Une seigneurie ecclésiastique en Provence orientale au Moyen âge
Commanderie de Ruou
I. — Formation et évolution du domaine
1. — Histoire de la commanderie de Ruou du XIIe au XVe siècleNous ne connaissons pas avec précision la date exacte de la fondation. La plus ancienne charte date de 1157 mais ne semble guère postérieure à la fondation. Les premières années de la commanderie et son premier développement sont très mal connus à cause du manque de documents. Ce nest quà lextrême fin du XIIe siècle que les renseignements se font plus abondants et que nous pouvons apprécier limportance de la commanderie. Lors dune donation faite à la maison de Ruou par Boniface de Salernes, en 1195, quinze frères y compris le commandeur, ont contresigné la charte comme témoins (2). Dautre part, en mai 1193, la maison de Ruou achète un ensemble de biens à Lorgues pour trois mille sous et un poulain, cest-à-dire une somme relativement considérable. La commanderie apparaît donc prospère et cette prospérité semble se maintenir tout au long du XIIIe siècle (3).
En même temps, le domaine saccroît et dès le début du XIIIe siècle, la commanderie établit une maison annexe à Lorgues. En 1249, elle en compte cinq autres. Cest donc un établissement riche et prospère qui est frappé brutalement par larrestation des Templiers et la confiscation de leurs biens en 1308.
La fin de lOrdre du Temple en Provence est assez bien connue (4). Après larrestation des Templiers, leurs biens sont confisqués et administrés dabord par les archevêques dArles et dEmbrun, puis par des administrateurs nommés par le roi. Pour les biens de la commanderie de Ruou, cest Guillaume Hugues, baile du roi à Lorgues, qui en est nommé rector, gubernator et administrator (5). Les Templiers eux-mêmes sont emprisonnés, mais au moins, certains dentre eux ont pu regagner leur commanderie, car lors de la visite faite en 1338 pour le compte du Grand Prieuré de Saint-Gilles, on note deux anciens templiers à Ruou : Raymond dOrange et G. Posqueiras (6). Dautre part, en 1341, au cours dun procès, intervient le témoignage de Pierre Azoli de Thorame, quondam templerius. Guillaume Hugues administre les biens de la maison de Ruou du 6 janvier 1310 au 24 janvier 1315, date à laquelle lensemble du temporel de la commanderie est remis entre les mains dElyon de Villeneuve, commandeur de la commanderie de Saint-Jean-de-Jérusalem de Puimoisson (7).
Ruou, Façade sud, chapelle
Ruou, Façade sud, chapelle.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
Mais les guerres et les calamités de la seconde moitié du XIVe siècle affectent cruellement la commanderie qui, dès ce moment, commence à décliner. Les grandes compagnies ravagent la Provence et cest probablement par lune de ces bandes que Ruou est attaquée et presque entièrement détruite vers 1360 (9).
Nous possédons le procès-verbal de la visite de 1411 qui nous présente un tableau désolé : les bâtiments de la commanderie sont détruits et personne ny habite. Sur les huit maisons annexes du domaine, trois seulement restent debout, les terres sont pour la plupart à labandon. De plus, une partie du domaine, celle située à Flayosc, est occupée par un seigneur voisin, Antoine de Villeneuve, dont la commanderie na pas la force de rejeter la potentia inordinata. En effet, on ne trouve plus, en 1411, que trois frères. Comme les bâtiments de Ruou sont inhabitables, le siège de la commanderie a été transféré à Montfort (10).
Après 1411, les renseignements sur la commanderie sont de plus en plus rares. En 1429, les comptes généraux du Grand Prieuré de Saint-Gilles mentionnent la « responsion » payée par Ruou, soit 62 florins (49 livres 12 sous), mais la commanderie na pu payer sa « responsion » ni en 1427 ni en 1428. Une partie de ces arrérages est payée en 1429. La commanderie est désormais trop atteinte pour subsister et vers le milieu du XVe siècle, à une date impossible à préciser, toutes les possessions de la maison de Ruou sont englobées dans le domaine de la commanderie de Marseille. En 1460, on ne trouve plus trace de la commanderie de Ruou dans les registres des visites de lOrdre.
Ruou, Chevet de la Chapelle
Ruou, Chevet de la Chapelle
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
2. — La formation du domaine
Dans cette période relativement courte de soixante années, il est difficile de distinguer des étapes dans laccroissement du domaine. Tout au plus peut-on noter une plus grande densité de donations et dachats dans le premier quart du XIIIe siècle, tandis quaprès 1225 le rythme daccroissement semble plus lent. Cest donc surtout du point de vue géographique que nous essaierons de caractériser la formation et la répartition du temporel de la maison de Ruou.
Ruou, Chapelle façade occientale
Ruou, Chapelle façade occientale.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
Le patrimoine de la commanderie sétend dans ces deux directions, mais cette extension est marquée par des caractères particuliers. Vers la haute Provence, les acquisitions de terres sont peu nombreuses et la commanderie nétablit que deux centres dexploitation annexes. Il sagit surtout de droits de pâturage concédés par les seigneurs locaux au bétail de Ruou. Vers la basse Provence, au contraire, les acquisitions du Temple consistent surtout en terres, moulins, droits seigneuriaux divers et dans cette région, la commanderie nétablit pas moins de six maisons annexes. Dautre part, vers le nord, laccroissement du domaine se fait surtout grâce à des donations. Dans les chartes qui concernent cette partie de la Provence, on ne trouve quun ou deux achats. Vers le sud, on note, inversement, un nombre important dachats dès le début, auxquels sajoutent quelques donations. On a limpression que cest surtout dans cette direction qua porté leffort dexpansion et que la commanderie sy est implantée grâce à une politique suivie avec persévérance par les différents commandeurs.
En haute Provence, on note dabord des droits de pâturage. Sur treize droits de pâturage concédés, huit concernent cette région : les Templiers pouvaient faire paître leur bétail dans les territoires dAups (donation de 1201), de Salernes (donation de 1205), de Châteaudouble (sur un tiers du territoire, donation vers le début du XIIIe siècle), de Lagnes, au nord de la commune dAmpus (donation de 1235), dAiguines (dans la partie du territoire possédée par les seigneurs de Flayosc, donation de 1236). Les deux dernières donations sont plus tardives et concernent toutes les deux la Provence montagneuse : en 1277, les Templiers reçoivent les quinzième et seizième parties des pâturages dAiguines et, en 1319, un droit de pâturage dans le territoire de Thorame-Basse. Lutilisation de ces pâturages est, bien entendu, liée à la transhumance (12).
De plus, les Templiers reçoivent quelques terres dans cette région, en particulier les terres de Lagnes dans la commune dAmpus (donation de 1235) et celles de Saint-Maïmes, dans la commune de Trigance (acquisition antérieure à 1249 (13). Enfin, quelques donations concernent des droits de justice et des tenures.
Vers la basse Provence, cest dabord au sud-est de Ruou que la commanderie développe son influence en sinstallant dès 1190 à Lorgues. Comme le fait remarquer M. Durbec (14), Lorgues est située à un croisement de routes est-ouest et nord-sud. Les Templiers y amassent des biens considérables dont les premiers sont tous achetés, ce qui montre bien que cest volontairement et non par le hasard dune donation que lOrdre du Temple sest établi à Lorgues (achat de plusieurs maisons en 1190, puis de terres et de droits divers en 1193 et en 1205, échange en 1224 de biens isolés à Draguignan contre des terres à Lorgues).
Toujours dans la même direction, les Templiers dépassent bientôt Lorgues et sinstallent en 1231 dans la vallée de lArgens grâce à la générosité des seigneurs de Vidauban : donation de terres au nord de lArgens au lieu-dit de la bastide dAstros, complétée par une autre donation en 1220 et des achats en 1238 et 1252. Egalement en 1252, sy ajoutent des revenus dun autre genre, constitués par des dîmes et des redevances banales appartenant à léglise de Vidauban.
Ainsi, au milieu du XIIIe siècle, la commanderie de Ruou est solidement implantée dans la vallée de lArgens, dautant plus quelle possède des biens non seulement à Vidauban, mais à louest, à Montfort-sur-Argens et à lest, aux Arcs et à Roquebrune.
A louest, dès 1207, le comte de Provence, Alphonse II, donne aux Templiers la seigneurie de Montfort. Il sy ajoute une donation de terres en 1230. Pour Roquebrune, on sait que la commanderie y avait fondé une maison annexe avant 1249 et quelle possédait une partie du territoire et du village. Enfin, le domaine de Ruou sarrondit en 1195 par une donation-vente (15) assez importante. Cette acquisition permet de rattacher au domaine trois terres achetées précédemment et qui ne sont connues que par ce texte. Deux autres terres également contiguës sont achetées en 1216 et 1241.
Cinq droits de pâturage complètent ces acquisitions : dans le territoire des Arcs (donation de 1205), de Montfort (donation de 1207), de Trans (donation de 1225), de Carcès (donation de 1230), et enfin de Flayosc (donations de 1156 et 1241).
Il semble donc que lapogée de la commanderie se place au milieu du XIIIe siècle, date à laquelle le domaine semble pratiquement constitué grâce à trois modes dacquisition : les donations, les achats et les échanges. Les donations sont moins nombreuses quon pourrait sy attendre : sur un ensemble dune trentaine dacquisitions connues, quinze seulement sont de véritables donations, dont une bonne partie consiste dailleurs en droits de pâturage. Par ailleurs, comme nous lavons vu, ces donations sarrêtent presque complètement après 1253.
Comment expliquer le peu de générosité des donateurs ?
Il faut noter dabord le caractère très compartimenté de la région au point de vue géographique : un pays de collines, souvent boisées, qui encadrent de nombreuses petites dépressions, constituant autant dunités naturelles. Peut-être est-ce lune des raisons qui permettent dexpliquer la rareté des grandes seigneuries dans la région ? Chacune de ces dépressions est le centre dune petite seigneurie au rayonnement très localisé. Ainsi, tout autour de Ruou, les seigneuries de Flayosc, Entrecasteaux, Tourtour, Cotignac, Aups, Ampus, etc. De plus, fait fréquent en Provence, chaque seigneurie appartient généralement à plusieurs coseigneurs, souvent de la même famille (16). Ces petits seigneurs nont donc que peu de terre à leur disposition lorsquils veulent faire quelque libéralité.
Dautre part, la commanderie de Ruou nest pas le seul établissement religieux à solliciter des dons. Dautres maisons du Temple sont établies dans la région : au sud-ouest de Ruou, la commanderie de Peirasson, à louest celle de Bras, au nord-ouest celle de Saint-Maurice-Régusse. LOrdre de lHôpital possède une commanderie à Comps, labbaye de Saint-Victor a un prieuré à Villecroze et labbaye de Montmajour possède un prieuré à Correns, près de Brignoles et un autre près des Arcs. Enfin, sur la rive sud de lArgens, labbaye cistercienne du Thoronet est la principale rivale de Ruou. Les donateurs sont donc localisés dans les environs de Ruou. A part quatre donateurs : le comte de Provence, les seigneurs de Thorame-Basse et dAiguines et labbaye de Lagrand dans les Hautes-Alpes (pour un échange), tous les donateurs de la commanderie se trouvent dans un rayon de moins de vingt kilomètres.
Larrêt des donations au milieu du XIIIe siècle coïncide avec un appauvrissement général de la noblesse que lon constate aussi dans dautres régions (17).
Nef vue depuis le chœur
Nef vue depuis le chœur.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
3. — Lévolution de la mise en valeur de la réserve
En 1338, la réserve couvre une étendue assez considérable puisquon dehors de bois, garrigues et terres incultes, dont la superficie est impossible à évaluer, on y trouve 3.000 seterées de terre arable, 600 fosserées de vignes et 159 souchoirées de prés (19), si bien quon peut lestimer au total à un millier dhectares. Ce domaine est loin dêtre dun seul tenant et une distance dune trentaine de kilomètres sépare les terres les plus septentrionales des plus méridionales. Ces terres sont regroupées dans des centres dexploitation annexes appelés « membres » ou « granges » tandis que le chef de la commanderie se trouve à Ruou. Ces membres sont ceux de Lagnes (Commune dAmpus), de Saint-Maïmes (Commune de Trigance), de Saignes (Commune dEntrecasteaux), de Lorgnes, de Montfort, de Vidauban, dAstros (Commune de Vidauban), de Roquebrune (jusquau XIVe siècle). Chacun de ces membres constitue une unité dexploitation complète avec ses bâtiments, son personnel, ses outils, ses animaux de traction, etc. (sauf à Vidauban).
Plan des Dépendances
En 1338, trois systèmes dexploitation sont employés simultanément par les Hospitaliers : le faire-valoir direct, la « fâcherie », le bail « à tasque. » Le faire-valoir direct domine en 1338, puisquil est employé sur 1.600 seterées de terre labourable, soit 53 % du total. De plus, il est utilisé exclusivement pour la culture des vignes et pour lexploitation des prés. Il est pourtant en régression par rapport au XIIIe siècle. En effet, en 1230, dans une donation de biens à Montfort, figure la concession dun droit de pâturage omnibus bobus laborantibus domus Templi de Monteforti (20). La présence de bœufs de labour à Montfort indique quune partie au moins de ce membre était cultivée en faire-valoir direct. Or, ce mode dexploitation a totalement disparu en 1338 en ce qui concerne les céréales et il ny a plus de bœufs de labour. Au cours du XIVe siècle, lévolution qui tend vers la disparition du faire-valoir direct se poursuit et, en 1411, il a pour ainsi dire disparu : quelques fosserées de vigne et 4 seterées de terre arable sont seules exploitées directement. Cette évolution sexplique parce que le faire-valoir direct nécessite des dépenses considérables et rapporte finalement assez peu. Dailleurs, dès 1338, de nombreuses commanderies dHospitaliers des Alpes du Sud sont obligées de cultiver directement certaines terres de mauvaise qualité car aucun paysan ne veut les prendre en « fâcherie (21). »
La « fâcherie » est un contrat de métayage souvent employé au Moyen Age en Provence. En 1338, la « fâcherie » est employée dans six localités sur 1.200 seterées, soit 40 % des terres arables de la commanderie. La part qui revient au commandeur varie de la moitié à un huitième de la récolte, en relation, semble-t-il, avec la plus ou moins grande fertilité des sols. Tous les frais dexploitation sont à la charge du facherius, même les semences. En revanche, il peut utiliser, lorsquelles ont subsisté, les corvées qui reviennent à la maison de Ruou. En 1411, la fâcherie semble en déclin. Elle nest mentionnée quà Montfort où 300 seterées sont données en fâcherie au tiers de fruit.
Enfin, le bail à tasque, parfois confondu avec la fâcherie par les enquêteurs de 1338 et de 1411, est peu utilisé : les terres données à tasque ne représentent que 200 seterées, soit 7 % des terres. La part qui revient à la commanderie est généralement fixée à lavance et non proportionnelle à la récolte. En 1411, la superficie baillée à tasque nest pas précisée mais apparaît très faible.
En effet, à ce moment-là, la majorité des terres est mise en valeur selon un nouveau mode dexploitation : il sagit du bail à ferme qui consiste à louer une ou plusieurs terres pour une durée fixée à lavance, en échange dun loyer en argent, fixé également. Cest ainsi que tous les membres de la commanderie de Ruou, sauf ceux de Montfort et de Lorgues, sont affermés pour des sommes variant entre 24 et 6 livres, ce qui montre bien lappauvrissement du domaine au début du XVe siècle.
Ruou, Voûte de l'abside
Ruou, Voûte de l'abside.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
II. — Les Tenures et la seigneurie banale
A part quelques rares indications dans les chartes, le principal document qui nous renseigne sur les tenures et sur la seigneurie banale de la commanderie est le registre tenu par Guillaume Hugues, après la confiscation des biens du Temple au début du XIVe siècle. Il y a consigné lensemble des droits que possédaient la maison de Ruou à ce moment, le montant des cens et des services quelle percevait sur ses tenanciers et le montant des différents droits banaux. Ces indications portent sur trois années (22). Les visites de 1338 et de 1411, abondamment utilisées pour létude de la réserve, sont également précieuses pour connaître lévolution des cens au cours du XIVe siècle.1. — Les hommes du Temple
Ces tenures, au nombre de 240, au début du XIVe siècle, étaient occupées par des hommes placés sous la dépendance de la maison de Ruou. Mais le degré de dépendance qui les liait à la commanderie était variable et seuls les hommes qui appartenaient à une certaine catégorie juridique étaient dits homines templi. On distingue ainsi deux catégories de dépendants qui se différencient assez aisément. Pour les uns, chaque pièce de terre pour laquelle ils paient un cens à la commanderie est spécifiée exactement : champ, pré, vigne, ferrage, etc. Les autres, moins nombreux, sont caractérisés par la possession dun casement (casamentum), pour lequel ils paient un cens récognitif. Ce sont les hommes du Temple proprement dit. Prenons par exemple la ville de Lorgues ; le registre de Guillaume Hugues y dénombre 138 tenanciers de Ruou, mais seuls, 54 dentre eux sont dits appartenir au Temple (23).
Les caractères de cette dépendance sont exprimés de façon plus précise dans un acte de 1210 ; à loccasion dun procès avec le commandeur, on y rappelle lentrée en dépendance, dun homme du Temple, Guillaume Giraud de Lorgues ; elle est caractérisée par trois actes : dabord lhommage solennel fait au commandeur dans léglise de Ruou (24), puis le paiement dun cens annuel qui est ici en argent, mais peut être aussi en nature, enfin, le port de linsigne du Temple, cest-à-dire la croix, sur ses vêtements et sur sa maison (25).
Les hommes du Temple sont tenus de faire feu dans le village et le commandeur, par lintermédiaire de ses officiers, exerce son pouvoir banal sur eux. Il perçoit en effet les droits de lods et trézain (droits de mutation sur les achats et les ventes). En principe, le montant de la redevance est le treizième du prix de vente. En réalité, il sélève parfois au sixième et même au tiers de ce prix. Dans ce dernier cas, on mentionne assez souvent que ce droit sélève au tiers pour cause de servitude (26). A côté des droits de lods et trézain, qui sont parmi les plus rémunérateurs, le commandeur perçoit les droits de ban généralement affermés pour une ou plusieurs années, les leydes sur les ventes de marchandises, enfin les droits de basse justice.
Le commandeur exerce également le droit de mainmorte sur ses hommes : à la mort dun homme du Temple, ses biens passent à ses héritiers directs légitimes sil en a ; sinon, le commandeur prend tous les biens du mort. Au XIVe siècle, ce droit est mal supporté et nous savons quà Montfort au moins, les habitants obtiennent, en 1330, laménagement de la coutume (27). Le commandeur conserve cependant partout le droit de commise, cest-à-dire le droit de confisquer les biens de ses hommes sils nobservent pas les clauses du contrat qui les lie.
Sur le plan pratique, la différence la plus sensible entre les hommes du Temple, pourvus de casements, et les autres tenanciers de la commanderie, réside dans le montant des cens quils doivent verser à la commanderie. En effet, les premiers paient des cens beaucoup plus élevés que ceux qui nont que des biens spécifiés.
Cens en argent payés pour les tenures spécifiées :
Moins de 1 denier — 32 — 16%
De 1 à 3 deniers — 87 — 44%
De 3 à 6 deniers — 41 — 21%
De 6 à 12 deniers — 21 — 11%
Plus de 12 deniers — 16 — 8%
Au total, 197 tenures dont 44 % paient des cens au-dessus de 3 deniers et 19 % seulement des cens au-dessus de 6 deniers.
Cens et argent payés pour les casements :
Moins de 1 denier — 0 — 0%
De 1 à 3 deniers — 13 — 14%
De 3 à 6 deniers — 21 — 22%
De 6 à 12 deniers — 24 — 25%
Plus de 12 deniers — 36 — 35%
On trouve de plus, une trentaine de casements qui paient des services en nature en plus ou à la place des cens en argent. Ces services, presque toujours en céréales, ont presque tous une valeur supérieure à 6 deniers. Nous avons donc au total 120 casements pour lesquels les
redevances sétablissent de la façon suivante :
Moins de 1 denier — 0%
De 1 à 3 deniers — 11%
De 3 à 6 deniers — 21,5%
De 6 à 12 deniers — 21,5%
Plus de 12 deniers — 48%
Soit 89 % au-dessus de 3 deniers et 69 % au-dessus de 6 deniers.
Enfin, les hommes du Temple semblent les seuls à être astreints aux quelques corvées qui ont subsisté au XIVe siècle. Ces corvées sont localisées à Montfort dans les terres situées in montibus, parce que sans cela, elles ne pourraient être travaillées (28). Or, à Montfort, tous les habitants sauf un possèdent des casements. Les corvées semblent ainsi liées à la possession dun casement (29).
Ces dépendants apparaissent donc fortement liés à leur seigneur qui est ici la commanderie de Ruou. Leur dépendance, qui est réelle, semble caractérisée surtout par la possession dun casement. Or cest également le signe distinctif dune catégorie de dépendants appelé maleservi ou malservi, déjà étudiée par Mlle C. Samaran dans la région de Grasse et par M. Aubenas dans celle de Castellane (30). Comme les hommes du Temple, les maleservi paient un service qui est celui du casement, mais à côté de leur casement, il leur arrive assez souvent de posséder dautres biens pour lesquels ils paient un cens distinct. Le fils dun maleservus hérite de ses biens, mais en labsence dhéritiers directs, le seigneur applique la mainmorte. Or, cette situation est exactement la même chez les hommes de Montfort avant que la coutume ne soit adoucie en 1330. Le maleservus doit faire feu dans le village du seigneur, il est soumis aux droits de lods et trézain et à tous les autres droits banaux. M. R. Aubenas précise que lorsquune terre est vendue à un maleservus, le droit de mutation est double. Nous avons vu que ce droit peut aller jusquà un tiers du prix de vente.
Une seule différence notable entre les hommes du Temple et les maleservi de la région de Grasse : ces derniers paient des services uniquement en nature. A Ruou, au contraire, la quasi-totalité des services est en argent. Toutefois, les quelques services en nature rencontrés sont tous payés pour des casements. Il est possible que les services aient été en nature à lorigine, puis convertis en argent. Malgré cette différence, nous croyons pouvoir affirmer lidentité des hommes du Temple que nous venons détudier et des maleservi.
Les autres tenanciers semblent appartenir à une classe supérieure. Les cens quils paient sont nettement plus faibles que ceux payés par les maleservi. Cependant, ils sont tenus de faire hommage au commandeur qui conserve sur eux son majus dominium. Ils sont donc soumis au droit de ban du commandeur. Parmi les tenanciers de Ruou, ces censitaires apparaissent à peu près deux fois plus nombreux que les maleservi alors que cétait le contraire dans la région de Grasse.
On retrouve cette division entre deux catégories de dépendants dans la région de Nice comme le montre létude de M. Durbec (31) sur la commanderie du Temple de Biot, distinction qui est dautant plus intéressante quil sagit là aussi dun domaine du Temple. M. Durbec distingue des tenanciers quil appelle inférieurs et qui correspondent aux homines Templi et des tenanciers quil appelle libres et qui peuvent appartenir à toutes les classes de la société. Il trouve que les tenanciers inférieurs paient en moyenne des cens trois fois supérieurs à ceux payés par les autres tenanciers, ce qui correspond bien à ce que nous avons constaté.
Ruou, Chapelle, portail occidental.
Chapelle, portail occidental.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
2. — Répartition, composition et mouvement des tenures
A Lorgues — 138 tenures.
A Draguignan — 22 tenures.
A Montfort — 21 tenures.
A Entrecasteaux — 18 tenures.
A Flayosc — 16 tenures.
A Tourtour — 15 tenures.
A Callas — 13 tenures.
A Roquebrune — 9 tenures au moins.
A Figanières — 7 tenures.
A Comps — 6 tenures.
A Bargemon — 2 tenures.
A La Motte — 2 tenures.
A lEspérel — 1 tenure.
A La Roque-Esclapor — nombre indéfini.
Soit au total : 240 tenures (32).
Dans la plupart de ces villages, les tenanciers de Ruou ne constituent quune très faible part de la population, sauf à Montfort où les Templiers possèdent tout le village, semble-t-il, et à Lorgues où on trouve 138 tenanciers sur un total de 402 feux, soit un peu plus dun tiers (33).
Leur répartition géographique est très irrégulière : 138 tenures sont localisées à Lorgues, soit 60 % du total environ. Dautre part, 71 tenures, soit 30 % du total, se groupent tout autour de la commanderie : à Tourtour, Entrecasteaux, Flayosc, Draguignan. Ainsi, près de 90 % des tenures sont situées dans un rayon dune quinzaine de kilomètres autour de Ruou. Le reste est localisé soit dans les villages où la commanderie possède des biens importants, comme Montfort ou Roquebrune, soit à lest de Ruou où se dispersent quelques tenures jusquà une quarantaine de kilomètres.
En 1338, on constate quun regroupement sest opéré : les possessions les plus excentriques ont disparu, la plupart ayant été rattachées à la commanderie de Comps. Cet ensemble de tenures se réduit encore au cours de la seconde moitié du XIVe siècle, probablement à cause des pestes et des guerres, et, en 1411, six localités seulement conservent des tenanciers de Ruou : à Tourtour, il reste un homme sur dix, à Flayosc, tout ce que possédaient les Hospitaliers a été pris par Antoine de Villeneuve, à Lorgues et à Entrecasteaux, les cens perçus ont diminué de moitié.
La composition de ces tenures est assez variée. Outre le casement qui comprend « la dotation dune exploitation agricole complète : à côté des terres à blé, la maison, le jardin, la vigne et quelquefois le pré (34) », on trouve le « casal » qui désigne à peu près la même chose, mais qui nest pas lié comme le casement à une dépendance personnelle. L « affar », parfois employé, est un terme plus vague. La plupart des tenures sont cependant des parcelles isolées de peu de superficie. Si lon ne considère que les pièces de terre, on constate une nette prépondérance des champs (36 %) et des vignes (29 %). Les prés ne représentent que 12 %, les jardins 12 % et les ferrages 11 %. On retrouve ainsi à la première place, sur les terres paysannes, les deux cultures qui prédominaient sur la réserve de la commanderie.
Le chiffre des tenures que nous avons indiqué pour le début du xiv6 siècle nétait pas en réalité un chiffre fixe. En effet, létude détaillée des lods et trézains perçus par la commanderie entre 1310 et 1314 montre un certain nombre de ventes et déchanges :
A Comps — 1 vente en 2 ans.
A Draguignan — 6 vente en 2 ans.
A Flayosc — 2 vente en 2 ans.
A Lorgues — 31 vente en 3 ans.
A Roquebrune — 8 vente en 1 ans.
A Tourtour — 2 vente en 3 ans (35).
Soit un total de 50 ventes. Pour un an, la moyenne des ventes est de 22. Etant donné que le nombre total des tenures est de 240, on trouve très approximativement une vente pour une dizaine de tenures chaque année.
Il sagit le plus souvent de petits achats : une terre, une vigne, parfois une maison. On peut noter : 25 champs, 9 maisons, 8 vignes, 7 prés, 5 jardins, 2 casaux ou casements, 2 affars. Les prix sont, la plupart du temps, inférieurs à 5 livres comme le montre le tableau suivant :
Moins de 1 Livre — 10
De 1 à 5 Livres — 34
De 5 à 10 Livres — 8
De 10 à 20 Livres — 3
Plus de 20 Livres — 3
Soit 78 % au-dessous de 5 livres. Il est cependant intéressant de remarquer 3 ventes au-dessus de 10 livres et 3 au-dessus de 20 livres, le chiffre le plus fort étant atteint en 1313 pour la vente dune maison au prix de 32 livres.
Les achats les plus chers et les plus nombreux sont souvent faits par des personnages qui ne cultivent pas directement la terre. Cette remarque vaut surtout pour Lorgues où nous disposons dun peu plus de renseignements que dans les autres villages. Sur 31 ventes, on en trouve 10 effectuées au profit de deux personnes : 6 ventes à Béranger Bernard (sans doute un notable de la ville, car cest lui qui prend à ferme chaque année les droits de ban que la commanderie doit percevoir à Lorgues), 4 ventes à Guillaume Guibert, notaire de Lorgues (36).
Ruou, Chapelle, porte dans le mur laréral nord.
Chapelle, porte dans le mur laréral nord.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
3. — Rapport des tenures et des différents droits banaux
Cens en argent : 75 %,
Cens en nature : 25 %.
En 1411, le procès-verbal de la visite donne deux chiffres de cens : celui qui aurait dû être perçu et celui qui a été réellement perçu. Comme le premier chiffre ne coïncide pas avec celui de 1338, il provient sans doute dun document qui existait en 1411 et qui a été perdu ensuite, probablement une visite de la seconde moitié du XIVe siècle. La commanderie aurait dû percevoir 27 livres, 3 sous, 5 deniers pour les cens en argent et des cens en nature dune valeur de 25 livres, 6 sous, 8 deniers, cest-à-dire :
52 % du total pour les cens en argent,
48 % pour les cens en nature.
En réalité, les cens en argent nont rapporté que 19 livres, 8 sous, 9 deniers (54 % du total) et les cens en nature : 15 livres, 18 sous (46 % du total).
Il résulte de cette comparaison que les cens en argent ont relativement peu augmenté, surtout si on tient compte de la dévaluation de la monnaie au cours du XIVe siècle. Au contraire, les cens en nature se sont accrus et particulièrement les cens en froment :
10 setiers en 1313, 29 en 1338, 60 en 1411, sur lesquels 37 seulement ont été perçus (37).
De toute façon, quils soient en nature ou en argent, les cens rapportent finalement assez peu à la commanderie. Pour le début du XIVe siècle, le rapport total que les commandeurs de Ruou tiraient de leurs tenures était au maximum dune cinquantaine de livres par an (38). Par exemple, en 1313, année moyenne, 43 livres, qui se répartissent de la façon suivante :
— lods et trézains : 29 %
— droits de ban, de justice et leydes : 10 %
— services en argent : 30 %
— services en nature : 18 %
— albergues : 13 %.
Nous avons également des chiffres pour 1338 et 1411, mais ce sont des renseignements de seconde main, peu sûrs, et dailleurs contradictoires (39). Nous préférons donc nous en tenir aux chiffres de 1310-1314, qui représentent des sommes réellement perçues.
Ruou, Citerne, intérieur
Ruou, Citerne, intérieur.
Image: Thurel, Françoise
Sources : Eligis
Conclusion
Cette étude permet, malgré les lacunes de la documentation, dapercevoir la formation et lévolution dune petite seigneurie ecclésiastique au Moyen Age et en même temps, de préciser la situation de la paysannerie qui gravitait autour delle ainsi que les rapports entre le seigneur et ses tenanciers. Toutefois, cette monographie na de valeur que replacée dans un ensemble plus vaste et comparée à dautres études du même genre, en Provence et ailleurs.Sources : Pierre-André Sigal. Provence Historique, revue trimestrielle, organe de la Fédération Historique de Provence, publiée avec le concours du C.N.R.S. et de l'Université d'Aix-Marseille, tome XV. Avril Septembre 1965.
Commanderies de Ruou — Notes
1. Ruou se trouve dans la commune de Villecroze (commune de Salernes, arrondissement de Draguignan). Cet article résume lessentiel dun diplôme détudes supérieures présenté en I960 à la Faculté des Lettres dAix. Les principales sources se trouvent aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône, sous le classement suivant : Série B : Registres 156, 157 et 158. Série H : Fonds de lOrdre du Temple, liasses 56 H 5167 et 5279 à 5284. Fonds de lOrdre de Malte, liasses 56 H 4703 à 4711, 4716, 4864. Registres 56 H 123, 124 et 310.
2 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, liasse 56 H 5281 (anciennement 120, pièce 1.
3 — Daprès les quelques chartes où les Templiers apparaissent comme témoins, les effectifs seraient de seize frères en 1224, quinze en 1252, neuf en 1260, quatorze en 1284. Ainsi, sauf une baisse temporaire en 1260, leffectif des frères se maintient à un niveau à peu près constant.
4 — Cf. J. Raybaud : Histoire de la province appelée de Provence, qui était jadis de lOrdre du Temple. Appendice à lHistoire des Grands Prieurs et du Grand Prieuré de Saint-Gilles. Publié par labbé Nicolas, Nîmes, Chastagnier, 1904. Tome II, p. 271-340
5 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, B 157, f° 62.
6 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, 56 H, Registre 123.
7 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, B 158, f° 147.
8 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, 56 H 123.
9 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, 56 H 124, f° 38, Habebat Hospitale... bona domus cum honesta capella. Que domus a quinquaginta annis citra est totaliter destructa sed capella est in competenti statu...
10 — Daprès J.-A. Durbec, Les Templiers en Provence, dans Provence Historique (1959), le siège de la commanderie aurait été transféré à Lorgues dès le XIIIe siècle. Nous nen avons trouvé aucune preuve. Au contraire, au XVe siècle, lorsque les bâtiments de Ruou sont détruits, cest à Montfort et non à Lorgues que se réfugient les Hospitaliers.
11 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, liasse 56 H 5279 (anciennement 118).
12 — Dans une confirmation du droit de pâturage dans le territoire dAmpus, il est précisé que la maison de Ruou a le droit de monter à ce pâturage et den descendre à sa commodité, mais devra donner un mouton à la montée et un à la descente.Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, liasse 56 H 5283, page IV.
13 — Il y avait, en 1338, 600 seterées de terre arable à Lagnes et autant a Saint-Maïmes.
14 — Cf. J.-A. Durbec, Les Templiers en Provence, dans Provence Historique (1959), page 127.
15 — Nous appelons donation-ventes les acquisitions spécifiées comme donations, mais en échange desquelles la commanderie a payé un certaine somme en argent ou en nature, et qui constituent des ventes déguisées.
16 — Un cas extrême : la seigneurie de Flayosc, au milieu du XIIIe siècle, est partagée entre plus de 15 coseigneurs.
17 — Par exemple dans le Namurois, comme le montre létude de L. Genicot, Léconomie rurale namuroise en bas Moyen Age. Inversement, dans la région parisienne, les donations aux établissements religieux sont encore assez nombreuses au début du XIVe siècle. Cf. G. Fourquin, Les campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen Age.
18 — Visites de 1338 et de 1411, la première étant dailleurs beaucoup plus complète que la deuxième. — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, 56 H 123 et 124.
19 — Le problème de léquivalence des anciennes mesures et des modernes est très difficile à résoudre. Georges Duby estime quun hectare représente à peu près 5 seterées. Cf. Techniques et rendements agricoles dans les Alpes du Sud en 1338, dans Annales du Midi (1958).La fosserée valait, au XVIIIe siècle, dans les Bouches-du-Rhône, 20 ares, et la souchoirée ou journée de pré valait 23 ares. La commanderie de Ruou possédait donc environ 600 hectares de terre labourable, 130 hectares de vignes et 34 hectares de prés.
20 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, 66 H, registre 2439, copie du XVIIe siècle.
21 — Cf. Georges Duby, La seigneurie et léconomie paysanne dans les Alpes du Sud en 1338, dans Etudes rurales (1961).
22 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, B 156, f° 118 à 120, et B 157 et 158. Du 6 janvier 1310 au 31 octobre 1310, puis du 1er novembre 1310 au 31 octobre 1311, enfin, après une interruption de deux ans, du lier novembre 1313 au 3l octobre 1314.
23 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, B 156, f° 118 : In commendaria domus de Rua... existebant... partent castri de Lonacis cum certo numero hominum videlicet quinquaginta quatuor... quiquidem homines casati sunt...
24 — Il sagit très vraisemblablement de lhommage roturier dont la principale obligation consiste à faire feu dans le domaine du seigneur.
25 — Voir pièce justificative à la fin de cet article.
26 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, B 158, f° 154, Ratione dominii cum sit de prava servitute.
27 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, liasse 56 H 4864.
28 — Archives départementale, des Bouches-du-Rhône, Reg. 56 H 123, f° 163, « quia aliter non inveniretur qui eas laborarent. »
29 — Cf. G. Duby, Note sur les corvées dans les Alpes du Sud, dans Etudes sur lhistoire du droit privé offertes à Pierre Petot, pages 141-144.
30 — Cf. C. Samaran, Etude sur la vie rurale en haute Provence orientale, D.E.S. (Aix, 1957) et Note sur la dépendance personnelle en haute Provence au XIV* siècle, dans Annales au Midi (juillet 1957). pages 229-236, et B. Aubenas, Le servage à Castellane au XIVe siècle, dans Revue historique du droit français et étranger (1937).
31 — Cf. J.-A. Durbec, Les Templiers dans les Alpes-Maritimes, plaquette in-8° , extraite de Nice historique (1937), n° 3, 4 5 et g, et 1938, n° 3 1 et 2.
32 — Ce tableau nest probablement pas complet. En particulier, les tenures que les Templiers avaient à Villecroze et à Salernes ny figurent pas, alors quelles sont mentionnées dans la visite de 1338.
33 — Sur la population des villages cités, voir E. Baratier, La démographie provençale du XIII" au XVI siècle, Sevpen, Paris, 1961. Le chiffre de 402 feux pour Lorgues est fourni pour lannée 1308.
34 — C. Samaran, Etude sur la vie rurale en haute Provence orientale, page 30.
35 — Les registres de Guillaume Hugues étant incomplets, nous navons des renseignements sur certains villages que pour une ou deux années, et non trois.
36 — Béranger Bernard a effectué les achats suivants : en 1310, une terre pour 1 livre, 6 sous ; un jardin pour 1 livre ; une maison et un jardin pour 14 livres ; en 1311, un casai pour 4 livres ; en 1313, une maison pour 32 livres ; en 1314, un pré pour 6 livres.Guillaume Guibert a acheté en 1310 une terre pour 2 livres ; en 1311, une vigne pour 5 livres ; un affar pour 5 livres ; en 1313, une terre pour 2 livres. Il possédait déjà en 1310, sous la dépendance du Temple, 2 terres, 3 vignes, 2 prés, 1 maison, 1 courtil, 1 jardin, 1 affar.
37 — Le rendement brut de la réserve était de 680 livres en 1338 (semences et dépenses non déduites).
38 — Dans lensemble de lOccident médiéval, il semble, au contraire, que les redevances en argent augmentent au détriment des redevances en nature. Cf. G. Duby, Léconomie rurale et la vie des campagnes dans lOccident médiéval, tome 2, page 596.
39 — Daprès la visite de 1338, les lods et trézains, les droits de justice et de ban rapportaient 5 livres 10 sous, mais lenquête de 1411 indique quavant les dépenses de la fin du XIVe siècle, les droits de justice, dépenses déduites, rapportaient 60 florins, soit 48 livres, rien quà Lorgues et à Montfort. En 1411, ils rapportaient encore 12 livres 16 sous.
Sources : Pierre-André Sigal. Provence Historique, revue trimestrielle, organe de la Fédération Historique de Provence, publiée avec le concours du C.N.R.S. et de l'Université d'Aix-Marseille, tome XV. Avril Septembre 1965.
Pièces justificatives
Sentence arbitrale entre un homme du Temple, Guillaume Guiraud de Largues et le commandeur de Rue (41).
Grasse, 5 mars 1210 (n. st.).
Original parchemin, expédition notariée, Archives départementale, des Bouches-du-Rhône. Fonds de lOrdre du Temple. Liasse 56 H 5282, anciennement 121.
In nomine domini Amen.
Nos Uguo Raymundus et Bertrandus Giraudi arbitri constituti in causa que vertebatur inter Bermundum comandatorem domus milicie Templi in Provincia ex una parte et Guillelmum Giraudi de Lonacis ex altera generaliter super omnibus rancuris utriusque partis, auditis prius rationibus et allegationibus et inspectis atestationibus diligenter tale proferibus arbitrium sive sententiam concorditer inter ipsos.
Mandamus itaque ut finis sit de omnibus rancuris ab utra parte quas facere poterant usque ad présentem diem videliscet domus Templi contra Willelmum Giraudum vel ipse Guillelmus Giraudi contra domum Templi, eo tamen salvo quod pro bobus quos Guillelmus Giraudi mala ratione ceperat de domo Templi de Rua de quibus duo erant mortui et alii deteriorati et pro amissione seminum, mandamus ut Guillelmus Giraudi det libras decem raymundensium dicto Bermundo comandatori.
Item quia probatum nobis fuit per testes omni exceptione majores quod Willelmus Giraudi in ecclesia beate Marie de Rua, sexdecim anni sunt transacti, fecerat hominium de omni honore suo Bertrando Uguoni comandatori domus Rue recipienti nomine domus Templi et constituerat super ipsum honorem quatuor solidos scensuales in unoquoque anno et quia ipsum servicium domui Templi dederat et se hominem domus Templi constituerat et signum domus Templi portaverat et signum crucis in domo sua tenuerat, Mandamus diffiniendo et arbitrando per jus predictum scensum sive servicium et majus dominium rerum inmobilium ipsius Guillelmi Giraudi domui Templi fuisse adquisita, et ideo ea dicto Bermundo comandatori nomine domus Templi adjudicamus secundum jus et justiciam ; de supradictis autem ideo mandamentum diximus quia partes nobis potestatem dederunt ut super illis nostrum arbitrlum per mandamentum secundum voluntatem nostram pronunciare possemus.
Actum in porticu Olivarii Audierii aput Grassam, in presencia fratris Olivarii Audierii, fratris Martini Crespelli, fratris Stephani Scuderii et in presencia Isnardi dAgantena, Bertrandi dAgantena, Jaucerandi Rollandi, Bertrandi Guillelmi, Guillelmi de Claromonte, Bertranti Barreria, Petri de Claromonte, Raymundi de Claromonte, Raymundi de la Faia, Guillelmi Glraudi, Bertrandi Basterii.
Mense Martii, die quinta, Millesimo ducentesimo nono, indictione duodecima, anno consulatus Gulllelmi Petri Calverie, Bertrandi Rollandi, Petri Bonifilii et ego Isnardus notarius a domino comite Ildefonso status Interfui et rogatus hoc instrumentum scripsi et hoc signo firmavi.
1. Ce document nous présente un cas un peu particulier, celui dun homme qui sest volontairement constitué homme du Temple et qui est donc assimilé à cette catégorie de dépendants. Labsence dautres documents ne permet pas de savoir si ce cas était fréquent ou non.
Sources : Pierre-André Sigal. Provence Historique, revue trimestrielle, organe de la Fédération Historique de Provence, publiée avec le concours du C.N.R.S. et de l'Université d'Aix-Marseille, tome XV. Avril Septembre 1965. Commanderie du Ruou
Voir dautres information sur le site dOpen Edition La Commanderie du Ruou
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