a plusieurs desdicts particuliers en nombre de cinq ou six cens, la plus part des quels les mangèrent et se truverent tost après attaints de plusieurs dolleurs et maux en leur personne, ce qui leur ayant donné quelque rellache le lendemain jour du grand vandredy estant tout le peuple assamblé a lesglise pû entendre la Passion lesdits particuliers quy avaient mangé desdites fèves feurent constraints dans lesglise randre leur bouche et faire plusieurs ordures mesme par le fondemant, en sorte quy furent constraints rompre leur dévotion, au grand escandalle du public, ce qui a continue jusques a lendemain samedy, auquel jour beaucoup de ceux qui avaient fait leur dévotion feurent atteints du mesme vomissementz que lesditz jour judy et vendredy, pour raison de quoy, il y a plusieurs femmes ensaintes quy sont en azard de se blesser et aultres personnes notables quy en ont este et sont encore bien mallades en danger de perte de leur vie, craignant comme il est vray semblable que cella soit une espesse de venefice, comis par lesditz Girauds en conséquance de quelque inimitié particulière qu’ilz ont conceu contre lesditz particuliers, combien quils ayent tire tous leurs moyens et commoditez dudict arrantement pour lavoir son dict père tenu plus de vingt ans.
Une des femmes desquels estant à la basse cour du chateau dudict lieu, voyant quelques uns desdicts particuliers quy se plaignaient de se que on ne leur donnait pas desdictes fèves a lacoustumée cria a haulte voix a ses serviteurs qui les distribuaient : Donnas nin que ben las paguarant, ce quy faict voir quicelle femme et lesdictz rantiers avaient appresté et faict led venefice, se voyant lesd suppl., a ung tel escandalle sen seraient retires aud. André Giraud et a icelluy remonstre a lamiable ledict acidant lequel au lieu quy le deubst prandre en bonne part et leur donner raison, comme cela estait advenu, leur aurait dict plusieurs injures, jusques a leur donner ung demanty et s’ils neussent heu plus de discreption que luy se feust ensuivy ung grand accidant.
Comme de mesme sont tenus lesdietz rantiers contribuer tout le vin quest necessaire a ceulx quy font la saincte communion laquelle ayant faict plus de cinq cens personnes le jour de Pâques, ne sen trouva point dans leglise, de quoy ayant donne advis auxdictz rantiers pour en envoyer, dirent tout court ne le vouloir faire combien que tous les jours précédants neussent faict nulle difficulté den donner et feurent constraintz ceulx quy avaient faict la saincte communion partir de la Table sans en avoir pris après y avoir demeure ung fort long temps et parceque les susdicts faicts sont escandaleux ayant esgard a la callite du temps quy sont este comis pour raison desquels doibvent lesdictz Girauds, rantiers, estre punis affîn que a ladvenir ceulx qui auront ledict arrantement ne cometent semblables escandales.
Ce considere plaisra a la cour attendeu l’importance du faict ordonner que sur ce que dessus sur sierconstances et depandances en sera informe par le premier juge rouïal ou huissier de la cour pour l’information faicte et rapport estre proveu aux suppl. ainsi que la gravite du faict le requiert et sera bien (1).

1. Au bas de la pièce, il y a un soit montré au procureur général, et plus bas un soit informé.
— Archives municipales pièces diverses.


L’information demandée eut lieu. A notre grand regret, il nous a été impossible de connaître l’issue de cette affaire, les archives municipales et celles des Bouches-du-Rhône étant muettes sur cette grave accusation. Nous avons tenu quand même à citer cette pièce, parce qu’elle nous fait connaître deux faits intéressants : la distribution de pain et de fèves au jeudi saint ; la distribution et l’absorption du vin dans l’église après la communion pascale.
Nous ne saurions dire si ce vaste empoisonnement était imputable à la malice des rentiers ou à la malpropreté des ustensiles employés à préparer les fèves ; le procès nous l’aurait sans doute appris. Ce que nous savons mieux, c’est que généralement, les fermiers du commandeur, se prévalant un peu trop du prestige que leur donnait leur position, le prenaient de haut avec la communauté. Au lieu de tempérer par la bienveillance et l’affabilité ce que leurs fonctions pouvaient avoir de pénible, ces étrangers, toujours âpres au gain, affectaient une contenance hautaine vis-à-vis de la population et s’aliénaient ses sympathies, essayant d’ailleurs par tous les moyens, d’atténuer leurs obligations. C’est ainsi que, sous un prétexte futile, ils refusèrent, une année, de faire, aux pauvres la distribution de grain à laquelle ils étaient rigoureusement tenus en vertu de leur bail. Les consuls, outrés de cette injustice et voulant quand même défendre les droits des pauvres, eurent recours à un moyen extrême : ils firent saisir et séquestrer tous les grains appartenant au commandeur. A cette nouvelle, François de Boniface la Molle fit aussitôt tenir un comparant aux consuls et envoya Maitre Héraud, son procureur, demander à Arnoux de Joannis, sieur de Châteauneuf, conseiller au Parlement, qu’il voulut bien prononcer mainlevée sur les grains appartenant au commandeur, saisis à la requête des consuls (1). C’était le 10 mai 1619. Le commissaire donna à ces derniers un délai de trois jours pour se pourvoir et contredire ce que demandait Héraud, procureur du commandeur.
1. Archives des Bouches-du-Rhône, série H, Ordre de Malte, 831.

L’affaire fut jugée, et la communauté fut confirmée dans ses prétentions, car le Parlement rendit un arrêt qui condamnait François de Boniface la Molle à « fournir 140 sextiers mescles pour estre distribués aux pauvres indigens et nécessiteux habitans dudit lieu de Puimosson, et les avoir chascune année distribuables a chascun jour de dimanche par les ageans ou depputés dudict commandeur appellés ou présents, lesdicts consuls...., lesquels seront tenus de justifier de la bonne distribution par toutes sortes de preuves » (17 juin 1619) (2).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, série H, Ordre de Malte, 835.

Le commandeur dut s’exécuter ; mais, pour affirmer ses droits, il se fit passer reconnaissance par tous les habitants (1619).

L’année suivante, un événement tragique vint impressionner douloureusement la population. A la suite de misérables querelles d’intérêt. Esprit et Cléophas Androny, qui depuis longtemps nourrissaient une vive jalousie contre leur frère Melchior, époux de Marie Audibert, se ruèrent sur lui et l’accablèrent de coups avec tant de fureur qu’ils le laissèrent mort sur la place. Le crime eut pour théâtre la campagne des Andronys, située au quartier de Fontandrone, non loin de la métairie des Chardousse et aujourd’hui complètement détruite. Le fratricide une fois consommé, les coupables prirent la fuite. Des recherches furent faites pour les appréhender ; les témoins furent entendus (11 septembre 1620) ; un monitoire fut lancé (12 octobre). Les coupables ne paraissaient jamais. La procédure contre eux n’en suivit pas moins son cours ; les officiers de justice de Puimoisson les condamnèrent tous les deux au supplice de la roue (1), comme contumax et défaillants. Voici l’extrait de jugement qui les condamne :
Nous, juge du conseil, déclarons lesdits Andronys querellés, atteints et convaincus de meurtre fratricide a eux imposé, pour réparation de quoy les avons condamnés à faire amende honorable teste et pieds nuds, la hart au col et un flambeau ardent en leurs mains au devant la porte de l’église paroissiale dudict lieu et illec demander pardon à Dieu, au roy, a justice et au seigneur dudict lieu, et ce faict, avoir chascun deux le poing du bras droict coupé, et en après estre leurs membres brises et rompus sur une croix qu’à cest effect sera dressee a la place publique dudict lieu pour y demeurer sur une roue jusques a ce que mort naturelle s’en ensuive, faisant inhibition et defense a toute personne de leur donner assistance a peyne de punition corporelle et la ou ne pourront être appréhendes seront exécutés en effigie. Les avons neanmoins condamnes a 50 livres chascun pour faire prier Dieu pour l’âme du défunt et en 300 livres d’amende pour chacun.
1. Ce cruel supplice, inventé en Allemagne et que François Ier ordonna d’infliger aux voleurs de grand chemin (édit de 1534), consistait à briser les os du coupable avec une barre de fer sur un échafaud, puis à l’exposer et à le laisser mourir sur une roue. La roue de charrue était le symbole du serf attaché à la glèbe, comme le chien, le faucon et l’épervier étaient le symbole de la noblesse. De là, le terme de roturier, venant de rota, roue. Nous avons encore, non loin du village, un quartier nommé « le Champ de la Rode. »

A la suite de ce jugement, Jean Hugou, sergent de la juridiction, redoubla d’activité pour appréhender les deux coupables. Plusieurs fois, il se transporta à la métairie ou Bastide des Andronys ; les deux coupables avaient pris la fuite et plus jamais n’avaient reparu (1).
Le 5 juillet 1621, à 7 heures du soir, la sentence de mort fut publiée par le greffier sur la place publique, près du château, dans les formes prescrites, et les deux frères Androny furent exécutés en effigie, en présence de tout le peuple rassemblé, « sur un eschaffaut a ceste fin dressé à la susdite place par Pierre Roux, exécuteur de la haute justice (2) »
1. Rapport du sergent Hugou Jean (28 mai 1621).
2. Archives, municipales, pièces diverses.
— Archives des Bouches-du-Rhône, série H, Ordre de Malte, 843.
— Chef, juridiction.

Mais hâtons-nous de détourner les yeux de ce lugubre tableau.

En 1622, François de Boniface la Molle fit procès-verbal d’améliorissement. Les commanderies étaient de simples concessions amovibles, dont l’administrateur était comptable au trésor commun de l’Ordre. Après cinq ans de possession, le titulaire d’une commanderie devait obtenir de sa langue des commissaires spéciaux qui se transportaient sur les lieux et faisaient un procès-verbal de la situation matérielle et morale de la commanderie. Ils s’informaient si le commandeur n’avait point commis de scandale dans sa commanderie, s’il avait géré les biens de l’Ordre en bon père de famille, s’il avait payé exactement les responsions, s’il avait entretenu ou réédifié les églises et les bâtiments qui dépendent de sa commanderie et si, selon l’esprit de son Ordre et ses propres obligations, il avait eu grand soin des pauvres. C’est là ce qu’on appelait le procès d’améliorissement. Si ce procès-verbal était reçu et approuvé à Malte, le titulaire pouvait, à son tour et selon son ancienneté, émeutir c’est-à-dire requérir une commanderie plus importante qui viendrait à vaquer. C’est à cette sage précaution que l’Ordre était redevable de la conservation de ses biens et de ses bâtiments, y ayant très peu de commandeurs qui, dans l’espérance d’acquérir de plus grands biens, n’aient un grand soin de ceux dont on leur a confié l’administration (1).
1. Abbé Vertot, tome V, pages 339-340.

Or, le commandeur de Puimoisson fit faire ce procès en 1622. Nous ne savons pas si le chapitre de Malte l’approuva ; toujours est-il que ce commandeur passa encore quelques années chez nous.
La dévotion au Saint-Rosaire faisait de rapides progrès dans nos pays, mais la confrérie n’était pas encore établie chez nous.
Le Frère Balthazard du Fort, prieur du couvent des Frères Prêcheurs de la Baume-les-Sisteron, étant venu prêcher le carême à Puimoisson, en 1626, fut vivement sollicité par le clergé, les consuls et les notables de l’endroit d’y établir cette confrérie. L’érection eut lieu le 29 mars de cette même année, selon les formes canoniques ; et, ce jour-là, plus de deux cents récipiendaires furent enrôlés, parmi lesquels nous voyons figurer les noms suivants : Melle de Châteauredon ; Melle de Bouche ; J. Constantin de Sallagriffon ; Claire de Grasse ; Louise de Constantin ; Angélique de Bourdin ; Louise de Juramy ; Françoise de Castellane ; Balthazar de Bouche ; de Bouche, écuyer ; Jeanne de Chauvet ; Marquis de Joannis, etc., etc, Cette pieuse confrérie prit des accroissements si importants qu’au bout de quelques années elle compta dans ses rangs plus de six cents membres (2).
2. Archives paroissiales
— Voir l’acte d’érection aux pièces justificatives.


Parallèlement à cette institution pieuse, se fondait et se développait une confrérie ayant spécialement pour but de maintenir les hommes dans leurs devoirs religieux ; c’était la confrérie des pénitents blancs érigée sous le vocable de Notre-Dame de Pitié. Le lieu de réunion était l’immeuble connu sous le nom de chapelle des Pénitents, aliéné par la fabrique en faveur de la commune et vendu par celle-ci à Basile Arnoux, qui en est le propriétaire actuel. Une élégante cloche de deux quintaux, acquise par Pierre Catarnet (1673), servait à convoquer les frères aux exercices religieux. Tous les dimanches, on y chantait l’office de la Sainte Vierge, entre la première messe et la messe du prône ; les vêpres, après celles de la paroisse, les psaumes pénitentiaux et les litanies des saints. La confrérie assistait aux processions solennelles, aux enterrements, et jouissait de certains revenus, grâce aux fondations nombreuses et aux legs pieux de ceux qui choisissaient leur sépulture dans la chapelle. Les élections avaient lieu tous les ans, au jour de la Pentecôte. On y nommait un recteur, un sous-recteur, quatre maîtres des cérémonies, six choristes, douze conseillers, un maître des novices, deux secrétaires, deux trésoriers, quatre messagers et quatre sacristains. La confrérie fonctionna régulièrement jusqu’à la suppression des corporations ; elle portait comme armoiries : « D’azur à un crucifix d’or, accompagné en pointe de deux pénitents affrontés à genoux, affublés de leurs habits d’argent, les mains de carnation jointes (1). »
1. Armorial général, tome I, généralité d’Aix, sénéchaussée de Digne.

C’est de cette année 1626 et des deux suivantes que datent les réparations et agrandissements exécutés à la chapelle de Notre-Dame de Belle-Vue. Les comptes du trésorier nous apprennent qu’il fallut enlever une grande quantité de terre de l’intérieur, afin de pouvoir carreler le sol (2).
2. Paye 5 escus 36 sous, pour faire retirer la terre qu’est dans la chapelle pour le mallonage.
— Comptes du trésorier.


Il fut employé à cette réparation : 1,500 moellons ordinaires et 625 vernis ; 80 setiers de plâtre, etc. On perça également l’ouverture qui sert aujourd’hui de porte d’entrée, et on condamna la porte latérale. Un bénitier en marbre fut apporté de Fréjus ; la cloison qui séparait le grand autel de la sacristie fut également reculé (3).
3. Payé 5 escus 6 sols à Gaspard Carbonel de Moustiers, pour 625 tuiles vernissées pour Notre-Dame ; ideme à Pierre Reynier, taullier, de Brunet, pour 1,500 mallons pour paver Notre-Dame, à 26 sous le cent ; huitante cestiers gip à 3 sous le cestier. A Hugues et Jean Bausset, maçons, pour avoir fait la porte, soustrait le buget du grand autel, plus la petite porte au-dessus la grande porte, etc., etc. Onze écus 44 sols, pour achat et port de Fréjus d’un bénitier en pierre de marbre pour Notre-Dame.
— Archives municipales, comptes du trésorier, passim.


Les marguilliers de cette chapelle étaient nommés par le conseil, chaque année, lors de la création du nouvel état. Les évêques de Riez s’étaient plu à enrichir ce modeste sanctuaire de précieuses indulgences, afin d’augmenter de plus en plus la dévotion des fidèles envers la Mère de Dieu (4).
4. Avons donné à Jean Chabrier 32 sous, pour avoir fait et enchâssé trois des copies des indulgences de Nostre-Dame.
— Archives municipales, comptes du trésorier, passim.


Chapitre IX

« Le cahier des délibérations de 1630 à 1638 ayant disparu et personne ne voulant l’avoir trouvé, malgré le monitoire qui fut lancé pour le faire rendre (1) », nous ne pourrons que glaner dans les comptes du trésorier les rares documents concernant la peste de 1630 dans nos pays. Les quelques notes, malheureusement trop laconiques, renfermées dans ces cahiers, nous permettent d’avancer que le fléau fit son apparition à Puimoisson, mais qu’il n’y exerça point d’aussi cruels ravages qu’au sein des populations voisines et notamment à Riez.
1. C’est en ces termes que s’exprime le conseil de la communauté, dans une délibération du 26 juin 1644.

Dès les premiers jours de juillet, il fut constaté qu’il y avait dans cette ville du mal contagieux Le conseiller d’Agut assembla, dès le 1er août, les représentants des communes de Puimoisson, Moustiers, Valensole, Brunet, Allemagne, Roumoules, dans notre château de Puimoisson, afin de conférer sur les moyens à prendre pour circonscrire les progrès du mal. Il fut décidé que les communes ci-dessus nommées fourniraient un certain contingent d’hommes pour former un cordon sanitaire autour de la ville de Riez. Puimoisson fournit sept hommes pour sa part, et, dès le lendemain, la garde fut établie sous le commandement de Charles d’Isoard, coseigneur de Roumoules. Malgré ces précautions, le fléau poursuivit sa marche et vint visiter Puimoisson. On eut recours, chez nous, au grand principe préservateur de l’époque, à l’isolement. Quelqu’un était-il soupçonné de mal contagieux ? Vite, on investissait sa maison, on la gardait de nuit et de jour jusqu’au dénouement fatal ou au rétablissement complet (1). Et lorsque l’un ou l’autre se faisaient trop attendre, les gardiens de quarantaine dressaient des guérites devant la maison des pestiférés (2). Après le décès et l’enlèvement du corps, qui se faisait promptement, les gardes parfumaient la maison et les effets au moyen d’un mélange de soufre et de sucre (3).
1. 5 livres 18 sous payés à Balthazar Sicard, pour avoir gardé Joseph Gallois et sa famille dans sa maison, à cause du soupçon de mal contagieux.
2. 5 livres 8 sous pour tuiles de la cabane dressée devant la maison d’Ozias Nicolas et pour le dressé de ladite cabane.
— 6 livres pour l’enterrement de Marius Romieu, etc., etc.
— Livres du trésorier, 1630.
3. 10 livres 12 sous à deux portefaix, pour avoir parfumé les bastides de Marius Romieu et de Jean Androny, etc... La peste avait dû être communiquée aux habitants de ces campagnes par les pestiférés qui faisaient quarantaine à Mauroue et certains habitants de Riez qui étaient venus établir des cabanes sur les plaines.


Le total des dépenses occasionnées par la présence du fléau s’éleva à la somme de 172 livres, dont 42 livres au chirurgien Maty, pour les soins qu’il donna aux pestiférés. La libre entrée de la ville de Riez fut prononcée par le Parlement, le 20 avril 1630.
Trois ans plus tard, la peste fit de nouveau son apparition à Puimoisson, et peut-être eut-elle un caractère de gravité plus accentué qu’en 1630, à en juger par les dépenses plus considérables auxquelles elle donna lieu. Nous avons sous les yeux « l’issue du comptable des payements qu’il a faictz pour les impanses faites lhors que la malladie contagieuze estoit en ce lieu que feust en l’année 1633 » Malheureusement, les très nombreuses notes payées sous cette rubrique sont d’un laconisme désespérant et se bornent à énoncer la quotité de la somme versée, le nom du preneur et la désignation invariable : « Pour les causes contenues en son mandat » Trois seulement contiennent une mention spéciale, sans doute parce que, les destinataires étant étrangers au pays, l’énonciation de l’objet rendait plus facile le contrôle du compte (2). C’est là tout ce que nous savons sur cette seconde apparition du fléau, les délibérations municipales et les registres mortuaires qui pourraient nous renseigner faisant défaut.
2. « Se décharge de trente livres payées à Joseph Reinoard, appothiguere de la ville de Riez, pour avoir fourny des mediquementz et drogues lhors de la malladie.
— Comptes du trésorier. »
« Se décharge de septante-cinq livres payées à Balthazar Maty, appothiquere de la ville de Riez, etc... »
« Se décharge de septante-cinq livres dix-huit sols payés à Antoine Isnard, chirurgien.
— Comptes du trésorier, passim. »


A partir de l’année que nous abordons, la tenue des écritures municipales, qui se poursuit presque sans lacune jusqu’à nos jours, nous permettra d’étudier de plus près le fonctionnement de la vie communale. Il n’y avait pas, alors, l’uniformité d’administration que nous voyons aujourd’hui ; en cela, chaque pays suivait un peu ses usages propres, et c’est même cette différence dans la manière de se gouverner qui donne à chaque pays cette physionomie particulière qui en rend l’étude plus intéressante.
Dans notre pays, la première chose qui nous frappe, et qu’on sera bien aise de connaître, est la façon de procéder aux élections annuelles des conseillers et surtout des consuls. Un règlement de la communauté excessivement compliqué, et qui ne devait laisser aucune entrée à la fraude, donnait en détail la manière dont devaient se faire ces importantes opérations, qui, jusqu’en 1700, eurent lieu invariablement le 27 décembre.

La veille au soir, la réunion du conseil était annoncée par la grande cloche et convoquée le lendemain par le crieur-juré. Après avoir assisté en corps à la messe du Saint-Esprit, on se réunissait dans la maison commune, où lecture était faite en public du règlement de la communauté. Après quoi, le conseil, composé de dix conseillers, des trois consuls précédents et des trois en exercice, soit un total de seize, faisait élection de dix-huit prudhommes de la qualité portée par le règlement, c’est-à-dire des plus allivrés. On écrivait séparément leurs noms sur dix-huit billets qu’on pliait et qu’on faisait tirer au sort par un enfant de dix ans. Les neufs premiers sortants étaient élus conseillers ; on les appelait sur le champ, on leur faisait prêter serment et on les installait.

Cette élection une fois terminée, on procédait à la création des consuls ; voici de quelle manière : « Le conseil choisissait dans son sein quatre hommes qui, avec les trois consuls de l’année précédente, se retiraient dans un appartement séparé, et là, sous la présidence du lieutenant de juge, choisissaient trois noms pour un premier consul. Ils se rendaient ensuite dans la salle du conseil et proclamaient les trois noms sur lesquels devait se porter le choix du premier consul.
Si ces trois candidats étaient acceptés par l’assemblée, on écrivait leur nom sur trois billets séparés que le lieutenant de juge pliait lui-même, entourait d’un petit fil et mettait dans un chapeau. On les tirait au sort. Le premier nom qui sortait était ballotté, c’est-à-dire qu’il devenait l’objet d’un nouveau vote. Pour cette opération, qui était l’épreuve suprême et décisive, deux coupes étaient disposées sur une table ; l’une était appelée coupe d’approbation, et l’autre, coupe de réprobation. Chaque conseiller apportait alors le nom de l’unique candidat et le plaçait, à son gré, dans l’une ou l’autre coupe. Le vote terminé, on vidait les deux coupes et on comptait les voix. Si le plus grand nombre était dans la coupe d’approbation, le candidat était définitivement élu et créé premier consul ; dans le cas contraire, il était évincé et l’opération recommençait. On procédait ainsi pour l’élection du second et du troisième consul.
Généralement, les trois catégories d’habitants étaient représentées par les trois consuls, dont l’un était bourgeois, l’autre artisan et l’autre laboureur. Les trois consuls ne pouvaient être parents entre eux. Ils portaient comme marque consulaire un magnifique chaperon en velours noir et rouge cramoisi. Leur pouvoir du reste était assez étendu.
Dans cette même séance, les nouveaux élus nommaient le greffier, les auditeurs de compte chargés d’entendre et de vérifier les comptes de l’année écoulée, les estimateurs pour estimer les dommages causés aux propriétés d’autrui et fixer l’indemnité, les luminiers du Corpus Domini, de Notre-Dame, les gardes champêtres, les repeseurs, pour surveiller les abus dans le poids des marchandises, et deux maîtres de police, « pour la manutention des franchises, libertés, exemptions de la communauté et pour maintenir les habitants en leur devoir. » On comprend que la multiplicité des formes qui présidaient à ces élections, en vue, évidemment, d’écarter les fraudes, dussent prendre un temps bien long, et qu’il fallut quelquefois emprunter sur les heures de la nuit pour arriver à un résultat définitif.

Dans ces temps où florissait la procédure, où la moindre vétille éveillait un procès, souvent long, toujours dispendieux, il était d’une sage administration de se créer des amis à la cour, des protecteurs prêts à défendre les droits de la commune contre les prétentions féodales ou les chicanes de quelque mauvais payeur. Nous constatons, en parcourant les archives, que nos magistrats ne négligeaient rien pour se concilier la bienveillance et l’attachement de pareils personnages. Les bons amis d’Aix reçoivent souvent de ces petits cadeaux, qui, selon l’adage connu, entretiennent l’amitié. Tantôt, ce sont des perdrix, des chapons, des chevreaux, des œufs par centaine qu’on leur envoie ; un jour (15 février 1646), on leur écrit qu’il y a à Aix un ami puissant qui s’occupe de soulager la communauté. Dans un élan de naïve reconnaissance, les consuls décident de lui faire cadeau d’un cheval ! On va l’acheter à Seyne (151 livres 10 sols), et on le fait conduire à l’ami puissant, pour lui faire une surprise. Mais la surprise fut pour les consuls. Le protecteur désintéressé déclara qu’il ne servait la communauté que par affection et refusa noblement le coursier, qui fut ramené et vendu à Moustiers pour 16 pistoles de 10 livres (13 mars 1646).
Mais les deux amis les plus influents et sur le crédit desquels la communauté comptait le plus étaient l’auditeur Augier Annibal, conseiller à la cour des comptes, et Balthazard Bouche, qui fut deux fois consul d’Aix et mérita le glorieux titre de martyr de la patrie ; c’était le frère aîné de notre grand historien Honoré Bouche. Ces deux personnages professaient un particulier attachement pour notre pays, lieu d’origine de leurs ancêtres (1). Ils s’en étaient constitués les protecteurs à la cour du Parlement et faisaient souvent eux-mêmes des cadeaux, au nom de la communauté. Le 13 octobre 1647, l’auditeur Augier leur écrit que le baron de Bras et l’écuyer Bouche, ayant été nommés procureurs du pays, il convient de les féliciter en leur envoyant « une charge de vin claret de Riez à chacun » ; la communauté était généreuse ; au lieu de deux, elle en acheta quatre qu’elle leur envoya, avec d’autres menus présents (2).
1. Balthazard Bouche, bourgeois, époux de Louise de Meyrounet et père de l’historien Honoré Bouche, était né à Puimoisson. Quand son fils aîné, nommé Balthazard comme lui, venait à Saint-Jaume-les-Barrème (Saint-Jacques) passer quelques mois auprès de son frère, qui en possédait la prévôté, c’étaient les gens et bêtes de Puimoisson qui portaient les hardes à l’aller et au retour, sans vouloir rien accepter, « à cause des grands services qu’il rend à la communauté », etc.
2. Ce vin blanc de Riez, qui, à l’époque, jouissait d’une certaine renommée, coûta 3 livres 5 sous la coupe.


L’année 1646 fut marquée par une amélioration qui, à raison de son importance exceptionnelle, mérite d’être signalée. La grande et belle source qui alimente les fontaines du village ne donnait pas ses eaux avec l’abondance d’aujourd’hui, et il arrivait parfois que la sécheresse persistante de l’été tarissait complètement la fontaine à faible débit et obligeait les habitants à s’approvisionner d’eau aux sources qui naissaient aux Condamines. Se préoccupant justement d’un état de chose si préjudiciable à la population, les trois consuls. Jean de Bouche, écuyer, Louis Arnaud, notaire, et Barthélemy Roubaud, bourgeois, tentèrent d’y remédier ; leurs tentatives furent couronnées du plus heureux succès. Un fontainier de la Tour-d’Aigues, nommé Pons Philippe, appelé par eux, se chargea d’accroître le débit de la fontaine, en y ajoutant les eaux d’une source qui devait se trouver, affirmait-il, dans la maison à côté. Cette maison, propriété indivise de Jacques Béraud et d’Olivier Audibert, fut aussitôt achetée par la communauté, à raison de trente livres (1). On pratiqua des fouilles dans le sous-sol et cave de cet immeuble, qui appartient encore actuellement à la commune, et l’on vit jaillir bientôt des eaux abondantes et limpides qui, depuis lors, n’ont plus cessé de couler. Le petit abreuvoir ne suffisant plus à contenir les eaux de cette belle source, on mit aux enchères la construction de deux barquieux, à chaque extrémité du réservoir, de la largeur de douze pans en bonne pierre, avec des grampons de fer au-dessus, plombés d’une pierre à l’autre pierre Le maître maçon, Antoine Chardousse, fit ce travail pour la somme de 18 écus (2), la communauté fournissant les matériaux ; l’heureux fontainier reçut 120 livres de gratification, et le travail fut terminé le 18 décembre 1646.
1. Acte du 10 septembre 1646, chez Maitre Bausset.
2. Acte passé par-devant Maitre Bausset, notaire.


Grâce à cette abondance d’eau, il devint possible d’arroser des jardins et de créer des prairies. Mais il arriva que le défaut d’organisation dans la distribution de l’eau amenât des conflits, des disputes, des rixes même. Le conseil dut intervenir. Un premier partage des eaux eut lieu (19 juin 1661), approuvé par l’autorité et édictant des peines contre les délinquants. Un deuxième devint nécessaire (1671). Claude Bouteille et Sauvaire Isoard furent chargés de le dresser, avec le nombre d’heures pendant lesquelles chaque propriétaire pourrait disposer de l’eau, et fût mis immédiatement à exécution (16 août 1671).

L’hérésie de Calvin, introduite à Puimoisson par quelques familles huguenotes chassées des grands centres, s’y était longtemps maintenue. Grâce aux dispositions bienveillantes de l’Edit de Nantes (1598), qui accordait aux protestants la liberté de conscience et réglait l’exercice de leur culte, les calvinistes y vivaient tranquillement sous la houlette de leur ministre, payé par la communauté (1). Dès l’année 1623, ils avaient obtenu du commandeur François de Boniface la Molle l’autorisation d’ensevelir leurs coreligionnaires dans un cimetière spécial. Un contrat avait été passé par lequel la communauté cédait un terrain de 20 pans de longueur sur 22 pans de largeur, au bout du village, près la chapelle Saint-Roch, comme lieu de sépulture pour les huguenots (2). Mais rien n’avait été fait, et la commune avait négligé de remplir ses engagements.
1. Le pasteur protestant s’appelait Gaudemar, originaire de Manosque. Il émarge au budget communal et possède ici une maison au portail de Guillenjaumo, acquise par lui d’Honoré Audibert.
— Voyer comptes du trésorier, passim, et livre-terrier, 1639, folio 293.
2. Acte rière Maitre Fleur, notaire, 23 avril 1623.


Le 23 mars 1646, Ozias Maty, chaud partisan de la réforme, somma la communauté d’exécuter sa promesse, de concéder le terrain, de faire des murs d’enceinte, et menaça de se pourvoir devant qui de droit en cas de refus. Devant cette mise en demeure, la communauté n’osa plus reculer, et, dès le 8 avril, un terrain de 20 pans de longueur sur 12 de largeur, joignant la chapelle Saint-Roch au bout du village, allant à Riez du côté du levant, fut clos de murs, fermé et remis à Maty et Bouche recevant au nom de leurs coreligionnaires, qui se déclarèrent satisfaits.
Mais voici venir des années calamiteuses pour la Provence, pendant lesquelles notre malheureux pays vit s’abattre sur lui et presque simultanément les trois plus terribles fléaux, la guerre, la peste et la disette, qui en fut la douloureuse conséquence.
Depuis quelque temps, la division s’était glissée entre le Parlement d’Aix et le comte de Valois, gouverneur et lieutenant-général de Provence. En 1649, la division s’accentua, la haine se raviva ; deux partis se formèrent, l’un pour le gouverneur, l’autre pour le Parlement, le premier sous le nom de Semestre, le deuxième sous le nom de Parlementaires.
Les partisans du gouverneur prirent comme signe distinctif un ruban bleu au chapeau ; ceux du Parlement adoptèrent le ruban blanc, et la guerre dite de Semestre fut déclarée. « Tous les chemins de la Provence, dit Bouche, ressemblaient être en ce temps-là des bois et des forêts, où l’on ne voyait que meurtres, que voleries, et les voyageurs de condition ne pouvaient s’exposer en chemin sans être bien escortés de grand nombre de fusiliers, un village tenant le parti du Parlement, un autre le parti du gouverneur, faisant prisonniers les voyageurs passant en leur terroir qui étaient du parti contraire (1). »
1. Honoré Bouche, tome II, page 953. Voir aussi Pitton, Histoire d’Aix, et le manuscrit de la bibliothèque Méjanes, intitulé : Relation des troubles du Semestre, etc.

Naturellement, chaque parti s’étudiait à prendre les plus fortes places de la province. Puimoisson était regardé comme une place importante, à raison de son château, qui pouvait être transformé, en temps de guerre, en une véritable forteresse, d’où il n’eût pas été facile de déloger l’ennemi.
Dès le 14 juin, M. de Tartonne arriva à Puimoisson, muni d’une commission de la Cour, afin d’établir la garde du château. Il nomma, pour gouverner la place, M. de Saint-Andéol et réquisitionna des hommes pour former la garde. Les habitants, on le conçoit, n’avaient que faire de la querelle du Semestre et des Parlementaires. La question importante pour eux était la moisson qui mûrissait. Peu satisfaits d’être enlevés à leurs travaux des champs pour monter la garde, ils supplièrent M. de Saint-Andéol « de se contenter du moins d’hommes qu’il pourra et de faire la garde par capage (1) ». En même temps, ils déléguèrent auprès de M. le baron de Bras, à Aix, pour « tâcher d’avoir quelque soulagement. »
1. C’est-à-dire un jour par maison. Il y avait à cette époque à Puimoisson quatre cent onze maisons sujettes au capage.

Cependant, le président de Régusse, commissaire délégué par la Cour, convoqua une assemblée des communes à Riez. Il communiqua à tous les délégués un arrêt de la Cour, portant qu’on devait s’opposer par tous les moyens possibles à la descente des troupes qui étaient dans la Provence, sans ordre du roi, ni des procureurs du pays, troupes qui faisaient de grands ravages dans les pays circonvoisins, et il imposa aux communautés de la viguerie une fourniture de 2,000 livres prélevées à proportion de la quotité des feux.
Les délégués de Puimoisson essayèrent de rejeter sur les communes de la viguerie les frais de garde du château. Ils n’y purent réussir. Ils obtinrent cependant que M. de Saint-Andéol et ses soldats, logés ici pour garder la place, seraient payés seulement à raison de 45 livres par jour, et que cette somme, qui devait être payée de quinzaine en quinzaine, serait prélevée sur les communautés de Montpezat, Saint-Martin-de-Brômes, Saint-Laurent, Esparron, Levens, Trévans, Brunet, Saint-Martin-le-Rimat et Entrevennes, à raison de 4 livres 2 sols par feux.
Vers la fin du mois de juin, le pays était sillonné de gens de guerre, et Puimoisson offrait l’aspect d’un véritable camp. M. de Majastres s’y était installé, avec sa compagnie de quarante-cinq chevaux légers. M. de Roumoules y logeait avec une compagnie d’infanterie, Aux soldats qui gardaient le château, le président de Régusse ajouta un contingent de vingt hommes et nomma l’écuyer Jean de Bouche pour gouverner la place. C’était le juillet. Bouche fait aussitôt barricader soigneusement toutes les portes du village et ravitaille le château. On y introduit un demi-quintal de poudre, un quintal de plomb, un demi-quintal de mèche, trente charges pour douze mousquets et quatre fusils, cinq charges de blé réduit en farine, quinze livres de chandelles, cinquante livres d’huile et une panal de sel. Il est convenu, en outre, qu’au signal d’alarme qui serait donné par la grande cloche, le peuple se rendrait en armes devant l’église, pour assister les consuls et pour défendre le pays (1).
1. Archives municipales
— Délibération au 1er juillet 1649.


Tous les soirs et plusieurs fois la nuit, des patrouilles composées de dix hommes parcouraient les rues et carrefours du pays, et, le 23 juillet, le danger devenant plus pressant, la garnison du château dut être renforcée de trente hommes choisis parmi les plus valides du pays. Hélas ! la moisson était là, pressante, et ce n’était guère le moment de mettre le mousquet aux mains de gens qui plus volontiers auraient manié la faucille. L’écuyer de Bouche, gouverneur de la place, et tout ce qu’il put pour concilier les intérêts de la défense avec ceux de la récolte, et souvent, au lieu de prendre trente hommes, n’en prenait que quinze.
D’autre part, les communes imposées pour les frais de garde de notre château mettaient en jeu toutes les influences pour se soustraire à cette onéreuse obligation. La communauté d’Entrevennes, en particulier, parvint, grâce à de puissantes influences, à obtenir un arrêt de la Cour qui la déchargeait et lui substituait la commune de Saint-Jeannet. Nos consuls, ne tenant pas compte de cet arrêt, firent saisir tout le bétail d’Entrevennes ; mais ils durent donner bientôt mainlevée de la saisie, la commune de Saint-Jeannet ayant consenti à payer la contribution.
Sur ces entrefaites et pour compliquer encore une situation malheureuse, arriva un arrêt de la souveraine Cour enjoignant de refuser l’entrée du pays à tout voyageur venant de Marseille, où la peste venait d’éclater (28 juillet 1649).
En effet, des compatriotes fuyant le pays contaminé ne tardèrent pas à se présenter, demandant entrée libre. On les mit en quarantaine, tandis que la seule porte du village restée libre était gardée rigoureusement par une sentinelle chargée « d’arraisonner ceux qui viennent et de leur délivrer des billettes, s’il y a lieu. »

En janvier 1650, l’état sanitaire était bon à Puimoisson, tandis que le mal contagieux promenait ses ravages aux pays circonvoisins. Mais les habitants se lassaient de garder, le péril leur paraissant éloigné. Il fallut recourir à l’amende pour les forcer à continuer la garde, lorsque surtout arriva la nouvelle que le fléau sévissait à Aix (25 avril 1650). Le village fut complètement fermé ; un bureau permanent fut créé à l’auberge Notre-Dame, située sur la route, et c’est là qu’on délivrait les billettes au marc du village, et qu’on assignait les quartiers de quarantaine aux voyageurs qui arrivaient des pays contaminés (1).
1. Le 3 juin 1650, la fille d’Antoine Arnoux arrive de Marseille ; Jean Britton et Laurent Meynier arrivent d’Aix. Le bureau les met en quarantaine à leurs dépens et sous bonne garde, au bastidon de Jacques Esparrou. Le 19 juin, on en place d’autres au quartier de Valensolette et on ne leur permet la libre entrée que le 10 juillet suivant, à condition qu’ils purifieront leurs hardes et meubles, en présence des consuls, pour plus grande précaution. On décide également que nul de ce lieu n’ira aux pays bas pour moissonner.
— Archives municipales, 1649-1650, passim.


Grâce à ces mesures énergiques, le pays fut exempt, pour cette fois, des atteintes de la peste. D’autre part, les alarmes des guerres de Semestre s’étant dissipées, le château fut évacué et le village reprit sa physionomie ordinaire.

Mais, ces deux fléaux écartés, il en surgit un troisième aux étreintes duquel le pays ne put pas se soustraire aussi facilement : la misère. Les nécessités du temps, l’obligation de se défendre contre les ennemis et contre la maladie avaient privé l’agriculture de ses bras valides ; le découragement, les appréhensions continuelles avaient paralysé l’énergie : beaucoup de terres étaient restées incultes ; le peu de récolte que des bras affaiblis avaient pu produire avait été enlevé en un clin d’œil par une tempête épouvantable (juillet 1650). Les réserves en grains avaient été rapidement consommées par les gens de guerre qui, durant plusieurs mois, avaient campé à Puimoisson. Pour compléter leur ruine, tout un régiment de M. de Boissac était venu séjourner pendant dix jours, attendant une nouvelle destination, et la ville de Toulon, remplie des soldats du comte d’Alais, exigeait 50 livres par jour pour la subsistance du régiment d’Angoulême (1).
1. Le conseil taxa ainsi qu’il suit le fastigage du régiment de Boissac. Le cavalier : 10 sous par jour ; le cheval, 4 sous, y compris le déchet du foin et de l’avoine ; le valet, 4 sous ; un capitaine, un cheval et un valet, 40 sous, un lieutenant, son cheval et son valet, 30 sous ; la cornette, avec son cheval, son valet, 26 sous ; le manescal de lougis, son cheval et son valet, 24 sous ; les chevaux et valets qui se trouveront par-dessus se payeront 4 sous ; le foin de l’étape fut fixé à 24 sous le quintal.
— Archives municipales.
— On porta à Toulon, pour quinze jours, la somme de 750 livres.


La communauté, dépourvue d’argent autant que de vivres, était aux abois. Elle eut recours au crédit de ses bons amis. Elle emprunta d’abord la somme de 3,000 livres à Melle Flore d’Audibert, de Forcalquier, veuve de l’apothicaire Maty (25 avril) ; 750 livres à Fleur, notaire, pour acheter du grain ; vingt charges de blé à Antoine Robert et cinquante charges au rentier de la commanderie, qui, profitant du désarroi général, ne payait plus depuis trois ans l’aumône de la vingt-quatrième.
D’un autre côté, Maty, marchand, de Manosque, redemandait à grands cris le remboursement de 300 écus prêtés par lui à la communauté, et la ville de Riez, créancière peu commode de Puimoisson, fatiguée d’attendre, n’avait pas craint de faire une saisie générale de tout le bétail du pays. 800 écus furent empruntés à François Monge, de Montagnac, pour payer les créanciers les plus pressants. Mais tous ces emprunts, faits coup sur coup, ne triomphaient pas de la misère qui allait toujours grandissant, et, s’ils parvenaient à en atténuer momentanément les rigueurs, ils grevaient d’autre part le budget communal d’une façon inquiétante et le faisaient monter au chiffre énorme pour ce temps de 22,900 livres (1650).
Sur ces entrefaites, l’auditeur Augier, ami et protecteur du pays, eut la louable pensée de fonder une chapellenie dans la paroisse. « Touché de dévotion pour la consolation du peuple du présent lieu et augmentage du service de Dieu en l’église parrochiale, faict résolution de faire dire et célébrer dans ladicte église parrochiale, tous les jours ouvriers de la semaine, une messe au point du jour, afin que les travailleurs et manouvriers puissent comancer leur journée, après avoir servy Dieu et invoqué son ayde et secours.... ; et oultre ce, que pour radvancement de la junesse dudict lieu elle soit instruite ez discipline de la foi et religion catholique par renseignement que leur sera fait du catéchisme tous les jours de dimanche et testes de commandement, et pour cest éfaict de fonder en ladicte églize parrochiale une chapellanie et y establir ung recteur quy sera tenu faire et acomplir les choses cy-dessus et docter la dicte chapelle de la somme de 150 livres pour a laquelle subvenir le sieur auditeur désire que la communauté recoyve de luy la somme de 2,400 livres a pantiou perpétuelle, à raison du denier seize qui fournira ladicte pantion », etc., etc.

On passa acte de la pension perpétuelle ; on t’hypothéqua, comme de coutume, sur tous les biens de la communauté, et la chapellenie fut fondée dans la paroisse, sous le titre de Notre-Dame de Miséricorde (10 octobre 1650) (1).
1. Par un acte passé le même jour, l’auditeur Augier fonde une messe à dire tous les jours « à la chapelle Notre-Dame de Beauvezer, à l’honneur de la Sainte Vierge, pour augmenter la dévotion que le peuple dudict lieu a en ladicte chapelle, à la réserve de la feste de Saint-Etienne, vingt-septième jour de décembre, jour destiné à faire le nouveau estat audit Puymoisson que sera dict messe du saint Esprit dans ladicte église, afin qu’il lui plaise par sa bonté illuminer le conseil », etc., etc.
— Archives municipales.


Il avait été décidé tout d’abord que ce capital de 2,400 livres servirait à éteindre la dette de Riez. Mais on envoya à Aix supplier de permettre que, « attendu la grande pauvreté qu’il se rencontre la présente année en ce lieu et la difficulté qu’il y a de trouver de l’argent à prest, cette somme soit employée à l’achept de bled pour subvenir aux nécessités du lieu », et, de fait, on s’en servit pour acheter cent charges de grains aux fermiers de la commanderie (30 octobre 1650).

Et comme si toutes ces misères n’eussent pas suffi pour rendre cette année à jamais calamiteuse et faire ardemment souhaiter la paix, elle dut s’achever dans une de ces questions irritantes qui jettent toujours le trouble et la discorde au sein d’un pays.
Les consuls, se faisant, un peu à la légère, l’écho de certaines plaintes dirigées par les malveillants contre le vicaire perpétuel, rédigèrent une dénonciation contre lui, basée sur des griefs futiles et nullement justifiés.
« Par pieuse advarisse, dit-on, il a introduit et érigé un luminaire à l’autel de saint Michel et sous des apparences de dévotion l’a fait autoriser par l’évêque et sous prétexte d’une augmentation de service d’une messe matinière, bien qu’il en ait supprimé une qui se disait de tout temps à huit heures, il s’approprie non seulement le revenu de ladicte luminaire qu’il fait quester par l’églize et autre part, mais encore d’autres luminaires qu’il fait subsister inutilement pour son profit particulier, et, pour obliger les paroissiens à sustanter plus facilement le vicaire, il fait protester par deux ou trois idiots marguelliers que c’est la volonté du monde...; sont aussi informés que le sieur vicaire n’est pas doué des qualités requises et nécessaires à ung prédicateur pour l’avoir ainsi fait connaître plusieurs fois qu’il a voulu prêcher en cette église et autre part ou il est tombé en confusion..., qu’il sollicite l’évêque de lui donner la chère (sic) de ladicte églize pour la prochaine caresme, ce qui serait une mortification la plus grande que jamais pourrait arriver audict lieu, etc., etc. »

Le conseil décide d’aller voir l’évêque, pour le prier d’interdire tous luminaires autres que ceux nommés par le conseil et le supplier surtout de donner pour le carême tout autre prédicateur que le sieur vicaire.
La délégation de la commune trouva l’évêque à Roumoules, se disposant à partir pour une tournée pastorale. Le vicaire perpétuel, André Nicolas, mandé auprès du grand-vicaire, refusa de s’y rendre. Les consuls pressèrent alors plus vivement l’exécution de leur requête. Nous ne savons ce qu’il en advint et si les requérants eurent la grande mortification d’entendre prêcher le carême par ce peu éloquent prédicateur. Ce que nous savons mieux, c’est que frère André Nicolas, docteur en sainte Théologie, frère d’obédience de Saint-Jean de Jérusalem et vicaire perpétuel de Puimoisson, y exerça ses fonctions jusqu’en 1678, époque où il démissionna ; qu’il mourut le 7 juin 1684 et fut enseveli à l’église, dans le caveau réservé aux ecclésiastiques.
L’auditeur Annibal Augier, animé d’une grande bienveillance à l’égard de Puimoisson, son pays d’origine, légua par testament à la commune la somme de 4,800 livres, pour, les intérêts en provenant, être employés à marier les filles pauvres et à donner des métiers aux garçons indigents, avec clause que ses pauvres parents paternels et maternels soient préférés dans l’attribution de cette aumône (1).
1. Le testament, en faveur de son petit-neveu, Melchior Bouche, fils de Gaspard, et dans lequel est compris ce legs charitable, est du 7 octobre 1651, reçu par Maitre Beaufort, notaire à Aix.

Il fonda également une pension annuelle et perpétuelle de 300 livres, qui devaient être employées à acheter du blé à la récolte, pour le distribuer aux pauvres pendant l’hiver. Ces deux pensions furent régulièrement servies jusqu’en 1789, où le capital fut nationalisé et disparut à jamais dans le gouffre révolutionnaire.
En terminant ce chapitre, mentionnons que Puimoisson ne fut jamais remboursé des dépenses occasionnées par les guerres de Semestre, bien qu’il eut en plus à souffrir que d’autres localités et qu’il eut supporté de plus lourds sacrifices. Dans l’assemblée des communes tenue à Manosque en 1651, nos délégués firent bien entendre les réclamations les mieux motivées. Toutes les démarches, toutes les réclamations furent peine perdue. L’assemblée résolut qu il y avait lieu ni d’en faire la demande, ni d’en donner compensation, pour ne se souvenir plus des malheurs passés et pour abolir la mémoire de 1649 !!! (2).
2. Le bon moyen « d’abolir » la mémoire de 1649 n’était-il pas de guérir, dans la mesure du possible et par des indemnités proportionnelles, les maux innombrables que cette année malheureuse avait vu se produire chez nous ? L’autre moyen fut trouvé plus facile et surtout plus économique !

Chapitre X

La confrérie du Saint-Rosaire, récemment établie dans la paroisse, avait pris en peu de temps un développement considérable. Après trente ans d’existence, elle comptait dans ses rangs plus de six cents affiliés, à la tête desquels figuraient toutes les notabilités du pays (1). La nécessité de posséder une chapelle spéciale pour y tenir les réunions de la confrérie s’imposait. Les membres les plus influents de la pieuse association en proposèrent la construction aux consuls et offrirent d’affecter à cet établissement la totalité de leurs ressources, auxquelles viendraient se joindre les oblations spontanées des habitants. La demande fut favorablement accueillie des consuls, qui la transmirent au commandeur, en le priant de se pourvoir, auprès du chapitre de l’Ordre, des autorisations nécessaires. Il fut décidé qu’on percerait la muraille de l’église du côté du couchant, vers le cimetière, sur la largeur de deux arceaux, et qu’on construirait deux chapelles, l’une en l’honneur du Saint-Rosaire, l’autre en l’honneur de saint Joseph.
L’autorisation sollicitée, une fois obtenue et les ressources recueillies, on se mit résolument à l’œuvre. Dès le 14 septembre 1659 ; Jérôme Reynaud, maçon, vint déclarer au conseil que les murailles étaient ouvertes, les arcades formées (2) et qu’il ne restait plus qu’à faire les murailles du côté du cimetière. On mit aux enchères cette construction, conjointement avec celle de l’arc doubleau qui doit séparer les deux chapelles. Dès le 8 février 1660, ces divers travaux étaient achevés et seules les voûtes des deux chapelles restaient à faire. On en mit la construction aux enchères, avec clause « qu’elles seront faites de piastre, soutenu par un croisillon aussi de piastre de la façon que sont faits ceux de l’église, lequel croisillon sera soustenu par un queue (sic) de lampe à chasque coin ; devront blanchir en piastre blanc les chapelles au dedans, etc. »
1. Ce chiffre est attesté par un vieux registre contenant les noms de tous les associés, et faisant partie des archives de la paroisse (1626).
2. Une pierre qui sert de clef de voûte à l’arceau ouvert porte gravées les armes du pays, avec la date de 1659.


186 Reynaud et Antoine Chardousse furent déclarés adjudicataires pour la somme de 170 livres, et le 22 août 1660 tout était terminé. Les maçons Bausset et Fleur insinuèrent bien « que les voûtes n’étaient pas faites selon l’architecture de l’église et nullement conformes aux paches. » Les ouvriers leur prouvèrent que tout allait pour le mieux ; les consuls furent contents ; c’était, en somme, l’essentiel (1). On démolit alors la grande tribune construite au-dessus de la porte et devenue moins nécessaire depuis l’agrandissement de l’église (2) ; on fit placer un banc pour le juge et les trois consuls. Le cimetière fut réduit et reculé vers le couchant en droite ligne de l’angle de la nouvelle construction, et par ce moyen se trouva dégagée en même temps qu’agrandie, la place de devant l’église, où se tenait, chaque dimanche, une sorte de marché.
En sa qualité de décimateur, le commandeur était tenu de contribuer pour un tiers aux dépenses occasionnées par toutes ces réparations. Le conseil se demanda s’il y avait lieu de réclamer cette part contributive ; il fut unanime à décider que, « puisqu’il a eu des bontés pour la communauté, qu’il l’a exemptée des gens de guerre, sans vouloir jamais accepter ni récompense, ni gratification (3), on le tiendra quitte, et on priera M, de Montmeyan, son neveu et procureur, de continuer ses bonnes affections à notre endroit et d’obliger M. André Nicolas, vicaire, de dire une messe matinière pour la plus grande commodité et satisfaction du peuple. »
1. Le total des sommes dépensées s’éleva à 1,800 livres.
2. La boiserie fut donnée aux pénitents, qui l’employèrent à construire une tribune dans leur chapelle.
3. Ce commandeur si dévoué et si désintéressé était Gaspard de Castellane-Montmeyan, qui, cette même année 1660, fit procès d’améliorissement et quitta la commanderie.


187 On le voit, la communauté n’était pas ingrate et savait reconnaître, à l’occasion, les bons procédés de son seigneur.
Ce désintéressement était d’autant plus appréciable qu’elle se relevait avec peine de l’état précaire où l’avaient réduite de récents fléaux, et qu’elle luttait en ce moment même pour prévenir le retour de la gêne où elle s’était débattue pendant quelques années.
Un des moyens qu’elle crut à propos d’employer à cette fin fut le rétablissement des deux foires accordées autrefois par le comte de Provence, fixées au lundi après le 15 août et au 21 septembre « et qui avaient esté discontinuées au moyen des pestes et guerres dont cette pauvre province a esté affligée » On devança la première et on la fixa au 15 août, « auquel jour presque tout le voisinage de ce lieu est assemblé ici à raison de la dévotion quest en ce jour à la chapelle Notre-Dame au terroir de Puimoisson » A ce point de vue, le jour était bien choisi, car la fête patronale du 15 août attirait ici une foule considérable de peuple. La traditionnelle bravade avait lieu, où se consumait une grande quantité de poudre en l’honneur de la Mère de Dieu et aux frais de la communauté (1).
1. Il parait qu’à l’occasion de cette fête on se livrait volontiers ici à des récréations chorégraphiques..., au son d’un grand tambour ! « Ont reçu plainte de plusieurs particuliers du lieu qui se plaignent des danses qui se font avec un grand tambourt aux jours de feste, et qui escandalize tout lo monde.... Le conseil décide que cela ne se doit plus souffrir et donne charge à qui de droit de congédier le grand tambourt et au cas de refus se pourvoiront »
Archives municipales (1659).


D’autre part, afin de permettre aux pauvres de glaner avec quelque profit dans les chaumes, le conseil décida qu’a l’avenir les particuliers du lieu et les forains seraient obligés de faire sortir leurs troupeaux du terroir le jour de Saint-Barnabé (11 juin) et ne pourraient les y ramener que le jour de Saint-Barthélemy (24 août), sous peine de confiscation (27 décembre 1660). Exception est faite pour le boucher communal, qui ne pourra toutefois garder plus de cinq trenteniers et de quarante-cinq menons.
Cette exception en faveur du boucher se comprend aisément. La boucherie était donnée à bail par la communauté, et le droit de dépaissance dans le terroir durant toute l’année était stipulé dans le contrat. Le conseil, d’ailleurs, en lui délivrant la ferme de la boucherie, prenait soin de régler le prix de vente de la façon la plus rigoureuse. Qu’on en juge. Le bail du 27 mars 1661 porte :
Que depuis Pâques jusqu’à Saint-Michel la livre de mouton se vendra 2 sous 4 deniers ; depuis Saint-Michel jusqu’au Carême, 2 sous 3 deniers.
La chair de bœuf devait être vendue 2 sous la livre, au pascour (1) et 1 sou 8 deniers le reste de l’année.
Le menon, 2 sous la livre ; la grosse chair, 6 liards la livre.
La graisse et les chandelles, 4 sous.
Au carême, la livre de mouton subissait une augmentation et se vendait 3 sous.
« La levade, les testes et le ventre, comme les bêtes de chaque espèce, fors le bœuf (2). »

C’est aussi dans le but d’améliorer la situation des agriculteurs que le conseil renouvela l’interdiction d’introduire du vin étranger dans le pays, sous peine de confiscation de la marchandise et des mulets qui la transportaient. Cette mesure eût été excellente et eut facilité la consommation du vin du pays, dont on ne parvenait pas à se débarrasser, si les aubergistes ne se fussent obstinés à l’enfreindre dans le but de contenter, d’augmenter surtout la clientèle et de réaliser ainsi de plus gros bénéfices.
1. Le pascour désignait le temps compris entre le jour de Pâques et le jour de sainte Madeleine.
2. Ce bail fut passé, le 27 mars 1661, à Gaspard Amaudric, de Mezel.


189 La vigilance des consuls dut bientôt s’exercer d’un autre côté, où se commettaient de plus nombreux et de plus graves abus. Les deux fours étant banaux, le rentier seigneurial prélevait le droit de fournage à raison de trente-huit pains l’un, ainsi que nous l’avons dit déjà, et prenait sur ce revenu de quoi payer et nourrir les fourniers et les mandarelles. Or, non seulement le rentier n’avait plus à payer, ni à nourrir les ouvriers, mais, chose énormément abusive, c’était le contraire qui avait lieu, et » les choses en étaient venues à un point que les mandarelles et les fourniers eux-mêmes donnaient de l’argent au rentier, ce qui ne pouvait se faire qu’au moyen de prélèvements abusifs de la pâte sur les habitants » (Délibération du 7 mai 1662.)
On coupa court à cet abus par une surveillance très rigoureuse, et, du coup, on interdit au rentier Robert et à son fils, qui comprenaient d’une si étrange façon le septième précepte du décalogue, d’aller chasser dans les vignes, conformément aux arrêts.
Mais, si la population avait peu de sympathie pour le rentier seigneurial, elle en avait par contre beaucoup pour son commandeur, Balthazard de Demandolx, avec lequel elle entretenait des rapports empreints de la plus grande cordialité. Le commandeur de Pézenas, son frère, a-t-il besoin d’argent ? La communauté en emprunte et lui prête (1).
1. On prêtait plus volontiers aux communautés parce qu’elles étaient regardées comme corps solvable et présentaient bonne caution.

Le commandeur est-il malade ? La communauté s’émeut, prie pour lui et, en apprenant son rétablissement, juge à propos de lui adresser des félicitations qu’elle fait accompagner d’un beau présent de douze paires de perdrix, vingt-quatre chapons, six massapans de prunes, quatre quintaux de fruits, pommes et poires (12 décembre 1662) (1).
Reçoit-il dans son palais la visite des commissaires de l’Ordre ? On lui fait présent d’un veau, de chapons, de poulets, de pigeonneaux, etc. (2).
En un mot, la communauté ne négligeait aucune occasion de témoigner à ce commandeur l’affection qu’elle avait pour lui, et, en entretenant ses bonnes grâces par ces attentions auxquelles on le savait sensible, elle se ménageait son bon vouloir et son influence.

En 1662, un audacieux voleur, ayant pénétré par effraction dans la chapelle de Notre-Dame de Belle-Vue, fit main basse sur tous les objets précieux à sa convenance (3).
1. Les perdrix coûtèrent 1 livre 10 sous lu paire ; les 6 massapans, 4 livres. Ce présent fut porté à Marseille, où le commandeur avait été malade.
2. Le veau coûta 17 livres 5 sous, et la somme dépensée pour ce présent s’éleva à 36 livres 5 sous.
3. Les inventaires de 1648 et de 1656, passés à la chapelle, nous font connaître qu’il y avait : « un soleil d’argent pour mettre le Saint Sacrement en dedans, une image de la Sainte Vierge d’argent tout : un lampier à treize branches, deux petits pots d’étain fin, un encensoir, deux lampes, quatre bassins de louton, trois pierres sacrées, huit suaris en toile de Rouen, huit chasubles, dont une à parements d’or fin, trois pavillons de damasquin fleury, plusieurs estuys (bourses) en bourderie garnis de parements d’or fin, plusieurs courpouraux de belle toile de Paris, beaucoup de voiles en taffetas, avec pointes d’or autour et de toiles en bourderie, onze nappes de toiles de méson, quatre aubes, six purificatoires en toile de Rouen, deux aiguyères de bois doré, douze chandeliers, une image de Notre-Dame en bois doré (existe encore), trois grandes toiles d’une canne de long pour quand on fait la sainte communion, deux coussins avec sa bourderie de soye, deux coffres de boys noyer, etc., etc., un calice d’argent avec sa patenne, un bénitier en pierre de marbre apporté de Fréjus », etc.


Le misérable fut arrêté à Cannes, au moment où il essayait de vendre le fruit de son vol sacrilège. Sur la plainte et les procès-verbaux des consuls, quelques-uns des objets volés furent rendus, et le coupable fut condamné aux galères perpétuelles. Ce fut alors qu’on songea sérieusement à placer une ermite à la chapelle. Ce fut Claude Touche, de Moustiers, qui ouvrit la série des ermites de Notre-Dame, qui se succédèrent jusqu’à la Révolution et au-delà (1).
1. Ces ermites devaient garder la chapelle, servir les messes qui s’y célébraient, sonner la cloche en temps d’orage, etc. La communauté leur fournissait un habit de courdeilhat ou cadis. Le produit des quêtes faites dans le pays suffisait à les faire vivre.

Depuis vingt-neuf ans, les habitants n’avaient plus passé reconnaissance à leur commandeur. Balthazard de Demandolx la demanda, le 26 février 1669. L’accomplissement de cette formalité entraînait une dépense, les habitants devant produire les titres qui établissaient la légitimité de leur possession. La communauté ne refusa point de s’y soumettre ; mais, afin de diminuer la dépense, elle fit prier le commandeur, par l’intermédiaire des consuls et des notables de l’endroit, d’avoir pour agréable que les emphytéotes fussent dispensés de produire leurs titres. Les mandataires ajoutèrent qu’une transaction passée, le 28 février 1558, entre Frère Claude de Glandevès et la communauté, les dispensait de cette exhibition, que dans les reconnaissances passées, en 1560, en 1622, en faveur de Boniface la Molle, en 1647 en faveur de Latis, d’Entrages, les particuliers furent seulement nommés et ne produisirent pas de titres, etc.
Le commandeur refusa de se rendre à ces bonnes raisons.

La communauté, dès lors, délégua Bouteille et Melchior Bouche pour aller consulter sur ce point le plus fameus avocat d’Aix (13 avril) et défendit aux particuliers de passer aucune reconnaissance tant que les délégués ne seraient pas de retour. Sur ces entrefaites, Frère François Laugeiret, commissaire visiteur général, vint à Puimoisson pour faire la visite de la commanderie ; il était accompagné de Balthazard de Demandolx. Les consuls ne s’empressèrent pas moins d’aller lui offrir leurs hommages, lui protestèrent de leur obéissance, le priant de leur être bon seigneur comme ils désiraient être ses bons sujets (8 juin 1669) (1).
1. Ce procès-verbal de visite, déposé aux archives des Bouches-du-Rhône, nous apprend qu’il y avait à l’église, outre le grand autel, celui du Corpus Domini, de Sainte-Anne, de Saint-Blaise et de Saint-Michel ; dans la chapelle nouvellement construite, le Saint-Rosaire, Saint-Joseph et Saint-Eloy, trois cloches au cloclier et une à l’horloge. Que le commandeur a converti le four du château en glacière ayant dix-sept pans de diamètre et autant de fonds ; que dans les caves il y a dix-huit grands tonneaux en bois de chêne, etc., etc.

Cependant les délégués à la consultation rapportèrent du fameux avocat d’Aix une consultation qui donnait plein droit au commandeur, et dès cette même année les habitants passèrent reconnaissance par devant Fleur, notaire, aux frais de la communauté.
Toutefois nous constatons que cette décision, basée sur le droit strict, ne refroidit point les bonnes relations de la communauté avec le commandeur. Ce dernier eut recours à son intermédiaire pour un emprunt de 6,000 livres (1671), qui furent rendues peu à peu en nature. Son frère, le sieur de Pézenas étant mort au service du roi, à Ostende, on fit prier pour le repos de son âme, en même temps qu’on faisait les vœux les plus ardents pour l’heureux retour du commandeur, qui, comme son frère, commandait dans les armées du roi. Le commandeur fut même si touché des sentiments pleins de délicatesse et de dévouement que lui témoigna la population, à son retour, qu’il résolut de ne plus quitter sa commanderie et voulut être enseveli dans l’église paroissiale (2).
2. En 1670, il tint, avec Mlle Françoise de Fauris-Saint-Julien, le baptême de Françoise Britton, fille de Balthazard et de Madeleine Suriau.

En se montrant intraitable sur le sujet des reconnaissances, il n’avait fait qu’obéir à des ordres qu’il devait exécuter. Il sut bien, du reste, effacer dans l’esprit de ses vassaux l’impression pénible qu’aurai pu y produire cette rigueur, soit en se départant de son droit de demi-lods sur les terres de l’hôpital qu’on venait de vendre parce qu’elles ne rendaient plus rien, soit en obtenant de l’évêque de Riez qu’il se désistât de ses prétentions sur ces biens, qui lui revenaient de plein droit en cas d’aliénation, soit enfin en décidant le baron de Bras de permettre aux habitants de prendre du bois dans ses terres, etc., etc.

Cependant Louis XIV venait de révoquer l’édit de Nantes (17 octobre 1685). Cet acte considérable du pouvoir souverain eut quelque écho dans notre pays. Les religionnaires de Puimoisson, qui, au nombre de vingt-cinq, se trouvaient pour ainsi dire noyés au sein d’une population catholique à la foi vive et ardente, saisirent cette occasion de rentrer dans le giron de l’église catholique. Le 1er novembre 1685, ils abjurèrent tous l’hérésie de Calvin, qu’ils avaient professée jusqu’alors et dans laquelle ils avaient été élevés. L’abjuration se fit entre les mains de Frère Jean Nicolas, recteur perpétuel, en présence des prêtres, du juge, des consuls et d’une assemblée nombreuse (1).
1. Voici les noms des calvinistes de Puimoisson qui abjurèrent l’hérésie : Mathieu Pic, marchand, et Honorade Bouche, sa femme, Marc Antoine Sarrazin, écuyer, son gendre, et Honorade Pic, sa femme, Claire, Pierre, Marguerite, Françoise Sarrazin, leurs enfants ; Hodet Maty, bourgeois ; François Maty, rasetier ; Louise Féraud, femme Maty ; Madeleine et Pierre Maty, fils de François ; Pierre Maty, paralitic, fils d’Hodet ; Elisabeth Maty, femme du sieur Orgueilleux, du Luc, Elisabeth Orgueilleux, sa fille ; Joan Maty, bourgeois, Louise Caudier, sa femme, Marguerite Maty, Lucrèce Maty, Louise Maty, André Maty, leurs enfants ; Lucrèce Caudier, fille de Caudier, de Draguignan ; demoiselle Jeanne de Latour, fille de noble Daniel de Latour et d’Elisabeth de Renard, et son frère cadet, Charles de Latour. Ce Charles de Latour était le frère de Marguerite de Latour, qui, le 9 novembre 1676, avait épousé, à Puimoisson, Jean Auguste de Lamanon, de la ville d’Aix.

En 1698, eut lieu le réaffouage-ment général. Puimoisson fut affouagé 41,242 francs cadastraux de douze livres le florin, soit de six livres tournois le franc cadastral et réduit de treize feux à onze feux et demi (1).
1. En 1747, Puimoisson fut réduit à neuf feux, et en 1780 à huit feux trois cinquièmes.

C’est en 1700 que les élections municipales, auparavant fixées au 27 décembre, furent transférées au 1er mai, commencement de l’année maltaise, et que la commune fit l’acquisition de l’office de maire (667 livres), de l’office de lieutenant de maire (131 livres), de l’office de contrôleur d’eau de vie (280 livres) et de l’office de crieur-juré de la communauté (50 livres), tout autant de charges vénales créées par Louis XIV, dans un but purement fiscal.

Le 17 septembre 1700, eut lieu l’assemblée de viguerie à Moustiers, qui était chef-lieu (2). Romany, maire et premier consul, y fut délégué par le conseil, pour y représenter Puimoisson. On y décida que l’assemblée annuelle des communautés de la viguerie aurait lieu le lundi de la Pentecôte, sans avertissement préalable. On y imposa deux livres par feu pour réparation des chemins, et on y donna communication d’une déclaration du roi (25 juillet 1700) qui obligeait les mendiants valides d’aller travailler aux champs, leur défendait de mendier, sous peine d’être fustigés la première fois et de cinq ans de galère en récidive, si le mendiant est âgé de plus de 20 ans. Défense est faite aussi de favoriser leur paresse en leur donnant l’aumône, sous peine de 50 livres d’amende. Cette déclaration fut lue solennellement au prône et mise à exécution (3).
2. La viguerie de Moustiers comprenait : Moustiers, Allemagne, Aiguines, Albiosc, Beauduen, Cranet, Chante-Reine, Montpezat, Montagnac, Puimoisson, Riez, Roumoules, Saint-Jurs, Sainte-Croix, Saint-Martin-de-Brômes, Saint-Martin-le-Rimat, Taillas, Valensole.
3. A la suite de l’ordonnance, se trouve un état des lieux et des chemins que devront suivre les mendiants pour rentrer chez eux.


Des prescriptions de ce genre n’offraient pas grande difficulté d’exécution, et les habitants n’avaient aucune peine à s’y conformer.
Il en fut autrement de l’ordre qui arriva le 11 décembre 1703, portant de faire une recrue. Les jeunes gens du village de l’âge requis furent officiellement convoqués pour venir tirer au sort. La carrière des armes ne leur souriait pas, et nos bons gars éprouvaient une singulière aversion pour le noble métier de soldat. Tous s’excusèrent : L’un dit qu’il était forain ; l’autre, qu’il était fils de bourgeois et qu’il ne partirait qu’à la convocation de l’arrière-ban ; l’autre, qu’étant allivré six écus francs cadastraux et pardessus fils de notaire, ne pouvait partir, devant remplacer son père incessamment ; un autre alléguait qu’il n’avait par l’âge ; un autre, qu’il était receveur des deniers du roi, etc. Bref, il fallut recourir à un brave volontaire, Pierre Béraud, auquel les jeunes gens donnèrent 180 livres, quatre chemises, une paire de souliers et un chapeau, et le voilà parti pour Manosque. Le commissaire de guerre, M. de Valcroissant, le récuse...., parce qu’il a les cheveux rouges !... Ordre d’en envoyer immédiatement un autre. A cette nouvelle, nos jeunes gens se cachent, et à grand peine les consuls parviennent-ils à en trouver quatre qu’on conduit à Manosque, où ils tirèrent au sort. Barthélemy Alezard fut désigné, et sa mère, une veuve, reçut 118 livres d’indemnité.
Peu après, le même ordre arrive ; la même difficulté se présente ; la trompette officielle qui les assignait au tirage au sort leur servait d’avertissement pour disparaître. A l’heure indiquée, aucun jeune homme ne s’étant présenté, les consuls rédigèrent les billets, firent tirer au sort un enfant de sept ans ; François Audibert fut désigné, et, comme il avait pris la fuite avec les camarades, on fit emprisonner son père, sa mère et son oncle, par ordre de l’intendant, qui déclara que, si dans trois jours le déserteur ne s’était pas rendu, il le trouverait, quelque part qu’il fût et l’enverrait aux galères ; le conscrit réfractaire n’attendit pas cette extrémité, et son retour fit relâcher les prisonniers.
Quelque efficace qu’eût été la mesure, on ne pouvait cependant recourir chaque fois à des moyens si rigoureux. D’autre part, l’opération du recrutement, qui relevait de la compétence des consuls, devenait pour ces honorables magistrats non seulement une corvée ennuyeuse, difficile, mais quelquefois dangereuse par la tournure dramatique que les circonstances lui donnaient. Qu’on nous permette une parenthèse sur ce côté curieux et instructif de nos mœurs locales. Le comte de Grignan ayant ordonné une levée, on trouve un volontaire ; le maire, Chardousse Jérôme, le mène à Sisteron ; l’intendant le refuse. Il retourne promptement, pour faire tirer au sort ; les jeunes gens qui avaient eu bruit de la nouvelle s’étaient évadés ; impossible d’en trouver un. On apprend cependant que Gayde Antoine est au château de Rousset. Chardousse et Béraud partent à sa recherche. A leur vue, le déserteur s’enfuit à travers champ ; les consuls se mettent à sa poursuite, le rattrapent et se mettent en devoir de l’emmener. Mais voilà que « Louis Pascalis, fils de la fermière, aurait mis le fusil contre ledit Béraud, lui disant que, s’il ne le laissait, il le tuerait. » Nos intrépides consuls avaient la poigne solide et ne voulaient point lâcher une proie qui leur avait tant coûté. Ils maintiennent donc le pauvre conscrit et se hâtent de l’entraîner vers l’urne fatale. « Ils étaient à demi-lieue de Rousset, lorsque Pascalis revint, accompagné cette fois de douze ou treize hommes masqués et de six valets armés daches, bâtons et fusils, et par violence leur auraient osté et enlevé ledit Gayde et blessèrent Béraud. » A cette nouvelle, l’intendant fit emprisonner tous les parents du réfractaire et ceux des déserteurs.
Tandis que les consuls exécutaient la campagne qui leur réussit si mal, d’autres chercheurs avaient battu les vallons et les bastides à la recherche d’autres conscrits. Après bien de la peine, on put organiser un tirage au sort et Gayde dut partir, non toutefois sans avoir reçu 150 livres de la part des autres jeunes gens, qu’on relâcha après onze jours de détention.

D’autres fois, l’opération du recrutement prenait un caractère plus gai. Au reçu de l’ordre de levée, les jeunes gens, selon la coutume, s’empressaient de prendre la clef des champs. Un matin de décembre, nos bons consuls vont par les villages environnants et sont assez heureux pour saisir Pierre Béraud, Pierre Androny et Maximin Rougon, cachés à Sainte-Croix. On les amène non sans peine et on les emprisonne, avec d’autres fuyards saisis aux environs, dans la cuisine du château (le cachot étant trop froid), donnant ordre au cordonnier Jean Martin de garder les prisonniers. Or, pendant une courte absence de leur geôlier, les détenus brisent la porte, renversent une cloison et parviennent à s’évader. On tira au sort quand même, et, Béraud ayant été désigné, ses parents furent emprisonnés. C’était le 18 décembre. Or, le 27 décembre, Béraud se rendit et se tint à la disposition. Mais voilà que le 17 janvier, veille du départ, Béraud se blesse à la tête et déclare qu’il est incapable de partir. Médecins et chirurgiens se réunissent en consultation autour du conscrit malade et, à l’unanimité, le déclarent bon pour le service. L’intendant de Sisteron ne fut pas de l’avis de la Faculté et refusa de l’enrôler. Il fallut donc revenir et, recommencer le tirage au sort. Ripert Joseph fut désigné ; il était à Barjols. Claude Romany et Gaspard Bausset, consuls, partent donc à sa recherche. Mais quelle n’est pas leur surprise quand les consuls de cette ville leur déclarent que leur conscrit est en prison et qu’il n’en sortira pas. Intimations aux consuls, requêtes sur requêtes, rien n’y fit. L’intendant de Sisteron, cependant, réclamait son homme et le voulait de la qualité requise. On lui fit conduire André Rey, qui fut accepté et mit fin aux alarmes des jeunes gens et aux nombreuse démarches des consuls (1).
1. Les dépenses faites pour trouver un pauvre soldat de recrue s’élevèrent à 168 livres, plus 26 livres données à Jean Martin, pour avoir gardé cinquante-deux jours la jeunesse renfermée.
— Archives municipales, passim et Comptes du trésorier passim.


Cependant, les malins, et il y en a eu de tout temps, ne se gênaient guère de ridiculiser les pauvres consuls, de rire de leur embarras, de plaisanter sur leurs diverses mésaventures ; les malveillants les taxaient d’incapacité administrative, etc. Or, ces magistrats n’entendaient pas devenir la risée de leurs concitoyens à raison de fonctions que leur insubordination avait rendues particulièrement difficiles : ils voulaient être respectés, et, le 1er mai, avant de résigner leurs fonctions, et les nouveaux, avant de les accepter, ils firent entendre des protestations : ils représentèrent « qu’il y a diverses personnes qui se jactent de mal traitter les sieurs consuls vieux et nouveaux à l’occasion du soldat de recrue que la communauté a esté obligée faire les années précédentes ; requièrent le conseil qu’en cas que telles insultes arrivent pour ce subjet de prendre le faict et cause diceux attendu que c’est un faict général. » Le conseil délibéra « que lorsqu’il y aura quelque habitant qui se tirera du respect de la personne des sieurs consuls, yceux en donneront connaissance au conseil pour y délibérer et pourvoir. »

En même temps, s’agitait ici un procès qui alla au Parlement et troubla pendant plusieurs années notre pays ; l’affaire, qui tout d’abord paraissait de minime importance, se compliqua et prit des proportions auxquelles les parties étaient loin de s’attendre. Il s’agissait de la régence du collège devenue vacante. Plusieurs candidats la sollicitaient. Or, en pareil cas, l’usage du pays était de mettre la régence à la dispute, c’est-à-dire d’établir une sorte de joute littéraire, dans laquelle les concurrents faisaient montre de tout leur savoir. Le clergé, les consuls, les plus apparents du lieu formait le jury et décernaient au vainqueur la régence, qui était rétribuée à raison de 100 livres, plus la nourriture. Cette joute solennelle avait lieu dans l’église et devait présenter un certain intérêt.
Quoi qu’il en soit, cette année 1703, le conseil voulut donner la régence à Feraud, secondaire du lieu, présenté par les pères de famille. Or, André Nicolas, fils de Denis-Pantaléon Nicolas, médecin à Riez, briguait le poste et fit si bien qu’il amena le grand vicaire à refuser l’approbation au régent, en même temps qu’il somma le conseil de mettre la régence à la dispute. Elle eut lieu devant le grand vicaire et les juges nommés par lui, mais en dehors de l’église et à l’insu des juges ordinaires que Nicolas écarta comme suspects. Il fut vainqueur, cela va sans dire ; mais, quand il fallut passer le contrat, les consuls refusèrent, disant que la dispute n’avait pas eu lieu à l’église, qu’elle s’était faite à l’insu du conseil et en dehors de sa participation. Ils exigèrent une dispute publique, ainsi que la résignation des fonctions, et donnèrent le soin de l’école à un indifférent. Nicolas ne voulut ni résigner ses fonctions, ni rendre la clef. On le somme ; il en appelle ; on veut installer un autre titulaire à sa place ; il tient bon et adresse requête au Parlement, pour faire enjoindre aux consuls de lui passer le bail sollicité, et assigne en même temps la communauté.

Esparron, autre médecin de Riez, se mêle à la lutte, prend parti pour la communauté ; on devine pour quel motif. Il va à Aix, prend des consultations, intéresse les avocats à la cause des consuls et ne néglige rien pour évincer le fils de son concurrent. Une circonstance parut un moment le favoriser ; une recrue était à faire. C’était une occasion de se débarrasser de l’importun maître d’école. Vain espoir ! Quand on l’assigne pour tirer au sort, il s’en défend et excipe de sa qualité de forain et de régent. Enfin le Parlement rendit un arrêt qui condamnait la communauté aux dépens et au payement d’une indemnité de 47 livres 11 sous 6 deniers à André Nicolas, qui toutefois dut quitter la régence.
L’instituteur évincé s’en retourna à Riez, laissant ici des colères et des désirs de vengeance dont son oncle, messire Jean Nicolas, vicaire perpétuel du pays, ne devait pas tardera subir le contre-coup.
Les consuls, faisant cause commune avec les ennemis personnels du curé, rédigèrent un mémoire pour se plaindre du surexigé que, d’après eux, il prélevait sur les mariages, baptêmes, sépultures et autres fonctions. De plus, afin de donner à leur plainte un caractère spécial de gravité, ils subornèrent vingt-cinq témoins qui devaient déposer contre la conduite et les mœurs du vicaire perpétuel. Or, ce vicaire perpétuel était alors âgé de soixante-cinq ans et, depuis quarante-deux ans, il exerçait son ministère dans la paroisse.
Le chapitre provincial de l’Ordre, tenu à Arles, le 5 mai 1704, ayant été saisi de la plainte par le commandeur de Callissanc, visiteur de l’Ordre, députa le commandeur de Grézan, des comtes de Vintimille-Montpezat, pour se porter à Puimoisson, afin d’informer sur les griefs formulés par la communauté contre le vicaire perpétuel.
Le chevalier de Montpezat arriva donc, muni de pleins pouvoirs, accompagné de Joseph Segond, de Montagnac, notaire de l’Ordre, et voulut commencer une enquête (28 novembre 1704) (1).
1. Le chevalier de Montpezat descendit chez Ardoin, « hoste des Troys Roys », et ne voulut recevoir de la communauté que le remboursement de ses dépenses, qui s’élevèrent, pour trois jours, à la somme de 51 livres 10 sols.

Mais il se produisit alors ce qui se produit souvent en pareille occurrence. Le conseil, qui, obéissant à un sentiment de vengeance, s’était fait inconsidérément l’écho de plaintes non justifiées, essaya de se dérober au dernier moment, et voulut se décharger sur d’autres de la difficile mission d’articuler et de soutenir ses griefs devant le commissaire enquêteur. Personne ne voulait plus avoir à se plaindre ; chacun disait « que ce n’était pas la peine de déranger un commandeur pour si peu, et que ceux auxquels on demandait un surexigé n’avaient qu’à le refuser et à se pourvoir à leurs propres frais, etc., etc. » Mais les plaignants, dont les noms étaient désignés dans le mémoire, ne purent pas se soustraire aussi facilement ; cités à comparaître, sommés d’articuler des faits contre la moralité du vicaire perpétuel, ils soutinrent si mal leur triste personnage qu’ils furent complètement démasqués et durent se retirer couverts de honte et de confusion.
Le chevalier de Montpezat voulut quand même remplir l’objet de sa mission. Il rédigea un règlement en vingt-trois articles (2) et quitta Puimoisson, non toutefois sans avoir exhorté les habitants et les prêtres de la paroisse à vivre en union, paix et concorde, pour le bon exemple et la plus grande gloire de Dieu (1er décembre 1704).
2. Voir ce règlement aux pièces justificatives.

Ces sages recommandations ne furent pas écoutées. Sous prétexte que le nouveau règlement portait atteinte aux droits de la communauté dans l’affectation et la distribution des aumônes, de nouvelles représentations furent adressées au grand-prieur de Saint-Gilles.
Le chapitre délégua le chevalier François de Bausset, pour donner une explication plus précise de l’article visé dans la plainte. Il décida que la destination et la distribution de l’aumône Augier aux pauvres filles à marier et de l’aumône du blé, provenant de la vingt-quatrième, auraient lieu du consentement et en présence du vicaire perpétuel et des officiers de la commanderie. Or, le but de la protestation était précisément d’éluder l’intervention du curé et de ne lui laisser aucun contrôle dans l’application de ces secours. Ils ne furent donc pas satisfaits, surtout lorsqu’ils apprirent que le chevalier de Bausset avait apporté des certificats émanés du visiteur de l’Ordre rendant hommage à la bonne conduite et aux bonnes mœurs de messire Nicolas. Ils rédigèrent un troisième comparant. Mais le chapitre refusa de se prêter plus longtemps à ces misérables vexations, qui dissimulaient mal un malin vouloir avérer contre un homme irréprochable, et répondit qu’on eût à s’en tenir à ce qui avait été réglé par les commissaires enquêteurs.
Malgré cela, les ennemis de Jean Nicolas ne désarmaient pas ; n’ayant pu parvenir à le chasser du pays, ils entreprirent de le perdre dans l’estime publique et organisèrent une odieuse campagne de dénigrement et de diffamation. L’un d’eux, en particulier, plus passionné, encouragé secrètement par les autres, se fit remarquer par la violence de ses attaques. Il mit en usage les armes ordinaires des lâches, propos injurieux et indécents, calomnies, diffamations secrètement répandues ou affichées nuitamment en divers lieux du village. Puis, passant des Injures aux voies de fait et jetant bas le masque, il eut l’impudence de chasser ce vénérable ecclésiastique d’une maison où un malade réclamait les secours de son ministère (26 mai 1705).
L’évêque de Riez, Jacques Desmarets, instruit de ces odieux procédés, enjoignit au curé d’appliquer à ce pauvre égaré les censures canoniques et de le poursuivre conformément aux lois.
Le procureur juridictionnel requit contre lui, et un premier jugement fut rendu « qui déclarait le sieur *** atteint et convaincu du crime d’injures diffamatoires tant verbales que par écrit proférées et affichées en divers lieux publics de Puimoisson, tendant à ternir et à détruire la réputation du sieur Nicolas, le condamnant à déclarer en audience publique que témérairement, malicieusement et calomnieusement il avait proféré et fait écrire ces injures contre le sieur Nicolas, qu’il s’en repent, le tient pour homme d’honneur, lui demande pardon, ainsi qu’au Roy, à la justice, au commandeur, et de plus à payer 25 livres au procureur juridictionnel, 50 livres au sieur Nicolas et les frais de justice taxés à 81 livres 8 sols 6 deniers, avec contrainte par corps, attendu ce dont s’agit, etc. » (10 décembre 1705).
Les quelques hommes haineux qui poussaient le diffamateur dans cette voie lui conseillèrent de déclarer appel de cette sentence. Il le lit. De son côté, Jean Nicolas prit des lettres d’appel à la chancellerie (22 décembre 1705). Mais le coupable jugea prudent de se dérober par la fuite à la sentence qui l’attendait.
La procédure à son encontre n’en suivit pas moins son cours, et, 24 mars 1706, le sieur *** défaillant, fut jugé par contumace et condamné par la Cour d’Aix aux galères perpétuelles. Quatre voix votèrent la mort, et le président déclara que, si le coupable se fût présenté et eut soutenu son dire en présence de la Cour, il courait risque d’être pendu le même jour.
Pendant ce temps, le sieur *** vivait tranquillement à Orange, qui n’était pas encore terre française. Il semble qu’il devait se féliciter d’être hors de portée des mains de la justice. Mais, tant il est vrai que la haine aveugle « Après quinze mois d’exil dans la principauté, on le vit reparaître un jour à Puimoisson, non point repentant et soumis, mais plus furieux que jamais, « menaçant de tuer et de brûler » le vicaire perpétuel et toute sa famille » (30 juin 1707).

Ses complices d’autrefois avaient sagement déposé les armes. Ils lui conseillèrent d’en faire autant et de pourvoir à sa sûreté par une prompte fuite. Il s’y décida, mais un peu tard. Le 14 juillet, tandis que, triste et confus, il reprenait le chemin d’Orange, il fut arrêté à Valensole, traduit aux prisons d’Aix, où il dut attendre pendant cinq mois son jugement, à cause des vacations de la Cour.
A la rentrée du Parlement, la procédure fut reprise ; l’affaire fut jugée avec beaucoup d’éclat et de bruit. L’attitude impertinente de l’accusé fit sur tous la plus fâcheuse impression et lui aliéna les dispositions de ceux qui auraient pu être portés à l’indulgence. L’arrêt fut rendu le 7 décembre 1707 ; nous en extrayons le passage suivant :
« .... Il sera dit que la Cour a mis l’appellation du sieur *** au néant ; faisant droit à celle dudit Nicolas, a mis son appellation et ce dont est appel au néant ; et, par nouveau jugement, a déclaré et déclare ledit *** atteint et convaincu du cas et crime à lui imposé pour réparation duquel l’a condamné et condamne à faire amende honorable un jour d’audience en chemise, tête et pieds nuds, la hart au col, tenant un flambeau ardent entre les mains et à genoux, demander pardon à Dieu, au Roy et à la justice, et ce fait, sera mené et conduit au port et havre de la ville de Marseille pour y servir le Roy sur une de ses galères tirant la rame par force, pendant le temps et terme de dix années, lui a fait et fait inhibitions et défenses d’en évader et de cometre à l’avenir semblables crimes sous peine de la vie, le condamne en outre à 100 livres d’amende moitié au Roy, moitié au procureur juridictionnel de Puimoisson, en 200 livres en faveur dudit 205 Nicolas querellant, à l’amende du fol appel envers le Roy modérée à 12 livres et à tous les frais et dépens de justice faits par ledit Nicolas, même à ceux de l’arrêt de contumace, ordonne que Rigordy, lieutenant de juge de Puimoisson, sera ajourné en personne à la diligence du procureur général du Roy, pour répondre sur ce dont il sera requis et interrogé par le commissaire rapporteur du présent arrest pour ses réponses venes et communiquées au procureur général et rapportées, être ordonné ce qui appartiendra par raison (1) ; et ce fait, que les réponses dudit seront tirées du greffe criminel de la Cour, et la grosse d’icelles de la procédure par Gautier, audiencier, et le tout par lui déchiré ; et en ce qui est de l’appellation dudit *** envers les décrets de contrainte rendus par le juge dudit lieu de Puimoisson, a ordonné et ordonne que les parties poursuivront icelle en jugement à l’audience publique ainsi qu’il appartient. Délibéré le sept décembre mil sept cent sept. Signés : de Valbelle, président de Tourves, le conseiller de Montaud, Gautier, greffier criminel. »
1. Jean Rigordy, lieutenant de juge de Puimoisson, fut décrété d’ajournement porsonnel, pour n’avoir pas mis en état d’arrestation et fait incarcérer le sieur *** lors de ses intorrogats et de ses réponses.

Tel fut le triste épilogue de cette lutte acharnée contre le vicaire perpétuel, lutte qui, engagée sur une question de minime importance, s’envenima par le choc des intérêts rivaux, s’attisa par le désir de la vengeance, donna lieu au déchaînement des passions mesquines, occasionna la perte de *** et tourna finalement à la confusion de ceux qui l’avaient imprudemment ouverte, à l’instigation de quelques malveillants.

Quant au vicaire perpétuel, sorti victorieux de ce conflit, il continua d’exercer à Puimoisson les fonctions de son ministère jusqu’en 1728, année où il mourut, entouré de la vénération publique et âgé de 89 ans (1).
1. Après avoir transcrit dans son registre les péripéties douloureuses de cette lamentable histoire, messire Nicolas ajoute, avec un accent d’amertume bien excusable : « Ceci servira de mémoire à mes successeurs pour être sur leurs gardes avec de tels paroissiens qui luy ont fait la guerre durant trois ans après quarante-cinq ans de service » (Dont dix-sept ans comme secondaire et vingt-huit ans comme vicaire perpétuel.) Et messire Gal, qui avait ou également à souffrir dans cette paroisse, souligne ces réflexions par les paroles suivantes : « La renommée apprendra à mes successeurs qu’en 1773 je ne fus guère mieux traité. « Malgré le respect que nous inspirent ces plaintes, malheureusement trop justifiées, nous croyons qu’il est équitable de restreindre ce qu’elles ont de trop général et de séparer la cause de la population proprement dite de celle de quelques hommes violents et haineux, dont la race, hélas, n’est pas même éteinte encore de nos jours » Il n’est que juste de dire que les habitants de Puimoisson, calmes par tempérament et foncièrement honnêtes par principe, virent toujours de mauvais œil les persécutions gratuitement dirigées contre leurs prêtres et ne firent jamais cause commune avec les détracteurs systématiques des représentants de l’autorité civile et de l’autorité religieuse.

Mais voici que s’ouvre une série d’années calamiteuses. A partir de 1705 jusqu’en 1720, il n’y eût peut-être pas une récolte de rendement moyen. On eut dit vraiment que tous les éléments fussent conjurés pour ruiner nos pauvres pays ; ce que le froid avait épargné était emporté par la grêle, et le reste de la grêle devenait la proie d’un soleil desséchant d’aout ou de quelque orage épouvantable. Et cependant le fisc était là, réclamant les impôts « Quand se réunissait le conseil pour voter les fonds, « il ne votait qu’une imposition qui n’était pas bastante. » Les consuls protestaient ; les receveurs menaçaient : l’intendant donnait des ordres ; mais que faire devant l’impossible ?
La trésorerie n’était plus aux enchères ; on la confiait à celui qui pouvait faire les avances les plus considérables. Ceux-ci, connaissant la situation, ne se faisaient pas scrupule de l’exploiter et, outre l’intérêt de leur argent, exigeaient des honoraires exorbitants. Par ce moyen, les charges augmentaient et les ressources diminuaient.
En 1708, la somme à payer atteignit le chiffre considérable de 25,396 livres, à laquelle vint s’adjoindre une autre somme de 4,000 livres empruntée à divers particuliers pour acheter du blé (1709).
Encore n’en trouvait-on qu’avec beaucoup de peine et le payait-on 36 livres. Cette même année, les consuls constatent avec douleur... « qu’il n’y a plus que quelques charges d’avoine dans le lieu, et qu’il est à craindre que la communauté se trouve en peine d’en trouver assez pour la nécessité des pauvres habitants qui en mangent et cause de la cherté des grains »
Et cette misère ne fut pas un état passager ; en 1712, le conseil se préoccupe de convertir le blé des aumônes en seigle, mêlé avec l’orge et l’épeautre, pour rassasier un plus grand nombre de misérables affamés.
Cette misère persistante devait avoir de funestes résultats. En 1715, la taille votée n’atteignait que la moitié des impositions à payer ; le blé manquait pour ensemencer les terres. Le bon consul Claude Romany partit pour Moustiers, le cœur plein d’angoisses, pour exposer la situation lamentable du pays et tâcher d’obtenir un peu de pitié. Mais le fisc, qui, pas plus que de nos jours, n’était tendre, s’empara du consul, le fit emprisonner et conduire à Aix, jusqu’à ce que les deniers du roi et du pays eussent été soldés.

On devait même aller plus loin. L’année 1718 fut particulièrement désastreuse pour le pays ; les grêles et vents extraordinaires avaient presque anéanti la récolte. Tout ce que put faire le conseil fut de voter une somme de 9,000 livres qui laissait à découvert une dette de 7,540 livres. L’intendant leur enjoint de se réunir de nouveau et de voter la somme suffisante ; on se réunit, mais il resta encore un déficit de 5,160 livres 16 sous 1 denier. Le sieur Monge, receveur de la viguerie, le même qui, quelques années auparavant, avait fait emprisonner le consul Claude Romany, eut recours à un moyen extrême qui atteignait plus directement la collectivité. Il fit gager toute la commune (21 mai). Les grains, foins, amandes, raisins de tout le terroir, toute la récolte pendante, les troupeaux d’avérage au nombre de cinquante-trois trenteniers, tout fut saisi.
On vit alors un spectacle lamentable, désolant. Les consuls de la communauté de Roumoules, députée séquestre, envoyèrent des hommes pour enlever tout ce qu’ils pourraient en bétail, foin, paille, grains, et le diriger sur Roumoules. En vain, nos consuls se portèrent-ils à leur rencontre, suppliants, les larmes aux yeux ; en vain, leur offrirent-ils une déclaration les relevant de leur engageure ; en vain, supplièrent-ils de laisser ici le bétail et s’engagèrent-ils à le présenter quand il le faudrait : tout recours était fermé. L’intendant leur refusa de donner mainlevée. Monge leur écrivait que tout serait impitoyablement vendu. Déjà, le 29 mai, les envoyés de Roumoules étaient ici pour la seconde fois, emportant le foin nouvellement coupé, et, dans leur précipitation, grâce à l’hébètement des cultivateurs saisis, ne prenaient plus le temps de le peser (1).
1. Seul, un homme de caractère, Jacques Milany, « s’est roidy à ne pas le vouloir laisser emporter sans le poser. »
— Archives municipales.


Dans cette extrémité cruelle, on eut recours à Jean Denans, auquel on confia la trésorerie, à la condition qu’il ferait l’avance de 2,500 livres, et on lui promit la somme énorme de 600 livres de gages ; on vendit sur place le peu de foin qui restait, à 18 sols le quintal ; on vendit des troupeaux à n’importe quel prix, et on arriva, avec de grandes pertes et au prix d’énormes sacrifices qui ne furent jamais compensés, à réaliser enfin les 5,150 livres demandées (1718) (1).
1. En cette malheureuse année 1718, de nombreux vols furent commis, occasionnés par la misère ; on eut même à déplorer deux assassinats : celui d’un soldat qu’on tua au vallon d’En-Palus et qu’on laissa nu sur le chemin, recouvert seulement d’une mauvaise chemise, à laquelle on reconnut qu’il était soldat, et celui d’Antoine Boulegon, qu’on assassina dans sa campagne, laquelle fut complètement mise à sac (16 octobre 1718).
— Archives municipales, E, 3.


Nous terminerons ce chapitre en relatant le différend qui eut lieu entre le baron de Fos et le commandeur, au sujet de la juridiction de Bresc, et en faisant connaître la transaction qui établit les droits des deux parties.
Le sieur Gaufridy, baron de Fox-Amphoux, avait fait poser un pilori et un carcan à Saint-Jean-de-Bresc, qu’il considérait comme dépendant de sa baronnie, et avait fait publier, en son nom, défense de chasser. De son côté, le commandeur de Puimoisson, Annibal de Séguiran, avait fait faire les mêmes proclamations devant la porte de l’église, avait fait arracher le pilori du sieur Gaufridy et y avait substitué un pilori aux armes de l’Ordre, car ils prétendaient tous deux avoir le droit de haute, moyenne et basse justice à Saint-Jean-de-Bresc. De là, le conflit.
Les deux parties décidèrent de soumettre leur différend à l’appréciation du bailli du grand-prieuré de Saint-Gilles et à Maitre Simon, avocat.
Après examen des nombreuses pièces relatives aux droits réciproques des parties, les arbitres déclarèrent que, seules, les prétentions du sieur de Gaufridy étaient fondées et que l’Ordre de Malte aurait à acquitter les frais élevés « dans un procès dont l’événement ne pouvait pas lui être favorable. »
Durant le temps pris par les arbitres pour étudier les pièces de l’affaire, la seigneurie de Fox-Amphoux changea de propriétaire, et le sieur du Chaîne, président au Parlement de Provence, succéda à Gaufridy.
Ce dernier transigea avec le commandeur, qui reconnut n’avoir aucun droit de justice au lieu de Saint-Jean-de-Bresc, s’engagea à faire enlever le carcan aux armes de l’Ordre, substitué par lui à la porte du château à celui placé par le sieur de Gaufridy. De son côté, le président du Chaîne, reconnut au commandeur les droits de cense, de dîme, de chasse et de pêche que l’Ordre continua d’y percevoir jusqu’à la Révolution (1).
1. Acte à Aix, le 4 juillet 1718.
— Archives des Bouches-du-Rhône, H, 864.


Chapitre XI

– Peste de 1720.
– Reconnaissance (1724).
– Nouveau cadastre (1730).
– Acquisition du presbytère (1734).
– Démêlés avec le commandeur (1737).
– Création d’une école de filles (1739).
– Construction du clocher (1741).
– Bruits de guerre (1746).
– Suppression du droit de pulvérage (1747).
– Droit de piquet (1751).
– Nouveaux démêlés avec le commandeur (1753).
– Nouveau règlement pour les élections (1759).
– Poste (1773).
– Reconnaissance et tentative de refus d’hommage (1783).
– Chapelles.
– Nomination du bailli de Suffren (1785).
– Aperçu de l’état social, religieux, financier et moral du pays, à la veille de la Révolution.
BNF

Troisième partie – Chapitre I
– Etats de Provence (25 janvier 1789).
– Convocation à la chapelle des pénitents (29 mars 1789).
– Cahier des doléances.
– Attroupements.
– Formation de la troupe nationale (9 août).
– Alarmes et troubles.
– Encadastrement des biens nobles.
– Contribution patriotique de l’Ordre.
– Puimoisson entre dans la confédération de Brignoles.
– Banalité supprimée (26 juin 1790).
– Démolition de la tribune seigneuriale.
– Marchés et foires rétablis.
– Démêlés avec le commandeur (novembre 1790).
– Sectionnement.
– Prestation de serment (2 février 1791).
– Service funèbre pour Mirabeau.
– Levée d’hommes.
– Canton.
BNF

Troisième partie – Chapitre II
– Misère.
– Disette des grains.
– Différend Faudon, au sujet de la vingt-quatrième.
– Formation de la société patriotique populaire.
– Garde du château.
– Recrudescence de la misère.
– Prestation de serment.
– Vente des biens nobles décrétée.
BNF

Troisième partie – CHAPITRE III

PUIMOISSON SOUS LA CONVENTION (21 septembre 1792 — brumaire an IV)
L’article 17 de la loi du 18 août 1792, relative à la suppression des congrégations séculières et des confréries (1), ordonnait aux municipalités de procéder à l’inventaire de tout leur mobilier.
1. La suppression des congrégations, même employées à l’instruction publique et au service des hôpitaux, fut votée dans la séance du 6 avril 1792.

Cette sorte de mainmise des biens d’église était le prélude et comme le premier pas vers la spoliation sacrilège que la loi devait opérer quelques mois plus tard.
Les officiers municipaux de Puimoisson ne se pressaient pas d’obtempérer à cette loi : il ne fallut pas moins que les instances réitérées des administrateurs du district, pour les y résoudre : « Cette opération, leur écrivait-on une dernière fois, sera faite dans les vingt-quatre heures. » Donc, le 15 octobre, Jean-André Dausset, Jacques Mourgues, Jean Antoine Jaubert et Joseph Berard procédèrent à l’inventaire du mobilier de l’église. Le court extrait que nous en donnons, accompagné de la valeur estimative consignée par le curé de l’époque, nous révèle une certaine richesse. On trouve donc :
Un bel ostensoir en vermeil, estimé 700 livres.
Une grande croix en argent massif, qu’on estimait 800 livres.
Une petite croix pour les processions, 30 livres.
Quatre calices, dont un de Notre-Dame et un des pénitents, 340 livres.
Une statue de la Vierge en argent, 500 livres.
Un encensoir avec sa navette en argent, 300 livres.
Un grand ciboire, 200 livres.
Un plus petit pour porter le viatique, 51 livres.
Une boîte destinée ci-devant à cet usage, 24 livres.
Une crémière pour le baptême et l’extrême-onction, 10 livres.

Nous ne mentionnons pas les nombreux objets en laiton qui furent pareillement inventoriés. Bornons-nous à dire que le linge d’église, les bannières, parements d’autel, ornements sacerdotaux sont évalués à 4,450 livres, somme considérable pour l’époque. Nous verrons bientôt tous ces objets sacrés prendre le chemin de la monnaie, alimenter le bûcher révolutionnaire, ou devenir la proie de gens avides et peu délicats.

Pour se conformer au décret de la Convention du 22 septembre 1792, on célébra ce qu’on appelait « la fête civique » Le jour choisi fut le 1er novembre. Tout se borna, pour cette fois, à l’assistance officielle aux vêpres, au chant du Te deum et à une sorte de parade sur la place de la Révolution, « où se trouve l’arbre de la liberté, où on chanta l’hymne des Marseillais, et chacun répondit aux belles maximes qu’il renferme par les démonstrations de la joie la plus vive »
Quelques jours après, se tint l’assemblée primaire du canton, au cours de laquelle furent nommés le juge de paix, les assesseurs de la justice et le greffier.
Claude Romany ayant été nommé officier public délégué pour recevoir les actes de baptême, de mariage et de décès (30 décembre 1792), Jean-François Esparron, maire, se porta au presbytère pour inventorier les actes de catholicité, tenus jusque-là exclusivement par le clergé, et les transférer aux archives communales (3 janvier 1793). Cette translation, faite en vertu d’une loi générale (1), n’avait pas, dans l’esprit de nos municipaux, le sens d’un acte hostile à la religion ; le conseil continuait de nommer les marguilliers du Corpus Domini et de Notre-Dame, suivant les attributions consacrées par un usage immémorial, et leur allouait, ainsi, du reste, qu’au curé, les secours nécessaires pour l’exercice du culte (2).
1. Décret de l’Assemblée législative du 22 juin 1792.
2. Janvier 1793, payé A Charles Cotte, curé, 75 livres, pour les frais du culte de l’année précédente d’après la lettre du comité ecclésiastique ; idem 30 livres aux Marguilliers du Corpus Domini et 23 livres à ceux de Notre-Dame.


Cependant la disette des grains s’accentuait de jour en jour : le méteil atteignait la somme exorbitante de 93 livres la charge ; beaucoup de pauvres gens pâtissaient, et, comme la faim est mauvaise conseillère, on résolut de manifester. Le 8 mars, au soir (1793), tandis que le conseil était à délibérer dans la maison commune, quelques perturbateurs s’attroupèrent et, dans un rassemblement tumultueux, tambour en tête, se portèrent à la mairie, en vociférant et demandant du grain. Cette manifestation jeta l’émoi dans le pays. Le maire Esparron exposa le fait à la société populaire réunie. Il fut décidé qu’on nommerait des commissaires, pour procéder immédiatement à la visite de tous les greniers tant des campagnes que du bourg. Cette enquête permit de constater que le pays n’était pas encore dans une nécessité extrême. Néanmoins, des mesures furent prises pour assurer la subsistance. Une somme de 3,000 livres fut employée à l’acquisition du méteil étranger, pris à Toulon au prix de 67 livres la charge, augmentée de 21 livres pour le transport ; les boulangers reçurent l’ordre de pétrir le pain avec son tout, c’est-à-dire farine et son mélangés ; on surveilla les agissements des mauvais citoyens, qui étaient réputés accapareurs et soupçonnés de spéculer sur la misère publique, et, finalement, on adressa une pétition à la Convention, pour tâcher d’obtenir les vingt-trois charges de grain que leur payait autrefois le commandeur. « Puisque, disent-ils, la commanderie a été nationalisée, c’est à la nation qu’incombe le devoir de nous fournir ces vingt-trois charges de grain. » La nation ne fut pas de cet avis et ne tint aucun compte de la requête des habitants de Puimoisson.

La société populaire, qui s’intitulait « la Société des amis de la liberté et de l’égalité », prenait chaque jour une extension plus grande et une prépondérance plus considérable. Elle voyait les principaux citoyens et le clergé du lieu grossir ses rangs, et les diverses sociétés républicaines du canton solliciter la faveur d’une affiliation. Grâce à la contribution patriotique versée par chacun de ses membres, elle disposait de moyens de propagande efficaces. On y recevait les journaux du temps, le Marat, les Hommes libres, etc., etc. Dans les réunions, qui devenaient plus fréquentes et avaient lieu à la chapelle des pénitents, on lisait à haute voix « les papiers et nouvelles du gouvernement. » Dominique Isoard et Pantaléon Rey, délégués à rassemblée fédérative de Digne (4 mars 1793), leur ayant appris une nouvelle formule de serment, tous se levèrent avec enthousiasme pour le prêter ; il s’agissait de maintenir l’unité et l’indivisibilité de la République, le salut du peuple, ou de mourir. Les mêmes délégués leur annoncèrent que Michel Lepelletier de Saint-Fargeau avait été assassiné, à Paris, pour avoir voté « la mort du Tyran », et que la Convention lui avait décerné les honneurs du Panthéon. Aussitôt et d’un commun accord, ils demandèrent pour lui une messe funèbre, et le 9 avril 1793, à 10 heures du matin. L’on vit tous les membres de la Société populaire se rendre solennellement à l’église, escortés de la garde nationale, « où la messe a été célébrée, avec toute la solennité possible, en honneur de ce martyr de la liberté, pour prouver que quiconque a su mourir pour la liberté doit être assuré d l’immortalité. »
Ce n’est pas sans quelque étonnement qu’on voit le peuple rester fidèle à sa foi et à ses vieilles traditions, au milieu de tous ces bouleversements politiques. Le sentiment religieux était si profondément enraciné dans l’âme de nos populations campagnardes qu’elles associaient spontanément l’élément religieux à tout événement politique et social, quel qu’il fût, et il est assez curieux de voir toute cette grande Société populaire adresser un comparant à la municipalité, pour « obliger les prêtres de la paroisse à faire des prières publiques pour l’extermination des insectes pernicieux (chenilles) qui causent du dégât aux arbres fruitiers » (1).
1. Délibérations de la société populaire, 9 mai 1793. Document précieux en deux cahiers, contenant les délibérations de la société populaire patriotique et les délibérations des sans-culottes, gracieusement mis à notre disposition par M. Maurice Estublier, qui en est le propriétaire.

On n’aura pas de peine à comprendre combien difficile devenait l’administration de notre pays, durant cette époque troublée. Des réclamations, des plaintes, des protestations surgissaient à chaque instant. Il fallait répondre à des exigences sans cesse renaissantes, faire face à des dépenses urgentes, et la caisse municipale était vide « On avait dû faire fabriquer d’urgence cent nouvelles piques, « pour défendre la République contre les tirants coalisés » (avril 1793). Le grain manquant toujours, il avait fallu en acheter à Marseille, à Toulon, ailleurs, à des prix exorbitants. Des hommes ambitieux et jaloux aggravaient encore la tache déjà si lourde des administrateurs par des menées sourdes, des cabales, des critiques injustes. Toutes ces difficultés réunies décidèrent Esparron à se démettre des fonctions peu enviables de maire (22 mai 1793).
Les suffrages se portèrent unanimes sur Gueydan Frédéric, jeune homme ardent, chaud partisan des idées nouvelles, animé du patriotisme le plus sincère. Après quelques jours de gestion, il donna sa démission dans des termes que nous voulons rapporter et qui contrastent singulièrement avec l’apathie et le défaut de patriotisme des jeunes gens du pays, à cette époque : « Je soussigné, maire de ce bourg de Puimoisson, ayant taché jusqu’à ce jour par ma conduite et mon travail de justifier la confiance à moi donnée par mes concitoyens, jaloux d’aller partager aux frontières les dangers et la gloire de tous les jeunes soldats combattants contre les esclaves des tirants coalisés contre cette République qui doit faire le bonheur de tous les Français, et reconnaissant que la place que j’occupe sera plus dignement servie par un citoyen père de famille, avancé dans l’âge, que par un jeune homme de 26 ans, que l’amour de la patrie doit appeler à sa défense, déclare me démettre de la place de maire dès aujourd’hui, pour aller de suite me consacrer entièrement aux frontières à la défense de la patrie et marcher volontairement à l’ennemi. A Puimoisson, le huitième jour de la première décade du deuxième mois de l’an II de la République une et indivisible. F. Gueydan. »

Si le spectacle de cette bravoure et de ce patriotisme est réconfortant, la démission de ce jeune patriote est attristante, parce qu’elle amène au pouvoir l’homme le plus néfaste, le démagogue le plus exalté, le sans-culotte le plus fanatique que la Révolution ait fait éclore dans nos pays. Pierre-Léger Allemand, ancien chirurgien de vaisseau, fils de Pierre-Jean-François et de Marie Anne Perraimond, originaire de Beauduen, avait épousé, à Puimoisson, Anne Eyssautier, fille de Jean, chirurgien, et d’Anne Britton, et était devenu citoyen de ce bourg. Homme remuant et sans conviction arrêtée, ambitieux comme pas un, il ne se trouvait pas à sa place dans ses modestes fonctions de greffier de la juridiction ; quand s’ouvrit l’ère révolutionnaire, il essaya, en faisant de l’opposition, de conquérir le premier rang. Suspendu de ses droits de citoyen actif pendant six mois, à la suite d’un mémoire calomnieux dirigé contre la municipalité (12 décembre 1789), révoqué de ses fonctions de secrétaire municipal par le maire Louis Bœuf (11 avril 1792), il fut enfin nommé maire, grâce à la démission de Gueydan et au refus d’Esparron. Nous allons le, voir, farouche sectaire d’abord, jaloux de renchérir sur l’odieux des mesures prises par la Convention, abjurant pour ainsi dire son baptême pour s’affubler de prénoms empruntés au calendrier républicain, se mettre à la tête du mouvement révolutionnaire et, par son éloquence de tribun exalté, entraîner cette pauvre population, par elle-même assez docile, dans tous les égarements et les excès où peut conduire un zèle outré et irréfléchi ; puis, plus tard, tournant sa bannière, devenu ardent royaliste et catholique très pratiquant, sous la Restauration, poursuivre avec la dernière rigueur et en qualité de maire l’exécution des mesures les plus vexatoires et les plus contraires à la liberté de ses concitoyens.

Les débuts de son administration néfaste furent marqués par la destruction de pièces et titres concernant la commanderie et qu’un maire plus avisé et moins sectaire eut pu, sans beaucoup de peine, sauver de l’incendie.
En effet, Cogordan, notaire à Riez, fut sommé de venir déposer à la mairie de Puimoisson les titres récognitifs des hommages et reconnaissances passés au commandeur par les habitants, en 1783, formant un cahier de sept mains. Ce dépôt était ordonné par l’article 7 du décret de la Convention du 17 juillet 1793. Le fameux Barras, représentant du peuple, était installé alors dans le château d’Ayguines. C’est de là qu’il envoya le citoyen François Martin, pour brûler tous ces documents en présence du conseil, qui n’eut pas même le courage de protester (9 novembre 1793).
Le magnifique palais des commandeurs ne devait pas trouver grâce non plus devant le vandalisme révolutionnaire, et ce grandiose monument, qui, d’après le projet d’une municipalité plus intelligente et plus sensée, devait servir de local à un collège, à un hôpital, à un prétoire, à un presbytère, à un hôtel de ville, fut vendu stupidement à un maçon pour la somme dérisoire de 6O livres et livré à la destruction.
Voici en quels termes ridicules et mensongers le citoyen maire Allemand annonce cette belle prouesse.
C’était le 4 frimaire de l’an II. Devant le conseil réuni, le maire, prenant la parole, dit : « Enfin, la Convention nationale a ordonné la démolition du ci-devant château (1).
1. Cette ordonnance n’avait été rendue que sur les demandes réitérées d’Allemand.

La joie des citoyens de cette commune est à son comble « Ils n’auront plus devant les yeux cette masse énorme digne de son esclavage » Ce monument féodal et aristocratique va disparaître du sol de la liberté. La société populaire, qui y a tenu ses séances pendant quelque temps (1) et qui a pour ainsi dire purifié les miasmes impurs et aristocratiques dont ce monument était impreigné, est obligée de chercher un autre local pour se rassembler. La cy-devant chapelle des cy-devant pénitents blancs avait été choisie pour cet effet. Ce local est, j’ose le dire, le plus propre relativement aux comodités qu’il procure aux sans-culottes républicains, soit par les sièges qu’il y a, soit à ce que cette cy-devant chapelle est spacieuse au point de contenir beaucoup de monde.... » Il propose donc de l’accepter comme local définitif et de la débaptiser.
1. Pendant que la chapelle des pénitents, qui menaçait ruine, était en réparation.

Le conseil général..., « considérant qu’en débaptisant cette chapelle, c’est tout à la fois suivre les intentions de la Convention nationale, en détruisant les signes de la superstition et du fanatisme, a délibéré de l’appeler la salle des Républicains. »
A la suite de cette délibération, un acte fut passé avec Maurel, maître maçon de Mezel, qui, moyennant la somme de soixante livres, acquit ce superbe édifice et se chargea de le démolir dans l’espace de trois mois.
Mais il n’était pas facile d’abattre, en trois mois, un monument flanqué de huit tours, dont quatre avaient 16 mètres de hauteur, des murailles d’une épaisseur de 1 mètre, 50 et d’une hauteur de 12 mètres, occupant une superficie de 524 mètres carrés « Aussi s’empara-t-il des tuiles, bois, fers, pour s’indemniser de la somme versée ; mais le travail de la démolition allait lentement. »
Le 1er messidor, soit six mois après, Allemand, impatient de voir disparaître du sol de la liberté ce réceptacle de miasmes aristocratiques, écrivait aux directeurs du département : « Les adjudicataires de la démolition du ci-devant château ont interrompu depuis longtemps leur opération ; les rues sont en partie encombrées, et les habitants, ayant besoin de pierres, ne trouvent pas dans les adjudicataires des citoyens raisonnables à leur en fournir, moyennant une juste indemnité. Veuillez leur enjoindre de finir au plus tôt leur travail de démolition. » Malgré ces plaintes, le marteau révolutionnaire n’allait pas vite en besogne. D’autre part, comme les habitants ne se gênaient pas pour venir enlever, dans la cour même du château, les plus belles pierres que les démolisseurs déplaçaient avec beaucoup de peine, Maurel imagina d’enlever la barre enfer qui servait à tenir les seaux du puits seigneurial, pour ôter tout prétexte aux gens de s’introduire, et ferma la porte de la cour. Ce fut un nouveau sujet à de nouvelles réclamations. Le 2 vendémiaire, soit dix mois après la vente, le fougueux Allemand écrivait : « ... Les adjudicataires n’ont pas repris leur travail, et les quatre cinquièmes de cette maison aristocratique choquent encore la vue des patriotes et des amis de l’égalité. Le ci-devant cimetière (1) est encombré de pierres, et on ne peut presque plus enterrer les morts »
1. L’expression à la mode de « cy-devant », appliquée mal à propos au cimetière, n’indique pas qu’on n’y fit plus les inhumations. Mais on l’avait aussi débaptisé, et, en style de l’époque, on l’appelait « le lieu du repos éternel. »

Le 25 brumaire, revenant à la charge, il écrivait de nouveau : « ... Ils n’ont pas repris leurs travaux » ... Ils ont même fermé à clé la porte de la cour et privent les habitants d’aller puiser de l’eau, comme ils en avaient la permission même du temps de nos tyranneaux subalternes que nous appelions seigneurs « ... Le peuple a gémi en silence, mais sa patience est à bout ; il est à craindre qu’il n’arrive quelque accident. »
Or, cet accident, lui-même faillit en provoquer l’explosion, en adressant, ce jour-là même, des remontrances peu modérées aux maçons, leur disant que le château était seulement dégradé, alors qu’il devrait être abattu depuis longtemps, leur reprochant d’avoir encombré les rues, d’avoir fermé le puits, etc., etc... Il fut insulté « avec une insolence indigne d’un républicain » ; des propos indécents furent tenus sur son compte et celui de la municipalité, au point que l’Allemand, qui était sans doute plus fort pour faire les injures que pour les supporter, écrivit avec l’adjoint aux administrateurs du département une lettre finissant par ces mots : « .... Si vous ne faites punir ces adjudicataires, nous nous verrons forcés de déposer entre vos mains une autorité qui doit être respectée. » Le directoire du département, fatigué de ces plaintes, enjoignit aux adjudicataires de laisser l’usage de l’eau aux habitants et, pour en finir, invita la municipalité à lui faire connaître le moyen à prendre pour hâter la disparition du château. Allemand se hâta de répondre : « Vous voulez bien nous inviter de vous proposer des moyens rapides pour effectuer au plus tôt la démolition. Eh bien « quel autre moyen plus simple et en même temps plus prompt que celui de donner un plein pouvoir aux habitants de démolir et enlever les matériaux, qui, en les dédommageant de leurs peines, nous délivreront bientôt de ce fantôme du despotisme ; nous pouvons nous flatter qu’il disparaîtra bientôt, si vous adoptez ce parti. »
Le parti fut adopté, et la prévision d’Allemand se justifia. Les habitants, autorisés par l’administration départementale et encouragés par l’administration locale, eurent bientôt fait de chasser les démolisseurs trop lents et de se mettre à leur place. Ce fut à qui pourrait avoir les plus belles pierres. Bien des particuliers, les maçons surtout, en firent des magasins ; on en remplit des caves ; on en bâtit des maisons, des écuries, des granges. On les vendit d’abord un sou, puis on éleva le prix, qui atteignit huit sous. Il n’y eut pas jusqu’aux habitants de Riez qui vinssent en faire des chargements.
Que le lecteur nous permette d’ouvrir ici une parenthèse et de suspendre le récit des événements, pour lui faire connaître en quelques lignes la forme, la disposition et les dimensions de ce monument qui va disparaître à jamais. Nous ne pourrions le faire autrement que par conjectures, si un contemporain qui était né, avait grandi sous son ombre, l’avait visité souvent et avait suivi d’un œil de regret la marche de sa destruction, n’avait eu la pensée d’en faire une description détaillée et de nous la transmettre. Cette description, due à la plume du curé Martin, est datée du 1er septembre 1802 ; elle présente tous les caractères désirables de vérité, si elle ne brille pas toujours par le choix des expressions techniques.

Château des commandeurs de Puimoisson


Domus Hospitalis Puimoisson

Plan Château des commandeurs de Puimoisson


Château de Puimoisson BNF

Le palais du commandeur se dressait au sommet du bourg, sur remplacement devenu aujourd’hui la place publique, tout à côté de l’église, dont le mur de façade à l’ouest était mitoyen, et occupait une superficie de 262 cannes. Il se présentait sous la forme d’un rectangle allongé, flanqué aux quatre angles de quatre tours rondes crénelées, de 16 mètres de hauteur (1), et de quatre autres tours carrées, également crénelées, de 12 mètres de hauteur, dont deux sur la face ouest, une sur la face nord et une au levant, où se trouvait la grande porte d’entrée du château. Ces tours étaient reliées entre elles par des entre-murs crénelés, derrière lesquels circulait le chemin de ronde. Les murs, revêtus à l’extérieur de pierres dures de grand appareil, avaient une épaisseur uniforme de 1 m,50, une hauteur de 12 mètres et présentaient l’aspect que présente aujourd’hui la façade est de l’église paroissiale. « A six pas de la porte, en dedans, on voyait au-dessus une grande voûte en taille, faite en forme d’étui de savonnette, ayant une ouverture au bas environ d’une canne de large. Là était suspendu un gril de bois fort épais qu’on descendait pour servir de barrière, en cas que la porte vint à être forcée ; de cette voûte, on lançait alors quantité de pierres. »
1. Ou en avait détruit une pour faire le clocher, en 1741.

Nous voici à l’intérieur ; ici, toutes les pièces sont voûtées en taille et présentent un aspect sévère et imposant. A gauche, c’est un salon attenant à l’église ; à droite, la grande salle du greffe, au fond de laquelle se trouve la prison, dans une tour.
Le vestibule s’ouvrait dans une cour intérieure de huit cannes de long sur sept de large, avec un puits à gauche, le même qui sert aujourd’hui à l’usage public. Une fois dans la cour, on avait à droite une immense cave qui s’étendait tout le long de l’aile droite du château, « dans laquelle on pouvait loger au-delà de 1,000 coupes de vin, la dîme en rendant 7 à 800 année commune »
On y accédait par un escalier de six degrés. En face, on avait les bas offices, avec un grand escalier à coquille dans le fond (côté droit). A gauche, soit du côté du midi, se trouvaient les greniers et la glacière et un escalier tournant par lequel on accédait au premier étage.
« Là, régnait tout autour de la cour un balcon de six à sept pans de large, tout en pierres de taille soutenues par de grosses pierres fichées dans le mur, ayant au-devant une balustrade en bois et au-dessus une charpente garnie de petits carreaux vernissés. »
Reprenant l’ordre suivi dans la description du rez-de-chaussée, nous trouvons : au-dessus du greffe, une chambre de même dimension, communiquant avec la tour carrée qui commande la porte d’entrée ; au-dessus de la cave, soit à droite, s’étendait une grande salle de sept cannes de long sur trois de large, ayant dans le milieu un office pratiqué dans la tour carrée et aux deux extrémités une chambre communiquant avec les tours rondes des angles : en face, sur les bas offices, étaient trois grandes chambres avec fenêtres grillées de fer, regardant le grand chemin. Les appartements des deux tours carrées correspondant à cet étage servaient de décharge.
Dans l’aile gauche, au-dessus des greniers, se trouvait la cuisine et, au-dessus de la glacière, deux chambres servant d’entrepôt. « Elles étaient toutes carrelées en carreaux cisagones, les planchers lambrissés en bois de cérinthe. »
En continuant de monter l’escalier dans l’angle, on arrivait dans une chapelle nommée « la Madeleine », voûtée en taille de la longueur de six cannes, où l’on disait la messe et faisait la veillée d’armes avant que fût ouverte la tribune donnant dans l’église paroissiale et à laquelle on se rendait par le même escalier.
Le second étage, nous dit le narrateur, n’était qu’un immense galetas. La charpente de l’édifice supportait un couvert à tuiles plates à deux pentes, il avait été creusé un grand fossé du côté du chemin, pour servir de retranchement au temps des guerres civiles et de la peste, et le mur extérieur de la cuisine, faisant face au cimetière, gardait trois boulets de gros calibres destinés à perpétuer le souvenir d’une brèche qu’y avaient fait les canons « du temps des guerres civiles »
Tel était cet édifice, dont la construction, remontant au commencement du XIIIe siècle, avait dû coûter des sommes considérables et que la nation, après s’en être emparée, abandonna pour une minime somme au marteau destructeur. Les éléments en sont dispersés aujourd’hui çà et là.
En terminant sa description, le narrateur émet cette réflexion : « On reconnaît maintenant (1802) la grande faute qu’on a faite en laissant démolir ce château. Il aurait été d’autant plus facile de le conserver qu’on avait le représentant en faveur. Quels avantages n’en aurait-on pas retiré, soit pour des établissements publics, soit pour y loger des particuliers »
Nous ne pouvons que souscrire à la justesse de ces réflexions ; nous ajoutons que la présence de ce monument inoffensif ne gênait en rien le progrès des idées révolutionnaires et ne constituait pas un danger pour la République, pas plus qu’il n’était de nature à favoriser le retour, ni le rétablissement du régime féodal à jamais aboli.

Reprenons maintenant le cours des événements. Nous avons dit plus haut que la société populaire de Puimoisson était affiliée à celle de Digne et recevait d’elle le mot d’ordre et l’inspiration. Elle était plus florissante que jamais et comptait plus de trois cents adhérents lorsqu’elle fut invitée à recruter dans son sein une compagnie de sans-culottes. Fidèles à cette invitation de la société dignoise, les amis de légalité se réunissent en assemblée générale, sous la présidence d’Ardouin et de Jean Jaubert, prêtre, secrétaire, le septième jour de la première décade du second mois de l’an second :
« 1° — Considérant, disent-ils, que les aristocrates et les ennemis de la République s’agitent en tous sens pour empêcher le bon succès de la Convention nationale. »
2° — « Considérant qu’il est du devoir de tous les bons républicains de contribuer à la découverte de leurs abominables complots. »
3° — Considérant qu’un pareil établissement ne peut qu’être utile au bien général de la République : « a unanimement arrêté qu’il serait formé dans ce bourg une compagnie qui sera composée de quarante bons républicains, qu’elle portera le nom de compagnie des sans-culottes (1) et qu’il sera ouvert dans le plus bref délai un registre d’inscription pour travailler à sa plus prompte formation. »
1. Le mot de « sans-culotte » fut d’abord un surnom injurieux adressé par les nobles aux gens du peuple et inventé par un journaliste à la solde de la liste civile, le petit (Gauthier, auteur ou éditeur du Journal de la Cour et de la Ville. Il devint ensuite la qualification honorable que se donnèrent les soi-disant amis de la patrie et fut consacré par l’institution des sans-culottides désignant les cinq jours complémentaires de l’année républicaine.

Le registre fut ouvert, mais les adhérents n’affluaient pas, et quinze jours s’étaient écoulés que la liste ne comptait encore que quatorze sans-culottes « On se réunit donc à nouveau ; des orateurs improvisés chauffèrent le patriotisme, exagérant le danger, forgeant des craintes chimériques. » Des pancartes furent rédigées et apposées dans la salle, portant des inscriptions diverses, celles-ci par exemple : Beauvais est mort pour la liberté « Barras et Fréron respirent pour la liberté » etc. (1).
1. .... A arrêté qu’il serait fait un tableau sur lequel serait écrit ce mot : « O frère Isouard, membre de la société de Marseille, notre fondateur et notre protecteur », et que ledit tableau serait suspendu au-dessus du président ; plus, « que dans l’intérieur de la salle serait fait un petit drapeau tricolore qu’il flotterait au bureau de la salle », etc.
— Délibérations des Sans-Culottes.


Malgré tous ces moyens mis en œuvre, le registre restait à peu près blanc. Le comité de surveillance intervint, et, par l’organe du citoyen Isoard, fit connaître qu’il avait choisi et nommé d’office quarante bons républicains pour former la société des sans-culottes.
Restait à nommer les officiers ; on y procède séance tenante. Chacun est invité à rédiger son bulletin ; Antoine Matty rédige ceux des illettrés, et le scrutin donne le résultat suivant :
Dominique Isoard est nommé capitaine ; Antoine Bausset, lieutenant ; Antoine Tardieu, sous-lieutenant ; André Coulomb, sergent-major ; Mayeul Amiel, premier sergent ; Jean Aymes, deuxième sergent ; Pierre Michel, Jean-Louis Garcin, Mayeul Durand, Antoine Aymes, caporaux.
Le lendemain, la société de Digne ayant convoqué en assemblée générale toutes les sociétés du district, à l’effet de prendre les mesures que les circonstances exigeraient pour ôter aux malintentionnés les moyens d’entraver la marche de notre sainte Révolution, l’assemblée délégua le sans-culotte Antoine Tardieu, avec pouvoir de concourir, au nom des sans-culottes de Puimoisson, à toutes les mesures sages et utiles qui seront inspirées par la suprême loi du salut du peuple.
Mais la grande affaire qui, à ce moment, préoccupait au plus haut point la généralité des habitants, était l’acquisition et le partage des biens de la commanderie.
Par délibération du conseil général, réuni aux citoyens actifs (1) de la commune, le 23 octobre 1792, Jean-Baptiste Arnaud, juge au tribunal du district de Digne, avait reçu pouvoir et charge de faire acquisition des biens nationaux appartenant ci-devant à l’Ordre de Malte et situés dans la commune de Puimoisson, suivant la manière déterminée par la disposition des décrets et instructions de l’Assemblée nationale des 14 et 31 mai et 25, 26 et 29 juin. Ces biens une fois acquis à la commune, et l’acompte déterminé par les décrets une fois versé à la caisse de l’Extraordinaire ou à celle du district proposé, il ne s’agissait plus que d’en effectuer la distribution entre les particuliers. Mais, ici, une difficulté se présentait. La plupart de ces domaines étaient inabordables aux bourses ordinaires, vu leur contenance considérable.
1. Voici les conditions exigées pour être citoyen actif :
1° — être né ou devenu Français
2° — Avoir vingt-cinq ans accomplis
3° — être domicilié dans le pays depuis le temps déterminé par la loi
4° — Payer une contribution directe au moins égale à trois journées de travail
5° — N’être pas dans un état de domesticité
6° — être inscrit au rôle des gardes nationales
7° — Avoir prêté le serment civique, (Constituante, section II, art, 2.)


Le 18 frimaire an II, Allemand conseilla d’adresser une pétition au district, pour obtenir que le domaine de la commanderie fût vendu par morceaux, « afin, disait-il, que les citoyens peu fortunés, les véritables sans-culottes, puissent se présenter aux enchères... Au lieu que la vente en gros ne pourrait être faite qu’en faveur de riches qui sont, pour la plupart, les ennemis de notre sainte révolution. » Ce conseil fut suivi ; la réponse ne se fit pas attendre, et elle fut en tout point favorable. Aux deux experts. Isoard et Honoré Bérard, nommés pour estimer les biens nationaux, se joignit le citoyen Antelmy, géomètre, de Moustiers, et la division des terres s’opéra comme il suit :
Le jardin fut divisé en seize portions.
La vigne de Raymond-Nègre, ne contenant que vingt-huit fosserées, ne fut pas jugée susceptible de division.
Le pré et la terre du Pré-de-Cour fut divisée en lots de cinq cents cannes.
La condamine de Saint-Roch (quarante-quatre journaux) fut divisée en vingt portions.
Celle de Saint-Sébastien, en dix-sept portions
Le pré de Guillaume, en deux portions
La plus basse condamine (cent douze journaux), en quarante portions de deux journaux
Et les trente-deux journaux restant furent divisés en huit portions de quatre journaux.
Quant aux autres terres, elles furent adjugées en un seul lot.
Les deux moulins furent achetés, aux enchères du 22 nivôse an II, par Pierre Bœuf, ménager, pour le prix de 29,200 livres.
Pendant qu’on procédait au partage et à la vente des domaines de la commanderie, arriva la nouvelle de la victoire que l’armée de la République venait de remporter sur « les rebelles de l’infâme Toulon et sur les esclaves que la rage impuissante des tirants avait vomis sur cette partie du territoire français. »
La lettre qui annonçait cette nouvelle avait été adressée aux sans-culottes de Puimoisson par Frédéric Gueydan, jeune volontaire, qui combattait sous les drapeaux de la République. C’était le 1er nivôse de l’an second. « La lecture qui en a été faite, dit la délibération des sans-culottes, a été plusieurs fois interrompue par les applaudissements, les témoignages de satisfaction et les cris d’allégresse de l’assemblée. La lecture achevée, presque tous les membres de l’assemblée ont demandé en même temps la parole, mais aucun n’a pu faire entendre sa voix, parce que la salle a retenti pendant plus de demi-heure des cris de : Vive la République « Vive la Convention » Vive la Montagne « Mort aux tirants » Aux traîtres, aux rebelles « Tous les membres de l’assemblée, debout, levaient leur chapeaux lorsqu’un sans-culotte s’est lancé au milieu de la salle en dansant la carmagnole. Au premier pas qu’il a fait, l’assemblée entière s’est ébranlée, une farandole a été faite dans l’enceinte de la salle, des chants patriotiques et l’hymne des Marseillais a été entonné de tous côtés et ces mouvements, dirigés par la vive émotion que l’heureuse nouvelle à fait éprouver à toutes les âmes, ont été terminés par des embrassements fraternels. »
Le comité de surveillance proposa à l’assemblée de se porter auprès de la municipalité, pour lui demander de faire annoncer une réunion solennelle des citoyens de tout sexe et de tout âge et de célébrer cet heureux événement par des réjouissances publiques.
Le maire Allemand invita donc toutes les autorités et tous les citoyens à se trouver, le 2 nivôse an II, à quatre heures du soir, sur la place de la Fraternité, « pour témoigner par des chants patriotiques toute l’allégresse que nous ressentons en apprenant l’heureuse nouvelle de la reddition de l’infâme commune de Toulon, que ses lâches habitants, par un forfait des plus inouïs et une atrocité réfléchie depuis longtemps dans le cabinet de l’infâme Pitt, qu’à juste titre nos législateurs ont déclaré par un décret qu’il était l’ennemi du genre humain, etc. »
Au jour indiqué, la réunion eut lieu sur la place. On alluma un feu de joie, on chanta la Marseillaise, on dansa la carmagnole et, « après un discours pathétique, citoyens et citoyennes firent, malgré la pluie, une farandole où les cris de Vive la République « A bas les tyrans » n’étaient point épargnés. » Il fut décidé, en outre, que les citoyens Charles Arnaud et Jean-François Esparron se rendraient à Toulon, auprès des représentants du peuple et du brave général Dugommier, pour les féliciter et leur protester que tous les républicains de Puimoisson étaient prêts à tout abandonner pour se joindre à leurs frères d’armes et faire éprouver aux ennemis de la liberté la pesanteur des bras des véritables sans-culottes (1).
1. Délibération, municipale et délibération de la compagnie des sans-culottes. Cette belle protestation était loin d’être l’expression de la vérité, car, peu de jours avant la reddition de Toulon, Ardouin, président des sans-culottes, ayant invité les membres de la société populaire à se faire inscrire à la légion montagnarde, « pour combattre les satellites du roi Georges réfugiés dans l’infâme Toulon », personne ne se fit inscrire. Il est possible que, une fois le danger passé, le courage soit revenu » En tout cas, l’offre arrivait un peu tard.

Liste des Commandeurs de Puimoisson

Cette nomenclature ayant été dressée d’après les registres de délibérations du Chapitre provincial de Saint-Gilles, les procès-verbaux de visites, les actes de reconnaissance, chartes et papiers de diverse nature présentant de nombreuses solutions de continuité, il n’a pas été possible de donner toutes les dates de succession des commandeurs. A défaut d’indications plus précises, les dates que nous donnons sont celles des documents renfermant les mentions les plus anciennes et les plus récentes du nom de chaque titulaire.

Guillaume de Beaudinard
Commandeur probable, assista, comme représentant de l’Ordre, à la confirmation que fit Pierre Géraud, évêque de Riez, des donations précédemment faites aux Hospitaliers de Puimoisson par l’évêque Augier, XIII des kalendes de février 1155 (1).

Albert de Grimaldi
De la famille des princes de Mourgues, fut le troisième commandeur de Puimoisson (1168) (2).
Armes : Fuselé d’argent et de gueules.

Sanche de Lombers
Reçut dans l’Ordre Cordel, seigneur de Brunet, qui fit donation du domaine de Telle (décembre 1194) (3).

Guillaume de la Clue
Portant le titre de Magister, reçut simultanément avec Bermond Artaud, portant celui de Preceptor, la donation de la terre de Mauroue faite par Spade et Guillaume Augier (avril 1198) (4).

Isnard de Saint-Vincent
Reçut dans l’Ordre Cordel de Brunet, fils d’autre Cordel déjà reçu, qui confirme la donation faite par son père et y ajoute le Défens des Gilberts (1230) (5).
Armes : De gueules fretté d’argent, (alias) d’azur à un sautoir accompagné de quatre molettes, le tout d’or.

Guillaume Verre
(1231-1239) agrandit considérablement les domaines de la commanderie, au moyen de donations et d’acquisitions successives.
Blacas, d’Aups, et Laure, sa femme, lui donnent leurs domaines situés à Puimoisson (1231) (6) ; Cordel lui donne le Défens de la Séouve (1232) (7)
Guillaume, de Moustiers, ses censes et terres à Puimoisson (1232) (8)
Assiste au Chapitre tenu à Saint-Gilles en 1233 (9)
Il échange avec Artaud, abbé de Saou, l’église de la Répara, que l’Ordre possédait, pour l’église de Saint Apollinaire, tenue jusqu’alors par les Augustins de l’abbaye de Saou (8 des kalendes de juillet 1233) (10)
Franc de Moustiers lui donne un affar situé au quartier de Saint Apollinaire (1239) (11).
Armes : De gueules à trois voiles enflées d’argent.

Guillaume de Beorzet
Parait dans un instrument daté du 8 des kalendes d’avril 1239.

Raymond de Ventabren
Commandeur probable (1240).

Guillaume de Cabris
Qui figure comme simple chevalier dans l’acte de donation fait, en 1232, par Guillaume de Moustiers à Guillaume Verre (12), fut commandeur en 1242-1243.
Armes : De gueules à une chèvre saillante d’argent, surmontée d’une fleur de lis d’or.

Jacques de Portalès
Assista, en qualité de commandeur de Puimoisson, au Chapitre tenu à Saint-Gilles, le 15 juillet 1240 (13).

Feraud de Barras
(1246-1264)
S’engagea à payer la quarte épiscopale à l’évêque de Riez, lui désempara dis séterées de condamine à Mauroue (9 des kalendes de septembre 1240) (14)
Devint grand prieur de Saint-Gilles, tout en gardant la commanderie.
Achète d’Isnard de Moustiers pour la somme de 14,000 sous tournois et de 50 livres provençales, tout ce que ce seigneur possédait à Puimoisson sous la directe de l’Ordre (18 des kalendes de septembre 1260) (15).
Se fit confirmer dans la possession du mère et mixte impère à Puimoisson, par Charles d’Anvers (vendredi après Sainte-Madeleine 1262) (16).
Armes : Fascé d’or et d’azur de six pièces, (alias) d’or à trois fasces d’azur ou d’azur à trois fasces d’or.

Foulque de Thoabd
Achète, au profit de la commanderie, une terre appartenant à Barthélemy Salvage, au quartier de Saint-Apollinaire (1264) (17).

Geoffroy de Reillanne
Apparaît dans un acte de 1271.
Armes : D’azur à un soc de charrue d’argent posé en pal, (nouveau) le soc posé en bande.

Guillaume Matheron
Fit, avec Bérard de Grasse, recteur de Moustiers, la délimitation des dimeries de Moustiers et de Saint-Apollinaire (1270) (18).
Armes : D’azur à une voile en poupe d’argent attachée à une antenne posée en fasce d’or, liée de gueules et accompagnée en pointe d’un rocher d’or sur une mer de pourpre.

Guillaume de Barras
Assiste, en qualité de commandeur de Puimoisson, au Chapitre tenu à Trinquetaille, le 18 juillet 1283, et à celui tenu en 1234 (19).

Raymond de Grasse
Conclut un arrangement avec le prévôt de l’église de Riez, pour désigner sur quelles terres le prévôt et le commandeur doivent prélever la dime séparément ou de moitié (14 des kalendes de février 1286) (20).
C’est sous lui que le grand maître de l’Ordre, Jean de Villiers, vint à Puimoisson et y donna la charte de confirmation des libertés et privilèges de la ville de Manosque (12 des kalenrles de septembre 1286 (21).
Armes : D’azur à un lion de sable, couronné, lampassé et armé de gueules.

R. d’Aooult
Donna investiture à Pierre Castel d’une terre achetée par lui, loco ad nostram dominam, acte par Guillaume Jacob, notaire de Puimoisson (1292) (22).

Isnard de Flayosc
(1292-1301) se fit maintenir dans la faculté de pâturage et lignerage dans le terroir de Brunet, faculté que le seigneur de ce lieu lui contestait (1292) (33)
Conclut un accord avec Réforciat de Castellane, seigneur de Salernes, au sujet de la haute juridiction et droit de ban aux lieux de Fos et Saint-Jean-de-Bresc (22 septembre 1297) (24)
Fut nommé commandeur de Manosque (octobre 1298) : protesta contre les empiètements de juridiction de la cour de Moustiers (1800) (25).
Armes : De gueules fretté d’argent.

Guillaume d’Amphoux
Vice-commandeur depuis la translation d’Isnard de Flayosc à Manosque, eut à se défendre contre les empiètements de juridiction du juge de Moustiers (1301) (26).

Bertrand Bonas
Parait dans un acte de 1308.

Elion de Villeneuve
Une des grandes figures qui honorent le moyen âge, né en 1270, fut nommé commandeur de Puimoisson par lettres de Foulque de Villaret, le 3 des nones de novembre 1314
Devint lieutenant du grand maître, prieur du prieuré de Provence (27).
Fut élu grand maître de l’Ordre, à Avignon, à la recommandation de Jean XXII, en 1319.
Accorda à Puimoisson une foire de trois jours (huit jours avant la Pentecôte) et un marché tous les mardis (28).
Prit une part glorieuse à la bataille de Cassel (1328).
Rentra à Rhodes en 1332.
Prit Smyrne aux Turcs (1344).
Battit sur mer le roi du Maroc.
Mourut en 1346.
Sa sévérité le fit surnommer Manlius Il était frère de sainte Roseline et parent de saint Elzéar et de sainte Delphine.
Armes: De gueules fretté de six lances d’or, accompagnées de petits écussons semés dans les claires-voies de même, et sur le tout un écusson d’azur chargé d’une fleur de lis d’or.

François de Puyagut
Passa avec les habitants une importante transaction réglementant la perception du droit de fournage (19 avril 1327) (29)
Fut pourvu de la commanderie de Manosque par bulle du 27 septembre 1330 (30).
Mourut en 1345.

Bertrand de Saint-Maxime
Figure dans un acte de 1333.
Le 18 août 1338, reçut la première visite priorale dont les archives des Bouches-du-Rhône fassent mention.
Les commissaires délégués à cet effet par Guillaume de Reillanne, grand prieur de Saint-Gilles, furent Pierre Furon et Isnard de Villemus-Claret, commandeurs (31).

Raymond du Mas
Donna investiture à Pierre Giraud de diverses terres acquises par lui (17 mars 1361) (32).

Boniface de Blacas
Assista, en qualité de commandeur de Puimoisson, au Chapitre tenu à Avignon en 1366 (33)
Armes : D’argent, à la comète à seize rais de gueules.

Guillaume de Laureïs
Paraît en 1379. Il donna à la communauté la permission de nommer un ou plusieurs défenseurs pour agir en justice (10 novembre 1380)
Fit publier les lettres de permission sur tout le territoire mouvant de sa directe (22 juin 1381) (34)
Reçut d’Hugues Terpol une maison et un moulin à paroir sis à Riez (3 janvier 1381) (35)
Armes : D’argent à trois bandes, celle du milieu de sinople, les deux autres de gueules.

Réforgiat d’Agoult
Commandeur d’Aix et de Puimoisson, fils de Raymond, seigneur de Sault, vicomte de Reillanne et grand sénéchal de Provence, et d’Eléonore des Baux, des seigneurs de Meyrargues, capitaine pour le roi Louis II, auquel il prêta hommage pour ses deux commanderies, le 26 mars 1385 et le 21 juillet 1386 (36).
Il fit fortifier Puimoisson et construire des redoutes à Moustiers, pour se prémunir contre les invasions de Raymond de Turenne.
Assista aux Etats de Provence.
Fut délégué auprès du Pape, avec Francisquet d’Arcussia, pour lui représenter l’état de la province et faire agréer la taxe imposée.
Sollicita le Pape Benoît XIII de lui conférer le grand prieuré de Saint-Gilles (mars 1402)
Fit son désappropriement, par lequel il déclare qu’il a vingt-quatre plats d’argent et deux mille setiers de blé à Puimoisson, etc., etc.
Choisit sa sépulture dans l’église de Saint-Jean d’Aix.
Nomma pour exécuteurs testamentaires Thomas de Puppio, archevêque d’Aix, Guillaume Fabry, évêque de Riez, Guillaume Guirand et Raymond Filleul, syndics d’Aix (6 avril 1402) (37).
Armes : D’or au loup ravissant d’azur, lampassé, armé et vilainé de gueules.

Réforciat de Pontevès
Donna occasion aux habitants de se plaindre de l’élévation des droits de mortalage, qui furent réglés par Pierre de Gaubert, commissaire délégué par le Chapitre (7 août 1407) (38).
Armes : De gueules à un pont à deux arches d’or.

Louis Raynaud
(1415-1427)
Fit défendre l’exportation du bois, charbon, chaux (1415) (39)
Se départit de cette défense en faveur des habitants de Puimoisson (1410) (40), qui néanmoins adressèrent plainte au Chapitre pour accuser le commandeur de négliger le service divin, l’aumône, l’entretien des fours et moulins, etc.
Deux commissaires, délégués par le Chapitre, vinrent sur les lieux et régiementèrent les obligations du commandeur (1410) (41)
Assista au Chapitre tenu à Montpellier (1422) (42)
Obtint du juge des secondes appellations de Provence la restitution de trente-cinq juments à lui saisies par Pierre de Blacas d’Aups, et la confirmation du droit de pâturage dans cette seigneurie (28 avril 1425) (43).

Jean de Claret
Paraît dans un acte de 1429.

Jacques de la Paulte
Alias de Panta, receveur général de l’Ordre en la province de Provence, reçoit procuration de Jean Romey, grand précepteur de Rhodes, pour régir en son nom les préceptoreries de Gap et d’Embrun (10 janvier 1448) (44)
Assista, en qualité de commandeur de Puimoisson, à l’assemblée générale tenue à Montpellier en 1448 (45)
Fut chargé de l’administration de la comrnanderie de Manosque, rendue vacante par le décès de Pierre d’Utès (1451) (46)
Figure encore dans un acte de 1454. A partir de cette époque, il y a, à Puimoisson, un vice-commandeur, bien que Jacques de la Paulte ne soit pas mort et assiste à rassemblée tenue à Manosque, le 27 février 1401 (47).

Jean du Pont
Reçut d’Antoine Pralier et à titre de vice-commandeur la donation de tous ses biens, sis aux terroirs de Courbons et de Thoard (18 décembre 1455) (48).
Armes : De gueules à un pont de deux arches d’argent sur une rivière de meme.

Jean de Castellane
(1460-1471) fut pourvu de Manosque en 1467 (49) et conserva quand même la comrnanderie de Puimoisson.
Armes : De gueules à un château ouvert, crénelé et sommé de trois tours d’or, maçonné de sable.

Seilhon ou Cellion de Demandolx
(1474-1480) (50) paraît dans les comptes de Jean de Vaulx, trésorier du roi René, comme ayant payé une amende de 150 florins au roi, dont il avait fait emprisonner un officier nommé Sicolle, qui exécutait les ordonnances de Sa Majesté (1477) (51).
Arnaud Paul lui désempara un moulin à paroir qu’il avait fait bâtir au Pas d’Allès.
Il fut nommé bailli de Manosque par le Conseil de l’Ordre, en opposition contre Philippe de Maneyrolles, nommé par le Pape.
Intenta un procès à son compétiteur.
Fut élu grand prieur de Saint-Gilles (1480) (52).
Armes : D’or à trois fasces de sable au chef de gueules, chargé d’une main apaumée d’argent.

Jean Vengius
(1480-1481) figure en qualité de commandeur de Puimesson (Puimoisson) dans le catalogue des Chevaliers du prieuré de Saint-Gilles, qui, en 1480, se trouvèrent à la défense de Rhodes, sous le grand maître d’Aubusson (53).

Elion de Demandolx
(1481-1401) afferma les droits et dépendances de la commanderie à Honoré de Brinione, le 16 novembre 1481.
Le porta, vis-à-vis des syndics et des habitants qui construisaient un four communal, à des violences qui amenèrent la saisie de son temporel et la perte de sa juridiction (1488)
Le sénéchal lui donna permission de nommer les notaires lieutenants de juge, pour exercer la justice à sa place.
Il obtint main-levée de la saisie (20 février 1489) et restitution de la juridiction de la part d’Aymar de Poitiers, sénéchal de Provence (16 février 1490) (54)
Passa avec la communauté une transaction importante au sujet de la banalité des fours et moulins, du droit de cabestrage, du droit d’arrosage, etc. (3 octobre 1491) (55)

Tristan de la Borme
Paraît dans un acte de 1491.

Michel d’Aroussia
(1502) Transige arec noble Antoine de Piozin au sujet de la dîme due par lui pour ses terres de Saint-Apollinaire (4 novembre 1505) (56)
Vend à Louis Comte deux cents setiers de sel, mesure de Puimoisson, pour 83 florins.
Armes : D’or à la fasce d’azur, accompagnée de trois arcs à tirer des flèches de gueules, cordées de même et posées en pal, deux et un.

François de Blacas Se fit autoriser par le Parlement de Provence (siégeant à Brignoles à ce moment) à faire incarcérer dans les prisons de Puimoisson les délinquants pris au territoire de Labaud, membre de la commanderie (17 septembre 1506) (57), et obtint, du même Parlement, un arrêt le maintenant dans l’exercice des droits seigneuriaux sur le territoire de Saint-étienne de la Brègue, que le seigneur de Puimichel lui contestait (29 août 1508 (58).

Pierre de Grasse
Fut condamné, par sentence du Parlement, à contribuer aux réparations de l’église et du clocher (21 avril 1512) (59).

Jacques de Montlaur
Dit de Maubec (1513 1541), fils de François-Louis de Maubec de Montlaur, seigneur et baron de Maubec et d’Anne de la Fayette, fille du maréchal de France de ce nom, obtint des lettres patentes de François 1er portant confirmation des privilèges précédemment concédés à la commanderie par les comtes de Provence (juin 1522) (60)
Transigea avec le prévôt de Riez, au sujet de la dime que ce dernier prélevait d’une façon abusive (14 janvier 1529) (61)
Prêta hommage le 18 avril 1536
Fit dénombrement le 15 mai 1540 (62).
Armes : D’or à deux léopards d’azur, posés l’un sur l’autre.

Jean de Boniface
Présenta requête au lieutenant du siège de Digne, pour être déchargé de la saisie de la terre de Puimoisson.
Cette terre, n’ayant jamais appartenu à la couronne de France, ne pouvait y faire retour (1541) (63)
Obtint la démolition d’un moulin construit par François d’Agoult (64)
Mourut à Manosque, où il était bailli (1545).

Jean-Claude de Glandeyès
(1548-1570), Accorda à la communauté de Bras la permission de construire un four et un moulin (1550) (65)
Eut avec la communauté de longs démêlés, qui se terminèrent par une transaction concernant l’obligation de donner le dénombrement individuel, de recevoir l’investiture, payer les lods et trézains : il se démit de son droit de cabestrage (février 1558) (66).
Armes : Fascé d’or et de gueules de six pièces.

Antoine de Flotte
Dit de la Roche, (1570-1584)
Eut de longs démêlés et un procès, par-devant le sénéchal de Digne et le Parlement de Provence, avec le prieur de Moustiers, Guillaume Abeille, au sujet des dîmes prélevées à Saint-Apollinaire (1573). Une sentence interlocutoire, puis définitive, confirmée par un arrêt en 1583, donna gain de cause au commandeur.
Armes : Losange d’or et de gueules au chef d’or.

François d’Astorg de Segreville
Prieur d’Angleterre, paraît en qualité de commandeur dans un instrument de 1592.
Armes : D’azur à un aigle d’argent.

François d’Astros Lunéville
Sénéchal de Malte, bailli de l’Aigle, dressa un état des biens de la commanderie (3 novembre 1597) (67)
Eut quelques démêlés avec la communauté, au sujet de l’aumône.
Armes : D’azur à trois étoiles d’or.

Charles de Grasse-Briançon
Bailli de Manosque depuis 1585, fut nommé commandeur de Puimoisson, le 8 novembre 1598, et mourut à Manosque, le 21 août 1603.

Joachim de Montaigut-Fromigières
Ses lettres de provision sont du 20 juillet 1609.
Fut installé dans la commanderie le 15 août de la même année.
S’était fait dispenser de la résidence et demeurait à Paris, maison du Lion Noir, paroisse Saint-Eustache (68).
Armes : De gueules à la tour d’argent, donjonnée d’une autre tour girouettée de même.

Horace de Castellane
Fut nommé le 2 mai 1612, installé le 9 septembre 1613, par Joseph d’Amalric d’Esclangon.
Dut mourir bientôt après (69).

Hercule de Vintimille du Revest
(1613-1616), Nommé bailli de Manosque en 1616.
Mourut en 1618.
Armes : De gueules au chef d’or, écartelé cle Lascaris, qui est de gueules à un aigle à deux têtes d’or.

François de Boniface la Mole
(1616-1631), Les consuls font saisir tous les grains lui appartenant, parce que les fermiers refusaient l’aumône de la vingt-quatrième.
Il obtint main-levée le 10 mai 1619 (70)
Mais un arrêt du Parlement lui enjoignit la continuation de l’aumône annuelle de cent quarante setiers de seigle (17 juin 1619 (71)
Il se fit passer reconnaissance par tous les habitants (1619-1620)
Fit procès d’améliorissement en 1622 (72)
Autorisa les protestants de Puimoisson à acquérir un cimetière à Saint-Roch (1623) (73).
Armes : De gueules à trois fasces d’argent.

Léon de Grasse du Bar
Capitaine de galère, fut nommé le 1er novembre 1630, et l’occupa jusqu’en 1637.
Armes : D’or à un lion de sable, couronné, lampassé et armé de gueules.

Pierre de Merles Beauchans
Nommé par bulle du grapd maître du 11 août 1637.
Prit possession, par procuration d’édouard de Berre, qui visita en son nom les dépendances, dressa les inventaires, etc. (74).
Armes : D’azur à la bande d’argent, chargée de trois merles de sable, membres et becqués d’or.

Henri de Latil-Entraigues
(1647-1055), était bailli de Manosque depuis 1644.
Se fit passer reconnaissance par les habitants, en 1647, entre les mains du sieur cadet d’Entraigues, qu’il avait nommé son procureur.
Etait procureur du commandeur du prieuré de Saint Gilles, au Chapitre du 11 mai 1631, présidé par Antoine de Paule, grand maître de l’Ordre : mourut en 1655.
Armes : D’azur à six losanges d’or, posés trois, deux, un.

Gaspard de Gasteleane-Moxtmeyan
(1656-1660) nomma pour son procureur M. de Montmeyan, son neveu
Obtint du Chapitre de l’Ordre la permission d’agrandir l’église et fit procès d’améliorissement en 1660.

Balthazau de Demandolx
(1661-1683), neveu du bailli de Demandolx et frère du commandeur de Pézenas, qui, sur le crédit de son frère, emprunta 6,000 livres à la communauté (1661)
Tomba gravement malade à Marseille et reçut, à l’occasion de son rétablissement, des félicitations et de beaux présents de la communauté (1662).
En 1669, le 8 juin, il reçut la visite des commissaires de l’Ordre, présidés par François Laugeiret, religieux de Malte et visiteur général.
Fit passer reconnaissance, en 1670, le 14 décembre, aux frais des emphythéotes : reçut la visite priorale faite par Frédéric de Biron Collongue et Jean Dou, accompagnés de Jean Raybaud, secrétaire, qui descendirent, non pas au château, mais à l’auberge des « Trois Rois »
Avant d’être nommé officier de galère, il résidait à Puimoisson, et depuis il vint toujours passer dans sa commanderie le temps libre que lui laissaient ses fonctions.
Il mourut à Marseille, le 25 février 1683, et fut enterré dans l’église de Puimoisson, « pour y avoir choisy sa sépulture » (1er mars) (75).

Pierre de Blacas-Carros
(1684-1091) reçut la visite priorale faite par Frère Joseph de Leydet Callissane et Frère François Rebuffat, prêtre conventuel, visiteurs généraux, qui logèrent « aux Trois Rois » (28 août 1686), et fit procès d’améliorissement en 1689 (76).
Fut élu bailli de Manosque en 1691
Mourut en 1695.

Richard de Sade-Mazan
(1696-1704), colonel d’une des galères du Pape, colonel des chevau-légers du Comtat-Venaissin, eut successivement les commanderies de Montfrin, Jalès, Puimoisson.
Fut fait bailli de l’Aigle.
Se fit passer reconnaissance le 15 juin 1696.
Reçut la visite priorale faite par le chevalier Jean de Guérin Castelet et Frère Jacques Grossi, prêtre, religieux conventuel, commissaires généraux (2 octobre 1696)
Fut pourvu, plus tard, du grand prieuré de Saint-Gilles (16 octobre 1710).
Armes : De gueules à une étoile à huit rais d’or, chargée d’un aigle impérial à deux têtes de sable, couronnées et becquées de gueules.

Annibal de Séguiran
(1712-1718), chef d’escadre des galères du roi, résidait à Marseille.
Fit procès d’amélioris-sement en 1717 (77) : transigea avec le sieur Gaufridy, baron de Fos-Amphoux, puis avec le sieur du Chaîne, président au Parlement de Provence, au sujet de la haute juridiction au lieu de Saint-Jean de Bresc.
Le commandeur fit enlever le carcan à ses armes et à celles de l’Ordre, placé à la porte du château, et le président lui reconnut les droits de poche, cense, dîme, etc. (4 juillet 1718) (78)
Fut nommé lieutenant du grand prieur.
Armes : D’azur à un cerf élancé d’or.

Pierre-Julien de Villeneuve-Beauregard
(1718-1725) se fit passer reconnaissance le 16 février 1624, et fit procès d’améliorissement la même année (79).

Joseph-Antoine de Margalet
(1726-1729). Les délégués de la communauté vont le complimenter à Aix (5 avril 1726).
Armes : D’azur à trois croissants montants rangés en pal, l’un sur l’autre d’argent.

Léon de Grasse du Bar
(1730), officier de galère, reçut une députation de la communauté chargée de le féliciter (1er novembre 1730).
Fit procès d’améliorissement.
Eut des démêlés avec la communauté, au sujet de l’aumône, prétendant que lui seul avait le droit d’en faire la destination.
Adressa une assignation au curé, pour lui faire prendre l’habit (1736) (80)
Fut nommé à Manosque.
Non investi; eut la commanderie de Valence.

Antoine d’Albertas Dauphin Saint-Maime
(1741-1747) assigna pareillement le curé pour prendre l’habit (1743), et, par lettre du 9 février 1747, donna 50 livres aux pauvres (81).
Armes : De gueules au loup ravissant d’or.

Jean-Pierre de Thomas de Châteauneuf
(1747-1758), chef d’escadre des armées navales de Sa Majesté, entra en jouissance le 1er mai 1748 (82)
Se fit passer reconnaissance le 15 septembre 1750.
Ajourna la communauté par-devant la Cour, pour le payement d’un demi-lods de la maison curiale (1753)
Se fit dispenser de la résidence dans la commanderie, comme faisaient, d’ailleurs, presque tous nos titulaires.
Afferma la commanderie pour 8,388 livres, le 28 décembre 1754.
Fit procès d’améliorissement en 1755 (83)
Eut des démêlés avec le bureau de l’hôpital Saint-Jacques, au sujet du droit de novennium, et transigea le 30 avril 1758 (84)
Armes : écartelé de gueules et d’azur à une croix d’or fleuronnée et au pied fiché, brochant sur le tout.

Paul-Augustin de Rolland de Réauville
(1758-1766), résidait à Arles.
Arrenta la commanderie pour la somme de 9,040 livres, le 23 juillet 1758.
Idem, pour la même somme, le 19 août 1762, à Darbès et Pin, négociants, de Riez.
Arrenta le droit de chasse du fief de l’Hospitalet, pour quatre paires de perdrix jeunes, à porter à Aix.
Fit procéder à la vérification des bornes et limites de la commanderie (1762) (85)
Armes : D’azur à un cor de chasse d’or lié, virolé et enguiché de gueules à trois pals retraits de même, mouvant du chef.

Jean-François de Fogasse la Bâtie
(1768-1772), résidait à Avignon.
Arrenta la commanderie pour 9,540 livres, le 28 mai 1768.
Fit faire des chaperons nouveaux aux consuls.
Arrenta, à nouveau, terres et droits pour 10,340 livres (1er juin 1771).
Armes : De gueules au chef d’or, chargé de trois roses de gueules.

Antoine-Horace de Blacas d’Aups
Eut pour procureur général son frère, le chevalier de Blacas d’Aups, qui donna investiture, en son nom, de la terre de Valensolette, acquise par Toussaint Arnaud, de Joseph, d’Aups (8 mai 1776) (86).
Il ne dut pas occuper longtemps, car, dès l’anné 1777, la commanderie tombe en vacant et est mise en rente par le bailli de Gaillard, procureur général de l’Ordre, pour la somme de 11,250 livres.

Claude-Sylvestre de Timbrune-Valence
Lieutenant général des armées du roi, commandeur de Villedieu, tenant en remorque la commanderie de Puimoisson (1778-1784)
Afferma la commanderie à Paul Robin, bourgeois de Roumoules, pour la somme de 11,680 livres.
Se fit passer reconnaissance le 10 août 1779.
En exigea une nouvelle le 19 septembre 1783 (Cogordan, notaire)
Mourut en 1784.
Armes : D’azur à la bande d’or, accosté de deux fleurs de lis, du même.

Le chevalier de Foresta
Procureur général de l’Ordre, gère la commanderie pendant le mortuaire et le vacant.

Pierre-André de Suffren Saint-Tropez
Bailli, grand croix de l’Ordre, ambassadeur extraordinaire de la Religion à la Cour de Versailles, chevalier des ordres du roi, grand-amiral de France, etc., fut nommé commandeur de Puimoisson (1785-1788).
La communauté délégua une députation auprès de son frère, évêque de Sisteron, pour le féliciter.
Pierre de Suffren mourut à Versailles, le 8 décembre 1788.
Armes : D’azur à un sautoir d’argent, accompagné de quatre têtes de léopards d’or.

Louis d’Yze de Rozans
(1789-1792), procureur général de l’Ordre de Malte, commandeur de la commanderie de Gap et, en cette qualité, seigneur haut justicier de Notre-Dame de la Freissinouse (87)
Fut nommé commandeur de Puimoisson à la mort du bailli de Suffren.
Il institua Faudon, négociant, d’Avignon, son procureur général.
Continua au Frère Pierre, capucin, la confiance que lui avait donnée le chevalier de Valence et se disposait avenir habiter sa commanderie, en compagnie de Mlle de Miribel, sa nièce, quand la Révolution le força de s’expatrier. Il erra longtemps dans le Piémont, la Suisse, l’Italie, en proie à la misère, et vint se retirer à Avignon.

Ce fut le dernier anneau de cette longue et noble chaîne de commandeurs, qui, depuis 1150, se succédèrent dans notre pays.
Armes : D’argent au lion de gueules à la bande d’azur, chargé en chef d’une fleur de lis d’or, brochant sur le tout (88).
Sources : Maurel, Joseph-Marie. Histoire de la commune de Puimoisson et de la commanderie des chevaliers de Malte, langue de Provence (1120-1792), avec la chronologie de ses commandeurs et de ses magistrats municipaux. Paris 1897 BNF

Notes Commandeurs
1. Archives de Saint-Jean d’Arles, manuscrit Chaix.
2. Bouche, Histoire de Provence.
3. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 861.
4. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 853.
5. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 861.
6. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 825.
7. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 861.
8. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 825.
9. Guichard, Ordre de Malte, p. 28.
10. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 850.
11. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 852.
12. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 825.
13. J. Reybaud, Histoire des Grands Prieurs et du Prieuré de Saint-Gilles. — Manuscrit de la Bibliothèque Méjanes, Aix.
14. Archives des Bouches-du-Rhône, 832.
15. Archives des Bouches-du-Rhône, 827.
16. Bibliothèque de Carpentras, manuscrit Peiresc, XLVIII.
17. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 851.
18. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 850.
19. J. Revbaud, locution cité.
20. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 832.
21. La présence de Jean de Villiers à Puimoisson, en 1286, va à l’encontre des données de Louis de la Roque et de l’Abbé Vertot, qui lui font commencer son magistère en 12S9.
— Vide : Catalogue des Chevaliers de Malte ; Liste chronologique des Grands Maîtres, page 284.
— C’est par pure inadvertance qu’à la page 91 de ce volume nous avons mis « Jean de Villaret » C’est bien « Jean de Villiers » qu’il faut lire.
22. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 844.
23. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 856.
24. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 864.
25. Archives des Bouches-du-Rhône, 837.
26. Archives des Bouches-du-Rhône, 838.
27. Le prieuré de Provence fut créé en 1317. Puimoisson relevait de la métropole d’Aix. (Raybaud)
28. Bulle du 11 mars 1321. (Inventaire Combes.)
— Archiv. des B.-du-Rh.
29. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 318.
30. J. Raybaud, locution cité.
31. Archives des Bouches-du-Rhône, registre non inventorié.
32. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 866.
33. J. Raybaud, locution cité.
34. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 841.
35. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 854.
36. Journal de Jean Lefèvre, évêque de Chartres, chancelier de Louis II.
37. J. Raybaud. Manuscrit de la bibliothèque Méjanes, Aix, tome I, folio 329, et tome II, folio 242.
— Voyer : Les Rues d’Aix, par Roux-Alphéran, tome I, folio 318, note ; Bouche, tome II.
— L’acte de désappropricment était un écrit par lequel un chevalier renonçait à la propriété de son bien. Quoique les dispositions à cause de mort leur fussent prohibées, ils pouvaient disposer, entre vifs, de leur pécule et des revenus de leur commanderie. On connaît le vieux dicton ; Vivunt ut liber, moriuntur ut servi.
38. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 842.
39. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 828.
40. J. Raybaud, loc. vit.
41. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 384
42. Guichard, Ordre de Malte à Puimoisson, page 28.
43. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 856.
44. Bibliothèque d’Avignon, mss. 2,149.
— Recueil de pièces originales, folio 9. (Note communiquée par M. de Berluc-Perussis)
45. J. Raybaud, locution cité.
46. Archives de Manosque, A, a, 29.
47. J. Raybaud, locution cité.
48. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 862.
49. J. Raybaud, locution cité.
50. Les documents que nous possédons, allant de 1474 à 1491, indiquent tantôt Sélion, tantôt Cellion, tantôt Elion de Demandolx. Avons-nous eu deux titulaires du nom de Demandolx se succédant à Puimoisson, l’un portant le prénom de Sellion ou Coilhon, l’autre, celui d’Elion ? La chose nous paraît probable, bien que La Roque (Catalogue des Chevaliers de Malte) ne mentionne, au XVe siècle, qu’un Sélion de Demandolx, car, après que Cellion eut été nommé grand prieur de Saint-Gilles, en 1480, nous voyons un Demandolx à Puimoisson jusqu’en 1491. Il ne nous parait guère possible d’identifier les deux titulaires homonymes (sic).
51. Archives des Bouches-du-Rhône, B, 216.
52. J. Raybaud, locution cité.
53. Abbé Vertot, Histoire des Chevaliers de Malte, édition de M.DCC.XXVI, tome II, folio 617. Preuves.
— Voyer Vide et La Roque, Catalogue des Chevaliers de Malte, folio 250.
54. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 843.
55. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 848.
56. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 850.
57. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 861.
58. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 865.
59. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 833.
60. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 829.
61. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 833.
62. Archives des Bouches-du-Rhône, B, 3308.
63. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 829.
64. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 848.
65. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 858.
66. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 847.
67. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 830.
68. étude de Me Cassarin, Riez. Minutes Audibert, V, 1608-1609, folio 552.
69. étude de Maitre Cassarin, Riez. Minutes Audibert, V, 1612-1613, folio 751 verso et sequentes.
70. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 831.
71. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 835.
72. J. Raybaud, locution cité.
73. Archives municipales, passim.
74. Archives des Bouches-du-Rhône, H, 831.
— En 1647, 4 février, un chevalier de Malte, Magdalon de Ferrier, tient un baptême, à Puimoisson, avec Jeanne de Forbin, dame de Gémenos, Mais ce chevalier ne fut pas commandeur de Puimoisson.
— Archivives municipales, E. 1.
75. C’est à tort que R. de Brianson (Etat de la Provence, I, 572) fait mourir Balthazar de Demandolx, « Dailli de Manosque, en 1675 » Voici la transcription textuelle de l’acte de décès et d’inhumation de ce commandeur :
« L’an susdit (1683) et le vingt-cinq février, est décédé, à Marseille, Monsieur Frère Balthazard de Demandols, commandeur de Pymoysson et capitaine pour le roy sur une de ses galères, et, le premier mars de la mesme année, a esté ensevely dans l’église de sa commanderie dudit Pymoysson, pour y avoir choisi sa sépulture. Furent présents : Me Gaspard Bonardy, juge dudit lieu, et Balthazard Chardousse, maître chirurgien, Louis Isoard, maître arpenteur, et Jean Boulegon, chapelier, consuls modernes de la susdite communauté, témoins qui ont signe avec moy, recteur.
— Bonardy, Chardousse, Isouard, Boullegon, F. Nicolas, recteur. »
— Archives municipales, E, 2, folio 571.
76. Archives des Bouches-du-Rhône, Visites priorales, et J. Raybaud.
77. J. Raybaud, locution cité.
78. Archives des Bouches-du-Rhône, papiers non inventories.
79. J. Raybaud, locution cité.
80. J. Raybaud, locution cité.
81. Archivives municipales, Page 1.
82. Archives municipales, P, 1, folio 139.
83. J. Raybaud, locution cité.
84. Archives municipales, P 1, folio 139-140-141.
85. Archives municipales (Délibération, 1762)
86. Minutes Rabbe, notaire, Riez.
87. Archives des Hautes-Alpes, B, 266, folios 57-58. 88. Les nombreux blasons des commandeurs de Puimoisson, ainsi que ceux de quelques consuls, notaires, frères d’obédience, et celui qui figure au frontispice de cet ouvrage, nous ont été communiqués par le très obligeant M. Saint-Marcel Eysséric, de Sisteron, inspecteur de la société française d’Archéologie pour le département des Basses-Alpes, dont la science héraldique, les connaissances archéologiques, la riche bibliothèque et par-dessus tout, l’exquise amabilité sont une ressources infiniment précieuse pour tous ceux qui s’occupant de travaux historique, ont recours à son obligeance et à ses lumières ; elles ne leur font jamais défaut. Qu’il veuille bien nous permettre de lui exprimer ici notre vive gratitude.

Sources : Maurel, Joseph-Marie. Histoire de la commune de Puimoisson et de la commanderie des chevaliers de Malte, langue de Provence (1120-1792), avec la chronologie de ses commandeurs et de ses magistrats municipaux. Paris 1897 BNF

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