Commanderie de Narbonne Préliminaires
I
Les Commanderies encore une page d'histoire à peu près ignorée. Pourquoi ?Religieux et militaires tout à la fois, les ordres de chevalerie n'ont-ils donc laissé aucune trace sur le sol français ? Seigneurs justiciers quelquefois, riches propriétaires toujours, ils occupaient pourtant un rang honorable (1) dans une société où la fortune et les titres nobiliaires créaient des privilèges. Pour les mêmes motifs, ils auraient dû être compris dans ce mouvement que souleva la Révolution contre tout ce qui tenait à la religion et à l'ancien régime. Il n'en est rien pourtant, du moins on n'en trouve pas de preuves ici.
1. Pendant longtemps, ils furent convoqués aux assemblées provinciales, où ils prenaient rang immédiatement après le clergé.
Les Commanderies, il est vrai, étaient la plupart du temps données à ferme ; le Commandeur n'y paraissait que rarement, son procureur, fondé et ses juges administraient ses biens et la justice locale : le fermier cultivait les terres : si excès ou abus il eut, la personne du Commandeur était en quelque sorte à l'abri de toute imputation malveillante. D'ailleurs un point de la règle, qui fut toujours scrupuleusement observé, prescrivait la visite des Commanderies : le Commandeur et ses délégués étaient donc soumis à un contrôle (1). Il n'en fallait pas davantage pour prévenir ou réparer des abus que les autres seigneurs féodaux pouvaient plus impunément commettre.
1. La visite de 1648 (Saint-Vincent, IX. 11) déclare que « ses procureurs (du Commandeur) sont fort honnêtes gens, sy comportant bien... »
Il convient de remarquer enfin que le côté charitable de l'institution, aussi bien que la valeur militaire des chevaliers, était bien capable d'attirer à l'Ordre les sympathies populaires.
Les Commanderies étaient donc une sorte de féodalité à part ; aussi conçoit on facilement qu'elles n'aient pas suscité des animosités, et que leur souvenir s'efface, comme s'effacent toutes choses de la mémoire des hommes.
Sans nous préoccuper si quelques-unes furent d'origine templière, elles étaient nombreuses, dans la circonscription actuelle de l'Aude les Commanderies de Saint-Jean de Jérusalem, Narbonne, Saint-Pierre-de-Mer, Céleyran, Preisse, Saint-Nazaire, Homps, avec ses membres d'Azille, Laroque-de-Fa, Massac, Carcassès, Albas, Roquefort, Prugnanes, Douzens, avec ses membres de Cabriac, Peyriac-Minervois, Saint-Jean-de-Brucafel, Fajac, Peyremale, Sales-du-Razès, Magrie, Campagne ; Rustiques ; Pexiora, avec ses membres de Villeneuvette, Las Bordes, Besplas, Arzens, Fonters, Villasavary, Laurabuc, Cumiès, Fendeilles, Miraval, Villeneuve-la Comtal, Le Py, Avignonet, Mas-Saintes-Puelles, Mauremont, Montesquieu, le Baux....
Or ce vaste réseau, ces propriétés donnaient à l'Ordre une puissance qui eût pu devenir dangereuse, si les chevaliers de Saint-Jean n'eussent toujours été en même temps de bons religieux et de fidèles sujets.
Rappelons en quelques mots l'origine et l'organisation de l'Ordre.
L'Ordre des Frères Hospitaliers, plus tard de Saint-Jean-de Jérusalem, fut établi en 1099 ; le premier grand-maître fut le bienheureux Gérard, qui se fixa d'abord à Jérusalem au service des pauvres pèlerins et des malades, en attendant de prendre part aux Croisades et à la défense des Lieux-Saints. En 1310, les chevaliers de Saint-Jean s'emparèrent de l'île de Rhodes ; en 1530, ils se fixèrent dans l'île de Malte que Charles-Quint leur avait donnée : de là vient qu'on les appela successivement chevaliers de Rhodes, chevaliers de Malle, Ordre ou religion de Malte.
Cet Ordre se partageait en trois classes :
1° les chevaliers qui devaient être nobles de quatre races du côté paternel et du côté maternel.
2° les chapelains ou prêtres d'obédience.
3° les servants d'armes.
Ils faisaient les trois vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance et s'obligeaient encore à traiter et à défendre les pèlerins.
L'habit régulier consistait dans une robe de couleur noire, avec un manteau à pointe de même couleur, auquel était cousu un capuce. Cette sorte de vêtement se nommait manteau à bec, et avait sur le côté gauche une croix de toile blanche à huit pointes.
Le pape Alexandre IV réserva cet habit aux chevaliers seuls.
A la campagne et à la guerre, les chevaliers portaient une sopra-veste ou cotte d'armes rouge avec la croix de l'Ordre (1).
1. Abbé Vertot, Histoire des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
La forme de l'organisation de l'Ordre de Malte fut toujours aristocratique. Au sommet, le Conseil, autorité suprême, dont le grand-maître était le Chef et le Président. Pour régir les grands biens de l'ordre, le Conseil députait des Commandeurs qui administraient des portions plus ou moins grandes de ces biens qu'on appelait Commanderies. Chaque Commanderie avait un chef-lieu et des membres.
Le Commandeur n'était qu'un administrateur, comptable à la chambre du Trésor. Il était obligé en outre de remettre une partie des fruits de sa Commanderie, qui, sous le nom de responsions, servaient à l'entretien de la maison de Jérusalem, aux frais de la guerre et à la paye des soldats séculiers que l'Ordre prit plus tard à sa solde.
L'ordre était partagé en huit langues (1). Le Languedoc dépendait de la langue de Provence, qui comprenait les deux grands prieurés de Saint Gilles et de Toulouse et le grand bailliage de Manosque. Le prieuré de Saint-Gilles comprenait 54 commanderies ; le prieuré de Toulouse, 35 (2).
Les commanderies étaient réservées, les unes aux chevaliers ; les autres, aux Frères servants et aux prêtres conventuels. La Commanderie de Narbonne, dont nous allons nous occuper, fut, du moins après sa constitution définitive, de cette dernière catégorie. Elle comprit, mais au XVIIe siècle seulement jusqu'à la Révolution, avec Narbonne pour chef-lieu, les membres de Saint-Vincent d'Olargues, au diocèse de Saint-Pons, de La Bessière et de Nigresserre, dans le Rouergue.
1. Ce partage n'eut lieu qu'en 1330. Cf. Histoire de Languedoc, T, IX. c. 451.
2. L'Ordre de Saint-Jean possédait près de 500 commanderies.
— En France, d'après l'Abbé Vertot (Tome V. Livre XV) on en comptait 182.
— D'après l'abbé Méric (Le Clergé sous l'ancien régime) 136.
— D'après M. de Barrau (Documents sur les Ordres du Temple et de Saint-Jean, page 126) il y avait, dans les trois langues France, 245 Commanderies, et le revenu total de l'Ordre y était, à la même époque (1780), de 4. 284 651 livres.
II
Un mot sur les sources que nous avons consultées.En 1749, frère Joseph Grégoire, prêtre conventuel de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem fit l'Inventaire général de la Commanderie de Narbonne. C'est un volume relié, manuscrit de 363 pages, avec plusieurs folios blancs (1). Mais à côté de ce travail déjà si précieux, nous trouvons, au même dépôt public, les liasses et les pièces classées dans l'Inventaire ; tout cela dans le même ordre, dans les mêmes layettes que les conservateurs modernes ont su religieusement respecter.
Pour chacun des membres de la Commanderie, l'auteur de l'Inventaire et du classement procède par liasses et par numéros. Donations, baux à cens, lauzimes, contrats de ferme, transactions, pièces de procédure, sentences, arrêts, tels sont les titres des divers documents (2). Le classement des documents comprend, pour Narbonne, 35 pièces en huit layettes et sept livres de reconnaissances ; la pièce la plus ancienne remonte à 1143 ; la plus récente date de 1730. Pour le membre de Saint-Vincent, 104 pièces en 10 layettes, et cinq livres de reconnaissances ; les titres remontent en 1137 et s'arrêtent en 1725. Pour le membre de La Bessière, à peine quatre livres, et quatre layettes renfermant 41 pièces, de 1331 à 1729. Enfin pour le membre de Nigresserre, sept livres, et 2 layettes renfermant 31 pièces, de 1312 à 1726. Au total 307 pièces et 23 livres de reconnaissances.
1. Archives départementales, de la Haute-Garonne, II. Ordre de Malte, 103.
2. Les livres de reconnaissances ont été distraits de ce classement primitif et forment dans la série H une suite distincte et séparée, 2037, 2034, 2368, 2373.
Nous avons parcouru ce fonds précieux : nous en avons rapproché les éléments souvent disparates ou obscurs, avec l'espoir de donner au lecteur une idée plus nette et plus précise d'une institution qui dans Narbonne du moins, n'a laissé que peu de souvenirs (1). Comme références dans nos indications, nous avons respecté le classement de l'Inventaire général : nous donnons d'abord le nom du membre; le chiffre romain indique la liasse ou layette ; le chiffre arabe, la pièce citée (2).
1. Nous n'étonnerons personne en disant que cet Inventaire contient de nombreuses erreurs topographiques et onomastiques.
2. Nous devons témoigner ici notre reconnaissance à M. Baudoin, le savant archiviste de la Haute-Garonne, ainsi qu'à M. Moudenc, archiviste-adjoint, pour la complaisance avec laquelle ils se sont mis à notre disposition.
A Narbonne, l'Inventaire des actes et documents de l'Archevêché contient l'analyse de quelques actes relatifs à l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem (Tome II. folio 203 à 209, 17 pièces ; et folio 561 et 570, deux pièces). Quelques-unes de ces pièces font double emploi avec les documents de Toulouse.
Les documents, conservés par MM. les Pénitents Bleus et gracieusement mis à notre disposition, nous ont fourni quelques indications. Grâce enfin à l'obligeance de M. Léonce Favatier, notaire honoraire à Narbonne, nous avons pu recueillir, dans les Archives de son étude, des détails qui éclaireront le sujet. La pauvreté des Archives locales, sur la matière qui nous occupe, nous a fait doublement apprécier ces bienveillantes communications.
III
Quelle était, aux XIIe et XIIIe siècles, la vie sociale, la vie du peuple à Narbonne ? Ou est tenté de la croire bien misérable, car les institutions de bienfaisance abondent à cette époque ; ces institutions sont, il est vrai, la preuve d'une foi vive, d'une charité abondante ; mais ne sont-elles pas aussi l'indice d'une pauvreté certaine. Si nous consultons les archives communales, il sera facile de se faire une idée de la population et de l'état social de la ville. En 1270, les habitants prêtaient serment de fidélité au vicomte ; or, distraction faite de 25 probi homines de Ponte, on y comptait 118 cordonniers, 45 tisserands, 38 tailleurs d'habits, 43 marchands de poisson, 44 pêcheurs, 36 charpentiers, 60 aventuriers, 55 forgerons, taillandiers ou serruriers, 23 arquebusiers, 37 meuniers, 27 bladiers, 47 portefaix, 3 boulangers, 41 aludiers, 16 corroyeurs, 4 manganiers, 114 lainiers, 13 jardiniers et 20 maçons ou carriers. Quant aux actes du XIIe siècle, ils ont tous pour objet les maisons des Pauvres ou des Lépreux (1). Quand ils vinrent à Narbonne, les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean se trouvèrent donc en bonne compagnie pour l'exercice de la charité.1. Archives communales de Narbonne, AA. 25 et AA 114 passim.
Les Templiers, au moins en 1130, avaient à Narbonne un hôpital, car Raimond-Bérenger entra à cette date dans la milice du Temple. Cet hôpital devait être situé non loin de la Vicomté, puisqu'au dire de Pierre de Vaux Cernay, Amaury de Montfort, logé dans ce palais, dut pour avoir violemment ouvert une croisée et suscité ainsi une émeute, se réfugier dans la maison des Templiers (1).
1. Histoire de Languedoc, Tome VI, page 384.
— Expilly, dans son Dictionnaire de la France (Tome V, page 142) compromet quelque peu la vérité de ses assertions, quand il écrit « les Templiers étaient établis à Narbonne dès avant l'an 1212. »
On connaît d'autre part l'existence de quatre hôpitaux, deux en Cité et deux en Bourg : les hôpitaux des Pauvres, appelés quelquefois Aumône et Charité, et les hôpitaux des Mizels ou Lépreux. Ces établissements étaient entièrement sous la dépendance des consuls, qui nommaient un précepteur ou commandeur et agréaient les frères et les sœurs admis, sous la foi du serment, au service des pauvres et des malades.
La Maladrerie, ou hôpital des Lépreux de Cité, existait au moins en 1167, puisque le Chapitre de Saint-Just faisait avec les administrateurs un échange de terre (2).
En 1171, on construisit, pour le service religieux de la maison, une église sous le vocable de Saint-Laurent (3). Le tènement de la Malautié au Nord de la ville rappelle l'emplacement de cet hôpital, au levant duquel se trouvait le faubourg de Villeneuve (à l'Est de Narbonne).
Les lépreux étaient inhumés soit au cimetière de Saint-Félix, soit au cimetière de Saint-Laurent.
2. Archives communales de Narbonne, AA. 104, folio 182. Annexes IV.
3. Archives communales de Narbonne, AA. 104, folio 180.
L'hôpital des Pauvres de Cité était situé sur la paroisse de Saint-Sébastien, et était contigu à la Porte-Roy.
La Maladrerie de Bourg, appelé plus récemment hôpital de la Peste ou Hospitalet, était situé au tènement de la Mailhole, à l'Est de Narbonne, sur les bords de la Rivière. L'hôpital des Pauvres était situé près de la Porte Raymond-Jean, supprimée en 1608 ; on voit encore des restes de l'ancienne chapelle Saint Jacques, au nord de ce qui est aujourd'hui la Place de la Porte de Perpignan. Cette chapelle fut construite par les Consuls pour le service de l'hôpital, sur bref du pape Boniface VIII (5 des calendes de novembre 1294) (1).
1. Archives communales de Narbonne, AA. 106, folio 97 et 109 folio 56.
— Les deux hôpitaux des pauvres n'avaient que de faibles ressources au XVIIe siècle ; aussi furent-ils remplacés par les hôpitaux modernes, que les archevêques ont élevés et généreusement dotés.
Enfin à côte de ces divers hôpitaux, on trouve plus tard les Ordres de Saint-Antoine et de Saint Lazare (2).
2. Archives communales de Narbonne, AA. 105 folio 40 et passim.
— Archives nationales, S. 4858-4859.
Si les besoins étaient nombreux, nombreux aussi étaient les refuges des pauvres et des malades. Mais à côté de ces besogneux d'office, la société de l'époque comptait les pèlerins de la Terre Sainte, sorte de pauvres volontaires, qui la plupart du temps quittaient leur manoir ou leur paroisse, s'enrôlaient dans les Croisades ou s'acheminaient isolément vers Jérusalem. A ce nouveau besoin, répondait l'institution des ordres militaires. L'ordre des chevaliers de Saint-Jean sut mettre à profit la position topographique de Narbonne pour s'y établir.
Rien de précis sur la fondation de leur maison de Narbonne. La commanderie existe sûrement en 1143, puisqu'à cette date elle reçoit une donation de la part de Guillaume Raymond. Elle dut donc être fondée de bonne heure (3).
3. Les commanderies d'Homps et de Béziers ne datent que de 1148 ; celle de Périex, près de Nissan, de 1170.
Dans la Provence et le Languedoc, les commanderies se multiplièrent rapidement, grâce au caractère méridional qui s'accommodait merveilleusement d'une institution où la foi et le patriotisme trouvaient leur compte, et d'où n'étaient pas bannies les aventures sur terre et sur mer. Rien d'étonnant donc que l'un des premiers grands maîtres de l'ordre soit un languedocien, Gaucelin d'Azillan ; d'autre part son passage à la suprême magistrature dut certainement contribuer beaucoup à la prospérité ou à l'établissement de l'ordre dans le Midi (1).
1. Abbé Vertot remarque que c'est surtout vers 1156 que les donations et les fondations furent nombreuses. Or vers cette date, Gaucelin est dans le pays, inspectant sans doute les maisons, inspirant à ses frères d'armes le véritable esprit de l'ordre, mais assistant aussi comme témoin ou comme légataire à divers actes publies qui intéressaient les Hospitaliers de Jérusalem. En 1150, il assiste au serment de Roger, vicomte de Béziers ; en 1151, il est témoin à la donation d'Ermengarde, vicomtesse de Narbonne ; en 1160, il est à Carcassonne, dans l'église Sainte-Marie, témoin du serinent de fidélité du vicomte de Minerve. Il y a donc lieu d'attribuer à Gaucelin le mérite des bienfaits dont parle Vertot.
Où fut établie la Commanderie de Saint-Jean ? Ici encore rien de précis. Deux documents nous autorisent à croire qu'elle a dû à l'origine être fixée en Bourg, dans la partie désignée encore récemment « île Sainte Marguerite, place des Infidèles. » Cette île, en effet, au dire des actes de 1656 et 1619 (2), était « ci-devant appelée Isle Saint-Jean » Ne peut-on pas voir dans cette dénomination un souvenir du premier établissement ? Il faudrait donc supposer que l'Ordre se trouvant à l'étroit dans cette partie de la ville (3), songea de bonne heure à s'établir ailleurs ; dès lors les actes de 1208, portant donations et achats nombreux au faubourg de Coiran et de la Salade, expliquent un déplacement devenu désormais nécessaire. En tout cas, la Commanderie a subsisté dans ce quartier (aujourd'hui rue et place du Tribunal, rue Chennebier, rue du Lion d'Or), jusqu'à la Révolution.
2. Narbonne, IV. 11 ; V, 11.
3. Les îles Sainte-Marguerite et Sainte-Claire, formant le n' 22 des Plans Varlet, sont limitées aujourd'hui par les rues de la Parerie, Hector Berlioz, des Orfèvres, Turgot, Sambre et Meuse, au quartier de Bourg, paroisse Saint Paul.
IV
Chaque Commanderie comportait une attribution de revenus, et conséquemment une certaine étendue de territoire dépendant du chef-lieu. L'étendue de la Commanderie de Narbonne ne fut pas constante.Aux débuts de l'Ordre, l'organisation ne fut ni parfaite, ni bien définie, car les établissements étaient forcément précaires. Mais quand les donations se multiplièrent, on dut forcément aussi multiplier les Commanderies, morceler les unes, créer les autres. L'accession des biens des Templiers aux biens des Frères hospitaliers de Saint-Jean (1312) ; la création du grand prieuré de Toulouse (1315) et la division de l'Ordre en plusieurs langues (1330) apportèrent aussi de nouvelles modifications (1) qu'il serait difficile de relever.
1. Nous avons vu que les plus anciennes dates des documents sont pour La Bessière, 1331 ; pour Nigreserre, 1312.
En tout cas, pour Narbonne, voici les principales modifications connues.
En 1177, Bernard du Lac est procureur des biens de l'hôpital Saint-Jean dans le Narbonnais et le Minervois, comme en 1100, Arnaud de Campagnols l'était dans le Biterrois et l'Agadès (2).
En 1190, Pierre Mir est prieur de la Province de Narbonne (3).
2. Histoire de Languedoc, T. VII, page 70.
3. Archives, Commune de Narbonne, AA. Notes, page 449.
A cette époque, l'administration de l'Ordre est donc régionale. Elle paraît locale vers 1214-1215, car « Bernard de Béziers est commandeur de la maison de Narbonne et de Saint-Pierre-de-Mer », quoique « frère Rainald soit chargé « du soin et de l'administration de la maison de Narbonne » (1).
1. Histoire de Languedoc, T. VIII, Pr. 182.
— Inventaire de Narbonne, tome I page 28.
Mais dès 1223. la maison de Narbonne est distraite de celle de Béziers, comme celle de Saint-Pierre est distraite de celle de Narbonne, car le même frère Rainald est appelé « commandeur de notre maison », et il reçoit « donation de deux cents sols melgoriens pour réparer l'habitation de Coiran » (2).
2. Archives départementales de Haute-Garonne. Ordre de Saint-Jean, Narbonne, liasse 2, n° 7. Original.
Quels furent les membres qui successivement ou simultanément furent sous la dépendance de la maison chef-lieu de Narbonne ? Les documents se taisent ; et en dehors de l'union de Narbonne et de Saint-Pierre-de-Mer, il faudrait se livrer à des conjectures. Disons néanmoins, pour nous en tenir au Narbonnais, qu'en 1237, les Commanderies de Narbonne, de Capestang, de Saint-Nazaire, de Saint-Pierre-de-Mer, d'Homps sont constituées, et que rien n'indique une dépendance réciproque (3). En 1269, la distribution est la même, puisque les Commandeurs de ces mêmes maisons sont personnellement convoqués à la réunion des Trois-Etats de la Sénéchaussée de Carcassonne (4).
3. Narbonne, VI. 3. — Toutefois en 1343, les maisons de Narbonne et de Saint-Pierre-de-Mer paraissent momentanément réunies une seconde fois. Inventaire des actes et document de l'arch., T. II., St-Jean, n' 14 et folio 561.
4. Histoire de Languedoc, T VIII. Pr. 529.
Ce ne sera qu'au seizième siècle que les documents pourront nous fixer, du moins pour la Commanderie de Narbonne et nous faire connaître en même temps les abus qui se glissèrent dans l'institution. C'est ainsi qu'en 1666, « frère Jacques de Lanseigne sera commandeur de Renneville, près d'Avignonet, et en même temps de Saint-Vincent (d'Olargues) de Narbonne et des membres en « dépendant » (1). Il y avait donc cumul et c'est un peu arbitrairement que les Commanderies étaient distribuées. Jusqu'en 1595, les membres de Narbonne, de Saint-Vincent, de La Bessière et de Nigreserre eurent une existence indépendante : les listes des Commandeurs en font foi. Mais dès cette époque, l'union est consommée jusqu'à la Révolution. Toutefois, Saint-Vincent, grâce à son importance, fut au XVIIe siècle le chef de la Commanderie ; Narbonne était donc passée au second rang, et nous verrons la pauvreté de ses revenus. Sa position topographique devait néanmoins lui rendre la première place, et c'est à sa Robine et à la création du Canal du Midi qu'il faut attribuer cette restitution (2).
1. Archives Favatier ; Carousse, notaire, 10e liasse, n° 22.
2. Ou connaît l'importance qu'avait déjà Narbonne, lors de la guerre de Trente ans, période française, et les avantages que cette ville offrit à de Schomberg, et à l'amiral de Sourdis, archevêque de Bordeaux, pour l'embarquement du blé à destination de Toulon et des armées françaises.
— Cf Archives de la commune Narbonne 110, folios 172-174.
L'Ordre des chevaliers de Malte faisait en effet un grand transport de grains pour ses diverses maisons du Levant. Le 14 mars 1672, « François André, marchand de Marseille, faisant pour le compte de la Religion, faisait réquisition à André Filhol, patron de la leuge Saint Jean-Baptiste-Bonaventure, relative au nolisement de sa barque pour le transport de neuf cents setiers de blé aux îles de Marseille. »
Le 6 avril, le patron Pierre Baume, d'Arles, est encore au service de l'Ordre. Le neuf avril de la même année, le même négociant de Marseille réclamait « à Messieurs les commis de la foraine de Narbonne la somme de 2169 livres, 15 sols 9 deniers » indûment perçus, puisque Sa Majesté a « de tout temps tenu exempt ledit Ordre Saint Jean de
Jérusalem de payer aulcung droit foraine ny autres pour le chargement des bleds et autres grains qu'il fait fére partout le royaume, » Il s'agissait pour cette fois seulement du transport de la quantité de « 4290 cestiers de blé : sur la barque du patron Reboul, de Tholon, 590 cestiers ; sur la « leuge du patron André Filhol dudit Narbonne, 900 cestiers ; « sur la leuge de Jean Serres, 800 cesliers ; sur la leuge de « François Serres, 900 cestiers ; et sur la leuge de Claude « Fourt, 1100 cestiers » (1).
1. Archives Favatier ; Jean, notaire à Narbonne, 8e liasse.
Modeste par ses revenus, modeste par son affectation « aux chapelains et servants d'armes » (2), Narbonne, jadis si florissante, était donc d'une réelle importance pour l'Ordre de Malte. Cette maison eut pu reconquérir son ancienne valeur si les Augarde, les Ricard, les Grégoire et autres eussent gardé la résidence et profité des avantages matériels que Narbonne leur offrait. 2. Expilly, Dictionnaire de la France, V, 142.
V
L'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, à en juger du moins par les traces que les actes de procédures ont laissées dans l'Inventaire et les documents, n'était point processif. On sait d'autre part que l'Ordre était bon administrateur.En ce qui regarde la maison de Narbonne, nous relevons « les lettres royaux obtenus par le Commandeur, en 1528, « pour faire assigner les emphytéotes du tènement de la « Salade » ; un « arrest du Parlement de Toulouse (23 novembre 1592) qui démet Jean Bodel de l'appel qu'il avait relevé de la sentence du sénéchal de Carcassonne »
Un « jugement des requêtes (15 octobre 1615) par lequel le Commandeur de Narbonne est maintenu dans la faculté et exemption de ne payer aucune dime pour raison des terres qu'il possède audit Narbonne, avec défense au syndic du Chapitre St-Just et à ses fermiers de n'user d'aucun droit contre le Commandeur » (1)
1. Narbonne, VII, 2, 5 et 9.
Cette dernière affaire traîna jusqu'au 28 mars 1616. Enfin l'action intentée contre les Pénitents bleus (28 août 1623) pour inféodation de la chapelle Saint-Jean (2).
2. Narbonne, VIII. 1 et 2.
Pour le membre de Saint Vincent, constatons encore un petit nombre de procès. En 1600, le sénéchal de Béziers rend une sentence obligeant les fruits-prenants de la paroisse de Fraisse à réparer l'église ; en 1627, arrêt du Parlement de Toulouse, à la demande du Commandeur, renvoyant les Consuls, le prieur de Fraisse et le syndic du Chapitre de Saint-Pons, par devant l'évêque pour la nourriture des pauvres ; et par devant les experts, pour les réparations à l'église. Enfin, en 1733, jugement des requêtes obligeant les tenanciers de Riveyrals à payer les droits de censive au Commandeur (3).
3. Saint-Vincent, V. 6, 7 et 11.
Pour La Bessière et La Vinzelle, le droit d'exemption de dîme à payer au curé (1648), le droit de jouir de la chapelle de l'hopilal (1674) et les droits de censive (1730 et 1731) durent être confirmé au Commandeur par diverses sentences du Parlement de Toulouse ou du Sénéchal de Rouergue (4).
4. La Bessière, III. 2, 4, 5 et 6.
A Nigreserre, deux fois seulement (1729) le Commandeur fut obligé de recourir au Parlement pour défendre ses droits sur les fiefs baillés à cens (1).
1. Nigreserre, tome II, 4 et 6.
Or, pour qui a tant soit peu étudié les goûts processifs de l'époque, et les nombreuses difficultés qui survenaient entre seigneurs et vassaux, il y a certainement lieu, au milieu des complications administratives du temps passé, d'être édifié sur le petit nombre de différends survenus entre les Commandeurs et leurs voisins, leurs vassaux ou leurs emphytéotes.
Les transactions furent plus nombreuses ; elles prouvent, il est vrai, qu'il s'élevait des différends, mais elles démontrent aussi la facilité avec laquelle on s'accordait ici pour terminer à l'amiable des questions, que d'autres corps se plaisaient à porter bruyamment devant les tribunaux de l'époque.
Parmi les transactions nous signalerons « un acte de l'an 1213 par lequel appert comme par convention expresse entre le sieur Arnaud, archevêque de Narbonne et le Commandeur de la maison de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, les dites maisons de Capestanget de Narbonne seraient quittes de la dîme pour raison de leur bétail et de tous les fruits de leurs jardins. »
Quant aux « autres possessions qu'ils y avaient lors justement ou qu'ils acquerraient à l'avenir » l'Ordre payerait à l'archevêque la dix-septième partie de la dîme (2).
2. Inventaire des actes et des documents, Saint-Jean, n' 7.
C'est encore par une transaction qu'en 1233, le différend entre le Commandeur de Magrie et l'archevêque de Narbonne est tranché par les « raisons baillées par les sieurs Roger, abbé de Saint-Polycarpe et Guillaume, chapelain de Pieussan », choisis pour arbitres (3).
3. Inventaire des actes et des documents, Saint-Jean, n' 9.
Signalons enfin la translation de 1237, « sur le différend qui étoit entre Pierre, archevêque de Narbonne, d'une part, et les Commandeurs de Saint Gilles, de Narbonne, de Capestan, de Saint Nazère, de Saint Pierre de Mer, Doms de Magrian, de Jonqueris et d'Albais, d'autre part (1). »
1. Narbonne, VI, 3. — Inventaire archives de Saint-Jean, n' 11.
L'archevêque demandait « un droit de censive sur les maisons des Toulouzains (2) et de Raymond Porcel » censie que celui-ci avait pourtant laissée à l'hôpital Saint Jean de Narbonne. Il demandait en outre la dîme de divers terroirs appartenant aux Commanderies du diocèse de Narbonne « au champ Ardon au terroir de Saint-Pierre del Lec ; Garsagues (alias Garlagas) et Canet, Capestang, fief « de Preissan, Saint Romain, Saint-Nazère, Domps, Ajoar (Jouarres, territoire d'Azille) ; les droits sur les églises de « Magrian (Magrie, près de Limoux), Saint-Julien au Mineivois, Albas, Jonqueris et Costeja (CosLoia, Couslouge), Prémian.... » (3).
2. Les documents de Narbonne donnent la variante « del Toulsas, Ramond Pourcel, chanoines de Narbonne »
3. En décembre 1177, Pons, archevêque de Narbonne, avait pourtant donné à Pierre Gautier, commandeur de Saint-Gilles, les églises de Jonquières, Coustouge et Magrie Documents, V, 55, folio 243, Inventaire Archives de Saint-Jean, n° 3.
L'archevêque demandait encore l'institution, dans la Chapelle de Saint Jean de Narbonne, de trois chapelains conformément aux fondations faites par « demoiselle Mourlane, femme de Bernard Amiel, Foulquèze (alias Foquet) Fruncigene et Pierre Ramond Baron (alias Parrot). Enfin il réclamait comme lui appartenant les droits de dîme sur le moulin de Canet, dépendant de la Commanderie de Saint-Nazaire.
Grâce à l'arbitrage de Raymond du Lac, avocat, et de Charles, chanoine de Narbonne, un procès fut évité sur ces diverses questions. L'archevêque eut la septième (les documents de Narbonne disent la dix-septième) partie de la dîme des fonds en litige, tant que les Commandeurs les feraient travailler à leurs propres dépens : sinon, ils auraient à payer la moitié de la dîme.
Le Commandeur de Capestang garda les droits sur l'église de Preissan et le tiers de la dîme de la paroisse ; le Commandeur de Magrie, les droits sur celle église, sous la redevance annuelle de huit setiers d'orge et huit sétiers de froment à l'archevêque ; le Commandeur d'Homps, les droits sur les églises de Jonquières, de Prémian et de Coustouge, sous pareille redevance de trois émines de froment et trois émines d'orge. Enfin les trois prêtres obituaires furent institués.
Mais réserve était faite, en faveur de l'archevêque, de la « révérence, obéissance, justice, service, synodes et rentes légitimes comme aux autres églises sujettes à l'église de Narbonne,... »
« Les prêtres desdites églises devaient se rendre au synode pour y ouïr les commandements et instructions qu'ils doivent faire à leurs paroissiens.... »
« Les prêtres élus par les Commandeurs devaient être de la province narbonnaise, confrères toutefois dudit hôpital. »
« Ils devaient recevoir dudit archevêque la cure des âmes et lui promettre obéissance, fidélité et service à toujours, sauf en toutes choses le droit des archidiacres et archiprêtres. » (1).
1. Cette transaction menaça de passer pour lettre morte, puisqu'en 1515, le Commandeur de Douzens et de Magrie obtint de la chancellerie de Toulouse des « lettres royaux en maintenue et observation de cette transaction. » Inventaire, Archives, Saint-Jean, n° 16.
Le Commandeur de Narbonne ne posséda que des droits de lods, censives et autres sur les biens relevant de sa directe foncière ; il ne fut seigneur justicier qu'à Nigreserre ; encore jusqu'en 1351, n'exerça-t-il ce droit que jusqu'à soixante sols pour la basse justice, et en commun avec le vicomte de Garladès pour la haute justice. Après cette date, il fut seigneur haut et bas justicier du membre de Nigreserre. Nous ne connaissons aucun inventaire des affaires soumises à ce tribunal.
Pour ce qui regarde Narbonne, le défaut, pour le Commandeur, du droit de justice ne doit pas étonner le lecteur ; cette exception remonte en 1177. Le Comte de Toulouse, Raymond, quand il donna, en effet, à l'Ordre de St Jean-de-Jérusalem « le droit de pacage et l'exception du péage dans toutes ses terres, foires et moulins, ainsi que le droit d'acquérir et de recevoir », excepta de cette dernière donation les châteaux et les hautes justices, le droit d'ost et de chevauchée (1). L'archevêque, le Vicomte et l'abbé de St-Paul, seuls justiciers de Narbonne, se gardèrent bien de contredire à cette exception.
1. Histoire de Languedoc, T. VI. Liv. XIX, chapitre 58.
En 1242, il est vrai, Raymond, duc de Narbonne, comte de Toulouse, marquis de Provence, et Amalric, vicomte de Narbonne, prendront sous leur haute « sauvegarde et protection l'hôpital de Jérusalem, tous ses biens et ses droits » (2), mais ils respecteront et confirmeront l'exception précédente.
2. Doat, v. 50, folio 131.
Comme tous les seigneurs feudataires, le Commandeur tenait exactement et renouvelait les « livres et cayers de recognoissances » ; au surplus les règles de l'Ordre lui en faisaient un devoir. Ce devoir fut rempli pour Narbonne, en 1444, 1468, 1528, 1632, 1662, 1725 et 1730 ; pour Saint-Vincent, en 1403, 1455, 1631, 1725, 1726, 1753 et 1778 : pour La Bessière, en 1442, 1630, 1680, 1723 et 1729 ; pour Nigreserre, en 1427, 1545, 1627, 1664, 1677, 1682, 1687, 1726 et 1730. Ces diverses opérations sont mentionnées dans l'Inventaire jusqu'en 1749. Les registres originaux sont déposés aux Archives de la Haute-Garonne. Ordre de Saint Jean de Jérusalem, sous les numéros 2037 à 2054, pour Narbonne. La Bessière et Nigrescrre ; de 2368 à pour Saint Vincent.
Les titres de propriété étaient soigneusement gardés et n'étaient livrés aux notaires et aux fermiers pour établir ou percevoir les droits de l'Ordre que sur reçu régulièrement libellé indiquant le titre, le nombre des feuillets des registres. Etc. (1)
1. Cf. Archives Favatier, Jean, à Narbonne, 15e liasse.
Quant aux visites que les Statuts de l'Ordre (titre XV) prescrivaient aux prieurs de « faire en personne, de cinq en cinq ans », les documents n'en mentionnent que trois (1613, 1634, 1648) pour Saint Vincent et pour Narbonne seulement (2).
2. Saint-Vincent, IX. 9, 10 et 11.
Que se passa-t-il dans la circonscription qui nous occupe, après le procès des Templiers ? Selon les prescriptions du pape (2 mai 1312), les biens de cet ordre passèrent aux mains des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (3) Or, soit par discrétion, soit pour garder vis-à-vis de frères malheureux une sympathie que les champs de bataille avaient fait naître, l'Ordre de Saint-Jean observa sur la provenance des biens du Temple un silence profond et une grande délicatesse. Quoique légitimement mis en possession de ces biens, il aima mieux, dans quelques circonstances, en faire l'acquisition authentique, sous le couvert de personnes interposées. En tout cas, il convient de remarquer ici le silence absolu de l'Inventaire et l'absence complète de documents sur cette question.
3. On sait qu'en maints endroits les Commissaires du roi de France retinrent pour le domaine royal quelques biens des Templiers.
TEMPLIERS
Pour les membres de La Bessière et Nigreserre, bien qu'aucun document précis n'atteste leur origine, il y a tout lieu de croire qu'ils ont appartenu à l'ordre du Temple. Les plus anciens documents que nous connaissons sur ces commanderies remontent seulement en 1312 et 1331 ; or ces dates sont suggestives et donnent déjà quelque probabilité. D'ailleurs, nous le verrons tout à l'heure, ces membres ne reçurent aucune donation ; or une commanderie ne se faisait pas toute d'une pièce. Si donc nous la trouvons entièrement formée, sans que les documents nous reportent au-delà du XIVe siècle, il y a, ce semble, tout lieu de supposer une origine templière. Nous savons enfin que les Templiers avaient, dans ces parages du Rouergue, une Commanderie dont le chef-lieu fut d'abord à Auzits, puis à Lugan ; or, de cette Commanderie dépendaient diverses possessions à La Vinzelle, à Saint Julien de Piganiol, et autres lieux (1), que nous retrouvons dans la Commanderie hospitalière.1. Barral, documents sur le Rouergue... page 142.
A Narbonne et à Saint-Vincent, non seulement rien n'indique une origine templière de leurs possessions, mais ces maisons sont définitivement constituées dès la première moitié du XIIIe siècle ; les donations sont nombreuses avant l'époque du procès des Templiers ; enfin l'hypothèse d'une personne interposée est inadmissible, puisqu'aucune acquisition ne date de cette époque. Ce que nous constaterons au contraire c'est le démembrement et en quelque sorte l'appauvrissement de ces deux Commanderies, et la création successive aux environs de Narbonne de diverses maisons hospitalières (Peyriès, Preisse, Céleyran, Saint-Pierre, Saint-Nazaire) qui, avec le meilleur des revenus de Narbonne, absorberont les biens de l'Ordre du Temple. D'autre part, les membres d'Albas, de Jonquières, de Coustouge seront rattachés à la Commanderie d'Homps ; celui de Magrie, dans le Razès, sera uni à la Commanderie de Douzens (1).
1. Inventaire titres archives de Saint-Jean, 11 et passim.
Terminons cette étude générale en relevant les principaux bienfaiteurs de l'Ordre de Saint Jean dans la circonscription qui nous occupe. A La Bessière et à Nigreserre, les documents ne mentionnent aucun acte de donation.
A Narbonne, les principaux donateurs furent : Guillaume Raymond (1143), Pons de Magrie (1148), Arnaud, archevêque de Narbonne (1149) (2), Raonel (1163), Pons archevêque de Narbonne (1174), Pierre et Amat de Monséré (1189), le vicomte Aymeric (1205), Matthieu de Montlaurès (1207), Amalric du Lac (1208), Bérenger, archevêque de Narbonne (1209), Izarn. Raymond et Bernard de Liuran (1210), la fille de Pierre de Gasparets (1214), Guillaume Curtit (1215), Raimond de Vilar (1216), Bérenger et Raymond de Roquecourve (1217) (3), Raymond de Narbonnes, Gauceran de Bages (1220), Bérenger de Fabrezan (1222) et Guillaume Bertrand (1224) (4).
2. Il donna à l'hôpital de Jérusalem « deux muids de froment et d'orge. » Gallia Christiana, Inst, XLV, col. 39. C.
3. Après avoir fait divers legs pies, il donna « son fils Guillaume pour frère hospitalier à la maison de Saint-Jean de Jérusalem, et avec lui 500 sols melgoriens, sa part d'héritage, et sans qu'il puisse demander rien autre. » Archives Commune de Narbonne, AA. 105. folio 48. — Au XIIIe siècle, 23 sous melgoriens équivalaient à 20 sous tournois.
4. Son fils, Guillaume, était consul de Bourg, en 1221. Archives communales de Narbonne, AA. 99, folio 83.
Pour Saint-Vincent : Sicard (1137), Pons d'Olargues (1157), Amblard Queyrel (1166), Bligerius (1179), Landric (1199), Pons d'Olargues (1220) et Guillaume Emeric (1221).
On le voit, à coté de quelques seigneurs ou gentilshommes, les roturiers prennent rang dans ce catalogue des bienfaiteurs de l'Ordre et contribuent à former ses grands biens. C'est déjà une preuve que l'institution est sympathique dans le pays. La liste des frères chevaliers de l'Ordre, de la langue de Provence, nous fournit une autre preuve. Pour nous en tenir au pays, sans compter les Balbi, les d'Arpajon, les de Casteras, les de Caylus, les Crussol, les Pardaillan, qui ont donné plusieurs chevaliers profès, mentionnons encore les Bourcier, les Boyer de Sorgues, les Brettes de Turin, les Chambert de Bizanet, les de Bruyères-Chalabre, les Corsier, les Dax d'Axat, les Foucaud, les Gouzens, les d'Hautpoul, les d'Hébrail, les Saint-Jean de Moussoulens, tous bien connus. Les de Montredon fournissent deux chevaliers ; les du Lac de la Clauze, trois ; les de Lévis, les de Mauléon, trois ; les de Crillon, cinq ; les de Voisins, dix ; les de Pins, quatorze ; les de Sabran, quinze ; les de Pontevez, quarante-trois (1).
1. Nous savons que les de Chefdebien ont donné plusieurs membres à l'Ordre de Malte ; nous n'avons pu néanmoins relever que P. de Chefdebien qui fut maire de Narbonne, sous la Restauration, et l'abbé François Réné de Chefdebien qui, après l'émigration, fut chanoine honoraire de Carcassonne. Archives des Pénitents Bleus de Narbonne, B. 5.
Il faut penser qu'en prenant la croix chacun de ces gentilshommes faisait entrer dans l'Ordre la meilleure partie de ses biens : quelques-uns d'entre eux ont, sans nul doute, apporte leur pierre à la Commanderie de Narbonne ; voilà pourquoi nous leur devions une place à côté des bienfaiteurs avoués par l'Inventaire et les documents.
NARBONNE
Domus Hospitalis Narbonne
Nous avons dit que le siège de la Commanderie paraît avoir été primitivement fixé dans cette partie de Narbonne, appelée le Bourg, près de la place dite vulgairement des Infidèles (1). Ici, comme pour tout ordre religieux, l'important c'est la chapelle. Or, ce n'est qu'en 1181 que l'Ordre commence ses acquisitions en la Cité, au faubourg de Coiran où sera son siège définitif. De plus, en 1177, la chapelle n'était pas encore construite dans ce quartier (2), puisqu'à cette même date, l'archevêque Pons « donnait et concédait faculté au Commandeur de construire un oratoire dans le Bourg ou dans la Cité de Narbonne, pour y être ouï par lui et ses familiers le divin service, sauf en toutes choses le droit et révérence de l'église dans la paroisse de laquelle ledit oratoire serait construit » (3).
1. Les confront n'étant pas fournis par les documents, il est impossible de déterminer exactement le premier emplacement de la Commanderie.
2. C'est dire l'état précaire ou depuis 1143 se trouvait la maison de Narbonne.
3. Inventaire des actes et documents archives de Saint-Jean, n° 3, 4 et 5.
Mais la chapelle était sûrement construite en 1208, puisqu'elle est mentionnée à cette date. Amalric Dellac (du Lac) donnait en effet « en faveur de l'église Saint-Jean de Narbonne un setier d'huile bon annuellement et assigne icelui prendre sur des jardins qu'il possédait au lieu et tènement du Lac ; et en cas ledit huile demeurerait sans être payé annuellement veut que les religieux de ladite maison de Saint-Jean puissent prendre et jouir sans contredit de personne lesdits jardins » (1).
1. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, I, 22. Cette chapelle n'est autre que la chapelle des Pénitents Bleus qui existe encore, quoique plusieurs fois remaniée.
Vers 1369, le sieur Dauch, par son testament, établit dans cette chapelle deux prêtres, qui devaient être entretenus aux dépens de son héritier Bernard Dauch, jusqu'à ce qu'il eut été assigné à chacun d'eux dix livres de rente foncière avec lods et ventes. L'héritier ne remplissant pas les intentions du testateur, il fut statué, sur le différend porté devant l'official de Narbonne, que les vingt livres seraient prises sur les biens et revenus que le dit Dauch avait aux lieux de Corsian et de Pinals (2).
2. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, I, 11.
Dès lors, le service religieux de la chapelle fut assuré soit par les prêtres obituaires fondés par les donateurs, soit par les prêtres conventuels de l'Ordre de Malte qui furent commandeurs à Narbonne. En tout cas, dans les documents rien ne mentionne la moindre intermittence.
Une seule fois, ces religieux paraissent avoir appelé sur eux l'attention de l'autorité ecclésiastique. Le trois des ides de juillet (13 juillet) 1425, le Pape Martin V envoya des lettres à François de Conzié, archevêque de Narbonne. Sa Sainteté déclarait qu'elle avait « appris que aucuns religieux et particulièrement les Frères de Saint Jean de Jérusalem entreprenaient irrévérencieusement tant en la cité que diocèse de Narbonne de s'attribuer les droits des sépultures des corps enterrés ès cimetières et les attiraient à leurs églises, bien que l'élection de sépulture n'y fut pas faite, administraient le baptême aux enfants et autres sacrements, ne répondaient pas au synode... » Par mesure disciplinaire, le Pape suspendait « tous les privilèges des religieux de St Jean de Jérusalem, jusqu'à ce que le Saint Siège y eut autrement pourvu » (3).
3. Inventaire, des actes et documents archives Tome II, folio 570.
Quant à la chapelle, voici les détails que nous a conservés le procès-verbal de visite de la Commanderie (1613).
La chapelle était « dédiée sous le litre de St Jean » ; elle était située dans un coin de la ville au quartier appelé de Saint-Jean dernier Saint Just, laquelle nous avons trouvée être de la longueur de huit canes, et quatre de large, le presbiter tout à côté... »
Une « image de Saint Jean ornait le sanctuaire ; il n'y avait pas de Saint-Sacrement, puisque la chapelle n'était pas paroisse, mais un oratoire et chapelle de dévotion. »
Le procès-verbal mentionne « un reliquaire de la cote de Sainte Barbe et de Sainte Enfrimie (1).
1. Les hagiographies ne mentionnent pas cette sainte ; on ne connaît que Sainte-Enémie ou Enimie, du diocèse de Mende.
La sacristie est pourvue « d'ornements suffisants, » Dans la nef, « le sépulcre de feu Eméric, vicomte de Narbonne de L'an 1219 », l'un des principaux bienfaiteurs de l'ordre. Il s'agit ici d'Americ, fils de la vicomtesse Ermengarde et du vicomte Pierre.
Durant son inspection, le visiteur déclare « avoir trouvé que les Pénitents bleus s'étaient introduits dans la chapelle pour dire leur office et faire leurs exercices spirituels et avons trouvé qu'ils avaient fait une belle tribune neuve de bois blanc, un degré de bois pour monter et une porte en la muraille pour y entrer dehors ladite chapelle et une autre petite porte au-dessous des degrés. »
Ils avaient fait en outre « un grand et beau retable de Saint Hiérosme », patron de la Confrérie.
« Depuis quel temps et de quelle autorité » s'étaient-ils introduits dans cette chapelle, demande le visiteur ?
« Depuis Saint-Sébastien dernier sur lettres missives du « Commandeur de Saint-Vincent », répond le procureur de Narbonne.
Poursuivant sa visite, le commissaire pénètre dans « l'habitation du Commandeur joignant la porte de ladite chapelle. Avons trouvé, écrit-il, un sépulcre et un écriteau de marbre au-dessus (de la porte) où ces mots sont « escripts : Anno. Dni. M. CCC' XXX' VI', Octavo. Kalendas. decembris. obiit. fr Gus Mura, hospitalis. S. Joannis. hierlmi. ordindus. de Podio. Surigario. cujus. amma rrequiescat. in. pace. Amen.
Il décrit ensuite « basse-cour, jardin, cortille, étable cuisine, dépense, salles, chambres, etc. »
« Et pour le revenu annuel du membre et dépendances, « nous a dit le susdit procureur, être affermé vingt écus, toutes les années charges faites et déduites valant soixante livres. »
Mais l'installation des Pénitents bleus dans la chapelle de l'Ordre n'eut pas l'avantage d'agréer au visiteur ; il les fait appeler « pour leur enjoindre de sortir et vider de ladite chapelle dans trois jours et d'emporter tout ce qu'ils auraient en icelle ou bien (lui) faire une déclaration en forme authentique passée devant notaire puisqu'ils avoient permission dudit sieur Commandeur de Saint Vincent et Narbonne, toutes les fois et quand qu'ils en auront un mandement. »
La déclaration demandée fui signée le « 12 février 1613 (1), « par noble Jean de Chambert, seigneur de Bizanet, prieur de la Compagnie des Pénitents bleus érigés depuis peu de « temps à Narbonne, assisté de M. François Bousquet, secrétaire du vénérable Chapitre Saint-Just, sous-prieur, de « MM. Zacharie Boffas, docteur es droits conseiller du roy, juge en la ville, viguerie et vicomté de Narbonne, vénrable homme Jean du Cup, chanoine de Saint Just, François de la Bolandière, Jean-Honoré Gautier, François d'Exéa, François Grassi, docteur ez droits et advocat es court de Narbonne, noble François du Lac, seigneur de Boutenac, Jean-François de Chambert, seigneur de Rouffiac, Bernardin d'Autemar, viguier du Chapitre Saint Paul, André d'Exéa, Charles Sicre, bourgeois, Jean Burgas, greffier au bureau des gabelles, et Raymond Salinis, faisant une portion de ladite confrérie. » Tel fut le premier état-major des Pénitents bleus.
l. Quoique les documents que nous analysons fixent à l'année 1612 l'établissement des Pénitents Bleus dans la Chapelle de St-Jean, nous savons pourtant que les Archives Communales de Narbonne (BB. 5. folio 492), mentionnent en 1592 la Confrérie des « Punitans qui demandaient permission de se muer à la chapelle Saint-Jean, dernier Saint-Just. »
S'ils sont venus s'installer dans la chapelle de Saint Jean, c'est que « n'ayant pas encore eslu unge esglise, ils prièrent le Commandeur Pinchon de permettre pandant quelque temps d'y faire leur office : cela ne pouvait (d'ailleurs) que porter des fruits aux âmes dévotes »
De là vient qu'ils ont « construit une tribune », fait des « réparations » établi deux portes pour ny incommoder ny absujettir l'habitalion dudit Commandeur ou ses successeurs. » Ils supplient enfin le visiteur de leur permettre l'usage de la chapelle et s'engagent « à la vuider toutes fois et quantes qu'ils en seront requis » (1).
1. Visite de Narbonne de 1613. Saint-Vincent, IX. 9.
La Confrérie des Pénitents, on le voit, tout en perpétuant le culte de Saint-Jean et les traditions de l'Ordre, avait pris, en quelque sorte, la place des chevaliers. Qu'était-il donc advenu ?
La période de grandeur et d'activité religieuse étant passée, il semble que la ferveur ait aussi diminué dans les Ordres de chevalerie. Ce qui est certain, pour Narbonne, c'est que la chapelle de Saint-Jean semble désormais n'être plus d'une grande utilité ; elle avait même subi l'injure du temps et peut être des guerres de religion : car en 1619 frère Albert Pinchon, commandeur de Narbonne, donnait à nouveau bail « aux syndics et Confrérie des Pénitents Bleus de Narbonne, la chapelle de la Commanderie de Saint Jean, avec le vacant y joignant avec la faculté de batisse sur les vieux fondemens, et ce, sous l'albergue annuelle de quinze livres tournois. »
Le Commandeur se réservait néanmoins « la faculté d'entrer par la porte de sa maizon pour aller à ladite église faire ses prières et oraizons et autres dévotions. » Il se réservait en outre « toutes les offrendes et émolumens qui se donnent en ladite église, ensemble les célébrations des messes et obits fondés en icelle. »
De leur côté, les Pénitents devaient fournir les ornements nécessaires ; ils s'obligeaient en outre de « célébrer une solennité le jour et fête de Saint Jean Baptiste, de laisser au grand autel l'image de Saint Jean... » (2).
2. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean III. 20.
Cette situation anormale prouvait donc une certaine décadence. Elle pouvait amener quelque complication ; le receveur de l'Ordre de Malte dût le craindre ou le prévoir, car il y eut « procès porté par lui devant les requêtes du Palais à Toulouse, en l'année 1623, pour demander la cassation de l'inféodation, faite aux Pénitents Bleus de Narbonne en 1619 » (3). Mais le résultat de cette procédure n'est pas indiqué par les documents.
3. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, VIII, 2.
Toutefois une nouvelle visite de 1634 nous apprend que « les Pénitents sont (encore) en la Chapelle depuis 22 ans ou environ par permission » L'inféodation ne fut donc pas cassée ou l'instance fut abandonnée. Nous constatons en outre que « tribune, escalier, beau crucifix, beaux tableaux de Saint Jean et Saint Jérôme (sont à leur place). Les Pénitents ont (de plus) garni le cœur de beaux et riches tableaux. » Les ornements » de la Sacristie et qui « appartenaient au Commandeur (ont été) transportés à Saint-Vincent ; (ceux qui y sont) beaux et honorables appartiennent à la Confrérie » (2).
2. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, IX. 10.
Le Visiteur de 1648 trouvera encore les Pénitents Bleus dans la Chapelle « sous la condition d'une albergue annuelle de 15 livres » : il trouvera même que la Chapelle est « parfaitement tenue » (3). Les Pénitents néanmoins devinrent négligents à servir l'albergue annuelle, car en 1654, demoiselle Marie de Baux, veuve du sieur Gabriel Camps, bourgeois de Narbonne, cédait au sieur Valadon, de Béziers, procureur substitué de l'Ordre de Malle, « la somme de 150 livres à prendre sur la somme que MM. les Pénitents Bleus de la présente ville doivent des arrérages de la pension annuelle qu'ils font... à raison de leur église... » (4).
3. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, IX. 11.
4. Archives Favatier, Garousse notaire à Narbonne, 5e liasse, n° 105.
Malgré cette inféodation, le Commandeur garda toujours « le droit de nomination et collation » à une chapellenie « sous le titre de N. Dame du Temple (1), laquelle « appartient audit Commandeur comme patron et pour « valoir toutes les années quatre setiers de tous grains en censives et directes. La collation de laquelle le Chapitre Saint Just prétendait lui appartenir et néanmoins ledit Sarda (prêtre et chanoine de Saint-Paul, procureur fondé du Commandeur ; son père était fermier de la Commanderie) lui a fait voir et remontrer le contraire » (2).
1. Le visiteur de 1634 constate qu'il y avait « dans la Chapelle un autel sous ce titre, » Parmi les chapelains, les documents ne mentionnent que Sarda, chanoine de St-Paul (1625-1642).
— Archives Favatier, Senty notaire à Narbonne, 18e liasse, n° 19.
— Bessières, notaire à Narbonne, liasse unique.
2. Les mêmes Sarda firent bien d'autres remontrances au Chapitre ; à propos du jardin acquis par sieur Raynouard et autres, le chapitre prétendit avoir « directe sur icelui jardin. » Le chanoine Sarda exhiba les cahiers de reconnaissances du terroir de la Salade, un arrêt de 1547, et fit taire les réclamants.
— Archives Favatier, Senty notaire à Narbonne, 2e liasse.
Quant aux charges de la chapelle, il n'y en a « aucune (pour le Commandeur), sy n'est de faire l'offre (offrande) la veille jour de Saint Jean, notre patron, et le lendemain pour l'anniversaire du sieur viscomte de Narbonne. »
C'est dans ces conditions que le Commandeur percevait les revenus de Narbonne et que les Pénitents Bleus jouissaient paisiblement de la chapelle, depuis 1612, « sous approbation et confirmation des visiteurs de l'Ordre, et homologation de son Altesse sérénissime et éminentissime Mgr le grand Maître du dit Ordre à Malte. »
Mais la paix faillit être troublée. « Une maison appartenant à la Commanderie ayant été brûlée, il y a environ 80 ans » (1667), cet emplacement devint « un vacant où l'on jetait les immondices » ; or les Pénitents s'en étaient emparés pour y construire « une salle basse pour leurs assemblées et autres augmentations. »
En 1728, Augarde étant commandeur, les visiteurs avaient réclamé ; en 1739, par devant Lasserre, notaire, Augarde avait ratifié l'inféodation de Pinchon, donnant de plus aux Pénitents la faculté « de jouir du local de la maison brûlée et des vacants qui sont du côté du cers confrontant le chemin qui est derrière le jardin du Séminaire et va vers le logis de la Dorade, et le vacant qui est du côté du marin de la commanderie confrontant le chemin qui est au derrière de l'église Saint-Just et va vers la rivière d'Aude. » L'albergue annuelle fut fixée à trente livres.
A la mort d'Augarde, de nouvelles contestations s'élevèrent, toujours au sujet des « augmentations » qu'avaient faites les emphytéotes ; après la visite de 1743, un nouveau compromis fut signé avec le commandeur Ricard, le montant de l'albergure fut élevé à trente-six livres. Frère Grégoire, successeur de Ricard (1er mai 1746) ratifia à son tour cette dernière convention, se réservant « la seigneurie spirituelle et temporelle de ladite chapelle, avec toutes exemptions, immunités et privilèges y attachés, patronage et autres droits et devoirs seigneuriaux » (1).
1. Archives, des Pénitents Bleus A. 5 et 6.
Nous ne décrirons pas ici les modifications diverses apportées par la Confrérie à la chapelle. Les Pénitents y demeurèrent jusqu'à la Révolution.
Au midi de la chapelle, se trouvait la demeure du Commandeur ; elle comprenait, nous l'avons dit, basse-cour, jardin, cortille, étable, cuisine, salles, chambres... Tout cela n'existe plus aujourd'hui et est remplacé par des constructions modernes (1). Seuls, un long couloir et quelques appartements au premier étage, au midi de la chapelle, offrent quelques souvenirs ; encore ne datent-ils que du XVIIe siècle.
1. Magasin Pompidor, maisons Besse, Baissas et Pompidor, avec leurs cours ou jardins.
A la Révolution. « tous les bâtiments et dépendances provenant de la ci-devant Confrérie ... consistant en jardin, cours et plans ouverts qui se trouvent l'un au couchant et l'autre au levant desdits bâtiments, lesquels consistent au rez-de-chaussée en une pièce à raz tuile ci-devant vestiaire, l'ancienne sacristie à ras tuile en un passage et une chambre par-dessus dite du prédicateur, en la nouvelle sacristie et galetas par-dessus, deux escaliers, un jardin, un autre petit jardin, une cour, une cave voûtée sur la nouvelle sacristie.... » Furent adjugés, le 25 thermidor an IV, à Pierre Innocent Figeac, pour la somme de 3.276 francs (2). Plus tard, Baptiste Peyras se rendit acquéreur de ce lot.
2. Archives des Pénitents Bleus. B. 1.
Quant à la chapelle, qui était « demeurée réservée à la république comme utile à un service public », elle fut adjugée, le 18 ventôse an VI seulement, à Bertrand Despeyroux, de Cuxac. Depuis 1815, la Confrérie des Pénitents Bleus s'est reconstituée, et a repris possession de ces immeubles.
Tel était le siège de la Commanderie de Narbonne, et nous ne sachons pas que d'autres immeubles aient appartenu, dans la ville, à l'ordre de Malte. Dans le Bourg, le Commandeur percevait néanmoins quelques droits, qui rappellent évidemment un droit de propriété. En 1596, il avait en effet approuvé « l'acquisition faite par Antoine Boudy de Nicolas Cœur de chêne d'une maison située dans le Bourg de Narbonne au Plant des Infidèles, ile de Sainte-Marguerite, ci-devant Saint Jean » (1). Il y percevait donc un droit de censive et de lods. Les reconnaissances de 1619 confirment ce droit, en portant mention sur la tête de François Boudy, fils d'Antoine et de Jeanne Bousquet, sa femme, de trois maisons « au bourg de Narbonne, ile Sainte Marguerite, ci-devant dite de Saint-Jean, al pla denfidels » (2).
1. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, V. 16.
2. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, IV. 11.
Pour connaître les biens et les droits du Commandeur de Narbonne, essayons de les relever en parcourant le terroir de Narbonne et des environs.
MONTLAURÈS
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Montlaurès
1. H. Faure, Classements des papiers mod, page 44.
En 1205, Ayméric, fils et héritier de Pierre, vicomte de Narbonne, avait donné au Commandeur « tout, l'usage, foriscape et seigneurie qu'il avait au Mas de Rivals et la métairie de Pierre Martin et au Mas d'Etienne Lunezy, lesquels il veut qu'ils soient et relèvent à l'avenir de l'hôpital et qu'il en perçoive les censives. Plus un pré sur la montagne de Laurezy en franc alleu sans redevance ni aucune prestation et veu que les frères dudit hôpital de Narbonne et de Saint-Pierre-de-Mer n'avaient pas de quoi s'entretenir », il leur confirma « tous les dons qui leur avaient été faits tant par ses auteurs que par autres personnes et les déchargea de luy payer aucune redevance pour tous les biens qu'ils posséderaient relevant de sa directe » (1).
1. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, I. 16.
Plus tard (1207), sa mère, la vicomte Ermengarde, donna à l'hôpital de Saint-Jean « la moitié d'un champ appelé de Montclar » ; la même année, Mathieu de Montlaurès donna l'autre moitié, plus tous les droits qu'il avait sur les biens sise à Saint-Michel de Montlaurès » (2).
2. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, I. 20. Plus bas l'auteur de l'Inventaire écrit Momelar. On trouve en 1344 Pierre de Montclart consul de Narbonne.
Archives commune de Narbonne, AA. 99. folio 190.
Enfin en 1214, Pierre Raymond Barrot donna par testament « un champ qu'il avait au lieudit Montclar, à la charge que ledit hôpital outre et pardessus le nombre des prêtres de la dite église tiendrait un prêtre pour célébrer chaque jour pour son âme et faire à tout le moins une fois la semaine une absolution sur son tombeau » (3).
3. Inventaire des actes et documents, de l'archevêché, T. I, folio 543, v'.
L'Ordre de Malte se trouva ici en contact avec le Chapitre de Narbonne et l'abbaye de Fontfroide au sujet des « dîmes du terroir de la grange de Montlaurès, confrontant la condamine de Montclar en Livière appartenant au Commandeur »
La transaction de 1275 fixa les droits de chacun et prévint les difficultés (4). Mais cette terre et ces droits ne demeurèrent pas longtemps aux mains du Commandeur de Narbonne, car en 1367, Ayméric, vicomte de Narbonne lui céda deux pièces de terre « dix mojades, biens baillés et en contre échange le Commandeur céda au vicomte « une condamine qu'il avait près la grange de Laurens » (5), francs et allodiaux, quittes de toute prestation »
4. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, VII. 9.
5. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, II, 13. La mojade, mesure du pays, valait trois séterés ; la stérée se divisait en quartérées, pugnères et boisseaux ou coups.
LIVIÈRE
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Livière
1. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, II, 14 ; III, 8, 14, 18, 19 ; V. 1, 5 et 9. Le tènement appelé en Livière al Mantella était en 1619 attribué par Messieurs les Trésoriers de France au domaine royal.
Voyer Archives Favatier, Senty notaire à Narbonne, 12e liasse, n° 25.
D'après le numéro 12 de la layette VII (1275), les biens dont le Commandeur jouissait encore au terroir de Livière consistaient entre autres en « une condamine contenant quatre-vingt séterés et autres pièces de terre » ; nous avons vu ci-dessus que cette condamine dépendant de Montlaurès avait été cédée au vicomte Ayméric en 1367.
Si nous passons sur la rive gauche de l'Aude, aujourd'hui Canal de la Robine, nous rencontrons encore des possessions et des droits de l'Ordre de Saint-Jean.
RAONEL
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Raonel
1. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, I, 5. Le nom de Raonel est donc ancien dans le pays. En 1565, un Monsieur de Raonel était encore receveur du diocèse.
— Archives Communales de Narbonne, BB, 2, folio 2.
LABASTIDE
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne, Commune: Bizanet - 11
Domus Hospitalis Labastide
Ce sera le point initial de droits plus abondants que l'Ordre prélèvera en ce terroir. En 1635 en effet, « au local dit à Lalfarie, sive Quatre-Corondes, Henry Capolade reconnut tenir du commandeur un champ contenant six mojades, deux séterés, une quartière, confrontant de cers avec le chemin de la Bastide-Redonde, du marin au chemin de Saint-Georges, midy à la Croix des Quatre-Corondes, sous la censive d'une livre 8 sols 6 deniers » (3).
2. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, II, 12.
3. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean., IV, 14.
TRAUSSE
Département: Aude, Arrondissement et Canton: Carcassonne, Commune: Caunes-Minervois - 11
Domus Hospitalis Trausse
In loco vocato Trausa (1295).
Trauso (1600) proche Narbonne »
L'hôpital Saint Jean avait acheté en 1146 « la troisième partie de deux tiers d'un champ »
En 1291, le Commandeur acheta « encore « toute la condomine sise au terroir de Narbonne, local dit « à La Troce, pour le prix de 7,000 sols tournois » (4).
L'acquisition, à en juger par le prix d'achat, était importante ; les faveurs du roi vinrent en augmenter la valeur.
4. Narbonne, Inventaire archives de Saint-Jean, I, 3 et II, 8.
En 1290 en effet, Philippe, roi de France « amortit la susdite condamine franche et allodiale en la possession de laquelle le Commandeur fut confirmé, moyennant la finance payée au roi. »
Pierre Arnaud de Fraysse, juge « de Narbonne reçut au nom du roi et donna quittance de cinquante-quatre livres tournois » (1).
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 9 et 10.
— Ce malheureux officier de justice fut condamné à être noyé dans la rivière d'Aude et ses biens furent confisqués, à suite de vols, concussions, corruptions et empoisonnements.
Les biens de l'Ordre dans ce terroir furent inféodés. Le 14 juin 1642, Maître Jean Sarda, chanoine de Saint-Paul, chapelain et fermier des droits seigneuriaux de la Commanderie Saint Jean de Narbonne, donnait au sieur Daudé « quittance de 80 livres, savoir 40 livres pour le droit de lods et vente d'une pièce de terre de la contenance de quatre moujades, située au terroir de Narbonne, terme anciennement appelée Trausse, acquize par M. de Lastours lors de l'achat de la métairie de Condom et par lui vendue au sieur Daudé. » (2)
2. Archives Favatier, Bessières notaire à Narbonne, liasse unique.
GRAND ET PETIT CONDOM
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Condom
« Au terroir de Belbèze (alias Belvèze) en la cité de Narbonne » le Commandeur percevait un droit de lods, comme l'indique l'acte de vente Sauzon Sarda (1628) (4).
Au terroir dit la Lego (5), le Commandeur baillait en 1409 un champ de trois mojades, sous la censive de 12 sols tournois payables à la Saint-Michel (6).
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, IV. 4.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, V. 15.
5. La lieue ; les archives communales (BB. 9. folio 180) mentionnent le pont de Miega-Lega (demi-lieue) sur le chemin de Narbonne à Béziers.
— Loco dicto Lega, lieudit à la Légu (1409).
6. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 6.
Si nous approchons de Narbonne, nous trouverons, entre la rivière et les terroirs dont nous venons de parler, ce qui fut, au N. E. de la ville et en allant de l'Ouest à l'Est, Brolium (Bruel ou le Breil) Celata ou la Salade, le mont judaïc ; enfin, dans l'intérieur de Narbonne, le faubourg de Coiran.
Dans ces divers lieux, le Commandeur de Narbonne posséda quelques propriétés et perçut quelques droits.
Le Brolium, quartier rural au couchant de la ville et sur la paroisse de Saint-Félix de Narbonne, fut donné en partie (1247) par l'archevêque Guillaume de Broa aux clarisses pour y construire un monastère et un cimetière (1).
Mais déjà en 1217, Bérenger et Raymond de Roquecourve avaient donné au Commandeur de Narbonne « les honneurs et processions jouyes par Dulcie Marie et Pèlerine au mas de Brol » (2).
1. Gallia Christiana, VI, col. 222.
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 33.
« Confrontant du Midi l'honneur de Saint-Félix de Narbonne, local dit al furat, le Commandeur, en 1414, baillait en emphytéose une pièce de terre herme sous l'oubli des quatre sols tournois » (3).
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 17.
Passant au Nord de Narbonne, nous rencontrons le « clos judaïc, terroir de Saint-Georges » ; là encore, le Commandeur avait acquis (1195) de Clarimonde quelques biens (4). Mais ils durent être aliénés de bonne heure, car il n'en est plus fait mention.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 12.
Louis VII, renouvelant en 1165 les privilèges de l'église de Narbonne, énumère les « moulins qui sont depuis la porte de Corian (alias Coiran), jusqu'à la Célade et au milieu de la rivière d'Aude, et (à l'Est) jusqu'au lavoir de « Corian avec le mont judaïque » (1)
1. Gallia Christiana VI. Narbonne LI, col 44.
Ce même roi de France se montra dévoué à l'Ordre ; c'est ainsi qu'il avait exempté (1158) les frères hospitaliers de tous droits pour les transports qu'ils foraient par eau.
— Archives Nationales, M 15, n° 5.
Or dans ce terroir et dans ce faubourg, les frères de l'hôpital de Saint Jean de Jérusalem s'étaient installés de bonne heure. En 1181, ils achetèrent à Pons Riquelis « un mas, situé hors de Coiran, à présent s'appelle la Salade, près du Courtal dit de Raymond Margailhou, pour deux cents sols malgoires » (2).
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I, 8.
En 1203, nouvelle acquisition à Esclarmonde d'« une terre et court avec ses paroits (3) et clauzeures (clôtures-enclos) hors la Coirane... pour le prix de 220 sols malgoires » (4).
3. Parets, mot languedocien, dérivé de paries, tis mur.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 14.
Trois ans plus tard, Pierre Martin « se fit recevoir frère à l'hôpital Saint-Jean de Narbonne et donna le mas local « dit à Coiran près l'Ollarie, ensemble tous ses autres biens » (5).
5. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 17 et 30.
— Ollarie, Ollaria, fabrique de pots, poterie. Roques, dans son Inventaire des titres et documents de l'archevêché écrit les Holières, T. I, folio 544.
On devine que les frères hospitaliers avaient formé le projet d'établir leur principale résidence dans le faubourg de Coiran. Nous avons vu qu'ils y avaient une chapelle au moins en 1208 ; nous les voyons aujourd'hui acheter à gros deniers les propriétés à vendre ; les donations elles-mêmes semblent concourir vers le même but.
En 1209, l'archevêque de Narbonne, Bérenger, s'intéressa à ce projet ; il donna à l'hôpital la moitié de trois jardins et deux champs qui dépendaient de sa directe, à la Salade.
La même année, le Commandeur acheta de Pierre Izarn « le quart d'un honneur et jardin que ledit Izarn avait sur le restant des processions du Commandeur, situées à la Salade près l'église Saint-Félix, au terroir de Narbonne » (1).
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean. 1. 23 et 24.
« En 1223. Rainald, commandeur de Narbonne, reçoit, en présence des frères de sa maison, donation de deux cent sols melgoriens (2), pour réparer, avec plus grande somme, le mas de Coiran... »
2. Le sol malgoire ou melgoriens valait un quarante huitième du marc d'argent fin ; le sol parisis valait un quart de plus que le sol tournois.
En retour, les donataires Guillaume Fag et Fidas, son épouse, sont reçus pour « hommes propres de l'hôpital Saint-Jean de Narbonne » avec l'usage d'une « maison, qui s'appelle Sala (Salée, Salata, Celata) au-dessus de notre demeure de Coiran » (3).
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, II, 7.
— Histoire de Languedoc VIII, paragraphe 223.
Coiran
— Ancien faubourg de Narbonne, au S-O de la ville, dépendait de la paroisse de Saint-Félix
— Coyran, 1078-1500 (Archives de l'Aude, H 211, folio 27)
Sources: Dictionnaire Topographique du département de l'Aude, rédigé par L'Abbé Sabarthès. Paris Imprimerie Nationale, MDCCCCXII.
Désormais les droits du Commandeur sont acquis, et dès 1225 jusqu'en 1619, les actes de lauzimes, les baux à cens, les reconnaissances établissent les redevances des emphytéotes et des tenanciers (4). Une fois seulement, en 1610, le Chapitre de Saint-Just éleva des prétentions aux droits de directe sur quelques jardins du quartier de la Salade ; mais l'exhibition des litres du Commandeur arrêta les prétentions du Chapitre (5).
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 7 et 10 ; IV. 13 ; V. 3. 4. 11 et 17.
5. Archives, Favatier, Escalier, notaire à Narbonne, 30' liasse ; Senty, 2e liasse.
CUXAC
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne, Commune: Cuxac-d'Aude - 11
Domus Hospitalis Cuxac
Au même terroir, la donation de Bérenger de Bottenach (1198) vint augmenter les biens de l'Ordre de « la moitié et portion de terre, quarts, seigneurie, lauzime et autres droits aux vignes ou autres terres de Rapalpe » qui étaient indivis avec Pierre Raymond de Launeria. Son fils Gaucerand de Bottenach confirma cette donation en 1207 (3).
Ces divers biens furent inféodés, en 1236, sous la censive réduite d'un setier d'orge mesure de Narbonne, à Jean de Lautrec ; en 1240, à Bernard Gauton (4).
En 1413, le Commandeur ne percevait plus au terroir de Rapalpe qu'une censive de trois sols (5).
« Au terroir de Cuxac, local dit à Fontanilles », le Commandeur percevait encore quelques droits, car en 1331, Guillaume Cabanac vendait à Pierre Raymond Fabry une vigne, déclarant en outre que « ladite pièce fait de censive au Commandeur de Narbonne demi pugnère orge, payable à chaque fête de Saint-Just » (6).
C'est à cette partie du terroir de Cuxac que se rapportent les seize reconnaissances consenties en 169 en faveur du Commandeur pour les fiefs situés au lieu de Cuxac » (7).
Mais les droits les plus importants qu'il eut conservés étaient établis au terroir de La Grèze. En 1654. Marie de baux, en sa qualité d'héritière de Jean Sarda, prêtre et fermier de la Commanderie de Narbonne, donnait « quittance à noble Pierre de Beauxhostes, seigneur d'Agel, des arrérages de la censive de cinq setiers deux quartières orge, et deux sols six deniers argent, due sur douze mojades terre situées au terroir de Cussac, lieudit jadis à La Grèze à présent Saint Jean Delquin, dans laquelle terre est construit le bâtiment de la métairie appelée la Bourgade » (8).
Les droits du Commandeur prirent même une grande extension ; car le 30 décembre 1736, après avoir reconnu « six séterés de terre à Raonel », les demoiselles Françoise et Anne de Beauxhostes, d'Agel, reconnurent en « plus trente-sept séterés et demi dans le terroir de Cuxac, appelé de Saint Jean, dans laquelle contenance il y a une métairie dite La Bourgade.... sous la censive de trois setiers neuf pugnères orge, et deux sols six deniers tournois. » Plus une vigne à las Castelles contenant 17 séterés et demi, « confrontant de cers le chemin de Cuxac à Capestang, du septentrion le sieur de Frégouze, sous la censive de deux pugnères et demi de blé froment » (9).
1. Plus bas, le notaire écrit : « Totum meum alodutm quodcumque habeo in villa de Culiacho » ; c'est donc par erreur que l'auteur de l'Inventaire a écrit « qu'il avait au lieu de Ciutat de Narbonne... »
— Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 1 ; ou encore qu'il écrit Citracho sur la manchette de la même pièce d'archives.
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 1 et 2. II donnait en même temps quelques biens à l'église Sainte Marie de Magrinian.
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 13 et 21.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, IV 3 ; III, 6. Le terroir de Repalpe ou Rapalpe dépend partie de terroir de Narbonne et partie du territoire du Cuxac.
5. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, V. 14. Pareille redevance était attribuée au vicomte de Narbonne.
6. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, V. 2.
7. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, IV. 8.
8. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, VII. 13.
— Cette métairie est située entre la rivière d'Aude et le canal d'atterrissement de l'étang de Capestang, an N. O. de Cuxac.
9. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, IV. 7.
OUVEILLAN
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Ouveillan
En 1205, le Commandeur baillait à cens à Raymond Fornié « une maison sise au faubourg du lieu d'Oaillan..., plus la moitié d'une autre maison sise audit lieu près le chemin qui conduit aux Léprus » (2).
En 1256, trois pièces de terre, dont l'une était située à Vizairas, et l'autre à la fontaine dite Babolin, une vigne située au local dit al noyer, et un mas étaient baillés à cens à Jean et à Pierre Pelegry, sous la censive de deux sols, trois deniers tournois, payable à la Noël (3).
En 1379, nouvelle inféodation de ces terres à Hulard, fils de Guillaume, et à Guillaume Pélegry, sous l'oubli de seize deniers narbonnais (4).
Le Commandeur jouissait encore du droit de lauzime sur certaines maisons d'Ouveillan, que le nommé Arquiès lui avait vendues en 1276 (5), et que lui-même inféodait en 1326 (6).
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 15. Les documents écrivent Ovelianum (1205), Oeillanum (1256) Ovilianum (1279).
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 1.
— Cette léproserie existait et fut utilisée en 1348, lors de la peste noire qui décima cette localité ; cet hôpital n'a pas laissé de traces dans le pays, il est vrai qu'en 1355 le prince de Galles livra Ouveillan aux flammes et au pillage.
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 9.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 12 et 13.
5. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, II 5.
6. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, V. 6.
GINESTAS
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Ginestas
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III, 2 et 5 Castrum de Genestars (1217).
VILLA DE PORTS ?
En 1216, Raymond de Villar donna au Commandeur de Narbonne « un homme, sa femme et ses enfants avec les possessions qu'il tenait de lui dans la juridiction de Villar de Ports » (1).1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 31. Villare de Portii.
MARCORIGNAN
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Marcorignan
Ces biens durent être aliénés de bonne heure, car les actes de reconnaissances, de lauzimes ou de baux à cens n'en font plus mention.
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, 1. 10.
MARMONIÈRES
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne, Commune: Vinassan - 11
Domus Hospitalis Marmorières
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 6.
VINASSAN
Département: Aude, Arrondissement et Cantons: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Vinassan
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, II. 15.
FABREZAN
Département: Aude, Arrondissement: Narbonne, Cantons: Lézignan-Corbières - 11
Domus Hospitalis Fabrezan
Telle est l'origine des possessions de l'Ordre de Malte à Fabrezan ; tel était aussi l'objet des baux à cens que les Commandeurs Censius Expada (1224) et frère Amat (1336) passaient à plusieurs emphytéotes, sous les censives diverses de deux pégas d'huile, payables à carnaval, et de 30 sols malgoires (3) ; ou encore des reconnaissances (1379) des biens situés aux lieux de Fabrezan et de Ferrals, moyennant 32 sols 6 deniers tournois payables à la Noël, un setier d'orge, avec droits de lods et autres (4).
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 38 et 39.
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, II. 1 et 2.
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, III. 3 et 4.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, IV. 5.
GASPARETS
Département: Aude, Arrondissement: Narbonne, Canton: Lézignan-Corbières, Commune: Boutenac - 11
Domus Hospitalis Gasparets
En récompense, « le Commandeur ce lui donna l'habit et croix de l'Ordre voulant qu'elle eut part aux prières et biens dudit Ordre. » (2) En 1217, Raymond de Narbonne de Gaspanes (3) donna au Commandeur de Narbonne « quatre pièces terre sises dans le dimaire Saint-Martin de Gasparets » Enfin en 1218, Bernard Prats, de Gasparens et Riale, sa femme, donnèrent à l'hôpital Saint Jean de Narbonne « leur portion de seigneurie qu'ils avaient audit lieu » (4).
1. Situé à la Clape, non loin de la mer.
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I 28. Gaepadencs (1214) Gaspadens, Gasparens.
3. Nous respectons les diverses orthographes de ce mot.
4. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I 34 et 33.
SIGEAN
Département: Aude, Arrondissement et Canton: Narbonne - 11
Domus Hospitalis Sigean
En 1376, cette donation donna lieu à un conflit entre le Commandeur de Narbonne et Guillaume de Sejan, seigneur de Malta (Mattes) qui négligeait le legs annuel. Les deux partis convinrent de fixer à trois florins un tiers les arrérages de deux ans ; à l'avenir, la donation de 1246 serait fidèlement observée (2).
En 1331, Pierre Vincent d'Auriac donna au Commandeur de Narbonne « une vigne sise au lieu de Montgaillard, local dit à Fontalzieu » (3).
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, II 3.
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, VI. 5.
3. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, II. II.
MONTGAILLARD
Département: Aude, Arrondissement: Narbonne, Canton: Claira - 11
Domus Hospitalis Montgaillard
Les reconnaissances de 1303, 1307 et 1534 mentionnent encore ces biens alors inféodés, et comprenant une condamine au-dessous du lieu de Castelmaur ; deux pièces al Predaisals ; une pièce près le jardin ; une pièce al Secanet, sous l'oublie de deux deniers tournois (2).
1. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, I. 18 et 37.
— Castrummaurum (1206), Castelmaura (1220).
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, IV. 1 et 2.
JONQUIÈRES ET COUSTOUGE
Département: Aude, Arrondissement: Narbonne, Canton: Lézignan-Corbières - 11
Domus Hospitalis Jonquières et Coustouge
Mais en 1237, ces droits étaient un sujet de litige entre l'archevêque et l'Ordre de Malte. Plus tard, ces deux paroisses furent dépendantes de la Commanderie d'Homps.
Ainsi s'était peu à peu formée la maison de Narbonne: mais la création, autour d'elle, de plusieurs commanderies réservées aux chevaliers profès, diminua son importance.
1. Inventaire, des actes et documents, Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, T. II, folio 203.
2. La France ecclésiastique de 1764 évalue à 3,000 livres les revenus de la Commanderie de Narbonne ; il s'agit de Narbonne et de ses membres ; encore ce revenu est-il exagéré.
Dès le XVIIe siècle, les revenus de la maison de Narbonne étaient à peine évalués à 100 livres par an, y compris l'inféodation de la chapelle.
Les commanderies de Saint-Nazaire, de Preisse, de Peyriès, de Saint-Pierre de Mer, avaient à peu près absorbé ses biens. Aussi les procès-verbaux, d'adjudication, comme biens nationaux, des immeubles de la ci-devant commanderie de Narbonne ne mentionnent que trois champs, dont l'un au terroir de Cuxac, les deux autres au terroir de Narbonne furent vendus au profit de la nation, le 10 frimaire an II (1)
Le premier, au tènement de Saint-Baulery au terroir de Cuxac, estimé à 17.018 livres, confrontait de cers « Jean Bernard et la veuve Antoine Périès, Joseph Bonhomme : de midi, la veuve Jean Arnaud ; marin, carrière qui fait division avec Cuxac et Narbonne, de la contenance de 26 séterés, 6 punières environ »
Il fut adjuge, pour 20.100 livres, à Etienne Fraisse, Joseph Caumel, Jean Caumel, Roch Largey fils, Marc Combes, Just Vernet, Pierre Combes fils, Antoine Agel, et Jean Baptiste Combes.
Le second, au terroir de Narbonne, tènement de Saint-Georges, joignant la terre de la Bastide, contenait 4 séterés 12 pugnères ; il confrontait de cers, le chemin qui va de la Bastide à la rivière d'Aude ; midi, les terres de la Bastide : marin Jean Paul Sérillac. Sur le prix de 8.000 livres il fut adjugé à Louis Jalabert et à Pierre Cambonnès, de Cuxac.
Le troisième, au même terroir, tènement d'Al Claux d'en Taurel, était situé entre Razimbaudet la Bastide et contenait 18 séterés. Il confrontait de cers le chemin bas de Coursan ; midi, Jean Hortes et l'arrosoir de Razimbaud ; marin, Jean Roger dit Margeret, et d'aquilon le propriétaire de la métairie de Razimbaud. Sur le prix de 9.500 livres, cette dernière terre fut adjugée à Pierre Bernadet, menuisier de Narbonne (2).
Ainsi finit à Narbonne, cet ordre de Malte, qui pour avoir duré six siècles, n'a laissé ici après lui que de bien fragiles souvenirs. Ce qu'il en reste sert encore d'abri à une non moins fragile association qui, pour être d'un autre temps, ne conserve qu'à grand peine la vie et l'histoire des siècles passés.
1. Nous avons vu ci-dessus que les immeubles furent vendus l'an IV comme s'ils eussent fait partie des biens de la ci-devant confrérie des Pénitents Bleus.
1. Archives départementales de l'Aude. Q (ancien L. 2e section E. n' 3)
Saint-Jean-de-Céleyran
— Ancienne commanderie de l'Ordre de Malte.
— Saint-Jean de Seayra ; Sant Johan de Serayra, 1537 (Archives de l'Aude, Diocèse de Narbonne)
— Il existait une commanderie de l'Ordre de Malte à Céleyran, elle fut unie à celle de Narbonne.
— Saint-Jean de Célerian, commanderie, 1781 (Diocèse de Narbonne)
SAINT-VINCENT
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Saint-Vincent-Olargues
Saint-Vincent était une paroisse dépendant d'abord du diocèse de Narbonne (en 1101, Bertrand, archevêque de Narbonne donna « l'église rurale à l'abbaye de St-Pons » (1) ; plus tard, elle dépendit de ce dernier diocèse. En tout cas, puisque la Commanderie de Saint Vincent existait au moins en 1137, il y a tout lieu de croire que c'est grâce à ce voisinage que l'agglomération de Saint Vincent aura pris quelque importance.
Saint-Vincent, nous l'avons dit, eut d'abord une existence indépendante : il fut même le membre le plus important de la Commanderie, au point d'être longtemps le chef-lieu du groupe.
A l'heureuse situation que peuvent donner de nombreuses propriétés, la main des hommes et la nature avaient ajouté des avantages appréciables. Dans la vallée du Jaur, frère Pons Rogé, commandeur avait établi « un moulin sur la rivière de Saint-Vincent près prat Rogé » (1).
1. Gallia Christiana, VI. Instr. S. Pont. VIII, col, 82.
Noble Bernara d'Olargues, seigneur d'Anduze, lui disputait ce droit, parce que le canal dudit moulin « passait à son préjudice dans une pièce de terre située au mas de Pestous qui relevait de sa directe. » Les deux partis s'accordèrent néanmoins (1280) : le Commandeur garda son moulin et les droits y relatifs (2) La visite de 1648 constate que le « molin au Camp Rogé n'a pas laissé de vestiges » (3).
Plus tard, d'autres moulins furent construits à Julio, à Rumegé, à Cesso, à Olargucs, à Saint Julien ; ils existaient encore au siècle dernier.
Voilà pour l'utile ; l'agréable ne fut pas moins recherché.
Dans un pays montagneux, les eaux sont fraîches, abondantes, poissonneuses ; on n'oublia pas de profiter des dons de la nature. « Près le lieu de Galergue, là où tombe l'eau de la fontaine de Galergue dans la rivière de Jaure », frère Durand, commandeur de Saint-Vincent, donna à Etienne Langlade (1227) un local pour faire un réservoir de poisson, sous la censive de trente anguilles (4).
Pareil réservoir fut établi en 1264 « sur la rivière de Jaure dans l'endroit où le ruisseau de Ségalar se jette dans le ruisseau de Joure » Jean Guilhem payait encore une censive de trente anguilles (5).
1. Ce petit cours descend du flanc méridional de la montagne de l'Espinouze passe à Costorgues, coule entre les Pestons et Saint-Vincent et se jette dans la Jaur.
2. Narbonne, inventaire archives de Saint-Jean, V. 5.
3. Ibidem, IX. 11.
4. Ibidem, II. 2. Le lieu de Galergue n'existe pas ; mais Galergue orgues, alias Gaillergue est un ruisseau qui, après s'être grossi des eaux du ree de Berthe ou Gros St-Vineent, se jette dans le Jaur.
5. Ibidem, II. 10. Aujourd'hui on ne connaît pas Je ruisseau de Ségalar ; mais le coteau sur lequel est bâti le hameau de Saint-Vincent s'appelle montagne de Sigalas. Ce serait donc l'un des ruisseaux tributaires de celui appelé aujourd'hui Juriano (Joure ?)
Parcourons cette vallée et relevons une à une les propriétés de l'Ordre de Saint Jean.
SAINT-VINCENT D'OLARGUES
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Saint-Vincent-Olargues
1. C'est donc par erreur que dans son Dictionnaire topographique, que M. Thomas attribue les revenus de Saint-Vincent au Chapitre Saint-Nazaire de Béziers.
2. Saint-Vincent, 1. 4.
Aussi le Commandeur en était-il « prieur primitif et seigneur spirituel (patron ecclésiastique) » Il nommait donc le recteur du lieu et lui assurait un honoraire convenable. C'est ainsi que Frère Mas, prêtre religieux d'obédience de l'Ordre, qui était, en 1648, vicaire perpétuel de Saint Vincent reçut du Commandeur « dix pilles avoines, blé, seigle, « mesure d'Olargues ; deux muids de bon vin : vingt-cinq livres pesant (3) d'huile, une quartière de sel, un quintal et demi de pourceau salé et trente livres d'argent. Moyennant quoi, il était obligé d'entretenir un clair, diacre et sous-diacre à ses dépens, célébrer la Sainte Messe tous les « dimanches et fêtes chômables, et vêpres les quatre fêtes solennelles et jour de Saint Vincent ; administrer les sacrements à ses paroissiens et autres choses suivant l'usage de notre religion » (4).
3. La livre était une unité de monnaie et aussi une unité de poids.
4. Saint-Vincent, IX. II.
Le contrat d'afferme de 1664 mentionne ainsi la « pension accoutumée : savoir : toute la prémisse du bled de toute la paroisse dudit Saint-Vincents et ortalisse (jardinage) de Coustorgues, deux muits bon vin rendus dans la maison presbytérale, trente livres tournois, vingt-cinq livres huille d'olif, une carre sel, et un quintal et demi chair sallée ; plur fouyra les jardins qu'il est accoutumé fouir (travailler)... » (1).
1. Archives Favatier, Larousse notaire, 19' liasse n° 37.
Le procès-verbal de 1648 mentionne peu de détails sur la chapelle. « Navons trouvé les images du Crucifix, Notre-Dame et Saint Vincent ; la sacristie est suffisamment pourvue d'ornements ; le cimetière est au-devant de l'église » (2).
2. Saint-Vincent, IX. 11. Ces vieux tableaux existent encore perdus dans les réduits de l'église ; le cimetière est encore dans la même situation.
Parcourons les quartiers ruraux de la paroisse et relevons, autant qu'il nous sera possible les droits nombreux du Commandeur.
BAIGOUZ ?
Les documents mentionnent « le village de Baigouz » que nous n'avons pu identifier, et sur lequel le Commandeur prenait « le tiers de la dîme sur tous les fruits, et Messieurs du Chapitre Saint-Pons le tiers, sauf pour le vin que le sieur Commandeur prenait les quatre septièmes, et le Chapitre le restant » (3).3. Visite de 1648. Saint-Vincent, IX. 11.
Dans ce lieu, qui dépendait de la paroisse de Saint Vincent, il est fait mention des terroirs de Mazarié, Rapaillac, La Fontresse, Songap, Gourlourie et Coudoulz, qui dépendaient et dépendent encore tous de Saint-Vincent. (4)
4. Cassini mentionne la Mazarié, Respaillac (aujourd'hui Raspaillac) et Gourlaury, à l'Est de Saint-Vincent et au N.-Oust, d'Olargues, non loin de la route qui se dirige vers Fraisse.
CAILHO
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Cailho
1. Saint-Vincent, 1 3. Cailho est un hameau au S. Ouest de Saint-Vincent.
2. Saint-Vincent, IV, passim.
CAMPROGER
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Camproger
Le domaine fui complété par la donation qu'Enjalbert Queyrel fit au Commandeur de Saint-Vincent (1174) de « tout le droit qu'il pouvait avoir sur l'honneur et mas de Queylo » (4) dont les terres étaient voisines.
3. Saint-Vincent, I. 2.
—Camprogé ou Camproger est un hameau au M. de St-Vincent.
— Le ruisseau de Letgé ne saurait être que le cours d'eau appelé aujourd'hui rec de Berthe ou du Gros Saint-Vincent.
4. Saint-Vincent, I. 6. Nous respectons les diverses orthographes.
CASSAGNOLES
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Cassagnoles
5. Saint-Vincent, I. 7. C'est un hameau au M, de St-Vincent, près de la route de Saint-Pons.
6. Saint-Vincent, I. 11.
7. Saint-Vincent, II. 5.
LE CROS
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Le Cros
A quelle époque l'Ordre entra-t-il en possession de ce hameau, rien ne l'indique ; mais de bonne heure (1260) il fut inféodé sous « la censive d'une émine d'avoine, quinze deniers tournois, une poule, trois œufs, à la Pâque ; un fromage à la Pentecôte : deux journées d'homme, du jardinage pour un jour, trois sols tournois à la Noël, pour droit de quête ; et la tasque et la dîme » (1).
Les droits de l'Ordre sur ce hameau étaient authentiquement reconnus en 1551, dans un acte de vente qui dût être autorisé par le Commandeur, sur déclaration que les objets vendus étaient de la directe de ce dernier.
« Michel Rascol del Cros vend à Jacques Rassignade ung patu sive cazal assis audit Cros tenant avec la maison dudit venditeur, confronte de soleil levant avec le chemin venant del rec, de soleil couchant, de midy et d'autre part avec ledit vendeur » (2).
1. Saint-Vincent, II. 7.
2. Saint-Vincent, III. 12.
COUSTORGUES
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Fraisse-sur-Agout - 34
Domus Hospitalis Coustorgues
Enfin d'après la visite de 1648, « à Courtorgués, terroir de Fraisse-sur-Agout et paroisse de Saint-Vincent », le Commandeur ne percevait que le tiers de la dîme ; le Chapitre de Saint Pons, les deux tiers (2).
1. Saint-Vincent, III, 6 ; V. 4, 12.
2. Saint-Vincent, IX. 11.
JULIO le Bas et le Haut
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Julio
3. Saint-Vincent, IX. 11.
Mas du Rieu
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Mas du Rieu
4. Saint-Vincent, IV, 20.
PESTOUS
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Pestous
5. Saint-Vincent, IV. 6. Les Pestous hameau au Nord de Saint-Vincent.
En 1614, le commandeur Pinchon se trouvait en relation avec Jean Marty et autres tenanciers des Pestous, et passait avec eux une transaction. Ceux-ci s'obligeaient à payer au commandeur le droit de dîme et de tasque, pour le terroir de Lirons: pour tous les jardins qu'ils tenaient dans la mazade de Pestous, au lieu de la tasque, ils paieraient la censive de six coups de blé froment, mesure d'Olargues (1).
Le procès-verbal de visite de 1648 (2) attribue au Commandeur le tiers de la dîme sur le terroir des Pestous, « excepté aux terres de Lirons » ; le Chapitre de Saint Pons prenait donc les deux autres tiers, et la transaction de 1614 avait été modifiée.
1. Saint-Vincent, V. 10.
2. Saint-Vincent, IV. 11.
PRADELS
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Pradels
Dans le procès-verbal de 1648, le visiteur fait remarquer que sur ce hameau, « toute la dîme se paye au dixième fruit de tous grains, vin, herbes, agneaux, chevaux, cochons, laines, chanvre, lin et foin ; les lods au douzième denier. »
3. Saint-Vincent, V. 12. Au Midi de Saint-Vincent et de Camproger.
Voir une définition du mot Mazade
LE SARRET
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Le Sarret
Dès 1244 et 1287, ce terroir dépendait de la directe du commandeur, car celui-ci en autorisait la vente et percevait tantôt une censive d'une quartière d'avoine, tantôt la dîme, le quart des fruits et quelques deniers (1).
Enfin en 1294, le Commandeur percevait un droit sur les châtaignes du mas de Podio (2).
1. Saint-Vincent, III. 2 et 7.
2. Saint-Vincent, V, 2.
VIOLGUES
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Violgues
En 1262, la Bordario de Buelgue avec ses terres cultes et incultes, preds, bois et jardin en dépendant, est baillée à Bernard Boulady, sous la censive d'une quartière d'avoine, une émine de seigle, cinq sols malgoires, une poule au carnaval, trois œufs à Pâques, un fromage à la Pentecôte et une journée d'homme (3). Dès lors les inféodations se continuent (1266, 1274, 1298, 1319, 1342, 1345) et les cahiers de reconnaissances mentionnent (1279, 1323 et 1341) le terroir de Buelgue dans la directe de l'hôpital à qui les tenanciers paient des censives diverses (4), jusqu'en 1621 où une transaction, passée sur un procès entre le Commandeur et les tenanciers du terroir de Biolgue (5), confirme définitivement les droits du premier.
1. Hameau à l'Ouest de Saint-Vincent.
2. Saint-Vincent, I. 12.
3. Saint-Vincent, II. 9.
4. Saint-Vincent, III et IV, ca-et-là.
5. Saint-Vincent, IV. 20. Compoix d'Olargues pour le mazage de Biolgues, de l'année 1313.
— Saint-Vincent, IX. 7.
Les documents mentionnent encore dans la commune de Saint-Vincent « le terroir de Rossery, le long de la rivière de Jaure au-dessus de l'église de Saint-Vincent » Ce terroir était sans doute situé entre le Cros et la Mazarié.
Les droits de l'Ordre étant aussi nombreux, les habitants de Saint-Vncent étaient à peu près généralement vassaux du Commandeur. Aussi dès 1526, sur un procès pendant devant le sénéchal de Béziers entre frère Bernard de Beaux, d'une part, et les paroissiens de Saint-Vincent d'autre, fut passée une transaction par laquelle les habitants s'engagèrent à payer à chaque fête de Saint-Michel une quartière de seigle pour chaque paire de bœufs servant au labourage ; et demi quartière, pour les tenanciers qui feraient du blé à bras. Ils devaient payer en outre « une toison de trois livres pour chaque troupeau, la dîme des porcs (savoir un petit cochon pour chaque femelle qui n'aura mis bas qu'une fois, et une oreille d'un, pour les autres) » (1).
Cette transaction fut renouvelée en 1615 : et malgré les oppositions des habitants devant le sénéchal (1731) et devant le parlement de Toulouse (1733), ils demeurèrent soumis à cette taxe onéreuse (2).
1. Saint-Vincent, VI. 1.
2. Saint-Vincent, VI. VII et VIII.
OLARGUES
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Olargues
Aujourd'hui, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Pons, bâtie sur les bords du Jaur, traversée par la route de Bédarieux, Olargues était, autrefois, l'un des sept villes du diocèse de Saint-Pons qui envoyaient, par tour un député aux Etats de Languedoc. Entourée de solides murailles, Olargues possédait, en dehors de l'enceinte un château, que l'on appelait le Fort. Tout est ruiné aujourd'hui et des maisons bourgeoises se sont élevées sur les vieux pans de mur qui subsistaient encore.
Dans le lieu d'Olargues, le Commandeur possédait, depuis 1424, une maison qui lui avait été donnée par Guillaume Emeric, prêtre (1) ; en 1429, Jean Rodery vendit au Commandeur « une autre maison dans ledit lieu à la rue dite des Pilles Antiques, confrontant la maison de la vicairie, au prix de soixante-cinq moutons d'or (2).
Dans le fort, le Commandeur possédait aussi « une maison achetée, en 1436, à Jacques Amal au prix de dix moutons d'or : plus un cazal situé à la rue dite carrière méjanne » (3).
Mais le plus constant, comme le plus ancien et le plus fort droit de directe du Commandeur était celui qu'il possédait à la Coste de Beaucy (4). Ce terroir, qui fut plus lard appelé del Baux, faubourg del Baux, moulin de Baux, était situé « dernier le château, confrontant la rivière du Jaur »
En 1297, le Commandeur percevait une censive de demi-quartière d'avoine sur un jardin de la Coste de Beaucy.
En 1343, il ballait à cens « une maison et cazal sise au lieu « d'Olargues derrière l'église au faubourg de Beaucy, avec un jardin et patus contigus », sous la censive d'une quartière d'avoine (5).
En 1344, Vidal et Etienne Salvatge reconnaissaient tenir du Commandeur « tout le mazage de Beaux sous la censive de deux gélines, six œufs, deux journées d'homme, deux fromages, une pille d'avoine et neuf sols tournois, la dîme et la tasque de tous les fruits » (6).
1. Saint-Vincent, I. 14.
2. Saint-Vincent, I. 17.
— Le mouton d'or est une ancienne monnaie sur laquelle était gravé un agneau avec ces mots : ecce Agnus Dei.
— C'est Saint-Louis qui fit faire des deniers d'or à l'aignel, qu'on nomma depuis moutons d'or.
— Cette monnaie valait 16 sols, 6 deniers tournois, ce qu'il faut entendre des sous de ce temps-là qui étaient d'argent fin.
3. Saint-Vincent, 15 et 16.
4. Saint-Vincent, III. 3 ; IV. 19.
5. Saint-Vincent, II. 18.
6. Saint-Vincent, IV. 5.
En 1374. Bertrand de Aysié reconnaît « tout le mazage de Baucio avec les terres en dépendant sous la censive d'une demi quartière d'avoine (2).
En 1620, André et Pierre Bascouls, Jacques Four passent encore reconnaissance, en faveur du Commandeur, de plusieurs vignes situées dans le terroir del Baux, sous diverses censives d'avoine ou de vin (3).
Il est à présumer que ces propriétés, inféodées de bonne heure, provenaient de la donation que fit par testament Bligérius (1179). Il léguait dans Olargues « tout ce qui lui était parvenu du chef de Bernard Adémar ou qu'il possédait de sa propre maison usque ad flumen de Icluro (?) » (4).
2. Saint-Vincent, IV. 11.
3. Saint-Vincent, IV. 18 et 19.
4. Saint-Vincent, I. 7.
— On lit très bien Icluro ; l'auteur de l'inventaire a écrit Tar. Cette identification est évidemment inacceptable et erronée. Il ne saurait être question du Jaur, plusieurs fois nommé et qui baigne Olargues. Faut-il y voir l'Orb ? Dans ce cas, la donation comprendrait les terroirs de Fous, Fenouillède, Lisson, Courbou et autres au S. Ouest d'Olargues.
PREMIAN
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Etienne d'Albagnan - 34
Domus Hospitalis Premian
Sur le terroir de Fulhe (aliàs Fouillo (3), le Commandeur prenait encore une part de la dîme, la plus grande partie revenant au curé lieu.
1. Gallia Christiana, VI, col. 88. Inst. S Pontii. XIII.
2. Rouvials, hameau au Nord commune de Prémian, près du col de Pissouillos.
— Saint-Vincent, IX. 11.
3. Cassini. Hameau au N. de Prémian.
SAINT-ETIENNE-D'ALBAGAN
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Albagan
En 1199, Pierre Landrie donna à l'hôpital Saint-Vincent « la moitié du mas d'Arbos, situé en la paroisse d'Albanian », consistant en « terres, jardins, bois et autres possessions » (2).
Le verbal de visite de 1648 mentionne encore en faveur de l'Ordre de St Jean un droit de dîme (deux tiers) sur tous les fruits à Sahut (3) et la Vacquarie (4), « excepté du foin que le vicaire de Prémian prend entièrement (5).
1. Gallia Christiana VI, col. 110. Instr. Bitt. XVII.
2. Saint Vincent, I. 9.
3. Le Sauch (Cassini), le Souch (carte du diocèse Saint-Pons) aujourd'hui le Sahuc, hameau de la commune de Saint-Etienne-d'Albagnan, non loin 4e la chapelle de N.-D. de Trédos et au sud de Saint-Etienne-d'Albagnan.
5. Vacarie (Cassini), aujourd'hui La Vacarié, au sud de Saint-Etienne dont ce lieu n'est séparé que par le Jaur.
7. Saint-Vincent, IX. 11.
SAINT-JEAN DE FRAISSE
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Fraisse-sur-Agout - 34
Domus Hospitalis Fraisse
Dès 1179, (testament de Bligerius), le Commandeur de Saint-Vincent percevait « sur la paroisse la dîme entière, « ainsi que sur le mas de Roque (alias Roc, la Roque), de la « commune de Saint Vincent » (2).
Toutefois, dès 1229, les droits du Commandeur ne paraissent pas s'étendre sur la dîme entière. A cette date, en efTet, une « transaction feut passée entre les Consuls et Communauté de Fraisse d'une part, et le syndic du Chapitre St-Pons (3), le prieur dudit Fraisse et le Commandeur de St-Vincent d'autre part », relativement aux réparations nécessaires à l'église de Fraisse, et au droit d'aumône. Ce dernier droit demeura fixé, « pour le prieur à trois sétiers, trois quartières blé et seigle ; pour le syndic et pour le Commandeur à deux setiers et demi chacun. » (4).
1. Gallia Christiana, VI, Instr, c. 88.
2. Saint. Vincent, 1.7.
3. L'auteur de l'inventaire aurait dû dire abbaye de Saint-Pons, puisque l'évêché (et le Chapitre par conséquent) ne fut érigé qu'en 1317-1318.
4. Saint. Vincent, V. 8.
Les trois décimateurs entendaient bien demeurer « fruits prenants », et ils le demeureront longtemps : mais se souvenant de leurs droits, ils oubliaient leurs devoirs, car le sénéchal de Béziers rendit une sentence (10 octobre 1600) les condamnant tous trois aux réparations de l'église : « le prieur à trois portions sur sept, le syndic et le Commandeur à deux chacun, les sept faisant le tout de la dépense » (1).
En 1627, peut-être pour non-exécution de la sentence du sénéchal, le Parlement de Toulouse est encore obligé d'intervenir, à la requête des Consuls. « Sur la demande de contribution à l'aumône pour la nourriture des pauvres, les parties sont renvoyées devant l'évêque de Saint Pons » ; quant aux réparations de l'église, elles « seront vérifiées par expert. Néanmoins permet (le Parlement) auxdits consuls de faire arrêter la treizième partie des fruits décimaux du lieu et paroisse de Fraisse..., jusques à la réfection des susdites réparations. » (2) Ces réparations furent faites, car le 29 octobre 1632, le Commandeur donnait « quittance de la somme de 157 livres pour sa quote portion. » (3)
Enfin le procès-verbal de visite de 1648 (4) mentionne comme relevant, en tout ou partie, du décimaire du Commandeur les terroirs suivants :
Crualgue (La Grualgue au M. de Fraisse)
Fontriousalle (?)
La Montandarie (la Montaudarié au S.-E.)
Flechyraud (Flacheraud, Flaucheraud, Flachoraud à l'E.)
Combela (?)
Cantonnaure (peut être Cantomerle)
Fombaissy (peut-être Fontbourmel, alias Fontbrave)
La Raussié au N.
La Poumarède, à l'O.
Las Vergas, au S. 0.
Et Fontcaude, au S.-O.
Mais rien n'indique l'origine et la date des droits du Commandeur.
Quant à ceux de Riveyrals (5), ils remontent en 1270 ; ils sont rappelés encore en 1733, dans un jugement des requêtes, par lequel les tenanciers de ce hameau sont condamnés à passer reconnaissance au Commandeur, et à lui paver les censives et autres droits depuis 29 ans, c'est-à dire la dîme et la tasque des blés. Quant à la dîme de la laine et des agneaux, il restait à prouver au Commandeur qu'il en avait joui pendant quarante ans (6). « Au plan de Fraisse, dit La Rouvié », le Commandeur prélevait enfin « la moitié de la dîme de tous fruits, excepté du foin » (7).
1. Saint-Vincent, V. 6.
2. Ibidem, X. 7.
3. Ibidem, V. 9.
4. Ibidem, IX. 11.
5. Hameau à une altitude de 1100 mètres, au midi du bois de Sauze ; Un ruisseau porta encore ce nom.
6. Saint-Vincent, V. 11.
7. Ibidem, IX. 11.
Saint-Julien d'Olargues
Département: Hérault, Arrondissement: Béziers, Canton: Saint-Vincent-d'Olargues - 34
Domus Hospitalis Saint-Julien
En 1206, il les céda à Arnaud de Fabriqua, contre « un champ près de l'hôpital de Saint-Vinccnt et 13 sols malgoires » (2) ; mais il en garda la directe, car en 1280, Bernard de Cambon lui passa « reconnaissance de la quatrième partie du Mas de la Fabrégue, sous la censive à laquelle ledit mas est sujet » (3).
Tels étaient, par le détail, les biens composant le membre de Saint-Vincent, qui comprenait, sous forme d'évaluation générale, « terres labourables, ci devant un pré de six journées de fauche, bois de haute futée composé de chaines et châtaigniers, et environ 12 séterés de terre de semence (près le ruisseau de la Mazarié).... « (4)
Quant à la valeur totale des fruits et revenus, nous n'avons pour l'établir que les baux à ferme.
En 1621, le fermier Jacques Malavre paya 750 livres au Commandeur La visite de 1648 estime à 950 livres le revenu du membre de Saint-Vincent, en seul.
En 1655, Saint-Vincent et Narbonne réunis furent affermés pour 1050 livres jusqu'en 1728, avec la charge de la pension du curé de Saint-Vincent et 150 livres pour un secondaire.
Comme charges locales, le Commandeur payait « la moitié des réparations à l'église paroissiale de Saint-Vincent, le Chapitre de Saint Pons payant l'autre moitié. »
Pour l'église de « Fraisse, sur sept parts, le prieur en payait trois ; les autres étaient payées moitié par le Commandeur, moitié par le Chapitre. »
Nous avons vu par le détail les revenus de Narbonne (100 livres), et de Saint-Vincent (950 livres par an)
Voici le budget du Commandeur pour l'année 1648 (5)
Charges.
Afferme générale : 1050 livres.
Décimes au roi : 60 livres, 13 sols, 10 deniers.
Plus au receveur pour son droit de levée : 3 livres, 8 sols.
Plus réparations, impositions au commun trésor : 170 livres, 17 sols, 10 deniers.
Aux chapitres provinciaux : 106 livres, 16 sols.
Reste au Commandeur : 879 livres, 2 sols, 2 deniers.
1. Fabrica, Fabriqua, Fabrigua, Fabréga, aujourd'hui Fabrégues, au N.-Oust de Saint-Julien.
2. Ibidem, I. 10.
3. Ibidem, IV. 1.
4. Visite de 1648. Ibidem, IX. 11.
5. Saint-Vincent, IX. 11.
— Procès-verbal de visite du 13 décembre 1648. La Bessière et Nigresserre étaient affermés à part.
La Bessière
Pour les membres de La Bessière et de Nigresserre, quittons le Languedoc pour passer dans le Rouergue et l'Auvergne, la terre privilégiée des ordres religieux et militaires (1).
1. Sans parler des divers membres, on comptait dans le Rouergue huit Commanderies qui dépendaient du prieuré de Saint-Gilles, langue de Provence. Cinq d'entre elles avaient appartenu aux Templiers ; après 1316, l'Ordre de Malte se trouva seul maître des maisons hospitalières.
Le département de l'Aveyron comprend une trentaine de hameaux du nom de La Bessiere (2) ; de là, la méprise de plusieurs dans l'identification de ce lieu. Le hameau qui va nous occuper est sur les limites du Cantal et de l'Aveyron ; il dépend de la commune de Cassaniouze (Cantal).
2. Pour nous en tenir aux pays d'alentour, mentionnons les hameaux de ce nom dans les communes de Sénergues, d'Estaing ; un autre au S.-Ouest de Saint-Christophe, La Bayssière dans la commune de Saint-Félix ; la Vayssière, dans la commune de Campuac ; las Biessièros, dans la commune d'Iluparlac.
Ici, nous l'avons déjà dit, de nombreuses modifications eurent lieu, et la commanderie de La Bessiere est d'origine templière. Les Templiers en effet possédaient dans les environs une commanderie dont le chef-lieu fut d'abord Auzits, puis Drulhe, quand l'Ordre de Malte eut remplacé l'Ordre du Temple. Au milieu du XVe siècle, les commandeurs d'Auzits Drulhe résidèrent au château de Lugan qui donna son nom à la Commanderie moderne ; dans la suite, Auzits fut distrait de cette commanderie et rattaché à celle d'Espalion (3).
3. Barrau, Documments sur le Rouergue, page 142.
Or, le membre de La Bessière paraît avoir joui d'une existence autonome depuis 1331, pour être ensuite uni au membre de Nigresserre et rattaché définitivement à Narbonne en 1393.
Nous remarquons de plus que les biens de la Vinzelle passèrent sûrement des mains des Templiers à celles des frères hospitaliers de Saint-Jean, et que ce membre, d'abord rattaché à la Commanderie Auzits Drulhe-Lugan, fut dépendant de La Bessière jusqu'à la Révolution. Nouvelle preuve que l'Ordre de Saint-Jean modifia la distribution des biens, et voulut faire oublier leur origine templière en établissant à La Bessière le siège d'une commanderie nouvelle (4).
4. L'auteur de l'Inventaire n'avait, dans la confection de la table des matières, employé que ces mots La Bessière ; une autre main a ajouté La Vinzelle, voulant sans doute préciser ainsi lu situation topographique, mais rappeler surtout un ancien état de choses que l'on avait jusque-là voilé.
Vint en même temps, la division des langues. Or, La Bessière était dans l'Auvergne ; par un moyen détourné, on éluda la difficulté, le chef-lieu fut toujours nominativement La Bessière, mais l'habitation du Commandeur fut bâtie sur une colline voisine, dans le territoire du Rouergue. Ce local s'appelait l'Hôpital, aujourd'hui l'Hospitalet ; il est situé près de la route qui va de Saint-Julien de Piganiol à Cassaniouze.
Ces modifications furent motivées, nous venons de le dire, soit par l'accession des biens du Temple à l'Ordre de Saint-Jean, soit par la division des langues, soit enfin par une répartition plus convenable des revenus do l'Ordre, quand on eut distingué les Commanderies attribuées aux chevaliers profès de celles des frères servants et des prêtres conventuels. Dans le Rouergue, du moins pour le membre de La Bessière, ces diverses circonstances ont eu leur application. Pour ces motifs, il n'y aura pas lieu de s'étonner que les biens de l'Ordre de Saint-Jean soient ici, les uns, dans la langue d'Auvergne, les autres dans la langue de Provence.
L'HOPITAL
Département: Cantal, Arrondissement: Aurillac, Canton: Saint-Mamet-la-Salvetat, Commune: Cassaniouze - 15
Domus Hospitalis Hopital
LA VINZELLE
Département: Aveyron, Arrondissement: Rodez, Commune: Conques-en-Rouergue - 12
Domus Hospitalis La Vinzelle
Le pouillé du diocèse de Rodez de 1787 portait cette mention : « Il y a dans cette paroisse (Saint-Julien de Piganiol) « un prieuré dit l'hôpital, qui est un membre de la Commanderie de Narbonne, affectée aux frères servants de Malte ; il vaut plus de 500 livres ; il lève la dîme sur les deux meilleurs villages éloignés de la paroisse. Le Commandeur est obligé de faire dire la messe tous les dimanches et fêtes ; il y a un cimetière où l'on enterre les morts des villages voisins, le curé de chaque mort accompagne le corps à la porte de la chapelle et partage les honoraires avec celui qui ensevelit. »
Le prieur était donc à la nomination du Commandeur ; mais on ne peut dire quels étaient les honoraires ou quelle était sa portion congrue. Nous savons toutefois par les documents qu'il ne recevait rien de la part du Commandeur pour la dîme des fiefs de La Bessière et de la Roucayrie (2) ; l'exemption de ce droit fut maintenue en faveur de l'Ordre par jugement des requêtes du Parlement de Toulouse (3).
Quant à la chapelle de Saint-Jean de La Bessière, le Commandeur, malgré les instances du curé, en garda la « possession et jouissance », par jugement du même tribunal (17 septembre 1674) (4).
1. Nous devons remercier ici M. l'abbé Cassagnes, missionnaire, qui a bien voulu nous donner connaissance d'une communication qu'il a faite à la Société des Lettres, Arts et Sciences de l'Aveyron, relativement à l'emplacement d'un hôpital. Celui dont veut parler notre honorable confrère ne saurait être situé que dans Saint-Parthem ou La Vinzelle et se rapporterait à la période templière ; celui que nous décrivons se rapporte à la période des Chevaliers de Malte.
2. La Bessière dont nous parlerons tout à l'heure, était dans l'Auvergne, aujourd'hui Cantal, commune de Cassaniouse ; la Roucayne (Cassini porte La Rouqueyrie) était dans le Rouergue, à l'Ouest de l'Hôpital. Le document de 1648 (La Bessière, III. 2.) porte La Rouquairie.
3. La Bessière, III. 2.
4. Ibidem, III. 4.
Au dix-huitième siècle, cette chapelle fut l'occasion d'un conflit, peu important, il est vrai, mais qu'il convient de raconter, car il donne une idée des susceptibilités que pouvaient engendrer les privilèges ; il montre aussi combien chacun était versé dans la connaissance de ses droits et ne manquait aucune occasion de les réclamer ou de les défendre.
Le 13 novembre 1728, au jour et a l'heure de la visite de la Commanderie, « il vint le vicaire de Saint-Parthen, paroisse voisine, dire de la part de M. son Curé qui est vicaire forain (1), que M. l'évêque de Rodez avait interdit cette église (de l'hôpital) » (2).
Le visiteur n'osa pas croire à cet interdit, aussi conseilla-t-il au fermier Flory de se procurer « copie de ce mandement et interdiction » Or l'acte portait simplement l'ordre « d'avertir M. Rouquier, prêtre de la paroisse de Leignac, diocèse de Saint-Flour, qu'il ne dise plus la messe à la chapelle de l'hôpital, sans avoir la permission de Mgr l'évêque de Rodez. » Le mandement était du 6 mars 1728, on attendit au mois de novembre suivant pour le mettre à exécution.
1. On désignait ainsi un ecclésiastique spécialement délégué par l'évêque pour une partie du diocèse, un district par exemple. Le vicaire forain visitait les églises, notifiait aux recteurs et aux curés les lettres pastorales et autres mandements, veillait à leur exécution, prenait soin des paroisses vacantes, etc. Ce sont à peu près les fonctions que rempliraient aujourd'hui les archiprêtres et les doyens, si l'administration ecclésiastique était moins centralisée.
2. La Bessière, IV. 8.
Ainsi libellée et prise à la lettre, la défense épiscopale était évidemment abusive, car l'abbé Rouquier n'était pas diocésain de Rodez, et la chapelle de l'Ordre de Malte était exempte de la juridiction épiscopale. Tout au plus, aux termes de privilèges de l'Ordre, l'évêque avait-il le droit, dans les chapelles paroisses, de visiter les fonts baptismaux et le tabernacle.
Peu renseigné sans doute sur l'étendue des privilèges et des exemptions, et aussi pour en référer à ses supérieurs, le Commandeur prit le temps de consulter. Il reçut le 21 mars 1729 un mémoire rédigé à Arles : pour étaler les exemptions locales et personnelles de l'Ordre, l'auteur du mémoire avait fouillé le droit canon, exhumé les différentes bulles de sept papes, relatives à la question (1) ; pour suprême argument, il rappelait les arrêts des cours souveraines du royaume. La conclusion suivante s'imposait : « le sieur Commandeur de Narbonne sera bien fondé à appeler comme d'abus de l'ordonnance qui a interdit la chapelle de La Bessière »
1. Innocent II, Luce II, Eugène III, Anastase IV, Urbain III, Sixte IV, Clément VII.
Instruit désormais de ses droits, le Commandeur écrit le 31 mars à l'évêque de Rodez. En huit points, il développe ses arguments. Parfois il est insinuant : « J'ai lu, dit-il au prélat, votre mandement, il est plein d'érudition et de piété ; le but que vous poursuivez (il exhortait ses diocésains à fréquenter leurs églises paroissiales) est pur et tout saint ; on y est également instruit et édifié » ; jamais il n'oublie ses conclusions qu'il répète après chaque argument : « vous n'avez pas besoin de toucher aux églises de l'Ordre, ni d'y supprimer le service divin »
A la fin de cette longue lettre, les arguments deviennent plus serrés ; le ton s'élève presque jusqu'à la note aigue :
« Au reste. Monseigneur, tout ce que j'ai eu l'honneur de vous dire jusqu'ici ne vient pas d'une crainte que j'ai d'essuyer un procès ; à la vérité, je serais pour vous un petit adversaire ; c'est aussi pour cela que le corps de l'Ordre prendrait le fait et cause... tous nos commandeurs tiennent à Paris une caisse commune pour fournir aux frais de semblables discussions avec les seigneurs évêques... Apres quoi, je n'en plus aucun soin et ne fournis pas une maille (pour soutenir le procès, s'il y avait lieu)... à ce prix-là, on peut plaider à l'aise »
Un mois après, 27 avril 1729, au nom de son évêque qui ne peut faire réponse à cause de quelque incommodité dont il n'est pas encore quitte », M. Guéret, vicaire-général, prend soin de calmer le Commandeur au sujet de la chapelle qui n'est point interdite. » Avec moins d'apparat, il est vrai, il établit et reconnaît les exemptions de l'Ordre ; mais avec non moins d'habileté, il relève les erreurs de son adversaire qui a confondu avertissement et interdit.
Un interdit personnel suppose un délit grave ; un avertissement n'en suppose aucun. Mais, si une chapelle, même de l'Ordre de Malte, n'est pas dans un état convenable pour y célébrer, si la messe qui s'y dit, dimanche et fêtes, est une occasion aux paroissiens d'abandonner l'église paroissiale et les instructions qui s'y font, un évêque, dans l'impuissance où il est d'interdire cette chapelle ou de fixer les jours et heures auxquels on y célébrera, ne peut-il pas faire avertir le chapelain séculier qui la dessert de ne plus continuer ce service ? Et un prêtre soumis à son évêque, qui connaît ses bonnes intentions et la solidité des raisons qui le font agir, ne regardera-t-il pas cet avis comme un ordre auquel il se soumettra avec respect, quoiqu'en désobéissant il n'ait à craindre ni suspense, ni interdit ?
C'était bien le véritable état de la question : et elle ne pouvait donner matière à procès. « Vous n'avez donc que faire, Monsieur, de recourir à la caisse de l'Ordre ; M. de Rodez ne mettra pas non plus les agents du clergé en mouvement à son sujet.... Si la chapelle est en aussi bon état que vous le croyez, ordonnez au chapelain de s'arranger avec M. le curé pour célébrer la messe à une heure et dans des jours qui ne soient pas une occasion aux paroissiens d'abandonner les instructions et les offices de la paroisse.... »
La petite tempête s'apaisa donc facilement, car l'honneur était de part et d'autre satisfait.
La Bessière ou Laveissière (IGN)
Département: Aveyron, Arrondissement: Rodez, Commune: Conques-en-Rouergue - 12
Domus Hospitalis Laveissière
A la Révolution, la vente des biens nationaux dépendant de l'Ordre de Malte ne mentionne « qu'une pièce de terre au dit lieu (la Bessière) appelée la Figuarette d'une contenance d'une quarte une coupe, adjugée, le deuxieme jour complémentaire an IV, au citoyen Raymond Aurières cultivateur du village de Mozenq, commune de La Vinzelle, pour la somme de vingt-deux livres » (2).
1. La Bessière, II. 1.
2. Archives départementales de l'Aveyron. Registres du district de Mur-de-Barrez.
La Bécarie
Département: Cantal, Arrondissement: Aurillac, Canton: Saint-Mamet-la-Salvetat, Commune: La Vinzelle - 15
Domus Hospitalis La Bécarie
1. La Bessière, II. 14. L'obole tournois valait la moitié du denier tournois.
Une agglomération assez importante s'était formée à la Bécarie, puisque les cahiers de reconnaissances lui donnent le nom de village (2).
2. Archives de Haute-Garonne. II. vol. 2059, passim. On peut d'autant plus facilement admettre ces interprétations que dans le Rouergue les familles ont toujours été nombreuses, et que les bourgs et villages proprement dits sont, dans le pays qui nous occupe, à une grande distance les uns des autres.
LA VINZELLE
Département: Aveyron, Arrondissement: Rodez, Commune: Conques-en-Rouergue - 12
Domus Hospitalis La Vinzelle
« La Vinzella sub nomine Sanoli Clari (1) confrontatur cum Gramvabre, cum Sancto Partemio, cum Cassanhosa diocesi Sancti Flori ; et Oltus (2) est inter La Vinzela et Gramvabre cum prioratu de Sanct Parthem. Recloria valet XXX libras. Alii dicunt quod præsenlatio recloriæ pertinet proposito Montissalvii (prieur de Montsalvy, Cantal), quod non creditur ; et dicitur quod confertur canonico Montissalvii » (3).
Sous le rapport spirituel et religieux, le Commandeur n'entrait donc pas en ligne de compte. Mais il possédait dans le lieu de La Vinzelle l'entière directe sur plusieurs maisons (1419-1425) ; la moitié de la directe (partagée avec le seigneur du lieu) sur d'autres (4).
Le mas de Murat, le mas de Lagane et las Borios (5) dépendaient au XVe siècle (1419 1433) de la seigneurie du commandeur ; il y percevait en outre diverses censives (5).
1. Saint Clair d'Auvergne, prêtre, IVe siècle.
2. Mis pour Oltis, le Lot.
3. Archives départementales de l'Aveyron. G. 14.
4. La Bessière, II. 42 et 15.
5. Cassini porte Murat et las Bouyes à l'Ouest de la Vinzelle la Gane, au Nord dans l'Auvergne.
Le vignoble de la Tabelie, confrontant le chemin qui allait de La Vinzelle à Saint Parthem ; les terroirs al Riveyras et à la Combe d'amont, au N.-Ouest de La Vinzelle, relevaient encore de la seigneurie et de la directe du Commandeur.
Mentionnons enfin, pour être complets « le vignoble de las Brossettes, le mas de Rogeyra, l'afar de Souacuba, alias de Sollacaba, le mas de Lafareyra, le mas de Puécha » qui dépendaient évidemment de La Vinzelle, mais que nous n'avons pu identifier (6).
D'après les renseignements donnés à l'évêché de Rodez en 1771, par le curé de La Vinzelle, « le Commandeur de la Bessières (et de Nigreserre), » est signalé parmi les « coseigneurs de la paroisse » (7). L'état du XVe siècle, dont nous avons parlé ci-dessus, persévéra donc jusqu'à la Révolution française.
5. La Bessière, II. 2 à 8.
6. Il serait bien difficile d'identifier ces domaines qui prenaient le nom du propriétaire. C'est ainsi qu'en 1331 Pierre Lafareyra reconnaissait trois mas, sous la censive de trois setiers et une émine de seigle, trois setiers et une quarte d'avoine, mesure de Conques, six deniers rodanois, deux gélines et demi et douze deniers pour l'investiture. La Bessière, II. 11.
7. Archives départementales de l'Aveyron. G. 20
AGRÈS
Département: Aveyron, Arrondissement: Villefranche-de-Rouergue, Canton: Decazeville - 12
Domus Hospitalis Agrès
1. Erreur de l'auteur de l'Inventaire ; lisez Maurs, chef-lieu de canton, Cantal.
2. Cassini porte Noyers, sur la rive du Lot, en face de Flagnac.
3. La Bessière, II. 10 et 16. Les Comtes de Rodez ont battu monnaie au moins depuis 1119 jusqu'en 1373, époque où l'atelier féodal cessa d'exister, à la mort de Jean 1er, comte d'Armagnac.
— Cf. Histoire de Languedoc, T. VII page 412. La monnaie rodanoise continua donc d'être encore en usage, longtemps après la période féodale.
SAINT-PARTHEM
Département: Aveyron, Arrondissement: Villefranche-de-Rouergue, Canton: Decazeville - 12
Domus Hospitalis Saint-Parthem
— Voici, pour le pays qui nous occupe, les diverses mesures en usage et leur valeur relative.
1° Pour le canton de Mur-de-Barrez.
Longueur et superficie :
La canne valait 2 mètres, 112.
La stérée qui se divisait en quatre quartonnées, valait 460 cannes carrées ou 20 ares 52 centiares.
Grains :
Le setier valait quatre quartes.
La quarte valait 17 litres ou 8 quartons.
2° Pour le canton de Conques, dont La Vinzelle.
Longueur et superficie :
La canne valait 2 mètres 003.
La stérée valait 640 cannes carrées ou 25 ares 67 centiares.
Grains :
Le setier valait 2 émines ou quatre quartes.
La quarte valait 4 boisseaux ou 17 litres.
Tableau de conversion, par M, Recoules... Rodez, Ratery, 1841.
1. Ce petit domaine est situé au N.-Est de Saint-Parthem, dont il est séparé par l'un des nombreux méandres du Lot.
2. La Bessière, I, 2. A l'Ouest de La Vinzelle, sur un mamelon dit la Serre, se trouve un petit plateau bien exposé pour la culture de la vigne.
3. Le copiste aurait dû écrire Olt, l'Oltis des Latins, première dénomination de la rivière du Lot.
— Afar, ensemble d'une propriété dépendant d'un fief.
4. La Bessière, II. 13.
SAINT-JULIEN-DE-PIGANOL
Département: Aveyron, Arrondissement: Villefranche-de-Rouergue, Canton: Decazeville - 12
Domus Hospitalis Saint-Julien-de-Piganol
1. Aujourd'hui Saint-Julien de Piganiol, hameau de la commune de Saint-Santin.
2. La Bessière, I. 4.
MOURJOU
Arrondissement: Aurillac, Canton: Maurs, Commune: Saint-Constant-Fournoulès - 15
Domus Hospitalis Mourjou
En 1422, le Commandeur baillait à cens « un jardin au mas del Puech, confrontant avec le chemin public qui va du mas de Caufaël (4) vers l'église de Maurion », sous la censive de douze deniers rodanois et une géline payable à la Saint-André, avec la dîme et l'acapte (5).
Le mas de Bonagaldes, aujourd'hui inconnu, le mas de Pechmija ou Pémija (Cassini mentionne ce hameau, sur la rive droite et en face la chapelle rurale de Montarnal) relevaient aussi de la seigneurie du Commandeur (6).
En 1427, il inféodait « maisons, cazals, bois, prés, châtaigneraies, terres cultes et incultes », sous la censive de quatre setiers, trois émines de seigle, quatre setiers d'avoine, mesure de Conques, neuf sols rodanois et quatre gélines.
La moitié du moulin de Trotapel (Cassini mentionne le moulin de Gleyal, sur le Célé, non loin du mas de Trotapel) relevait encore de la directe du Commandeur : en 1426, il en autorisait l'acquisition (droit de lods) faite par Jean Adémar, se réservant la censive d'un denier (7).
1. L'inventaire et les documents portent indifféremment : Maurion, Maurjo, Margon, Mnurion, pour Mourjon.
2. Cassini porte las Henmes.
3. La Bessière, II. 11.
4. Cassini mentionne Caufeyt, à l'Ouest de Mourjon, sur un mamelon d'où descend un affluent de la rive droite du Célé.
5. La Bessière, I. 5.
6. La Bessière, I. 8 et 10.
7. La Bessière II. 5. Gleyal avait au XVe siècle quelque importance, puisque les cahiers de reconnaissances (1732) mentionnent « le village de Cleyal. »
— Archives départementales de Haute-Garonne, H, 2050.
FOURNOULÈZES
Arrondissement: Aurillac, Canton: Maurs, Commune: Saint-Constant-Fournoulès - 15
Domus Hospitalis Fournoulés
Contiguë aux terres de l'église de Fournoulés (2), le Commandeur possédait une pièce de terre, au lieudit del Cassun confrontant le mas dal Mont (3) et le ruisseau de la Borme : en 1427, il la baillait à Pierre Delsolin, sous la censive d'une émine d'avoine, mesure de Conques (4).
A la Couche Tonenque, confrontant le chemin de Figeac et le mas de Campalène, le Commandeur possédait encore quelque pièce de terre, qu'en 1422 il baillait à cens à Jean de Campaulène (5).
Quant au curé de Fournoulés, il recevait de la part du Commandeur une rétribution fixée, depuis le cinq février 1712, à trente-cinq livres de rente (6).
1. Puéclian, Puéchaldous, à l'Eest de Fournoulés, près de la rivière du Celé. Cassini.
2. La Bessière, I. 2.
3. Le Mont, au Sud de Fournoulés. Cassini.
4. La Bessière, I. 9.
5. La Bessière, I. 4.
6. La Bessière, IV. 7.
SAINT-SANTIN
Département: Aveyron, Arrondissement: Villefranche-de-Rouergue, Canton: Decazeville - 12
Domus Hospitalis Saint-Santin
Cette double dénomination s'explique par l'existence de deux paroisses juxtaposées et séparées autrefois par la limite du Rouergue et de l'Auvergne ; elles sont désignées dans Cassini sous celte forme : Saint Santin des Morts et Saint-Santin de Montmurat.
C'est aujourd'hui une commune de plus de mille habitants, du canton de Decazeville (Aveyron).
Le Commandeur y jouissait de quelques droits de lods, puisqu'en 1433, il approuvait l'acquisition faite par Géraud Marassos, du mas de Ragel, paroisse d'Agres, « de la moitié d'un jardin situé dans la paroisse de Saint-Saintin, local dit de la parra, confrontant avec les terres de Jean de Béalent, la rivière d'Ault et les terres de Pierre Bosquin » (1).
A la même époque Guillaume et Géraud Roumégoux (2) reconnaissaient tenir du Commandeur quelques terres sous la censive de quatre sols rodanois (3).
1. La Bessière, II. 10.
2. Il existe un petit mas de ce nom au N.-Ouest d'Agre, sur la route de Saint Julien de Piganiol.
3. La Bessière, II. 16.
SAINT-CONSTANS
Arrondissement: Aurillac, Canton: Maurs, Commune: Saint-Constant-Fournoulès - 15
Domus Hospitalis Saint-Constant-Fournoulès
A la même époque, le Commandeur « bailla à cens un autre territoire lieudit Las Bessières » (1), et un « autre territoire, local dit de Bonnéja, situés en ladite paroisse, confrontant avec le ruisseau Delbos et avec les terres de Géraud Lagrafiague » (2), sous la censive d'une quarte de seigle.
Tels étaient, par le détail, les possessions et les droits de l'Ordre, à La Bessière.
Quant au revenu total de ce membre, les divers baux à ferme nous donnent une indication suffisante. En 1595, les droits de La Bessière (et de Nigreserre réunis) furent affermés pour la somme de 500 écus d'or de 60 sols pièce, six quartons de pois verts de Montsalvy (chef-lieu de canton du Cantal), et trois quartons de fromage.
Dès 1663, les droits de La Bessière furent affermés séparément, et pour une somme de 350 livres ; la somme s'élève 440 livres en 1723 : à 445, en 1733 (3).
Nous avons vu que le Pouillé du diocèse de Rodez (1787) estimait la valeur du prieuré à 500 livres.
1. Cassini porte La Veissiere, au N.-Est de Saint-Constans.
2. Cassini porte Lagrafiade au M. de Saint-Constans.
— La Bessière, I. 7.
3. La Bessière, I à 6.
NIGRESSERRE
Département: Aveyron, Arrondissement: Rodez, Canton: Mur-de-Barrez, Commune: Thérondels - 12
Domus Hospitalis Nigressere
Les documents de la Commanderie donnent à cette paroisse le titre de vicairerie perpétuelle : c'est ainsi, du moins que furent nommés Jean Meyniel, en 1660 ; Jean Sicard, en 1668 ; et Jean Mary, en 1677. Le prêtre ainsi désigné remettait les provisions (le titre provisoire) du Commandeur à l'évêque de Rodez qui lui accordait le visa et l'institution (2). Enfin la « prise de procession » de ces ecclésiastiques devait être constatée par acte notarié, dont copie authentique était envoyée au grand prieuré de Saint-Gilles pour être soumis au Chapitre général (3). Quant aux ecclésiastiques, ils n'étaient pas toujours pris parmi les prêtres conventuels de l'Ordre ; seul Jean Sicard se trouvait dans ces conditions, car il figure parmi les Commandeurs de Nigresserre. Cette exception fut d'ailleurs motivée par une affaire que nous allons rapporter.
« Mardi dernier (31) mars mil six cent-soixante-seize en la chambre criminelle, présents de Puget, président... »
Entre Bertrand d'IIumières, sieur de Vareilhes, demandeur en excès, le procureur général du roi joint à lui d'une part ; et M Jean Meyniel, prêtre et curé de Nigresserre, prévenu prisonnier es ; prison de la Conciergerie, défendeur, d'autre. »
La cour, après avoir procédé « par accarations et confrontemens de témoins » à la vérification de « l'information et seings y apposés faite contre Ignace de Carlat...., relation faite par Camps et Donnadieu, experts « pris d'office ... » avait condamné ledit Meyniel à « être banni du royaume sa vie durant, lui faisant inhibitions défenses d'y revenir à peine de vie. » La cour déclarait encore « ses biens acquis et confisqués à qui de droit appartiendra.... » (4)
Il s'agissait donc d'une fausse information faite par Meyniel contre Ignace de Carlat ; mais on ne peut savoir sur quel sujet portait l'information : car les deux arrêts du 10 septembre 1675 et du 31 mars 1676, ci-dessus analysés nous laissent dans l'incertitude (4).
C'est donc sur la démission forcée de Meyniel que Sicard, prêtre conventuel de l'Ordre, fut nommé curé de Nigresserre.
1. Archives départementales de l'Aveyron, G. 14.
2. Nigresserre, I, 1 et suivante.
3. Nigresserre, I, 2 et 7.
4. Il existe encore entre Nigresserre et Thérondels un hameau portant le nom de Meyniel Haut et Bas.
5. Archives départementales de Toulouse. Registre de la Tournelle de janvier à juin 1676, non paginé.
La maison presbytérale appartenait à l'Ordre de Saint-Jean, mais l'entretien était à la charge du vicaire perpétuel (1). Plus tard (1370), pour rendre ce logement plus avantageux, les habitants de Nigresserre bâtirent « une grange audit lieu pour l'usage du curé », et, de ce chef, ils acquirent le droit de nommer un marguillier pour l'administration temporelle de la paroisse (2).
Les plus anciens documents que nous connaissions attestent l'existence de la Commanderie de Nigresserre depuis 1312. Etait-ce un chef-lieu, ou simplement un membre, rien ne le prouve ; la pauvreté de ses revenus, du moins dans les débuts, feraient accepter la seconde hypothèse. En tout cas, à partir de 1595, Nigresserre est unie à La Bessière ; elles sont, au 17e siècle, réunies toutes deux à Narbonne.
Le Commandeur se trouvait ici en contact avec les vicomtes, plus tard les comtes de Carladès. Le pays de Carlat ou Carladès, situé partie en Auvergne, partie en Rouergue, s'étendait sur les deux rives de la Cère, depuis le mont Cantal qui le domine au Nord-Est, jusque vers la ville de Maurs, au Sud-Ouest, tandis que la Jordanne le limitait au Nord-Ouest, et la Truyère au Sud-Est.
Les principales localités de ce pays étaient : Vie, Carlat, Montsalvy, en Auvergne, et le Mur de Barres en Rouergue. Le Carladès, après avoir appartenu à plusieurs familles, notamment aux Comtes de Rodez, revint à la couronne de France lors de la confiscation des biens de Charles, duc de Bourbon, par arrêt du 16 juillet 1527. De 1641 jusqu'à la Révolution, le Carladès passa à la maison de Grimaldi ; voici en quelle occasion.
Honoré II de Grimaldi, prince de Monaco, qui avait renoncé au protectorat de l'Espagne pour se mettre sous celui du la France, reçut de Louis VIII, lors du traité de Péronne en 1641, le duché de Valentinois en Dauphiné et la vicomté de Carlat, en Auvergne, pour le dédommager de la perte des terres qu'il possédait en Italie. Des lettres patentes de février 1643 confirmèrent cette indemnité et érigèrent en comté la vicomté de Carlat.
1. Nigresserre, I, 3.
2. Nigresserre, II, 3.
Le Commandeur de Nigresserre se trouva donc en relations féodales avec les divers titulaires de ce fief. Il était, depuis 1312 pour le moins, vassal du vicomte de Carladès, « en raison de la maison et du lieu de Nigresserre et des mazages de Perviliergues et de Frons et autres choses situées dans le Mandement (1) de Mur-de-Barrès (2), tant dans le diocèse de Rodez que dans celui de Saint-Flour, que le Commandeur tenait (cependant) en franc-fief et noble » (3).
A cette date, en effet, le Commandeur rendit, à ce titre, « hommage à dame Izabeau de Rodez, vicomtesse du Carladès » ; mêmes hommages, en 1351, par le Commandeur Bernard Dauriac à noble Raynaud Dupont, vicomte de Carladès ; mêmes hommages en 1538 par Antoine Castela (4).
En 1661, le prince de Monaco, seigneur de Calbinel, Mur-de-Barrès et autres lieux, ayant succédé aux droits des vicomtes de Carladès, demandait au Commandeur hommage et dénombrement pour le fief de Nigresserre ; celui-ci en fut déchargé par arrêt du Conseil privé (3).
Quant au droit de justice, le Commandeur, jusqu'en 1351, exerça « la basse justice jusqu'à soixante sols, la haute appartenant en commun au vicomte de Carladès et audit Commandeur » : ils partageaient aussi les confiscations et les amendes. Après 1351, tous les droits appartinrent au Commandeur seul (6).
1. Mande, mandement, circonscription d'un taillable. Frons, hameau au N.-Ouest ; Pervilhergues, au Sud de Thérondels.
2. Autrefois ville diocésaine au Nord du Rouergue ; aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Espalion.
3. Nigresserre, I. 9.
4. Ibidem, 1. 10.
5. ibidem, I, 10 ; La Bessière, III. 3.
6. Nigresserre, I. 9.
Les autres droits seigneuriaux du Commandeur à Nigresserre consistaient en un droit de quint qui lui permettait de lever sur la paroisse 30 setiers de blé (2). D'autre part, le Commandeur de Nigresserre recevait l'hommage de plusieurs feux dataires, sous la condition de censives diverses.
A Landignac (3), il avait abandonné la propriété de pièces de terre situées la plupart « en l'afar de Solinhac » (4). En 1733, il était en procès, par devant la chambre des requêtes du palais, avec Charles de Montels, seigneur de Marcillac (3), qui élevait sur cette propriété des prétentions dont il se désista plus tard (6).
Mais le Commandeur garda toujours sur cette terre le droit de directe. Le 23 avril 1737, en effet, Messire Joseph de Monthiel, seigneur de Senhalar (7), et Jean Coussens passèrent reconnaissance, en faveur du Commandeur, de 39 sétérées de terre, au tènement de Solinhac, confrontant « du levant le chemin de Brommat à Thérondels, sous la censive d'un sol, huit deniers, un quarton et quatre quarterons de seigle, deux manœuvres (journées d'hommes) et deux liuzades degenets » (8). Les revenus de cette portion de Solinhac étaient partagés entre le Commandeur et le prince de Monaco, seigneur de Mur-de Barrés (9).
2. Etat du Diocèse de Rodez (1771), aujourd'hui en cours de publication.
3. Aujourd'hui Ladignac, hameau entre Nigresserre et Thérondels et chef-lieu de paroisse dépendant de cette dernière commune.
4. Afar, affare, terme usité dans le Dauphiné et le Rouergue pour designer toutes les dépendances d'un fief.
5. Gros bourg au Nord de Rodez.
6. Nigresserre, II. 5 et 6.
7. Segnalac, hameau au Nord de Mur-de-Barrès, au S. Ouest de Nigresserre.
8. Liuzade, expression aujourd'hui inconnue ; serait-elle mise pour lieurade, lieurado, lieurala signifiant, livre (poids) ? Faudrait-il y voir un dérivé de ligare, lier, liagado, signifiant fagots, fagotage, menu bois retenu par un liart ?
9. Nigresserre, I. 14.
Enfin le 1 avril 1739, Françoise Teyssèdre, veuve de Jacques Bertrand, reconnaît « une buge (1) appelée de Lacam, sise en l'afar de Solinhac », de la contenance de deux séterés, confrontant du levant la buge d'Antoine Déjou, vieux chemin entre deux, sous la censive d'un quarteron de seigle (2).
A Mur-de-Barrès, le Commandeur ne possédait à titre seigneurial qu'un champ appelé tous assayels, sous la censive d'un quarton et un quarteron et demi de seigle, et de trois quartons et demi d'avoine (3).
Dans le territoire d'Albignac (4), le Commandeur percevait quelques censives au « grand afar dit Lagrefeuille, appelé aussi de la Montagne » En 1786, Messire Jean François Molinery, baron de Murols (5), reconnaît posséder, sous la mouvance du Commandeur de Nigresserre, cette propriété qui ne comprenait pas moins de cent trente-quatre séterés ; plus d'autres terres à Camp delsol de 4 séterés et demie, un enclos de terre de de séterés au lieu de Lagrefeuille, une terre nommée les Gardettes de 6 cartonnées. Il « tenait l'ensemble de ces terres : sous la censive de 6 sols, 6 deniers d'argent ; quatre setiers, un quarton, deux quarterons de seigle ; deux quartons, deux quarterons d'avoine ; deux quarterés de froment, et une demi géline » (6).
1. Mistral donne à ce mot la signification de petit cabinet, réduit obscur ; sans doute par extension, construction rurale pour servir d'abri pendant les travaux.
2. Nigresserre, I. 13.
3. Nigresserre, II 4. Reconnaissances du 5 février 1683, jugement des requêtes du 23 septembre 1729 condamnant Jacques Mayonade, habitant et tenancier de Mur-de-Barrès.
4. Hameau à l'Est de Mur-de-Barrès.
5. Ancienne paroisse, aujourd'hui hameau au S. Ouest de La Croix-Barrès.
6. Nigresserre, I. 13.
« Les affars situés au lieu de Conalhac et pred del Cambou et de la Prade » étaient possédés par Noble Marc de Carlac, seigneur de Lasserre, toujours sous la mouvance du Commandeur, à qui il payait, pour droit de censive, « onze setiers trois cartons, trois carterons de seigle : un setier, un carton de froment ; un setier, deux carions d'avoine ; trois livres, dix-sept sols, neuf deniers d'argent, une géline et demie et un quartier, et deux manœuvres, le tout portable au grenier du Commandeur » (1).
Sur ce domaine important, le Commandeur percevait les droits de lods et de ventes ; il y exerçait enfin l'entière justice, haute, moyenne et basse. Quant au « village de Fronts et autres lieux situés en la paroisse de Thérondels (2) », il est impossible, malgré les vingt-quatre reconnaissances de 1687, d'évaluer leur importance. Au mas Delrieu, « un pré appelé le Fénier » et autres terres au terroir de Las Taillades dépendaient aussi de la Commanderie de Nigresserre, à qui Jean Delrieu payait une censive de trois deniers (3).
Quant à la dîme, le Commandeur ne la percevait que sur les « pièces appelées Bellecombe et del Dex de la Sanhes, tènements du village de Labessonio » (4). Encore était-il en procès (7 juin 1691) avec le prieur de Gussac (5), qui se désista de l'instance portée à la Chambre des Requêtes (6).
A en juger par les contenances, les anciennes propriétés de la Commanderie de Nigresserre paraissent fort respectables, mais leurs revenus nous fixeront un peu plus exactement sur leur valeur et aussi sur les améliorations qu'elles ont dû recevoir en passant à des emphytéotes. En 1616, le Commandeur affermait les fruits et revenus du membre de Nigresserre, à Thomas Mayonade, pour une rente annuelle de 300 livres ; en 1621, à Jean Gensamès, pour 333 livres. En 1660, le curé Meyniel en accepte le bail à ferme pour 500 livres ; en 1723, Pierre Garrouste en payera 600 livres ; enfin, en 1733, Dubuisson, 660 livres (7).
1. Nigresserre, II. 3. Reconnaissances de 1427, 1626 et 1677.
2. Ibidem, I. 12.
3. Ibidem, I. 11.
4. La Bessome, métairie au Midi de Nigresserre.
5. Hameau à l'Est de Mur-de-Barrès, sur le chemin de Brommat à Thérondels ; ancienne paroisse du Rouergue.
6. Nigresserre, II. 1.
7. Nigresserre, II. 9 à 16.
La maison presbytérale appartenait à l'Ordre de Saint-Jean, mais l'entretien était à la charge du vicaire perpétuel (1). Plus tard (1370), pour rendre ce logement plus avantageux, les habitants de Nigresserre bâtirent « une grange audit lieu pour l'usage du curé », et, de ce chef, ils acquirent le droit de nommer un marguillier pour l'administration temporelle de la paroisse (2).
Les plus anciens documents que nous connaissions attestent l'existence de la Commanderie de Nigresserre depuis 1312. Etait-ce un chef-lieu, ou simplement un membre, rien ne le prouve ; la pauvreté de ses revenus, du moins dans les débuts, feraient accepter la seconde hypothèse. En tout cas, à partir de 1595, Nigresserre est unie à La Bessière ; elles sont, au 17e siècle, réunies toutes deux à Narbonne.
Le Commandeur se trouvait ici en contact avec les vicomtes, plus tard les comtes de Carladès. Le pays de Carlat ou Carladès, situé partie en Auvergne, partie en Rouergue, s'étendait sur les deux rives de la Cère, depuis le mont Cantal qui le domine au Nord-Est, jusque vers la ville de Maurs, au Sud-Ouest, tandis que la Jordanne le limitait au Nord-Ouest, et la Truyère au Sud-Est.
Les principales localités de ce pays étaient : Vie, Carlat, Montsalvy, en Auvergne, et le Mur de Barres en Rouergue. Le Carladès, après avoir appartenu à plusieurs familles, notamment aux Comtes de Rodez, revint à la couronne de France lors de la confiscation des biens de Charles, duc de Bourbon, par arrêt du 16 juillet 1527. De 1641 jusqu'à la Révolution, le Carladès passa à la maison de Grimaldi ; voici en quelle occasion.
Honoré II de Grimaldi, prince de Monaco, qui avait renoncé au protectorat de l'Espagne pour se mettre sous celui du la France, reçut de Louis VIII, lors du traité de Peronne en 1641, le duché de Valentinois en Dauphiné et la vicomté de Carlat, en Auvergne, pour le dédommager de la perte des terres qu'il possédait en Italie. Des lettres patentes de février 1643 confirmèrent cette indemnité et érigèrent en comté la vicomté de Carlat.
1. Nigresserre, I, 3.
2. Nigresserre, II, 3.
Le Commandeur de Nigresserre se trouva donc en relations féodales avec les divers titulaires de ce fief. Il était, depuis 1312 pour le moins, vassal du vicomte de Carladès, « en raison de la maison et du lieu de Nigresserre et des mazages de Perviliergues et de Frons et autres choses situées dans le Mandement (1) de Mur-de-Barrès (2), tant dans le diocèse de Rodez que dans celui de Saint-Flour, que le Commandeur tenait (cependant) en franc-fief et noble » (3).
A cette date, en effet, le Commandeur rendit, à ce titre, « hommage à dame Izabeau de Rodez, vicomtesse du Carladès » ; mêmes hommages, en 1351, par le Commandeur Bernard Dauriac à noble Raynaud Dupont, vicomte de Carladès ; mêmes hommages en 1538 par Antoine Castela (4).
v En 1661, le prince de Monaco, seigneur de Calbinel, Mur-de-Barrèz et autres lieux, ayant succédé aux droits des vicomtes de Carladès, demandait au Commandeur hommage et dénombrement pour le fief de Nigresserre ; celui-ci en fut déchargé par arrêt du Conseil privé (3).
Quant au droit de justice, le Commandeur, jusqu'en 1351, exerça « la basse justice jusqu'à soixante sols, la haute appartenant en commun au vicomte de Carladès et audit Commandeur » : ils partageaient aussi les confiscations et les amendes. Après 1351, tous les droits appartinrent au Commandeur seul (6).
1. Mande, mandement, circonscription d'un taillable. Frons, hameau au N.-Ouest ; Pervilhergues, au Sud de Thérondels.
2. Autrefois ville diocésaine au Nord du Rouergue ; aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Espalion.
3. Nigresserre, I. 9.
4. Ibidem, 1. 10
5. Ibidem, I, 10.
— La Bessière, III. 3.
6. Nigresserre, I. 9.
Les autres droits seigneuriaux du Commandeur à Nigresserre consistaient en un droit de quint qui lui permettait de lever sur la paroisse 30 setiers de blé (2). D'autre part, le Commandeur de Nigresserre recevait l'hommage de plusieurs feudataires, sous la condition de censives diverses.
A Landignac (3), il avait abandonné la propriété de pièces de terre situées la plupart « en l'afar de Solinhac » (4). En 1733, il était en procès, par devant la chambre des requêtes du palais, avec Charles de Montels, seigneur de Marcillac (3), qui élevait sur cette propriété des prétentions dont il se désista plus tard (6).
Mais le Commandeur garda toujours sur cette terre le droit de directe. Le 23 avril 1737, en effet, Messire Joseph de Monthiel, seigneur de Senhalar (7), et Jean Coussens passèrent reconnaissance, en faveur du Commandeur, de 39 séterés de terre, au tènement de Solinhac, confrontant « du levant le chemin de Brommat à Thérondels, sous la censive d'un sol, huit deniers, un quarton et quatre quarterons de seigle, deux manœuvres (journées d'hommes) et deux liuzades degenets » (8). Les revenus de cette portion de Solinhac étaient partagés entre le Commandeur et le prince de Monaco, seigneur de Mur-de Barrés (9).
2. Etat du Diocèse de Rodez (1771), aujourd'hui en cours de publication.
3. Aujourd'hui Ladignac, hameau entre Nigresserre et Thérondels et chef-lieu de paroisse dépendant de cette dernière commune.
4. Afar, affare, terme usité dans le Dauphiné et le Rouergue pour designer toutes les dépendances d'un fief.
5. Gros bourg au Nord de Rodez.
6. Nigresserre, II. 5 et 6.
7. Segnalac, hameau au Nord de Mur-de-Barrès, au S. Ouest de Nigresserre.
8. Liuzade, expression aujourd'hui inconnue ; serait-elle mise pour lieurade, lieurado, lieurala signifiant, livre (poids) ? Faudrait-il y voir un dérivé de ligare, lier, liagado, signifiant fagots, fagotage, menu bois retenu par un liart ?
9. Nigresserre, I. 14.
Enfin le 1 avril 1739, Françoise Teyssèdre, veuve de Jacques Bertrand, reconnaît « une buge (1) appelée de Lacam, sise en l'afar de Solinhac », de la contenance de deux séterés, confrontant du levant la buge d'Antoine Déjou, vieux chemin entre deux, sous la censive d'un quarteron de seigle (2).
A Mur-de-Barrès, le Commandeur ne possédait à titre seigneurial qu'un champ appelé tous assayels, sous la censive d'un quarton et un quarteron et demi de seigle, et de trois quartons et demi d'avoine (3).
Dans le territoire d'Albignac (4), le Commandeur percevait quelques censives au « grand afar dit Lagrefeuille, appelé aussi de la Montagne »
En 1786, Messire Jean François Molinery, baron de Murols (5), reconnaît posséder, sous la mouvance du Commandeur de Nigresserre, cette propriété qui ne comprenait pas moins de cent trente-quatre séterés ; plus d'autres terres à Camp delsol de 4 séterés et demie, un enclos de terre de de sétérées au lieu de Lagrefeuille, une terre nommée les Gardettes de 6 cartonnées. Il « tenait l'ensemble de ces terres : sous la censive de 6 sols, 6 deniers d'argent ; quatre setiers, un quarton, deux quarterons de seigle ; deux quartons, deux quarterons d'avoine ; deux quarterées de froment, et une demi géline » (6).
1. Mistral donne à ce mot la signification de petit cabinet, réduit obscur ; sans doute par extension, construction rurale pour servir d'abri pendant les travaux.
2. Nigresserre, I. 13.
3. Nigresserre, II 4. Reconnaissances du 5 février 1683, jugement des requêtes du 23 septembre 1729 condamnant Jacques Mayonade, habitant et tenancier de Mur-de-Barrès.
4. Hameau à l'Est de Mur-de-Barrès.
5. Ancienne paroisse, aujourd'hui hameau au S. Ouest de La Croix-Barrès.
6. Nigresserre, I. 13.
« Les affars situés au lieu de Conalhac et près del Cambou et de la Prade » étaient possédés par Noble Marc de Carlac, seigneur de Lasserre, toujours sous la mouvance du Commandeur, à qui il payait, pour droit de censive, « onze setiers trois cartons, trois carterons de seigle : un setier, un carton de froment ; un setier, deux carions d'avoine ; trois livres, dix-sept sols, neuf deniers d'argent, une géline et demie et un quartier, et deux manœuvres, le tout portable au grenier du Commandeur » (1).
Sur ce domaine important, le Commandeur percevait les droits de lods et de ventes ; il y exerçait enfin l'entière justice, haute, moyenne et basse. Quant au « village de Fronts et autres lieux situés en la paroisse de Thérondels (2) », il est impossible, malgré les vingt-quatre reconnaissances de 1687, d'évaluer leur importance. Au mas Delrieu, « un pré appelé le Fénier » et autres terres au terroir de Las Taillades dépendaient aussi de la Commanderie de Nigresserre, à qui Jean Delrieu payait une censive de trois deniers (3).
Quant à la dîme, le Commandeur ne la percevait que sur les « pièces appelées Bellecombe et del Dex de la Sanhes, tènements du village de Labessonio » (4). Encore était-il en procès (7 juin 1691) avec le prieur de Gussac (5), qui se désista de l'instance portée à la Chambre des Requêtes (6).
A en juger par les contenances, les anciennes propriétés de la Commanderie de Nigresserre paraissent fort respectables, mais leurs revenus nous fixeront un peu plus exactement sur leur valeur et aussi sur les améliorations qu'elles ont dû recevoir en passant à des emphytéotes. En 1616, le Commandeur affermait les fruits et revenus du membre de Nigresserre, à Thomas Mayonade, pour une rente annuelle de 300 livres ; en 1621, à Jean Gensamès, pour 333 livres. En 1660 , le curé Meyniel en accepte le bail à ferme pour 500 livres ; en 1723, Pierre Garrouste en payera 600 livres ; enfin, en 1733, Dubuisson, 660 livres (7).
1. Nigresserre, II. 3. Reconnaissances de 1427, 1626 et 1677.
2. Ibidem, I. 12.
3. Ibidem, I. 11.
4. La Bessome, métairie au Midi de Nigresserre.
5. Hameau à l'Est de Mur-de-Barrès, sur le chemin de Brommat à Thérondels ; ancienne paroisse du Rouergue.
6. Nigresserre, II. 1.
7. Nigresserre, II. 9 à 16.
Les registres des ventes des biens nationaux mentionnent bien peu de chose sur les biens de l'Ordre de Malte ayant appartenu au membre de Nigresserre.
Le 8 mai 1793, fut adjugé au « citoyen Vaissière, habitant de la ville de Saint-Flour, un pré situé au lieu de Nigresserre, appelé le pré du Commandeur, de la Coste et de la Councoune, pour 12,000 livres. »
Le 7 fructidor an IV, fut adjugé au citoyen Jean François Pachins, de la commune de Mur-de Barrès :
1' une petite chènevière d'une contenance de quatre-vingt-quatre toises pour la somme de 110 livres.
2' un petit espace de terrain, jadis aire sol, d'une contenance de quatre-vingt-cinq toises, pour la somme de 88 livres.
3' un terrain gazonné et en friche d'une contenance de deux cent trois toises pour la somme de quatre-vingt-huit livres. » (1).
A n'étudier que les revenus et les possessions de l'Ordre ce serait évidemment s'exposer à mal juger de l'utilité de son institution ; mais notre cadre était restreint, et nous n'avions pas à suivre les pieux chevaliers de Malte sur leur véritable théâtre, à la poursuite sur terre et sur mer des corsaires musulmans. Néanmoins les nombreux détails que nous avons donnés, même pour une commanderie de second ordre, aideront le lecteur à apprécier le pouvoir et l'influence de l'Ordre Souverain de Saint Jean de Jérusalem (2).
Mais le flot montant de la Révolution ne pouvait que s'attaquer à un ordre « formé de l'agrégations des membres de la noblesse la plus pure de toute la chrétienté » et dont « les propriétés répandues sur toute la surface de la France » attiraient certainement les convoitises d'un grand nombre (3).
Une action éclatante et désintéressée (4) donna pourtant quelque répit à l'Ordre de Malte. Répondant en effet à une démarche faite par les Chambres de Commerce de Marseille et de Lyon, l'assemblée nationale se contenta de regarder l'Ordre comme un souverain étranger possessionné en France, et décréta qu'il serait soumis à toutes les contributions du royaume et que les chevaliers seraient privés des droits du citoyen actif. Mais les bonnes dispositions de l'assemblée ne furent pas de longue durée (5).
1. Archives départementales de l'Aveyron, district de Mur-de-Barrès.
2. Il avait en effet un représentant officiel auprès des principales cours de l'Europe ; le dernier ambassadeur de la Religion, à Paris, fut le bailli de la Brillane. Durant la période révolutionnaire, et après la mort de ce dernier, les affaires de l'Ordre furent confiées au commandant d'Estournel, receveur de la langue de France, avec le bailli de Vineu pour adjoint.
3. Annuaire historique de l'Ordre de Malte, depuis 1723. 1 volume in-8' ; Saint Pétersbourg, de l'imprimerie Impériale, 1790.
4. Deux vaisseaux marchands de Marseille, enlevés par les corsaires de Tunis, furent repris par les Chevaliers de Malte et remis gracieusement à leurs armateurs. 5. Le 17 novembre 1789, le grand Maître de Malte écrivit en effet au Roi pous réclamer contre l'interprétation donnée par l'assemblée Nationale à l'article troisième du 4-5 août portant suppression des dîmes. Il se plaignait qu'une décision eut été prise sans l'entendre, et l'assemblée n'avait « pu s'écarter, disait-il, de cette justice rigoureuse, qu'en nous confondant avec le clergé, sans considérer que par l'objet de notre institution et par la nature de nos services, nous ne pouvions lui être assimilés sous aucun rapport. »
En 1791, l'assemblée constituante, oubliant en effet les promesses des uns et les services des autres, envahit les propriétés d'un souverain dont on avait naguère reconnu les droits. Tout fut saisi et vendu au profit de la nation En même temps, le Grand-Maître de l'Ordre fit connaître à toutes les cours « qu'il ne devait ni ne pouvait et ne voulait reconnaître en aucune manière la République française » (1).
Quant à l'Ordre lui-même, il fut réellement dissous, depuis la prise de Malte par l'armée française (1798). Depuis lors, partagé en diverses associations, renonçant momentanément du moins, à son rôle militaire, l'Ordre n'est plus qu'une association charitable. La charité dans les hôpitaux, la charité sur les champs de bataille, la charité partout et sur toutes ses formes, tel est aujourd'hui son but (2). Il ne pouvait en poursuivre de plus honorable et de plus digne de son passé.
1. Annal, historiques, page 35.
2. L'hôpital de Tantur, entre Jérusalem et Bethléem, appartient à l'Ordre ; depuis 1876, plus de 130,000 malades ou blessés y ont reçu des soins de tous genres. A Milan, à Naples, deux hôpitaux sont dirigés par deux Commandeurs de l'Ordre. En Silésie, on compte encore cinq hôpitaux ; un en Angleterre. En France, l'association, se tenant rigoureusement en dehors de la politique, à pour but exclusif de se consacrer : en temps de paix, à des œuvres d'assistance hospitalière et de charité ; en temps de guerre, aux soins des victimes des combats, suivant conventions à intervenir avec le département de la guerre et la Société de secours aux blessés (Croix-Rouge Française).
Depuis que le pape Léon XIII a rétabli la dignité de grand-maitre (bref du 28 mars 1879) (1). L'Ordre est gouverné par le prince Ceschi à Santa-Croce, assisté d'un conseil de cinq membres ; c'est dire que les divers tronçons de l'Ordre sont unis entre eux. On compte aujourd'hui les quatre grands prieurés de Rome, de Bohême-Autriche, de Lombardie Vénitie et des Deux-Siciles, l'association des chevaliers rhéno-westphaliens, l'association des chevaliers anglais, enfin l'association française, dirigée par un comité composé de neuf membres et présidé par le Comte de Rohan Chabot.
1. Ceux qui s'intéressent à cette association liront avec fruit le travail de feu le baron de Montagnac : l'Ordonnance des chevaliers hospitaliers de S. Jean de Jérusalem. 1 volume in-4'. Paris, éditions Plon, Nourrit et Cie, 1893.
Nous donnons la date sous laquelle ils paraissent pour la première fois dans les documents ; nous y ajoutons quelquefois celle de leur dernière mention.
I. — Commanderie de Narbonne
1143. Bernard Pilon de Cat.
1167. Guillaume d'Alagnan.
1177. Bernard du Lac, procureur des biens en la province du Narbonnais et Minervois.
1205. Pierre de Lavinerie.
1214. Bernard de Béziers ; 1217-1224. Rainald. Ils avaient au-dessus d'eux un administrateur régional.
1224. Censius Espada.
1230. Bernard Laubert.
1230. Jean Laubon.
1240. Audebert.
1249-1257. Etienne Diogol.
1257-1267. Guillaume Marescal.
1275. Pons de Ungula.
1291. Bernard Pélissier.
1336. Jacques Amat.
1343. Bérenger de Mure.
1358. Bernard Meilhan.
1359-1369. Jacques de Jean.
1379. Bernard Bolet.
1397. Bernard Paul.
1432. Antoine Mozan.
1444. Arnaud de Banas.
1435. Pierre Bosquet.
1462. Guillaume Verançon.
1468. Guillaume Cassart.
1534. Pierre Gauchery.
1616, 1621. Pierre-Albert Pinchon (alias Pinson).
Sous son préceptorat, les quatre maisons de Narbonne, Saint-Vincent, La Bessière et Nigresserre sont sûrement et définitivement réunies.
1632-1639. Christophe (alias Christol) Granié.
1659. François Deydiès ou Deidié.
1664. De Lenseigne.
1668-1673. Joseph Coutron (ou Cottron).
1677. Jean Sicard.
1687. Jacques Daunes.
1692 Michel Soulies.
1723-1736. Antoine Augarde.
1744-1746. Ricard.
1746-1749. Joseph Grégoire.
1771. Blain.
II. — Commandeurs de Saint-Vincent
1157. Pierre de Cancenoiol.
1199-1206. Arnaud Délit (alias Destel).
1209. Baymond Gallini.
1222-1223. Bernard de Silenon.
1227-1230. Durand.
1245. Borel Audigé.
1260-1264. Guillaume Bompart.
1266. Pierre de Beauverzin.
1270. Pierre de Montanel.
1271. Bernard de Bacairan.
1274. Hugues de Graulhac.
1279. Déodat de Murviel.
1280-1290. Pons Rogé.
1298. Albert de Douzens.
1300. Michel Testory.
1319. Déodat Ayméric.
1323. Guillaume Payan.
1341-1343. Pierre de Caylus.
1347. Jacques Amat.
1355. Pierre Bosquet.
1499. Robert de Saint-Pierre.
1526. Bernard de Beaux.
1528-1530. Pierre de Gauthier.
1602. Vincent Aupery.
1614. Albert Pinchon.
La ressemblance de quelques noms, tels que Amat, Bosquet, Gauthier, qui pourrait être le même que Galterii, Gauchery, permettrait de croire que les maisons de Narbonne et Saint-Vincent ont été unies dès le XVe siècle.
III. — Commanderie de La Bessière.
1331. Raymond de Caylus.
1419. Jean Cabol.
1442. Jean Troly.
1595. Albert Pinchon. La commanderie est unie à celle de Narbonne.
IV. — Commandeurs de Nigresserre
1312. Pierre de Montlezun.
1331. Bernard Dauriac.
1427. Pierre de Montlezun (alias de Montlazur).
1456. Jean Ricard.
1543. Jean Campvielh.
1545-1548. Antoine Castela.
1609. Albert Pinchon. La Commanderie est unie à celle de Narbonne.
Sources : Abbé Sabarthès. Mémoires de la Société des arts et des sciences de Carcassonne, tome VII. Carcassonne 1894. - BNF