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Commanderie de Renneville (Haute-Garonne)

§ 1. — Renneville (H).
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Villefranche-de-Lauragais - 31

Domus Hospitalis Renneville
Domus Hospitalis Renneville

Pour étudier l’origine de cette commanderie, il suffit de nous reporter aux premières années du XIIIe siècle, pendant cette terrible guerre des Albigeois, qui ensanglanta si longtemps une grande partie du Midi et en particulier le pays s’étendant à l’Est de Toulouse et désigné sous le nom de Lauragais. Cette contrée s’offrait tout d’abord aux coups des Croisés et, plus qu’aucune autre, était infestée par l’hérésie, qui avait trouvé parmi ses seigneurs de chauds adhérents et de zélés protecteurs. Les ministres albigeois ne prenaient plus même la précaution d’y prêcher leurs doctrines clandestinement, comme ils le faisaient ailleurs ; c’était en plein jour, sur les places des villages ou dans les salles voûtées des châteaux, qu’ils tenaient leurs assemblées, sûrs qu’ils étaient de trouver dans tous les environs une hospitalité bienveillante et, au besoin, un refuge contre les poursuites des inquisiteurs. L’enthousiasme qu’ils étaient parvenus à exciter dans ces contrées était même si grand que, lorsque les seigneurs de Lauragais témoignaient ainsi ouvertement leurs sympathies aux faidits, il n’était pas rare de voir leurs femmes abandonner leurs châteaux pour se faire recevoir dans la hiérarchie des revêtues (prêtresses des Albigeois) et se condamner à la vie errante et misérable des apôtres de l’hérésie.

Aussi, quand après la prise de Béziers suivie de celle de Carcassonne, le comte Simon de Montfort eut soumis à son autorité la plus grande partie du Lauragais, il y trouva matière à de nombreuses confiscations, comme on peut s’en convaincre en parcourant les quelques registres de l’Inquisition, qui sont parvenus jusqu’à nous. A la place des anciens possesseurs des villes et du sol, on voit surgir à cette époque une nouvelle noblesse. C’étaient les guerriers du Nord, qui avaient reçu leurs parts de la conquête et le prix des prouesses qu’ils avaient accomplies.
Renneville appartenait, au commencement de la guerre, à Aymeric de Castelnau, dit l’ancien, qui, poursuivi, ainsi que sa femme, pour le crime d’hérésie, fut dépouillé de tous ses domaines. Ce seigneur est sans doute le même personnage que cet Aymeric, seigneur de Montréal et de Laurac, qui, après avoir vu ses biens confisqués, s’était jeté dans la place de Lavaur, dont dame Guiraude sa sœur était châtelaine et où il devait périr misérablement avec elle sous les coups des Croisés (1).
1. Dom Vaissette, livre XXI.
Simon de Montfort se hâta de disposer de ces riches fiefs pour récompenser les services de ses compagnons d’armes et Renneville fut dévolue par lui à Hugues de Lasces ou de Lates, qu’il créa seigneur de Lauragais. La première campagne terminée par la bataille de Muret, ce dernier se hâta de témoigner sa gratitude au ciel pour la protection qu’il lui avait accordée ; dans ce but il se présenta dans la maison de l’hôpital de Toulouse, où il demanda d’être reçu comme donat pendant sa vie et à être enseveli après sa mort, accompagnant la donation de sa personne de celle de sa place de Renneville, de ses habitants, et de toutes ses dépendances. Le prieur Bernard de Capoulège, lui accordant ses demandes, le rendit « participant de toutes les bonnes œuvres qui s’étaient faites « ou se feraient dans l’Ordre depuis son origine jusqu’à la « fin du monde. » Ceci se passait vers l’an 1213 (2).
2. Pièces justificatives, XXVI.
Peu de temps après, Simon de Montfort ratifiait l’acte de piété de son vassal et consacrait la fondation du nouvel établissement des Hospitaliers. Ceux-ci ne tardèrent pas à accroître leur domaine en se faisant céder soit par donation, soit par achat, une partie des terres confisquées sur les hérétiques du voisinage. La possession d’un des principaux fiefs acquis de la sorte, celui dont avait été dépouillée dame Titburge, veuve de Sicard de Noville, fut disputée à l’hôpital par Alphonse de Poitiers. Nous avons déjà vu comment il se désista de toutes ses prétentions à ce sujet par la charte de privilèges octroyée en 1270 (3). Ce fut vers cette époque que la maison de Renneville qui avait formé dans le principe une dépendance de celle de Toulouse fut érigée en commanderie séparée.
3. Chap. I.
Après la réunion de la province à la couronne, la haute juridiction du lieu de Renneville passa des comtes de Toulouse au roi de France : le précepteur n’y exerçait que la basse justice. Ce dernier droit lui fut môme disputé par Réginald de Dunhes, procureur du Roi, au nom de ce dernier. Le procès intenté à ce sujet par-devant le juge de Lauragais, se termina en 1282, par une composition à l’amiable dans laquelle le Grand-Prieur de Saint-Gilles, G. de Villaret, consentit à acheter au Roi, le droit contesté au prix de 1000 livres tournois (4).
4. Archives de Renneville, L. I.
Les Hospitaliers profitèrent bientôt après du repos qu’ils venaient de se procurer de la sorte pour octroyer des libertés communales à leurs vassaux de Renneville. Cette charte n’offrant aucun caractère bien saillant, nous nous contenterons d’y noter la défense faite aux habitants d’exporter de Renneville pour les marchés voisins « leurs poules, oies, « œufs, fromages, agneaux et autres denrées comestibles « avant de les avoir présentées au précepteur, afin que, si « l’entretien de la maison l’exigeait, il put les acheter au prix qu’ils en auraient trouvé à l’extérieur, » la prohibition de la pêche depuis le pont de l’Hers jusqu’au moulin de l’hôpital, le partage entre les Hospitaliers et les Fabriciens (operarii) de l’église des droits perçus sur les ventes. L’acte de ces coutumes fut dressé le 5e jour du mois de mai de l’année 1291 (5). En étudiant ce document et en le comparant à ceux du même genre, qui se trouvent dans les archives d’un grand nombre d’autres maisons de l’Ordre, on peut remarquer que les libertés qui y sont concédées sont relativement peu étendues ; ce qui s’explique aisément par ce fait que, la haute juridiction de Renneville appartenant au roi, l’autorité du précepteur y était alors fort limitée, ainsi que les privilèges qu’il pouvait concéder à ses vassaux.
5. Archives de Renneville L. I.
A peine créée par la charte précédente, la magistrature municipale de Renneville signale tout d’abord son existence par ses luttes contre les Hospitaliers. On voit les consuls tantôt refuser de payer les messiers, ou gardes des moissons, tantôt protester contre les criées, ou ordonnances de police que le précepteur avait fait publier dans les rues et les places publiques de leur ville, sans les avoir consultés et y avoir fait figurer leurs noms à la suite du sien. En 1319, nous les voyons traduits par le commandeur, Olivier de Penne, devant maître Raymond Johanis, juge du tribunal de Saint-Jean de Jérusalem dans toute la sénéchaussée de Toulouse, pour les obliger à subvenir, avec l’argent de la communauté, à l’entretien d’un enfant de 4 mois, qui avait été trouvé devant la porte de l’église (6).
6. Archives de Renneville, L. I.
Pendant la seconde moitié du XIVe siècle, le Lauragais eut à subir plus d’une fois les désolations de l’invasion étrangère. A plusieurs reprises, les Anglais le traversèrent, répandant partout la désolation et la terreur. En 1355, le Prince de Galles, débarqué à Bordeaux, se précipita, à la tête de son armée, sur le Toulousain, franchit la Garonne à Portet et s’avança jusqu’à Narbonne, laissant derrière lui, comme marques sinistres de son passage, les ruines fumantes de Carbonne, Miramont, Montgiscard, Baziège, Villefranche, Mas-Saintes-Puelles, etc. (7).
7. Dom Vaisaette, livre XXXL.
Quoique Renneville ne figure pas dans cette triste nomenclature, elle n’en partagea pas moins, selon toute probabilité, le sort de ces villes ; car elle se trouvait sur le passage de ce torrent dévastateur, qui ne put être arrêté que par les citadelles formidables de Carcassonne et de Narbonne. Peu d’années après, en effet, le précepteur et les habitants songeaient à relever de ses ruines la partie de l’enceinte qui avait le plus souffert et qui portait le nom caractéristique de mur de la bataille. Il fallait se hâter, tous sentaient l’impérieuse nécessité de mettre promptement leurs personnes et leurs biens à l’abri, non de l’invasion d’une armée tout entière, mais au moins des entreprises de ces innombrables bandes de partisans, qui profitaient du désordre général pour achever la dévastation du pays. Mais ici se présentait une difficulté : du précepteur ou des consuls, qui allait être obligé de subvenir aux frais de cette entreprise à laquelle chacun était également intéressé ?

D’après la coutume généralement admise dans nos contrées et énoncée dans la plupart des chartes de fondations de villes, le seigneur était tenu de faire entourer dès le principe sa bastide de murailles et de veiller en tout temps à sa défense de concert avec les habitants ; ceux-ci se chargeaient par contre de faire exécuter à leurs dépens toutes les réparations que la suite des temps pourrait nécessiter dans ces fortifications. Or, dans le cas présent, aucune des parties ne voulant céder, un arbitrage devint nécessaire. Le précepteur Bérenger de Gozon et les consuls de Renneville convinrent de remettre leurs discussions au jugement de Bernard André, bourgeois de Villefranche et châtelain pour le roi delà ville de Montréal. Ce dernier, après une enquête minutieuse faite sur les lieux mêmes, décida que les consuls auraient à faire construire avec les deniers de la communauté, les fortifications dans la portion de l’enceinte désignée et qu’ils devraient y faire faire des gardes de jour et de nuit « dans les temps de nécessité, sous peine de leurs corps » ; le précepteur se chargea de la défense du château et de la partie avoisinante de l’enceinte, ainsi que de la garde d’une des barrières des lices (cloturae) ; « En cas de guerre les habitants pourront se servir du patus ou place située entre l’église et le château et appartenant au commandeur, pour y mettre en sûreté leur bétail et leur mobilier, sans avoir néanmoins l’autorisation d’y rien construire » (1366) (8).
8. Archives de Renneville, L. II.
Malgré cette convention, les ressources faisant sans doute défaut aux habitants pour cette construction que Bérenger de Gozon les sommait inutilement d’exécuter, le même arbitre fut encore appelé deux ans plus tard, à intervenir dans cette affaire. Sa sentence, rendue le 28 avril 1368, donne des détails assez intéressants sur les enceintes fortifiées des petites villes de nos contrées à cette époque et à leur mode de construction. « Le commandeur, sera tenu de faire élever à ses frais, par des maîtres habiles en des sortes d’œuvres (per magistros in talibus expertos), la paroi qui doit avoir 10 pans de large et 30 de haut à partir du sol et en avant un mur de briques avec des créneaux... Au-dessus de la porte qui doit également être refaite à neuf, il doit également faire élever une tour de guet bien haute, suffisante et couverte d’une toiture en charpente et en tuiles. » Dans cette tour, les consuls devront entretenir deux hommes de garde en temps de guerre seulement ; ils devront en outre payer 40 deniers d’or au franc versés directement aux maîtres et aux ouvriers, moyennant quoi ils seront quittes de tous autres frais (9).
9. Archives de Renneville, L. II.
De ces fortifications qu’il eut été intéressant d’étudier sur place, il ne reste plus de traces que dans les archives ; peut-être de nouveaux assauts livrés à ses murs pendant les guerres religieuses vinrent-ils en hâter la destruction. Ces guerres incessantes, la famine et la peste qui en étaient alors les tristes et presque inévitables corollaires, avaient désolé le pays ; sa richesse avait disparu pour longtemps et sa population avait sensiblement diminuée. Nous en trouvons la preuve dans une bulle que Pierre de Montlezun, Grand-Prieur de Toulouse, adressa le 4 juin 1453, à Bérenger de Castelpers commandeur de Renneville, et dans laquelle il déclarait que « accédant aux vœux des consuls de cette localité, et prenant en considération sa misère et sa dépopulation » il abaissait à 5 livres tournois le droit d’albergue dû par les habitants aux Hospitaliers ; le Grand-Prieur se réservait de rétablir l’albergue entière de 10 livres, dans le cas ou des temps plus propices reviendraient pour le pays, et que le nombre des feux de Renneville atteindrait le chiffre de 60. A cette bulle est attaché le sceau en plomb du Prieur avec son blason entouré de la légende, S PETRI DE MONLAZVN (10).
10. Archives de Renneville, L. II.
Par une bulle du 28 août 1523, le grand-maître Philippe de Villiers de l’Isle Adam, donna la commanderie de Renneville au chevalier Philippe Giraud du Broc, déjà précepteur d’Homps, en récompense de la part glorieuse qu’il avait prise à la défense de Rhodes (11). Ce commandeur traita quelques années plus tard avec la couronne au sujet du droit de haute justice de Renneville, pour mettre un terme à ce partage d’autorité, qui amenait bien souvent des conflits entre les officiers royaux et les chevaliers de Saint-Jean. Par un acte daté du 13 mars 1534, François Ier lui cédait ce droit et en recevait en échange les censives, rentes et oblies que l’hôpital de Renneville possédait au Mas-Saintes-Puelles (12).
Dès lors, Renneville appartint en entier aux commandeurs qui, malgré cela, furent troublés plus d’une fois dans l’exercice de leur autorité. J’en citerai comme preuve l’épisode assez singulier, qui se trouve mentionné dans un procès intenté par-devant le Parlement par le commandeur François de Panisse Montfaucon contre les consuls. Il s’agissait d’une des prérogatives attribuées aux commandeurs de Renneville, et dont ceux-ci avaient joui depuis lors sans interruption ni conteste : je veux parler du choix des 4 consuls sur une liste de 8 candidats, présentée par ceux qui sortaient de charge. Vers le milieu du XVIe siècle, les habitants voulurent profiter du désordre des guerres civiles pour se délivrer par la violence de cette immixtion de leurs seigneurs dans leurs affaires municipales.
11. Archives de Renneville, L. X.
12. Archives de Renneville, L. II.

Profitant de l’absence du chevalier de Montfaucon, le 13 janvier 1568, ils réussirent à tromper la vigilance des gardiens du château, s’y introduisirent par surprise et, après l’avoir livré au pillage, ils se retirèrent emmenant prisonnier le frère Grimoard de Marmara, procureur du commandeur et quatre de ses soldats ; les mutins poussèrent même l’audace jusqu’à les conduire enchaînés dans les prisons de Toulouse et à les poursuivre devant le Parlement sous l’inculpation d’avoir voulu les opprimer et porter atteinte par la violence à leurs franchises municipales. A la nouvelle de ces méfaits, François de Panisse demanda justice au Roi qui ordonna de le remettre en possession de ses droits et de poursuivre les coupables auteurs de la rébellion (13).
13. Archives de Renneville, L. X.
La paix étant rétablie, les habitants ne renouvelèrent plus leurs tentatives pour enlever au commandeur le droit de choisir leurs consuls. Ayant renoncé à l’espoir d’en venir à leurs fins, ils se contentèrent de veiller avec sollicitude au maintien de leurs privilèges. C’est ainsi, qu’en 1645, ils assignèrent devant le sénéchal du Lauraguais le commandeur Jacques de Lancegue, pour le forcer « à donner, suivant la coutume, à chaque habitant, grand ou petit, le jour de Noël, le repas (defructus) consistant en un pain, un morceau de fromage et du vin, et à offrir, le même jour, à souper aux consuls sortant de charge et à leurs successeurs (14) »
Les dernières liasses de documents ne contiennent plus que les procès-verbaux des visites de la commanderie, faites pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. Nous pouvons y lire la description de la belle et grande église de Renneville, avec la chapelle du commandeur, due aux libéralités du chevalier Philippe du Broc ; ils nous montrent « tout à costé de l’esglise, le chasteau du commandeur tout basty en pierres de taille et de forme carrée. » Sa grosse tour carrée fort antienne, haulte, n’ayant an dedans aulcun logement. »

Membres de Renneville
Saint-Sulpice-de-Léze

Département: Ariège, Arrondissement: Saint-Girons, Canton: Le Fossat, Commune: Lézat-sur-Lèze - 09
Soucale (Soucate carte de Cassin)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Villefranche-de-Lauragais, Commune: Nailloux - 31
Ils nous promènent enfin à travers les membres de la commanderie, Fonsorbes, Saint-Sulpice-de-Lézat, Arfonds, Puylaurens, Marquefave, Avignonet, Soucale, etc.
En 1723 les revenus du commandeur de Renneville, étaient de 9927 livres et ses charges de 2615 livres.
14. Archives de Renneville, L. XV.

§ 2. Fonsorbes
Département: Haute-Garonne, Arrondissement et Canton: Muret - 31

Domus Hospitalis Fonsorbes
Domus Hospitalis Fonsorbes

La commanderie de Fonsorbes est l’un des plus anciens établissements de l’ordre de Saint-Jean, dans nos contrées. C’est aux temps de la première croisade qu’il nous faut remonter pour étudier sa fondation. La charte de donation, dont nous n’avons qu’une copie faite dans le courant du XIIe siècle, nous transporte tout d’abord au milieu d’une lande inculte, dans un château situé à l’embranchement des deux routes de Toulouse à Bonrepos et à la Salvetat de Sainte-Foy ; nous y voyons le Comte Sanche 1er d’Astarac et son fils Bernard, donner à Dieu, au Saint-Sépulcre et à l’hôpital de Jérusalem, représenté par Forton de Hautefage, « leur portion de l’honneur, appelé Fonsorbes, la dîme, les prémisses, en un mot tout ce qui leur appartenait dans l’église et dans la ville du lieu. » Mais une difficulté se présentait tout d’abord pour les nouveaux possesseurs ; l’exploitation de cette vaste étendue de terrain inculte et couvert de bois exigeait, sur les lieux mêmes, la création d’une résidence où ils pussent s’établir pour la diriger. Or, avant la première croisade, les ressources de l’hôpital de Jérusalem devaient être bien peu considérables et absorbées entièrement par les œuvres charitables qui s’y pratiquaient. Aussi, quand Forton vint à Jérusalem rendre compte à Gérard, prieur de l’hôpital, de cette donation et prendre ses ordres à ce sujet, celui-ci le renvoya à Durand, son lieutenant à Saint-Gilles, qui lui répondit que l’hôpital ne pouvait rien dépenser pour l’exploitation d’un domaine aussi vaste, mais qu’il le confierait volontiers à quiconque voudrait, pour le service de Dieu, y créer un établissement. Forton de Hautefage proposa de se charger de cette entreprise, en s’engageant à payer à l’hôpital « une rente annuelle proportionnée aux revenus que Dieu lui accorderait. » Ainsi investi des pleins pouvoirs de ses supérieurs, l’Hospitalier revint dans le Toulousain, où le comte d’Astarac le mit en possession du fief de Fonsorbes, par un second acte passé à Simorre, en présence de Raymond, archevêque d’Auch. Après quoi, la charte nous le montre, se rendant de nouveau à Jérusalem, où il renouvela ses engagements au prieur Gérard, et où il fit écrire ce document, qui se termine par des anathèmes solennels contre ceux qui contreviendraient aux conditions énoncées (15).
15. Pièces justificatives n° XXIX.
Suivant l’usage, trop général à cette époque, la charte qui nous occupe n’est pas datée ; cherchons si nous ne pouvons suppléer au moins en partie à cette lacune. Dom Brugelle, dans sa chronique d’Auch, nous apprend qu’on ne trouve plus de traces de Sanche Ier d’Astarac à partir de 1085 ; mais je crois que, malgré l’opinion de ce savant historien, le fait dont il s’agit et par suite, la mort de Sanche, ne doivent pas être antérieurs aux dernières années du XIe siècle. Nous voyons figurer, en effet, aux côtés du noble comte, Raymond, archevêque d’Auch. Or, dans le courant du XIe siècle, le siège archiépiscopal d’Auch ne fut occupé que par deux prélats de ce nom : le premier qui mourut en 1052, et le second qui gouverna le diocèse depuis 1096 jusqu’en 1118. C’est évidemment de ce dernier qu’il est question ici ; car pendant l’épiscopat de Raymond Ier, Gérard n’était pas encore prieur de l’hôpital de Jérusalem, qu’il devait diriger jusqu’en 1118, et Bernard d’Astarac n’eut sans doute pas figuré dans la donation si elle eût été antérieure à l’année 1066, époque où son père l’associa à son autorité. D’un autre côté, le grand âge de Sanche 1er ne permet pas de supposer qu’il ait pu vivre au-delà de l’année 1100. Il est donc à croire que ne pouvant pas prendre part à la croisade, il fit cette donation pour compenser sa non-participation à la sainte expédition. La fréquence des voyages de Forton de Hautefage à Jérusalem semblerait nous indiquer que les faits en question ont dû se passer pendant le cours de la première croisade, alors que la Méditerranée était sillonnée de vaisseaux chrétiens et que les moyens de transports vers la Terre-Sainte étaient singulièrement facilités, c’est-à-dire vers les quatre dernières années du XIe siècle.
La même charte contient plusieurs autres donations faites en môme temps à l’Hôpital : ainsi un autre membre de la famille comtale, Arnaud d’Astarac, donne en franc-alleu la Salvetat de Sainte-Foy et, se repentant bientôt de cet excès de générosité, revient sur cette donation pour se réserver les droits d’accapte et d’agrier de ce territoire. D’autres seigneurs des environs, entraînés par l’exemple de leurs suzerains, Raymond de Pibrac, Ither de Mazerolles, Wilhelm de Marca, Peleguy d’Argumbal, et Galvet de Saysses font cession à l’Hôpital de tous les droits qu’ils avaient sur les fiefs en question (16).
16. Archives de Fonsorbes, L. I.
Quelques années plus tard, deux donations importantes vinrent accroître le domaine des Hospitaliers à Fonsorbes. Folpier de Fajard et sa famille donnèrent à l’Hôpital de Jérusalem, à frère Gérard, hospitalier, le fief de Diosovol, portion du territoire de Fonsorbes, ainsi que toutes ses dépendances. Cette donation fut faite entre les mains d’Amélius, évêque de Toulouse, qui permit aux Hospitaliers de faire élever une église dans leur nouvelle possession ; autorisation dont ’ils ne durent pas profiter, car on ne retrouve pas de traces d’églises dans les environs immédiats de Fonsorbes. Ce nom poétique, imposé peut-être par le donateur en souvenir de la croisade et du cri de guerre des chevaliers gascons dans leurs expéditions d’outre-mer, disparût même complètement et se perdit dans l’appellation générale delà commanderie de Fonsorbes (17). Au mois d’octobre de l’année 1135, l’un des seigneurs qui partageaient jadis avec les comtes d’Astarac la juridiction de Fonsorbes, Bertrand de Roquefort se dessaisit de ses droits sur cette ville en faveur de l’Hôpital, moyennant une redevance annuelle de deux sols morlans (18).
17. Pièces justificatives, n° XXX.
18. Archives de Fonsorbes, L I.

La maison de Saint-Jean de Toulouse ayant été fondée dans cet intervalle, la commanderie de Fonsorbes lui fut réunie et n’eut à enregistrer dans la première période de son existence que des donations successives qui rendirent en peu de temps les Hospitaliers les plus puissants seigneurs de la contrée. Ils ne partagèrent bientôt plus leur autorité sur ce territoire qu’avec Bernard d’Orbessan ; c’est ce même seigneur que les historiens nous montrent soutenant avec ses seules forces une lutte acharnée contre les milices communales de Toulouse et signant, le 15 avril 1204, avec les Capitouls, un traité de paix dans lequel il promettait de ne plus faire de rapines, comme par le passé, sur leur territoire, et de servir désormais dans leur armée avec 4 chevaliers (19). Il était seigneur haut justicier de la ville de Fonsorbes, et il est probable que la prise et la destruction de cette dernière furent un des épisodes de la guerre dont nous venons de parler. Toujours est-il qu’aussitôt après la conclusion de la paix, Bernard d’Orbessan se mit en devoir d’édifier sur le même emplacement une nouvelle ville. Les archives de la commanderie nous ont conservé la charte que ce seigneur octroya aux futurs habitants le 12 avril 1205. Il commence par énumérer les censes légères auxquelles seront tenus ses vassaux de Fonsorbes ; il leur concède à chacun, moyennant une faible redevance, la possession de toutes les terres qu’ils défricheront. Il s’engage ensuite à faire entourer au plutôt la nouvelle ville d’un mur d’enceinte avec son chemin de ronde et ses fossés ; les frères de l’Hôpital et les autres chevaliers de Fonsorbes devant se charger de faire élever les fortifications sur leurs portions de terrain, les habitants devront pourvoir dans la suite à l’entretien et aux réparations des murailles et des fossés. Le fondateur promet de ne pas s’opposer au départ de ceux qui, ayant établi leur résidence dans la nouvelle ville voudraient s’en retirer plus tard et même de les faire transporter, eux et leur mobilier « jusqu’à Toulouse ou ailleurs, à une distance de 3 lieues de Fonsorbes. » Après avoir promulgué son code de justice civile et criminelle, le seigneur Bernard déclare que les simples amendes seront recueillies par 4 probes hommes de la localité, qui dépenseront ces sommes au commun profit des habitants (20).
19. Dom Vaissette, livre XIX.
20. Archives de Fonsorbes, L. IV.

La ville construite, il ne pouvait manquer de s’élever bientôt des compétitions d’autorité entre son fondateur et ses puissants voisins, les chevaliers de Saint-Jean. Nous trouvons, en effet, en l’année 1208, des discussions engagées entre Bernard d’Orbessan et Pierre Baravi, Prieur de Toulouse, au sujet de la juridiction de Fonsorbes, se terminer par une composition à l’amiable. Après avoir examiné les titres des deux parties, les arbitres décidèrent que les Hospitaliers posséderaient en toute propriété les emplacements qu’ils occupaient à Fonsorbes (propersam et locares), l’église, les dîmes, les prémisses dans le fort et dans la ville et devaient partager avec leur compétiteur les droits de leude, de boucherie, de garde des portes et de justice, excepté pour le cas d’homicide où tout revenait au seigneur d’Orbessan (21).
21. Archives de Fonsorbes, L. I.
Grâce à cette sentence, la bonne harmonie ne tarda pas à se rétablir entre les deux rivaux et nous voyons en 1229 Pierre d’Orbessan, fils de Bernard, sur le point de partir pour Rome donner, dans le cas où il viendrait à mourir en voyage, « à Dieu, à la Vierge Marie, à frère Sanche de l’Épée, Prieur de Toulouse, et à frère Guillaume de Barège, précepteur de Fonsorbes, » tous les droits qu’il avait encore sur cette ville ou son territoire (22).
22. Archives de Fonsorbes, L. I.
Ces disputes terminées, l’Hôpital eut à en soutenir encore de très vives avec une autre famille puissante des environs. Raymond de Villemur et ses frères Arnaud-Raymond et Raymond de Rabastens voulaient enlever à frère Guillaume de Serre, précepteur de Fonsorbes et de Gavarni, par des moyens souvent peu pacifique une portion du territoire de la commanderie sur laquelle ils prétendaient avoir des droits. Pour obtenir la paix, le Précepteur, qui n’avait pas alors des ressources suffisantes pour continuer la lutte, se résigna à transiger avec ses redoutables adversaires, qui renoncèrent à leurs prétentions moyennant 800 sols toisas (juin 1255) (23).
23. Archives de Fonsorbes, L. I.
Après avoir assuré par ces accords et divers achats leur autorité contre toute compétition, les chevaliers de Saint-Jean en usèrent, peu de temps après, pour le bien de leurs vassaux. La charte de privilèges, octroyée par Bernard d’Orbessan en 1205, assurait plutôt le bien-être matériel des habitants de Fonsorbes que leurs franchises municipales. Aussi n’est-il pas étonnant qu’au bout d’un demi-siècle ces derniers aient senti le besoin d’obtenir des modifications dans le régime sous lequel ils vivaient et aient voulu profiter de la facilité avec laquelle les seigneurs, tant laïques qu’ecclésiastiques, et en particulier les chevaliers du Temple et de Saint-Jean accédaient, durant la seconde moitié du XIIIe siècle, aux aspirations de leurs vassaux vers les libertés communales.
Le troisième jour des calendes de juin (29 mai) de l’année 1279, le Grand-Prieur de Saint-Gilles, Guillaume de Villaret, avait réuni, au château de Fronton, son chapitre provincial, lorsque, devant l’assemblée des chevaliers de l’Hôpital, se présenta une députation des .habitants de Fonsorbes qui, « fléchissant les genoux et joignant les mains », supplient le Grand-Prieur de leur octroyer « une charte « de commune, sous laquelle ils puissent vivre tranquilles « et apprendre ce qu’il leur faut faire. » Guillaume de Villaret prenant en considération leur requête, demande aux députés s’ils veulent s’en rapporter à lui pour le choix de la constitution qui va leur être octroyée. Sur leur réponse affirmative, il leur concède des coutumes analogues à celles qu’il vient d’octroyer à la petite ville d’Aigne (membre dépendant de la commanderie de Thor-Bolbonne,) et promet de leur en faire délivrer au plus tôt une charte authentique revêtue de son sceau (24).
24. Archives de Fonsorbes, L. I.
En effet, quelques jours après, le 17e jour des calendes de juillet (14 juin) de cette même année, dans la maison de l’hôpital Saint-Jean de Toulouse, le Grand-Prieur de Villaret, entouré de son chapitre provincial, promulguait la charte de commune, octroyée aux habitants de Fonsorbes. Après avoir aboli les droits d’albergue, de taille, de queste et d’emprunt forcé, le Grand-Prieur énumère les libertés qu’il leur accorde et parmi lesquelles je signalerai les suivantes : Ils pourront marier librement leurs filles partout où ils voudront et n’auront pas d’empêchements pour faire entrer leurs fils dans la cléricature. La prison préventive est abolie, sauf les cas de meurtres, de blessures mortelles, etc. Les testaments faits en présence de témoins dignes de foi, par devant l’assemblée des consuls ou, à leur défaut, un frère de l’hôpital, seront valables, « quand même ils ne seraient pas faits suivant la solennité des lois, » et les actes passés par le notaire-greffier de la ville auront la même valeur que des actes publics. Un accusé ne sera pas tenu de prouver son innocence au moyen du duel judiciaire et son refus de se battre ne prouvera pas sa culpabilité. Après quoi, le Prieur règle l’administration de la ville ; tous les ans, le Précepteur, assisté de quelques probes hommes de Fonsorbes, choisira quatre consuls catholiques, qui après avoir juré de gouverner la ville avec fidélité et de n’accepter ni présents ni services à cause de leur charge, recevront le serment d’obéissance et d’assistance de leurs administrés; ils auront à veiller à l’entretien des voies publiques, des fontaines et des ponts, et, avec l’aide et le contrôle de quatre personnes élues directement par le peuple, à répartir entre les habitants les dépenses nécessaires à cet effet. La charte contient ensuite le code de justice, la composition du tribunal, où figurent, sous la présidence du Précepteur ou de son juge, les quatre consuls de Fonsorbes. Ne dédaignant pas d’entrer dans tous les détails elle fixe les prix que le chapelain pourra réclamer pour les mariages et les enterrements. Le Prieur termine en confirmant aux habitants la donation faite jadis par Bernard d’Orbessam, de toutes les terres qu’ils défricheront, sous la redevance de la dîme, des prémisses et de l’agrier, et en concédant à la ville quatre nouveaux arpents de terre, pour servir de pâturage communal (25).
25. Archives de Fonsorbes, L. I.
La reconnaissance des habitants de Fonsorbes pour leurs seigneurs fut de courte durée, et cette modeste institution communale se vit, peu de temps après sa fondation, troublée par des orages qui faillirent en compromettre l’existence. Une plainte, portée par les Hospitaliers au tribunal du juge de Rivière, nous apprend que le dimanche avant la fête de l’Annonciation, en l’année 1308, les consuls de Fonsorbes, après avoir organisé une troupe armée sur la place publique, s’étaient rués à l’assaut de la maison Saint-Jean, qu’ils envahirent aux cris de : « A feu I à feu ! meurent les meurtriers ! » Ils s’emparèrent de la personne du précepteur, frère Bernard de Saint-Amans; après l’avoir accablé d’injures et de mauvais traitements, avoir mis en pièces son manteau d’Hospitalier ils le traînèrent ignominieusement enchaîné à travers les rues et les places de Fonsorbes et l’enfermèrent dans la maison d’un des consuls, où il resta prisonnier pendant deux jours. La répression de cette émeute ne se fit pas attendre ; les consuls eurent beau en appeler d’une juridiction à une autre, la ville de Fonsorbes fut condamnée à payer 1,400 livres tournois d’amende au trésor royal, et 50 livres de dommages au précepteur de Saint-Amans, et fut privée à perpétuité de son consulat et de ses privilèges. Cette sentence fut prononcée dans la ville de Sainte-Foy, le 5 janvier 1311 (26).
26. Archives de Fonsorbes, L. I.
Au bout d’un laps de temps plus ou moins long, les habitants de Fonsorbes, ayant sans doute prouvé leur repentir et donné des gages de leur ferme propos de se conduire moins insurrectionnellement à l’avenir, durent obtenir la rémission d’une partie de la peine prononcée contre eux et le rétablissement de leurs coutumes. Nous retrouvons, en effet, vers la fin du XVe siècle, cette ville administrée par ses quatre consuls, et c’est encore par leurs discussions avec les commandeurs que nous pouvons constater le rétablissement de la magistrature municipale ; mais, instruits par l’expérience du passé, ils n’employèrent plus que des moyens légaux et pacifiques. Le 22 septembre 1483, dans l’église paroissiale de Fonsorbes, le bailli, les consuls et les prud’hommes de la localité se présentaient devant le commandeur Bernard de Montlezun, et lui exposaient que le four banal ne pouvait leur servir à cause de la distance où il se trouvait de la ville ; « prenant en considération le bien-être de ses vassaux, » le chevalier leur accorda l’autorisation de construire des fours particuliers, chacun dans sa maison, à la condition de payer annuellement pour chaque feu (pro quolibet lari sive foco), 3 pugnerées de blé passé à deux cribles (27). Cette concession n’empêcha pas le même commandeur d’avoir à transiger de nouveau, quelques années plus tard, avec les prétentions sans cesse renaissantes de ses vassaux de Fonsorbes, sur les droits de dîmes et de fournage (1506) (28).
27. Archives de Fonsorbes, L. I. Bis
28. Archives de Fonsorbes, L. I. Bis

Veut-on savoir comment se faisait la police d’une petite ville au moyen-âge ? Ecoutons les cris et ordonnances du seigneur de Fonsorbes, prononcés le 16e jour du moys de novembre de Van 1545, à la place publique de Fonsorbes, par Dominique Saubaterre, lieutenant du juge de Saint-Clar :
« Par mandement du seigneur du présent lieu de Fonsorbes et en suyvant les ordonnances du Roy Saint-Loys et arrestz de la court souveraine du Parlement de Thoulouse, est faicte inhibition et deffence à loutz les habitans du dict lieu, de quelque estat ou condition qu’ilz soyent, maistres ou serviteurs, demeurant au dict lieu, mariez ou non mariez, de ne aller aux tabernes ou cabarets pour manger ou boyre, et aux taberniers ou cabaretiers de ne iceulx recepvoir en leurs maysons et tabernes, sur peine ausdicts taberniers ou cabaretiers de 6 livres pour chascune fois el ausdicts habitans de 2 livres. Et ce pour esviter plusieurs escandales et inconveniens à la république, blasphèmes contre l’honneur de Dieu, la Vierge Marie, saincts et sainctes du Paradis, malladies pour rayson de gormandise et de desbauchements provenant d’icelle, qui est cause que plusieurs prodigues, jureurs, blasphémateurs deviennent pouvres et indigens; que les deniers qui follement sont despendus ausdictes tabernes soyent pour la deppense de leurs maysons, pour la nourriture et entretainement d’eulx et de leurs familles (29) »
Si la lecture de ces naïves ordonnances peut exciter quelques sourires, en présence du nombre effrayant qu’ont atteint de nos jours ces établissements que le chevalier du XVIe siècle proscrivait si rigoureusement de la ville de Fonsorbes, et de la contagion des maladies morales qui en sont la conséquence, on est bien forcé d’avouer que ces mesures, que les taverniers avaient peut-être le droit de trouver oppressives, étaient, en définitive, une sauvegarde pour le bonheur et la prospérité des habitants.
29. Archives de Fonsorbes, L. V.
Pendant toute cette période, la commanderie de Fonsorbes avait subi plusieurs modifications successives. Dans les premières années du XIIIe siècle, elle fut distraite de la maison de Toulouse pour être réunie à celle de Gavarni. Mais en 1257, le Précepteur de Toulouse la réclama de nouveau devant le chapitre provincial. Une enquête fut ordonnée; les délégués Guillaume L’Ecrivain, précepteur de Montpellier, et Pierre de Villeneuve, vice-prieur de Toulouse, se transportèrent à Fonsorbes, où ils furent assaillis par les plaintes de tous les frères de la maison, contre le commandeur de Gavarni : les étables étaient vides, ainsi que le garde-manger, le mobilier avait disparu, « et tous les frères, sauf le chapelain « et le portier, étaient nus et mal vêtus, à ce point que le « signe de la croix apparaissait à peine sur leurs vêtements, « ce qui était à grand déshonore pour l’Ordre (30). » Aussi, malgré les réclamations du précepteur de Gavarni, le chapitre provincial adjugea-t-il Fonsorbes à son compétiteur (31). Lors de la création du Grand-Prieuré de Toulouse et du remaniement des circonscriptions administratives de l’Ordre qui en fut la suite, Fonsorbes fut érigé en commanderie séparée. Vers 1520 il fut réuni au domaine direct des Grands-Prieurs de Toulouse ; état qu’il ne conserva pas longtemps, car nous avons déjà vu comment en 1539, le Grand-Prieur Pierre de Grasse céda à Philippe du Broc, commandeur de Renneville, Fonsorbes, et en reçut en échange Léguevin (32).
30. Archives de Gavarni, L. I.
31. Archives de Toulouse, L. X.
32. Chap. II.


§ 3. — Saint-Sulpice de Lézat
Département: Ariège, Arrondissement: Saint-Girons, Canton: Le Fossat, Commune: Lézat-sur-Lèze - 09

Saint-Sulpice de Lézat
Domus Hospitalis Saint-Sulpice de Lézat

Située au milieu du plateau, dont les pentes rapides viennent former un cadre vert et pittoresque au cours de la Garonne, et que traverse, en le fertilisant, la petite rivière de la Lèze, la ville de Saint-Sulpice fait surgir coquettement d’un véritable nid de verdure son élégant clocher et les toitures noircies de ses vieilles maisons. C’est une bastide parfaitement conservée, avec tous les caractères distinctifs de ces petites villes que le XIIIe siècle vit éclore en si grande quantité dans nos pays. Quand le visiteur se trouve sur la place centrale, à quatre faces régulières, entourée de ses arcades traditionnelles, et qu’il aperçoit à l’extrémité des rues qui viennent s’y couper à angle droit, d’un côté la nef hardie de la vieille église des Hospitaliers, de l’autre l’ouverture d’une des portes de l’ancienne enceinte, il peut se croire transporté en plein moyen-âge et son imagination repeuple sans peine la bastide de ses habitants primitifs. Les chevaliers de l’Hôpital, qui contribuèrent à sa fondation, y ont laissé des traces nombreuses : un des côtés de la place est formé par une vénérable et vaste demeure, désignée encore de nos jours sous le nom de la Commanderie et dont ses murs noircis par le temps et son architecture nous disent l’ancienneté.

Dans le principe, l’antique abbaye bénédictine de Lézat possédait tout le pays. Ce fut un des abbés de ce monastère, Odon de Bajas, qui appela les frères de l’Hôpital, en donnant à Dieu, au Saint-Sépulcre, au prieur Gérard, l’église de Saint-Pierre de Bélac (33) et le village de ce nom « pour en faire une Salvetat. » Il faut se reporter à l’époque des croisades et à l’enthousiasme qu’excitaient alors les guerres saintes, pour s’expliquer les donations faites de la sorte par des monastères au profit des ordres de l’Hôpital et du Temple. Délivrer le tombeau du Christ et le berceau de la religion des profanations des musulmans était dans l’esprit des hommes de ce temps la manière la plus parfaite d’honorer Dieu ; c’était l’œuvre pie par excellence. Les abbés, cédant à l’entraînement général et ne pouvant prendre une part plus active aux saintes expéditions, s’en dédommageaient en enrichissant, aux dépens de leurs couvents, les milices qui s’étaient vouées à la croisade perpétuelle. A cette donation s’associèrent avec empressement les autres seigneurs du pays, Gélébrun de Pins, Calvet de Bélac, Roger et Dodon son frère, en abandonnant à l’Hôpital les fiefs et les agriers qu’ils possédaient dans ce territoire « jusqu’aux limites désignées par des croix (34). » La date de cette charte n’est pas indiquée ; mais elle se trouve comprise entre les années 1110 et 1114, période pendant laquelle Odon de Bajas gouverna l’abbaye de Lézat (35).
33. C’est sans doute le petit hameau, appelé aujourd’hui et même pendant une partie du moyen-âge, Saint-Pierres-des-Monts et situé dans les environs de Saint-Sulpice.
34. Pièces justificatives, n° XXXI.
35. Gallia Christiana, tome XIV.

A partir de cette époque les archives de la Commanderie, qui font du reste complètement défaut pour toute la durée du XIIe siècle, ne parlent plus de cette possession de l’Hôpital. Il est donc permis de supposer que par suite d’un échange, conclu dans cet intervalle avec les Bénédictins, les Hospitaliers obtinrent de ceux-ci l’église et le dîmaire de Saint-Sulpice, au lieu de ceux de Saint-Pierre, que nous retrouvons plus tard parmi les dépendances de l’abbaye. Quoiqu’il en soit, l’Hôpital de Saint-Sulpice existait au commencement du XIIIe siècle : nous trouvons, en effet, une donation qui lui fut faite en l’année 1214 (36). Mais son importance était encore très peu considérable, lorsqu’un riche seigneur des environs, Bertrand de Fraxines, donna à l’Hôpital, à Guillaume de Barèges, Prieur de Toulouse, le dîmaire de Sainte-Marie de Azenrelède, les bois de Salvatosa et de Garambot, les hommes qu’il avait à Castaignac, etc. (16 novembre 1246) (37). Quelques jours après, Bertrand de Fraxines recevait des mains du prieur l’humble manteau d’Hospitalier, et il occupa dans la suite plusieurs charges importantes dans le Prieuré de Toulouse.
36. Archives de Saint-Sulpice, L I.
37. Archives de Saint-Sulpice, L I.

Grâce à ces différentes libéralités, les biens de l’Hôpital de Saint-Sulpice avaient acquis une grande importance et, cultivés convenablement, ils eussent pu rapporter des revenus considérables à l’Ordre de Saint-Jean ; mais il fallait des bras pour défricher ces pays encore incultes et couverts de forêts. Or, pour avoir des bras, pour attirer autour de soi des vassaux en grand nombre, le moyen le plus sûr était d’offrir aux paysans, épars dans la campagne voisine, des demeures où, protégés par do solides fortifications contre les ennemis du dehors, ils pussent jouir en paix d’une condition sociale préférable à celle qu’ils avaient chez eux ; il fallait en un mot recourir au moyen si fréquemment employé à cette époque, construire une bastide. Mais ce n’était pas petite chose que de créer ainsi une ville, que de l’entourer de murailles suffisantes pour sa sécurité ; pour mener à bien une telle entreprise, qui devait, il est vrai, rapporter beaucoup plus tard, il fallait dépenser beaucoup tout d’abord. Les ressources des Hospitaliers ne leur permirent pas de la tenter. Dans cette difficulté, ils firent comme beaucoup de seigneurs de cette époque, ils s’adressèrent à plus puissant qu’eux. Le précepteur de Toulouse, frère Jacob, proposa à Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse, de lui céder pour toujours la haute juridiction de Saint-Sulpice, s’il voulait se charger de construire une bastide sur leur territoire. Cette proposition rentrait trop bien dans la politique du prince pour qu’il n’acceptât pas avec empressement. Bientôt après, au mois de mars 1257, il faisait publier, à Saint-Sulpice, la charte des privilèges octroyés aux futurs habitants, ce qui, comme on le sait, était le premier acte de la fondation d’une bastide, et accompagnait la plantation du pal et le tracé de l’enceinte. Les archives ne nous fournissent que des extraits de ce document ; ils sont suffisants pour nous permettre de constater, dans ce cas, la justesse de l’observation faite par M. Boutaric, dans sa remarquable étude sur l’administration d’Alphonse de Poitiers, que toutes les coutumes octroyées par lui lors de la fondation des bastides étaient pour une même province identique de fond et de forme (38). Par suite de la cession entière, faite par les Hospitaliers, de leur haute juridiction sur ce territoire, il n’est pas question d’eux dans les coutumes de Saint-Sulpice, dont le comte pouvait à bon droit se considérer comme l’unique seigneur justicier (39).
37. Saint-Louis et Alphonse de Poitiers, Livre V, chapitre III.
38. Archives de Saint-Sulpice, L. I

Grâce aux immenses ressources de son fondateur, la nouvelle ville s’éleva en peu de temps, entourée de sa ceinture de murailles. Son étendue, sa situation dans un pays naturellement fertile, le nombre des habitants qui s’étaient empressés de répondre à l’appel du comte Alphonse, en faisaient, dès son origine une place importante et destinée à une grande prospérité. Aussi, à la vue de l’œuvre si promptement accomplie devant eux, les Hospitaliers ne tardèrent-ils pas à éprouver des regrets pour la facilité avec laquelle ils s’étaient dépouillés entièrement de la haute juridiction de Saint-Sulpice. Ils cherchèrent à contester la validité de la transaction conclue par le précepteur de Toulouse et adressèrent leurs réclamations à ce sujet au comte dont ils cherchaient à provoquer les scrupules. Mais, malgré son zèle religieux, sa sympathique bienveillance pour l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, il refusait absolument de se rendre à leurs instances. C’est qu’en effet la possession exclusive de toutes ces bastides, semées avec profusion dans toutes les parties de son comté de Toulouse, lui tenait dextrement à cœur, car elle lui facilitait l’assimilation pacifique des provinces méridionales à l’unité française. Aussi sa résolution dans ce cas-ci paraissait-elle inébranlable et les démarches des Hospitaliers, condamnées d’avance à un échec. Mais Alphonse venait de se mettre en route avec la comtesse Jeanne, sa femme, pour suivre son frère dans sa seconde expédition d’outremer. Nous avons vu plus haut (40) comment arrivés à Aymargues, après avoir fait leur testament, les deux nobles époux voulurent octroyer, comme dernière marque de leur faveur, une charte de privilèges au Grand-Prieur de Saint-Gilles. Nous y voyons qu’en présence des affirmations des Hospitaliers au sujet de la bastide de Saint-Sulpice, suivant cette maxime bien digne du frère de Saint-Louis, « qu’il vaut mieux renoncer à son propre droit que de retenir ce qui est à autrui » le comte consentit à posséder par indivis avec le Grand-Prieur « la seigneurie, la juridiction, les franchises et les usages de la bastide Saint-Sulpice et de son territoire, » excepté pour les droits spirituels que les frères de Saint-Jean continueraient à exercer en seuls. Il y aura le bailli du comte et celui du Prieur, qui prêteront leur serment, le premier au sénéchal de Toulouse, le second, au précepteur de Saint-Sulpice. Ces deux derniers se concerteront pour le choix des consuls, des juges, des gardes, des sergents et des autres officiers (41).
40. Chapitre I.
41. Pièces justificatives, XXVIL.

Apres la réunion du comté de Toulouse à la couronne, Philippe III se hâta, à la requête des Hospitaliers, de confirmer par lettres patentes la libéralité de son oncle (Châtillon, mai 1277) (42). Malgré ces actes solennels, les officiers royaux firent, de temps à autre, des tentatives pour ressaisir h part de juridiction qu’ils avaient été obligés de céder aux chevaliers de l’Hôpital et il semblerait que les habitants se prêtassent assez volontiers à leurs desseins. Nous voyons, en effet, en 1332, le juge de Rieux révoquer à la requête de Guichard de l’Ongle, précepteur de Saint-Sulpice, le serment que les consuls avaient prêté entre les mains de l’officier royal (43) seulement et quelques années après, le précepteur Vital de Garnier, obtenir du roi Philippe V la confirmation du paréage de Saint-Sulpice contre les empiètements des officiers de la couronne (1335) (44) .
42. Archives de Saint-Sulpice, L I.
43. Archives de Saint-Sulpice, L I.
44. Archives de Saint-Sulpice, L I.

La guerre contre les Anglais, leurs invasions désastreuses dans la province avaient répandu partout la désolation et l’effroi. L’habitant des campagnes abandonnait, découragé, la culture de sa terre, qu’il avait vu dévastée si souvent et qui pouvait l’être à tout moment encore ; s’éloignant de sa demeure, il se réfugiait avec tout ce dont il pouvait se faire suivre, dans quelque lieu plus sûr. Les villes se hâtaient à l’envi de réparer leurs fortifications, soit qu’elles eussent déjà été entamées par les ennemis, soit simplement pour les rendre plus propres à leur résister. C’est ainsi que Saint-Sulpice dût à cette époque, par mandement du gouverneur du Languedoc, s’occuper de compléter ses fortifications ; nous trouvons une ordonnance adressée par Jean, comte d’Armagnac, lieutenant du roi en Languedoc, au juge de Rieux, pour lui enjoindre d’obliger les consuls et la ville de Saint-Sulpice à payer au précepteur les propriétés et les maisons dont il avait été exproprié pour l’achèvement des fortifications (28 novembre 1356) (45).
45. Archives de Saint-Sulpice, L I.
Dans les premières années du XIVe siècle, la commanderie de Saint-Sulpice fut réunie à celle de Renneville, dont elle devint le membre le plus important.
La prospérité de Saint-Sulpice avait toujours été en croissant depuis sa fondation. Ses consuls étaient des personnages importants dans la contrée. Citons un extrait de la déclaration faite par ces magistrats aux commissaires du Roi...
« Le Roy et le précepteur ont droict à la création consulaire qui est faicte chaque année à la feste de Saint-Caprais, de quatre personnages de qualité requise, qui prestent le serment èz mains du lieutenant du commandeur, ayant la faculté de porter le chaperon de rouge et de noir selon la liberté du Roy. La ville de Saint-Sulpice est une ville maîtresse du diocèse de Rieux et les consuls sont appelés à avoir scéance en assiette particulière « d’icelle... » (12 février 1610) (46).
Une sentence du sénéchal, du 11 août 1690, leur reconnaît le droit d’exercer la justice criminelle par prévention, avec les officiers du Roi et du commandeur, dans le territoire de Rieux et fait défense à ce dernier de les troubler désormais à ce sujet (47). Nous trouvons enfin dans le procès-verbal de la visite de Renneville, en 1723, que ses commandeurs « députent de six en six ans un des « consuls de Saint-Sulpice pour porter le cayer de la ville aux estats du Languedoc (48). »
46. Archives de Saint-Sulpice, L I.
47. Archives de Saint-Sulpice, L II.
48. Archives de Renneville, L. XVII.

Le comte Alphonse de Poitiers et les Hospitaliers n’avaient eu garde d’omettre dans leur bastide la création d’un de ces établissements charitables que réclamait impérieusement la fréquence des épidémies pendant le moyen-âge : je veux parler de la léproserie de Saint-Sulpice, dont nous pouvons constater l’existence dès l’origine de la bastide ; elle figure, en effet, sur la liste des établissements pieux auxquels le comte distribuait annuellement ses riches aumônes (49). Dans la suite, les maladies contagieuses étant devenues plus rares, on lui avait enlevé sa destination spéciale et on l’avait transformé en simple hôpital. En 1654, une personne charitable, G. Durand instituait pour son héritier universel la Maison-Dieu et hospital de Saint-Sulpice, et demandait que le curé, le juge et les consuls fissent choix de « deux « hommes prudents et sages » pour surveiller ses biens, dont le revenu devait être intégralement employé à la nourriture des pauvres. Nous trouvons, en 1714, le commandeur Joseph de Rolland-Reauville occupé à réglementer l’administration des biens de cet « hôpital qui, grâce à la précédente donation, « se trouvait en mesure de pouvoir soulager tant les pauvres « malades que les mendiants. »
49. M. Boutaric, Saint-Louis et Alpha, livrre V, Chap. I.

§ 4. — Arfond. — Puylaurens.
Département: Tarn, Arrondissement: Castres, Canton: Revel - 81

Domus Hospitalis Arfons
Domus Hospitalis Arfons

Sur un plateau désolé et sauvage de la Montagne-Noire, le petit village d’Arfonds, ou plutôt d’Orfonds, entoure les débris d’un vieux château féodal, de quelques humbles chaumières et de nombreuses ruines. On se sent, en contemplant ce sévère paysage, en présence du théâtre de quelque grand cataclysme. C’est qu’en effet sa position isolée et sauvage au milieu de sa ceinture presque inabordable de rochers abruptes, n’a pu sauver cette localité de dévastations successives qui en ont détruit sans retour la primitive importance et n’en ont laissé subsister que des restes insignifiants. Les Hospitaliers avaient reçu dans le courant du XIIe siècle, ce territoire érigé par leurs bienfaiteurs en salvetal et limité par des croix de pierre qu’on retrouve encore dans certaines portions de la contrée. Le château fort qu’ils y construisirent devint peu de temps après le chef-lieu d’une commanderie. Bientôt après, les habitants commencèrent à affluer des environs et le donjon des chevaliers de Saint-Jean forma le noyau d’une ville florissante ; prospérité que les commandeurs favorisèrent par l’octroi d’une charte des privilèges, qui n’est pas parvenue jusqu’à nous, mais que nous trouvons mentionnée dans des documents postérieurs. Là se bornent du reste tous les renseignements que nous avons pu recueillir sur cette première période de l’histoire d’Orfonds. A la fin du XIIe siècle, ou au commencement du siècle suivant, dût se produire un évènement formidable qui détruisit complètement cette petite ville et ne laissa à sa place qu’une solitude désolée, parsemée de ruines et dominée tristement par le donjon solitaire des chevaliers de Saint-Jean. Cette catastrophe fût-elle due à une commotion terrible de la nature ou fut-elle un épisode de la guerre des Albigeois ?

L’histoire et les archives sont muettes sur ce point, et nous ne pouvons que la mentionner, sans chercher à en préciser la nature ou la date.
Avec la ville finit aussi la première commanderie d’Orfonds. Les chevaliers s’éloignèrent du théâtre de la catastrophe et abandonnèrent avec découragement ces mornes solitudes. Profitant de leur absence et des troubles qui désolaient le Midi à cette époque, les seigneurs du voisinage trouvèrent dans les domaines de l’Hôpital une vaste proie qui tenta leur cupidité. Chacun s’empressa de s’y tailler sa portion, suivant sa convenance, comme en un pays conquis. Quand, au sortir de cette crise, les chevaliers de Saint-Jean voulurent relever de ses ruines leur établissement d’Orfonds, ils se trouvèrent en présence d’envahissements et d’usurpations déjà anciennes dont il leur devenait bien difficile d’avoir raison. Mais ici se présente à nous un spectacle bien digne d’arrêter nos regards. Ce qu’auraient tenté inutilement la persuasion ou la puissance, la foi religieuse en vint à bout ; les deux sanctions de la loi divine sur la terre, le remords et la crainte des punitions éternelles étaient des moyens de réparation efficaces dans ces siècles de fer, mais de foi, où la religion avait conservé son empire sur les âmes et réussissait à opposer sa barrière bienfaisante aux entreprises de la violence et aux prétentions de la force. Ces fiers seigneurs, qui accueillent avec un sourire de dédain les menaces et les sommations de restitution, qui sont tout disposés à repousser par la force toute tentative faite pour leur enlever leur proie, voient avec terreur approcher le terme de leur existence, le moment où il leur faudra aller rendre leurs comptes au souverain juge ; dans le calme de la vieillesse, le remords, et, à sa suite, le repentir s’emparent de leurs âmes; leurs fronts altiers s’inclinent; ils vont se jeter aux pieds de ces religieux, qu’ils ont jadis dépouillés, demandant merci pour leurs violences passées, les suppliant de prier pour eux et d’obtenir leur pardon de la miséricorde divine; on les voit même quelquefois, après avoir fait leurs restitutions, demander à entrer dans cet Ordre qu’ils molestèrent jadis et à se revêtir de l’habit monastique comme d’un bouclier contre les traits de la vengeance céleste.

Des spectacles de ce genre sont plus d’une fois mis sous nos yeux, si nous étudions les archives do la commanderie d’Orfonds. Elles nous introduisent en premier lieu dans le cloître de Saint-Remy de Toulouse, où elles nous font voir le 17° jour des calendes de juillet (15 juin) de l’année 1236, un puissant et fier seigneur, Raymond de Dourgne, venant courber devant le Prieur de Saint-Jean sa tête blanchie par les années, avouer que tout ce qu’il possédait dans le territoire d’Orfonds il l’avait usurpé sur le domaine de l’Hôpital, et après avoir fait sa restitution, demander à revêtir l’humble habit de donat de l’Ordre. Cette scène imposante avait pour témoin « Hugues d’Auduze, bailli du comte de Toulouse, et Huguet d’Alfar, amis du seigneur Raymond, qu’ils avaient amené par leurs conseils » à cet acte de justice et de réparation (1).

Puylaurens
Département: Tarn, Arrondissement: Castres, Canton: Saïx - 81

Domus Hospitalis Puylaurens
Domus Hospitalis Puylaurens

L’année suivante, le même seigneur, accompagné de deux autres de ses contemporains, se rendait devant Guillaume de Puylaurens, juge de l’évêque de Toulouse, pour raconter les faits qu’ils ont vus dans leur jeunesse et dont ils restent les seuls témoins. Ces vieillards exposent que jadis, à la place du modeste village d’Orfonds, s’élevait une ville populeuse (villa populosa), qui appartenait ainsi que son territoire aux chevaliers de Saint-Jean, et dont le dernier commandeur avait été le chevalier Raymond de Clavel (2). Nous trouvons ce même R. de Clavel à la tête de l’Hôpital de Toulouse en l’année 1170. Ce serait donc dans les environs de cette époque que nous pourrions placer la destruction mystérieuse de la ville et de la commanderie, ce qui concorde du reste avec l’âge avancé de ses derniers témoins survivant en 1236.
1. Archives d’Arfonds, L. I.
2. Archives d’Arfonds, L. I.

Parmi les nombreuses restitutions du même genre qui furent faites à cette époque, citons l’acte par lequel Gilabert de Rosilles rend à l’Hôpital ce qu’il lui avait enlevé, reconnaît au territoire d’Orfonds ses anciens privilèges de salvetat et déclare que ceux de ses vassaux qui iront y fixer leurs demeures seront à labri de toute poursuite de sa part (1140) » (3)
A côté de ces actes de réparation, nous trouvons un grand nombre de donations par lesquelles d’autres seigneurs des environs témoignèrent à l’Hôpital leur sympathique protection. C’est ainsi que le noble chevalier Sicard, seigneur de Puylaurens, donna au Prieur de Toulouse ses droits sur les territoires d’Orfonds, de Saint-Germier et de Squilles (1237) (4), donation que son fils, Jourdain de Sayssac, disputa aux Hospitaliers pendant une partie de son existence, mais qu’il leur reconnût par son testament de 1280, en leur laissant en même temps, comme témoignages de sa bienveillance et de son repentir, « deux jeunes chevaux entièrement recouverts « de leurs armures de fer, pour être employés par eux dans « leurs guerres contre les infidèles (5). » Citons enfin la donation que fit, dans le siècle suivant, dame Constance, femme du chevalier Hugues Gérard, de sa seigneurie du lieu de Naoumas (6), située dans la partie la plus montagneuse de la contrée. Les domaines de l’Hôpital s’étendirent également sur plusieurs autres territoires voisins. A partir du XIVe siècle nous voyons les précepteurs d’Orfonds ajouter au titre de cette commanderie celui de Puylaurens, où leurs possessions étaient assez étendues.
3. Archives d’Arfonds, L. I.
4. Archives d’Arfonds, L. I.
5. Archives d’Arfonds, L. II.
6. Archives d’Arfonds, L. II.

Le retour des chevaliers de Saint-Jean dans leur vieux donjon, les prérogatives accordées ou plutôt restituées à cet établissement par les seigneurs du voisinage rendirent à la commanderie d’Orfonds son ancienne importance ; les habitants revinrent peu à peu s’établir dans ces solitudes et la vieille ville ne tarda guère à sortir de ses ruines. Aussi voyons-nous en 1321 le précepteur, Arnaud de Jori, occupé à passer avec ses vassaux un accord pour régler les coutumes de cette nouvelle communauté et faire revivre l’ancienne charte en y apportant les modifications nécessitées par la marche des temps. Nous y pouvons constater, entre autres choses, la transformation complète des vêtements des habitants ; fait signalé par Dom Vaissette, qui remarque, d’après le témoignage des auteurs contemporains, que les habitants du Languedoc abandonnèrent durant le XIIIe siècle leurs vêtements primitifs, dont l’ampleur était le caractère distinctif, pour adopter des habits serrés contre le corps. A la vaste tunique qui, d’après l’ancienne charte, devait revenir au commandeur d’Orfonds à la mort de chacun de ses vassaux, l’accord de 1321 substitue « l’habit avec ou sans fourrures, le capuchon, les souliers, les sabots, la ceinture et pour une femme sa meilleure robe et « une de ses coiffures, à l’exception de sa guirlande (7) »
7. Archives d’Arfonds, L. III.
Ici comme dans presque toutes les autres commanderies, nous trouvons les chevaliers de Saint-Jean en discussion avec les maisons religieuses et les autorités ecclésiastiques des environs. C’est d’abord l’évêque de Lavaur qui leur dispute la possession des dîmes du lieu de Naoumas, procès long et dispendieux que le prélat, Roger d’Armagnac et le Grand-Prieur de Toulouse Pierre de l’Ongle terminèrent en 1331 par un partage à l’amiable de leurs prétentions respectives (8). Mais ce fut surtout avec le monastère de Prouille que la bonne intelligence fut difficile à rétablir. Il s’agissait de la forêt de Ramondens, qui dépendait de la commanderie et dont les religieuses réclamaient une partie. Ce procès, qui était commencé depuis le XIIIe siècle et qui semblait avoir été terminé en 1292 par la plantation de grandes bornes en granit entre les deux territoires voisins, se ralluma peu de temps après et durait encore dans le XIVe siècle (9).
8. Archives d’Arfonds, L. III.
9. Archives d’Arfonds, L. III.


Marquefave
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Muret, Canton: Carbonne - 31

Domus Hospitalis Marquefave
Domus Hospitalis Marquefave

Pendant cette période, un nouveau désastre était venu frapper la petite ville d’Orfonds et l’arrêter dans son travail de reconstitution. La terrible invasion anglaise de 1355, après être venue se briser contre les murs de Narbonne, avait étendu dans son mouvement de retraite ses ravages jusque dans ces contrées sauvages et misérables. Un document de 1390 nous montre le précepteur Arnaud de Marquefave occupé dans son château de Caucalières, où il avait été obligé de transporter sa résidence, à aliéner certaines parties de son domaine afin de pouvoir relever de ses ruines cette malheureuse commanderie complètement dévastée dans cette période désastreuse.
De cette dernière catastrophe, la ville et l’hôpital d’Orfonds ne se relevèrent jamais. Cet établissement végéta encore pendant la durée du XVe siècle ; mais dans le siècle suivant toutes ses parties furent successivement réunies à la commanderie de Renneville, et, cessant d’avoir une existence propre, elle constitua jusqu’à la fin un simple membre de cette importante circonscription.

1° Liste des Commandeurs de Renneville.
-----1236. Raymond Aicart.
-----1240. Dominique de Caniac.
-----1253. Raymond Tolsan.
-----1254. Pierre de Cayane.
-----1258. Pierre de Montbrun.
1265-1270. Bernard d’Aure.
-----1273. Pierre de Tournel.
-----1279. Bernard de Miramont.
-----1282. Pons de Corneillan.
-----1286. Raymond Prévost.
1295-1298. Bertrand de Jucom.
-----1300. Jacques Cigot.
-----1308. Guillaume Sarrade.
1309-1314. Bernard de Villar.
1319-1328. Olivier de Penne.
1365-1398. Bérenger de Gozon.
-----1402. Pierre Bollé.
1406-1410. Bernard d’Arpajon.
1411-1419. Antoine de Montardy.
-----1421. Guillaume de Prunet.
1423-1424. Jean de Laurac.
1437-1473. Bérenger de Castelpers.
1476-1477. Pierre de Garrigues.
1480-1502. Jean de Rolhac, lieutenant du Grand-Prieur.
1507-1512. Jean Salomon.
-----1516. Robert de Pagèze d’Asas.
-----1520. Pierre de Foncelles.
1520-1523. François de Glaudevès.
1523-1545. Philippe du Broc, Receveur du Grand-Prieuré.
1547-1557. Jean de la Vallette Cornusson élu grand-maître en 1557.
1557-1566. François de Doulcet Massaguet, Receveur du Grand-Prieuré.
1568-1570. François de la Panisse Montfaucon.
1576-1593. Pierre de Roquelaure Saint Aubin.
1604-1608. Jean des Comtes de Vintimille.
-----1617. Marianne de Tresemanes ChastueL
1635-1565. Jacques de Lancègue, prêtre de l’Ordre
1670-1673. Louis d’Estuard de Besaure.
-----1679. George de Castillon Saint Victor.
1689-1694. Philippe d’Alamadd de Chasteauneuf.
1695-1704. François-Louis de Bourbon d’Oraison.
1704-1709. Jacques de George de Taranne.
-----1713. N. de Fontanille.
1714-1726. Joseph de Rolland Réauville.
-----1737. Vincent Sauveur de Collongue Foresta, Grand-Prieur de Saint Gilles.
1742-1745. Jean Jacques R. B. de Roux-Gausbert.
1753-1767. Antoine d’Albertas Saint Mayme. Grand-Commandeur, Grand-Prieur de Toulouse.
1783-1789. N. de Gallean.

2° liste des Commandeurs de Fonsorbes.
-----1096. Forton de Hautefage.
-----1135. Bernard de Puysuiran.
-----1157. Arnaud de Puysuiran.
-----1169. Eschafred.
1205. Pons le Chapelain.
1229-1233. Guillaume de Barege.

« Vers cette époque réunion, de Fonsorbes à Gavarus puis à Toulouse, de 1257 jusqu’en 1330. »

1260-1267. Dominique de Caniac.
-----1274. Raymond du Bourg.
-----1275. Bernard de Roux.
-----1279. Raymond du Faur.
1308-1312. Bernard de Saint Amans.
-----1316. Bernard de Gironde.
1331-1333. Arnaud de Serre.
1338-1390. Bertrand Claustra: Receveur du Grand-Prieuré.
1474-1519. Bernard de Montlezun,

3° Liste des Commandeurs de Saint-Sulpice de Lézat.
1260-1275. Pierre du Port.
-----1279. Raymond Prévost.
-----1303. Marquès d’Escornebœuf.
1329-1332. Guichard de l’Ongle.
-----1335. Vital de Garnier.
-----1359. Pons de Rafaud.
1387-1398. Pierre de Magnier.

4° Liste des Commandeurs d’Arfonds
-----1170. Raymond Clewel.
-----1298 Elle de Rossac.
1305-1308. Pierre de Caylus.
-----1315. Arnaud de Boren.
1318 1332. Arnaud de Jori.
-----1334. Jean de Paul.
1390-1395. Arnaud de Marquefave.
-----1395. Ithier de Poncet.
-----1506. Raymond Rolis.

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