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Caignac commanderie, par Camboulives Roger

Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Nailloux - 31

Domus Hospitalis Caignac
Domus Hospitalis Caignac

Le village de Caignac, qui était une « sauveté », c’est-à-dire un lieu où les habitants avaient été affranchis de certaines obligations féodales, fut donné, au début du XIIe siècle, aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem pour y installer une de leurs Commanderies, par Gilabert de Laurac (1), sa femme Nave, et ses fils Gilabert II, Sicard, Gausbert, et Hugues (2). Lors de la signature de la Charte de fondation, les Hospitaliers sont représentés par : Raymond de La Bruguière (qui sera le 1er Commandeur de Caignac, de 1136 à 1140), et Ysarn de Puysubran.

La Charte précise que les habitants de Caignac resteront exempts des redevances en nature, et de la corvée (obligation que les Hospitaliers ne respecteront pas toujours), et que les Chevaliers de Saint-Jean, leurs nouveaux maîtres, devront assurer la défense du village. Les seigneurs voisins, ayant des droits sur Caignac, les abandonnent également au profit des Hospitaliers.

La donation est confirmée, à la fin du XIIe siècle (1171), par Sicard II de Laurac (fils de Gilabert), ses frères : Gilabert II, Gausbert, et Hugues, et ses fils : Sicard II, Guillaume-Pierre, Gilabert III, et Hugues II. Il est précisé, dans cette nouvelle Charte, que la « salvetat » doit être conservée intacte à Caignac par les Hospitaliers (3), que ces derniers sont autorisés, par l’ancien seigneur, à bâtir un château, et qu’ils jouissent de la plénitude des droits seigneuriaux (cens, oblies, fournage, forge, dépaissance, et justice), et que les seigneurs de Laurac assureront leur protection au besoin (4).

Notons que l’exercice du droit de justice par le Commandeur de Caignac sera souvent contrarié par la prétention à l’exercer également du Bailli d’Avignonet, représentant du Roi en la région. D’où de nombreux conflits qui iront jusqu’à l’abandon de cet important droit par les Commandeurs aux Baillis pendant 58 ans (1475 à 1533).
Mais deux jugements successifs en la faveur des Hospitaliers (des Trésoriers de France, en 1532, et du Parlement de Paris, en 1533) leur permettront finalement de l’exercer à nouveau.
Signalons aussi que Caignac avait ses Consuls, administrant le village, concurremment avec le Commandeur, probablement dès le XIIe siècle (5).

La Charte de 1171 présente une curieuse particularité dans la formule de datation : « Anno ab incarnatione Christi MCLXXI, regnante rege Lodovico apud Francos » (en l’année de l’incarnation du Christ 1171, régnant le roi Louis (Louis VII) chez les Francs).
Cette notation, chez les Francs, et non roi de France, vient attester qu’à l’époque les Occitans ne reconnaissaient le Roi que comme chef véritable des pays d’oïl, et n’acceptaient de lui qu’une autorité purement nominale. La chose vaut d’être mise en lumière (6).

Des donations nombreuses et importantes sont faites à la Commanderie de Caignac jusqu’au XVIe siècle, et les Hospitaliers se trouvent rapidement à la tête d’un vaste territoire, où leur chef jouit de tout ou partie des pouvoirs spirituels et temporels, possède des biens, et perçoit des redevances, dans le Lauragais : à Gardouch, Nailloux, Montgeard, Lagarde, Gourvieille, Saint-Michel-de-Lanès, Marquein ; dans les vallées de l’Ariège et de l’Hers Vif, son affluent : à Cintegabelle, Saverdun, Pamiers ; et jusque dans le lointain Couserans : à Saint-Girons, Audinac, Seix !

Eglise de Caignac
L’église Saint-Etienne de Caignac, donnée avec le village, aux Hospitaliers, au début du XIIe siècle était un édifice roman, duquel subsistent sans doute, dans la construction actuelle, les parties basses des murs avec leurs petites fenêtres en plein cintre, et peut-être tout ou partie du clocher-mur.

L’église a été reconstruite au début du XVIe siècle par le Commandeur Géraud de Massas (7), dont les armes se trouvent, accompagnées de la date probable de la construction: 1534, sur la face sud du clocher (armes martelées sous la Révolution)

Les parties hautes des murs et les voûtes ogivales ont été élevées alors. La nef, d’un style très pur et sobre, est noble et belle. Les piliers reçoivent doubleaux et ogives par des chapiteaux uniques, en « bandeaux » de pierre sculptés, ornés de têtes d’hommes et de femmes, d’anges, de sirènes, d’animaux, notamment un singe tenu en laisse, près du portail.

La croix de Malte (8) orne la clef de la dernière travée, en avant du chœur, et également l’autel de marbre rouge du XVIIIe siècle (incrustation de marbre clair, martelée sous la Révolution, mais toujours parfaitement visible) (9).

La chaire est remarquable et constitue, sans doute, d’une pièce unique en nos régions. Faite de pierre « stuquée » (10), sa « cuve » est hexagonale, constituée de panneaux ornés de sculptures délicates traitées en très bas-relief, qui ne sont pas sans rappeler le travail sur ivoire, motifs géométriques et floraux. Le panneau complémentaire de l’escalier est le plus beau. Il porte au-dessous d’une banderole l’inscription: « Fide, Caritas, Spe » (Foi, Charité, Espérance), les trois symboles de ces vertus essentielles du christianisme : la croix (avec de petites pensées en fleurs poussant à son pied), un Cœur enflammé (une guirlande de fleurs en écharpe), et l’Ancre de l’Espoir.

Une niche est creusée dans le mur pour la place du prêtre, et un banc de pierre y joue le rôle des « miséricordes » des stalles.
Au-dessus, la retombée d’un doubleau et de deux ogives est reçue par un puissant culot de pierre, qui se creuse en coupe à sa base, et, bien que de faible saillie, fait office d’ « abat-voix », utilisation curieuse, habile, et très efficace (nous l’avons utilisé pour parler) de l’architecture d’ensemble à des fins fonctionnelles de détail.

Cet intéressant culot s’orne de deux têtes superposées, en bas : tête humaine avec des rameaux fleuris sur le visage, et une chevelure finissant en feuillages ; en haut : figure de félin aux moustaches s’achevant en volutes (11). Le cul-de-lampe portant la chaire est d’une très élégante renaissance.

La première chapelle nord (face à l’entrée) renferme deux curieux meubles à étagères (à la façon des « dressoirs » pour la vaisselle), sans doute du XVIIIe siècle, placés sur les côtés est et ouest, se faisant face, et abritant de nombreux reliquaires dorés, mobilier que nous n’avons jamais rencontré en nos régions.

Château de Caignac
Le premier château édifié par les Commandeurs de Caignac, dès leur installation (sans doute fin XIIe siècle), n’était qu’une vaste maison servant de logis au Commandeur, à ses frères, aux « donats » (12), et à leur personnel de service et d’exploitation des terres, probablement sans la moindre valeur militaire, mais entouré d’une enceinte le protégeant. Il devait être assez vulnérable puisque nous voyons, le Bailli d’Avignonet en forcer aisément les portes pour se saisir d’un malfaiteur détenu dans les prisons des Hospitaliers (vers 1280).

Cet incident fut, à n’en point douter, la cause d’une première transformation des défenses du château, fin XIIIe siècle. On en refit l’enceinte, plus solide et plus vaste, englobant la Commanderie et le village, avec un mur intérieur séparant les deux communautés, système permettant de réduire plus facilement une incursion de l’ennemi, en résistant dans le compartiment non envahi (13).
Notons que les clefs des portes de l’enceinte, établies en double, étaient à la fois aux mains du Commandeur et des Consuls.

Une reconstruction totale du château aura lieu au début du XVIe siècle, œuvre du Commandeur Géraud de Massas, en fonction de 1513 à 1534, constructeur également de l’église (datée, 1534, sur le clocher). Le château était un édifice rectangulaire, aux épais murs, de pierre, avec, aux quatre angles, des tours carrées saillantes, bien disposées pour « flanquer » les façades, et, sur la façade ouest, une tour d’escalier hexagonale avec sa tourelle de briques.

Malheureusement, le château, vendu, comme bien national, sous la Révolution, en 1793, à Passios aîné, de Villefranche-de-Lauragais (5.025 livres), sera, par la suite, acquis pour être démoli à moitié, la vente des matériaux faisant récupérer le prix d’achat. Il n’en subsiste plus aujourd’hui, aux mains de M. Jean Pontié, menuisier-ébéniste, qui y a son atelier, et, qui nous en a fort aimablement, permis l’accès, que la moitié nord. Nous y avons vu : la grande façade sud bordée de vieux micocouliers, avec des fenêtres gothiques, petites et carrées en bas, grandes et à meneaux (une à croisillon) à l’étage, encore munies de fortes grilles soulignant la vocation militaire du château ; et, à nouveau, petites et rectangulaires sous le toit, à la façon de mirandes. La tour de l’angle sud-est est intacte, ainsi que la tour d’escalier sur la façade ouest. Cette dernière est hexagonale et se termine par les corbeaux de pierre de mâchicoulis ruinés, qui attestent que cette puissante tour, la plus élevée du château, a dû jouer le double rôle de tour d’escalier et de défense, de donjon en quelque sorte, et, à cet effet, les petites fenêtres gothiques carrées qui éclairent la vis intérieure, sont, ici aussi, garnies de grilles solides. La porte est d’un gothique des plus classiques (14). Elle a perdu son linteau de pierre, remplacé par une poutre de bois, et le blason qui devait l’orner n’est plus qu’une pierre fruste. A l’angle sud-ouest se voient des « arraches », tant dans le prolongement de la façade sud que dans un angle saillant de la tour d’escalier, vestiges d’une construction, qui devait, probablement, défendre cet angle du château, englobant, à ce qu’il semble, partie de la tour d’escalier, et sur laquelle il est difficile de se prononcer (15). Au nord, la façade actuelle est l’ancien mur de refend portant le faîtage. Toutefois, les bases des deux tours d’angle carrées, en pierre cette fois, se voient encore très en avant.

A l’intérieur, subsiste une cheminée gothique, à l’arc très surbaissé, gros bourrelet de pierre, tellement plat dans la partie centrale qu’il s’est affaissé et a dû être soutenu d’une clef de fer. Il y a aussi des plafonds « à la française », rustiques.

Ce château fut assez solide, en son temps, pour résister avec succès aux assauts des protestants qui ravagèrent tout aux alentours. Le dernier Commandeur de Caignac fut M. de Jarente-Ia-Bruyère (1783-1789).
Le château de Caignac est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1932.

Le pigeonnier de Caignac
Il subsiste, près du château, le pigeonnier de l’ancienne métairie, dite « La Grange », vendue, avec le château, en 1793 (28.100 livres).
Il est d’un type fortement original, sans doute unique en notre région : quatre piliers hexagonaux aux chapiteaux de pierre en « bandeaux » (proches de ceux de l’église), portant des arcs brisés de briques, lesquels supportent à leur tour les murs de même matériau. Pas de voûte intérieure, un plancher de bois. Un toit à deux versants, avec à son faîtage des terres-cuites vernissées.

Ce remarquable petit édifice menace ruine, et il serait grand temps de le restaurer. Il nous a été dit que M. le Maire de Caignac s’efforçait d’y parvenir. Nous ne pouvons que le fortifier dans cette excellente résolution. (MM. Rivais et Soutou signalent mention de ce pigeonnier dans un acte de 1515) (16).
Sources : Roger Camboulives. Toulousains de Toulouse et amis du vieux Toulouse. Pages 359 à 365, N° 412, juin Toulouse 1975. BNF

Notes
1. Laurac-le-Grand, ancienne capitale du Lauragais, à donnée son nom à ce pays (village entre Castelnaudary, à 10 km sud, et Fanjeaux, à 8 km nord-ouest).
2. Conraze situe la donation entre 1130 et 1140. Dubourg donne la date de 1136 pour le début des fonctions du 1er Commandeur de Caignac.
3. Les fondateurs avaient-ils déjà des craintes quant au respect par les Hospitaliers de leur volonté expresse de maintien de la Sauveté ?
4. Ces droits indiquent l’existence à Caignac d’une forge et d’un four banaux.
5. Toutefois, ils ne sont attestés que par un lacté de 1229, et la Charte de coutume de 1299, mais il y a tout lieu de croire qu’ils existaient au XIIe siècle, dans la « Sauveté »
6. Les deux chartes, celle de Gilabert de Laurac, et celle de son fils Sicard, sont conservées aux Archives Départementales de la Haute-Garonne (Fonds de Malte).
7. Qui a aussi reconstruit le château.
8. L’Ordre de Malte, dernière expression des Hospitaliers (toujours existant d’ailleurs), avait pour armes une croix à 8 pointes d’argent (blanche) sur un champ de gueules (rouge), couleurs, conservées, des anciens chevaliers.
9. Notons que seule la croix a été martelée, l’autel restant intact, signe d’un désaveu, par les habitants de Caignac, de leur seigneur, non de leur prêtre.
10. Les stucs (plâtres durcis) ont été employés à toutes les époques (l’antiquité, art roman, art arabe, XVIIIe siècle, etc.), offrant, à la fois, une matière tendre, facile à sculpter et suffisamment pérenne.
11. Images bien caractéristiques de la renaissance, qui se retrouvent, de nos jours, sous la plume de certains dessinateurs.
12. Ceux qui, ayant fait d’importants dons aux Hospitaliers, vivaient dans leur communauté.
13. On trouve cet ingénieux dispositif d’ans plusieurs petites villes de chez nous, notamment à Penne-d’Albigeois.
14. Les moulurations d’un pur gothique sont normales dans notre Midi au début du XVIe siècle, la Renaissance n’étant effective que vers 1530, le plus souvent.
15. Vestiges de la tour d’angle sud-ouest, ancien donjon du XIIIe siècle ? Démoli pour élever la tour d’escalier au XVIe siècle ? Simples hypothèses.


Bibliographie
16. Monographie de la Commanderie de Caignac, Raymond Corraze, 1910 ; Gaignac, Commanderie de l’Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem (Mémoires de la Société Archéologique du Midi, tome XII, 1880, 1882)
A. DU Bourg ; Notice historique sur Castelnaudary et de Lauragais, Léon Clos, 1880 ; Histoire du Grand Prieuré de Toulouse, A. Du Bourg, 1883
Etat social de la France au temps des Croisades, L. Garreau, 1889
Etude sur l’Administration féodale dans le Languedoc, A. Molinier, 1873
Fonds de Malte, Archives départementales de la Haute-Garonne
Archives du Parlement de Toulouse
Archives communales de Caignac
L’Auta, n° 342, juin-août 1966, Visite de Gaignac par les « Toulousains de Toulouse », présentation par M. Paul Mesplé Montgeard-en-Lauragais, Claude Rivals et André Soutou, 1974, Le pigeonnier de Caignac, page 31.
Sources : Roger Camboulives. Toulousains de Toulouse et amis du vieux Toulouse. Pages 359 à 365, N° 412, juin Toulouse 1975. BNF

Voir l'étude sur quelques églises des Hospitaliers

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