Commanderie de Saint-Jean-en-l'Isle
Département: Essonne, Arrondissement: Evry, Canton: Corbeil-Essonnes - 91
Domus Hospitalis Saint-Jean en l'Isle
Les manteaux de l'Ordre
On n'a rien de certain sur l'habillement primitif (11) des chevaliers ; on sait seulement que dès leur institution ils portaient un manteau à bec, tel qu'il se donne encore à la profession. Ce manteau s'attache avec le cordon de l'ordre de soie noire et blanche, où sont représentés les mystères de la passion, et entrelacé de petits paniers, symboles de la charité que les chevaliers doivent exercer envers les pauvres : il paraît, par d'anciens sceaux, que le manteau était accompagné d'un capuce :Voyez Planche II, fig. 1.
11. Jusqu'au temps de Guillaume de Châteauneuf, mort en 1259, l'habillement des chevaliers et celui des frères servants ne différait en rien, ce qui détournait plusieurs gentilshommes d'y entrer, pour ne pas se voir confondus avec des roturiers. Sur les représentations qui lui furent faites à ce sujet, le pape Alexandre IV ordonna par une bulle que les chevaliers, pour les distinguer des autres frères de l'ordre, porteraient des manteaux noirs, chlamydes nigras, et que lorsqu'ils iraient à la guerre, ils auraient des jupons rouges avec les autres ornements militaires de même couleur, sur lesquels, ainsi que sur leurs drapeaux, serait cousue un croix d'étoffe blanche. Sebastiano Paoli, tome I, page 278.
Vêtements
Planche IICelui des chevaliers actuels, est l'habit civil ordinaire, avec une croix de toile blanche, à huit pointes du côté du cœur.
Planche II, fig. 2.
Le costume du grand-maître ne différait guère dans l'origine de celui des chevaliers.
Voyez Planche II, fig. 3.
Celui de Raymond du Puy, premier grand-maître, d'après d'anciennes peintures.
L'habit actuel du grand-maître est une soutane de tabis ou de drap, ouverte par-devant, et serrée d'une ceinture, où pend une bourse, pour marquer la charité envers les pauvres ; et par-dessus cette soutane, il porte une robe de velours. Il a la croix blanche sur l'épaule, sur le côté gauche de cette robe et sur la poitrine.
Planche II, Fig. 4.
Quand les chevaliers vont combattre les Turcs, qu'ils appellent les infidèles (13), et qu'ils font leurs caravanes, ils portent sur leur habit une sous-veste, ou casaque rouge, en forme de dalmatique ; ayant devant et derrière une croix blanche pleine, qui est celle des armes de l'ordre.
Planche II. Fig. 5.
Vêtements
Planche IIIL'habit des chevaliers grands-croix, quand ils sont à l'église, est une robe noire appelée clocia ou cloche ouverte par-devant, et ayant de grandes manches, avec la croix de l'ordre, au côté gauche, sur la poitrine et sur l'épaule ; le grand cordon et une épée à leur côté.
Planche III, Fig. 1.
Quand ils vont au conseil, ils ont une pareille robe noire, mais fermée par devant, n'ayant que la grand-croix sur la poitrine et ils ne portent pas d'épée, ni de cordon.
Planche III, Fig. 2.
Les frères chapelains allant par la ville sont habillés comme les ecclésiastiques ordinaires, avec la croix sur la poitrine. Planche III Fig. 3.
Quand ils ont un manteau, ils portent aussi cette croix sur le manteau.
Planche III, Fig. 4.
A l'église ils ont un rochet de toile, et par-dessus un camail noir, avec la croix de l'ordre.
Planche III, Fig. 5.
Ceux qui résident à Malte ont le camail violet.
Les revenus de l'ordre de Malte sont considérables, et il possède en France une grande quantité de prieurés et de commanderies.
Dans l'origine, on entendait par commanderie, la simple administration des revenus d'un bénéfice que l'on donnait en commende ou dépôt. Ensuite il y en eut de deux sortes, de régulières et de séculières.
Les commanderies régulières étaient des bénéfices qui, dans certains ordres religieux, se conféraient à des religieux du même ordre ; il y en avait dans l'ordre régulier et hospitalier du Saint-Esprit, à Montpellier.
13. Et qui à leur tour les nomment chiens.
Adrien de Vignacourt, commandeur de Bourg et d'Oisemont (2), depuis grand-maître de Malte, 1674.
2. Département: Somme, Arrondissement et Canton: Amiens - 80
Il fit réparer plusieurs maisons de l'île, renversées par un tremblement de terre, et construire un arsenal qui manquait à l'ordre. Il mourut en 1697, âgé de 79 ans (16).
16. L'épitaphe que les chevaliers firent graver sur son tombeau, atteste qu'il remplit parfaitement les devoirs de son état et de sa place.
D.O.M.
Eminentissimi principis fratris Adriani DE VIGNACOURT, mortales exuviae sub hoc marmore quiescunt. Si generis splendorem quaras, habes in solo nomine, habes in affinitatibus, pene regiis ; si religiosae vita merita spectes, caritatem erga pauperes, et infirmos
indefessam, erga peste laborantes generosam mirari poteris, et ita, intemeratam morum innocentiam, ut mori potius quam fadari voluerit.
Magni Aloffi ex patre nepos, integritatis, fortitudinis et juftitia laude simillimus, tanti principit famam est assecutus.
Vixit sanctissime, sanctissime obiit, anno salutis 1697.
Nicolas Chevêtre-de-Cintray, commandeur, de Lagny-le-Sec (1), 1690.
1. Département: Oise, Arrondissement: Senlis, Canton: Crépy-en-Valois - 60
Jean Duhamel, 1700.
Charles de Choiseul d'Esguilly, commandeur de Ruetz (2), 1706.
2. Département: Haute-Marne, Arrondissement: Saint-Dizier, Canton: Chevillon, Commune: Bayard-sur-Marne - 52
Laurent de Martel, 1716.
Marie des bancs-de-Mareuil, 1719.
Jean Baptiste Briçonnet, commandeur des Fiefs, 1721.
François d'Auvet-Desmarets, commandeur d'Oisemont (3), 1724.
3. Département: Somme, Arrondissement et Canton: Amiens - 80
Louis de Brillac, commandeur des Épeaux (4), 1743.
4. Département: Charente-Maritime, Arrondissement: Saintes, Canton: Gémozac, commune: Meursac - 17
Eustache de Vauclin-des-chênes, commandeur des Boux et Merlan (5), 1740.
5. Département: Ardennes, Arrondissement: Vouziers, Canton: Chesne, Commune: Belleville-et-Châtillon-sur-Bar - 08
Jean-François Bouilly, commandeur de la Feuillée (6), 1750.
6. Département: Finistère, Arrondissement: Châteaulin, Canton: Huelgoat - 29
Ragny-de-la-Magdeleine, 1761.
Paul le-Fevre-d'Ormesson commandeur de Vaumion (7), 1780.
7. Département: Val-d'Oise, Arrondissement: Pontoise, Canton: Magny-en-Vexin, Commune: Ambleville - 95
Jacques-Armand Rogrez Lusignan de Champignelles, commandeur de Vaumion.
Isburge jouissait, comme nous l'avons dit, du prieuré de Corbeil, a titre de douaire, et elle s'y retira après la mort du roi, son mari, en 1223. Elle établit dans ce prieuré deux prêtres qui devaient faire profession de la règle de Saint Augustin, selon celle de l'ordre des chevaliers de Saint Jean-de-Jérusalem ; et assigna pour leur nourriture cinquante muids de grains à prendre sur le minage des grains qui se vendaient au marché de Corbeil. Le grand-maître reçut ce don, et leur confia le petit hôpital de Tigery (14).
14. Histoire de Corbeil, page 152.
Les baillis, commandeurs-trésoriers, depuis 1631, ont été ; Frère Gabriel de Boisbaudran, neveu d'un chevalier célèbre un siècle auparavant.
Gabriel Bois baudran fut tué dans un combat y et il s'exposa à être enveloppé par huit galères de corsaires, plutôt que d'en abandonner une de Malte, dont la chiourme était faible. Xomboul qui conduisait à la Mecque la sultane favorite, nommée Bassé, et le prince Osman, fils de l'empereur Ibrahim, fut tué aussi dans ce combat. Son vaisseau fut pris, et le prince et la sultane restèrent au pouvoir du vainqueur, la sultane Bassé mourut quelque temps après, à Malte, et Osman qui se fit chrétien, entra ensuite dans l'ordre de Saint Dominique, et y fut connu sous le nom du père Ottoman (15)
15. Vertot, histoire de Malte, tome V, page 165.
Maximilien de Dampont, bailly de la Morée et de Cury, commandeur de Coulommiers et de Saint Maulvis, prince du Puy de la conception, à Rouen, en 1647, commandeur de Saint Jean-en-l'Îsle, en 1644.
François de Courcelles-Rouvray, ensuite grand-prieur de Champagne, 1648.
Nicolas de Paris-Boissy, commandeur de Villers-au-Liège, 1652.
Pays: Belgique, Région: Wallonne, Communauté française de Belgique, Province: Liège, Arrondissement: Huy, Commune: Nandrin
Henri du Châtelet de Mayencourt, 1654.
Philippe de Néaux-Rocourt, commandeur de Boncourt (1), 1665.
1. Département: Aisne, Arrondissement: Laon, Canton: Saint-Erme-Outre-et-Ramecourt - 02
N. de Chalouet, commandeur de Moulins et de Loudun, 1651.
Département: Vienne, Arrondissement: Châtellerault, Canton: Loudin - 86
Artus Chenet de Mus, commandeur des Épeaux, 1671.
Département: Charente-Maritime, Arrondissement: Saintes, Canton: Gémozac, commune: Meursac - 17
Charles-Daniel de Copeauville, commandeur d'Ivry-le-Temple, 1672.
Département: Oise, Arrondissement: Beauvais, Canton: Méru - 60
anno M. CC. LXI obiit Girardus prior de Corbelio... aprilis.
Il tient dans ses mains un calice et le bas de sa chasuble est aussi semé de fleurs-de-lys ; il a un chien sur son manipule.
Planche IV, Fig. 1.
Anselme, prêtre, 1287.
Gilles de Besencourt, prêtre, vers 1290. Il est dans le chœur à main gauche, au septentrion. Son épitaphe est en capitales gothiques : on y lit : ci-gît frère Gilles de Besencour, qui fut prieur de céans, et qui trépassa en l'an de Incarna....
Benier de Lapion, prêtre, 1295.
Guy de Bauchissy, prêtre, 1340. Sa mère est enterrée dans cette église.
Jean de Fresnoy, prêtre, 1361.
Thomas Mouton de Faremoustier, prêtre, 1371. Il était commandeur de Provins.
Département: Seine-et-Marne, Arrondissement et Canton: Provins - 77
On le voit sur sa tombe, en chasuble, avec un calice dans les mains, devant le sanctuaire. Sa mort est du 8 mai 1381, selon son épitaphe que voici : Cy-gît Thomas Mouton de Faremoustier, prieur de Corebuelle, et commandeur de Provins, qui trépassa l'an M. CCC. LXI, le VIIIe jour de mai. Priez pour l'ame de lui.
Urbain Paulmier, prêtre, 1400.
Eustache de Laître, prêtre, 1409 ; inhumé du côté septentrional, avec cette épitaphe :
Hic jacet frater Eustachius de Atrio quondam prior hujus domus, qui victualia pro cæna conventus, et pro necessariis stipendia præsentia, quatuor officiants, ampliavit. Dedit etiam, dicto conventui, quamdam domum, per ipsum acquisitam, apud Corbolium situatam.
Diebus lunæ, per ipsum conventum, pro ea pecunia, solemniter celebrandum. Qui obiit, anno domini, millesimo quadringentesimo nono, XXVII mensis novembris
On y voit qu'il augmenta par ses dons les revenus de la commanderie.
On y fait aussi mention d'une maison située près Corbeil, qu'il donna.
Après avoir donné la liste des commandeurs, il ne sera pas inutile d'y joindre celle des prieurs (17).
17. Les commandeurs étaient d'abord des chevaliers chargés d'administrer une partie des biens de l'ordre. Comme on se servait dans leurs lettres-de-commission de ces expressions : nous vous recommandons ces biens, commendamus tibi, etc. l'administration particulière de chaque maison prit le nom de commendataria, d'où est venu le nom de commanderie et le titre de commandeur.
On réduisit ensuite ces commanderies sous différents prieurés. Le prieur était chargé d'en faire la visite, et d'envoyer à la terre-sainte, en troupes ou en argent, les contributions ordinaires de chaque commanderie de son prieuré.
Ici on n'entend pas par le mot Prieur, un chef de plusieurs commanderies, mais les prêtres qui étaient originairement chefs de la maison au spirituel et au temporel, et qui sont bornés aujourd'hui à présider les autres religieux dans l'exercice des fonctions sacerdotales.
Le prieuré de Saint-Jean-en-l'Isle est tombé quelquefois entre les mains de militaires-chevaliers ; ce qui a cessé d'avoir lieu depuis 1640. Les prêtres commandeurs y ont été maintenus. Il est à-propos d'observer que le chevalier d'Alincourt a été le dernier prieur-commandeur de Saint-Jean-en-l'Isle, et que c'est dans un chapitre général, tenu à Malte, en 1631, par le grand-maître Lascaris, que s'est consommée la réunion de tous les biens et droits du prieur et des douze religieux à la dignité de grand-trésorier de l'ordre. C'est depuis cette époque que la fondation de la reine Isburge n'a plus son effet ; elle est réduite à un prieur, deux religieux et à deux prêtres habitués.
Les prieurs, c'est-à-dire, les premiers des douze prêtres fondés, par la reine Isburge, ont été originairement les chefs de la maison, tant au temporel qu'au spirituel.
Depuis le treizième siècle, c'est-à-dire, depuis la fondation, on compte les frères :
Pierre d'Orléans, prêtre, 1239.
Girard, prêtre, 1259.
Il est mort en avril 1263 et a été inhumé dans le chœur, à gauche. On voit sur sa tombe des fleurs de lys, quelques vers, tout-à-fait illisibles actuellement, et cette épitaphe.
Au prieuré, où on lui doit une messe chaque lundi. Ses armes sont d'azur, avec une bande chargée de quatre tourteaux de gueules. On a gravé ces six vers à ses pieds :
Aspice, mortalis, tumulum. Tibi portio talis
Dcbetur. Recita quæ tua sunt merita.
Vilis fio cinis, talis meus est modo finis.
Ossa solo retego, sum quoque pulvis ego.
Qui tumulo mersum, me cernis pulvere mersum :
Cur cernendo taces ? Te peto, funde preces
Il ne faut pas le confondre avec un chancelier des mêmes noms et surnoms, sous Charles VII, en 1418.
Pierre tombales des prêtres commandeurs
Planche IVJean Foubault, prêtre, 1430.
Jean Martel, prêtre, 1440.
Jean foulon, prêtre, 1446. C'est de son temps, et à lui, que Nicolas V accorda le privilège d'officier, pontificalement, lequel fut depuis confirmé par Innocent VIII.
Jean le Roi, prêtre, 1470. Il était commandeur de Lagny-le-Sec, et est mort en 1482. Il repose sous la lampe du chœur.
Nicolas l'Esbahi, prêtre, 1482. Il avait les commanderies de Saint-Jean-de-Latran et d'Orléans. C'est de tous les prieurs celui qui a reçu le plus de distinctions et de privilèges de la part du Saint Siège. Innocent VIII lui adressa la bulle où sont contenues toutes les prérogatives déjà accordées à Jean Foulon, quarante ans auparavant.
Etienne Bernard, prêtre, 1505 ; commandeur de Senlis et receveur pour le trésor de Rhodes.
François Bourdon, prêtre, 1515, commandeur de Reims, l'un des bienfaiteurs de l'église.
Guillaume Quinon, prêtre, 1526, commandeur d'Etampes et de Saint-Jean-de-Latran.
François de Lorraine, 1544. Il a été grand-prieur de France.
Pierre Hourrier, prêtre, 1582, commandeur de Dijon, mort en 1573.
Michel le Fevre, 1573, grand-prieur de Champagne. Il était favori de Charles IX, et mourut en 1595. Il avait été nommé prieur pour Henri d'Angoulême, grand-prieur de France.
Jacques de Harlay 1595, ambassadeur, commandeur de Coulommiers : il tenait le prieuré de Saint-Jean-en-l'Isle de Peloquin, grand-prieur de France.
Son épitaphe est dans le chœur, vers la chapelle de Sainte-Marguerite :
CY-GÎT
Noble et religieuse personne, frère JACQUES DE HARLEY DE SANCY,
vivant chevalier de l'ordre de S.J. de Hiérusalem, commandeur de Couleurs,
Et prieur de céans, lequel décéda, l'an de N.S. 1625, 2e jour de juin
Outre cette tombe, il y a un autre monument, à la gloire de ce prieur, sur la muraille de ladite même chapelle, où on lit sur un marbre noir :
D.O.M.
Jacobo Harlæo, illustrissimis parentibus, Roberto Harlæo, domino de Sancy, barone Monglat, et Maule, ac Jacobâ de Morainvilliers prognato ; ordinis S. Joannis Hyerosolimitani equiti fortissimo, commendatorio de Couleurs, hujusce loci priori viro religiosissimo, ac pietate, nunquam satis laudata ; qui vixit annos 69, mensem unum. Obiit anno salutis 1625, 8e calandes juillet ; non tam immortalis omnique fato superstitis memoriæ, quam suæ potius gratitudmis monumentum, imo et publici luctus solatium. Joan. Argentinus Melitensis vovet, dicat, consecrat
François de Neufville d'Alincourt 1629. Dès l'an 1612, il avait été déclaré coadjuteur du précédent. Il est mort le 3 août 1639, devant Turin.
Jean Hac, prêtre, commandeur, nommé par le grand-trésorier de Boisbaudran, en 1671. C'est un des bienfaiteurs de l'église, et il a fait construire les deux autels des chapelles de la croisée. Voici son épitaphe :
D.O.M.
Hunc sibi, pro sua, in D. Joan. Bapt., devotione, tumulum elegit, perillustris ac reverendus admodum dominus frater Joannes Hac, presbyter, commendæ de Bourgot commendatarius, qui diem clausit extremum VI Idus junii, 1649. Annos natus 64, menses 9, dies 6
Jean Jacques Veran, prêtre, maltais d'origine, nommé par le même grand-prieur, en 1649, ne fut ni reconnu, ni installé ; il fut cependant maintenu, et obtint une pension sur le prieuré, après la plaidoirie à laquelle sa nomination donna lieu.
Alexandre le Barbier, prêtre né à Rouen, commandeur du Saussay, agent-général de l'ordre, mort au Temple, le 7 septembre 1719, inhumé dans la chapelle du saint nom de Jésus.
François-Alexandre le Barbier, prêtre né à Paris, neveu du précédent, commandeur de la Ferté-Gaucher, avait eu pour concurrent un abbé de Saint Spire, appelé Delalande, qui perdit le procès qu'il lui avait intenté. Ce prieur avait été nommé par le commandeur Briçonet, et mourut à Paris, le 14 février 1767 : il est inhumé au Temple avec son oncle. C'est un des bienfaiteurs de l'église de la commanderie.
Antoine Boscheron, prêtre né à Paris, commandeur de Chevru, mort en 1784.
Charles-Jean-Bruno Matagrin, né à Laval, prêtre conventuel, vicaire-général du grand-prieuré de France, agent-général du grand-maître de Malte, prieur de Saint-Jean-en-l'Isle, en 1784. Voyez le supplément aux corrections et additions pour le premier volume de l'Art de vérifier les dates, où il a mis en ordre l'article des grands-maîtres de Malte.
Les derniers prêtres conventuels sont N. Evéhet de Corbeil, sous-prieur, après N. Bomegout d'Albi, et avant Julien Liénard, actuellement dans cette place. Ils ont eu pour confrères, dans les derniers temps, François Vernier, d'Avranches, mort le 14 janvier 1784, et Jacques Mary, mort en 1789.
Cette commanderie est un des endroits les plus pittoresques, dans le voisinage de Corbeil, et les plus intéressants dans son histoire ; pour jouir parfaitement de son aspect, il faut en saisir le vrai point-de-vue, c'est-à-dire, se placer sur le rempart de la ville, en sortant du cloître de Saint-Spire (19). Corbeil, à son tour, offre à la commanderie un tableau également riant, par la réunion de la majeure partie de la ville.
19. Antiquités nationales, tome II, article XXII.
Il faut ajouter à ces agréments, l'avenue de Saint-Jean, qui est la seule promenade dont on ait la jouissance ; il n'y manque qu'une entrée plus commode par les petites bordes. Ces différents sites ont été dessinés par M. Vitry, mais sans être multipliés par la gravure. On voit ces dessins chez le prieur-commandeur actuel.
L'air y est pur et salubre, quoique les différents bras de la rivière serpentent dans la prairie et les jardins, parce que la vallée, qui est très-ouverte, est sans aucune espèce d'eaux stagnantes. Tout y est en mouvement et en valeur ; placée à égale distance de Corbeil et d'Essonne, la commanderie ne leur fournit pas, il est vrai, comme les lieux circonvoisins, des grains et des fruits. Ses prairies sont presque le seul fond qui soit de quelque produit ; mais la consommation qui s'y faisait autrefois, et qui peut encore s'y faire, ne doit pas être indifférente aux habitants de la ville et du bourg considérable qui y est contigu.
L'état de ses biens et revenus a été imprimé dans les antiquités de Paris : ils consistent en cinquante muids de bled, à prendre sur le minage de Corbeil (20), ce qui prouve l'ancienneté du commerce des grains dans cette ville. Un muid de ce froment était dû au prieur de Saint-Guénault, et lui a été payé jusqu'en 1789, où les minages ont été supprimés.
20. Sauval, tome I, page 613.
Le même historien marque aussi comme autres biens de la commanderie, plusieurs terres labourables au territoire d'Essonne ; des terres, des vignes, et plusieurs cens et rentes ; un droit d'annates à l'imitation de Saint-Victor de Paris, c'est-à-dire, une année du revenu de tous les canonicats de Noyon, Saint-Quentin (21), Péronne Roye en Picardie ; plusieurs maisons dans Corbeil, la ferme du pressoir Saint-Jacques, au faubourg de ce nom ; des dîmes à Villebert (probablement Villabé), Monnant, Maincy, et à l'hôpital de Tigery ; la ferme d'Ozoir-le-Boulgis ; un pâtis dans la forêt de Bougeau et dans celle de Senart ; plusieurs cens et rentes dans la ville de Melun, et des prés dans le voisinage ; la ferme de Savigny-le-Temple entre Corbeil et Melun, où il y a une chapelle avec droit de justice. Ce même droit existait également pour son territoire à Corbeil avant 1790, et les derniers officiers étaient MM. Popelin juge et bailli, Marsault procureur-fiscal, Barrat greffier, Maillard huissier.
21. Ou trouve dans des extraits des registres du parlement, qu'en 1535 le chapitre de S. Quentin et ayant obtenu une bulle de deux prébendes, le prieur de Saint-Jean-en-l'Îsle appela comme d'abus ; et que la cause ayant été plaidée le 4 janvier, il fut ordonné de surseoir à la bulle.
On entre par une porte, au-dessus de laquelle est le méridien qui règle l'horloge. On y lit cette inscription : Amicis quælibet hora. La voûte de ce pavillon est habitée par une multitude d'hirondelles ; le logement du concierge est à côté, et le colombier très-voisin, ce qui a donné lieu à ces quatre vers ïambes, attribués à François Vernier :
Fidelitatem hirundines,
Hic et columbæ prædicant,
Istam pericla quæ domum
Timenda sint intrantibus.
C'est de cette porte que la vue générale, Planche I, a été prise.
On voit, en entrant dans la commanderie, l'hôtel du grand-trésorier de l'ordre ; à droite, le manoir du prieur et l'église conventuelle ; au milieu, à gauche, est un ancien pignon du bâtiment, du temps de la reine Isburge; à côté est la porte du jardin.
Devant l'église, est un avant-corps, ou espèce de vestibule couvert en ardoise.
L'église construite par la reine Isburge est en croix latine. On y descend par trois degrés, ce qui lui donne intérieurement plus d'élévation qu'on ne lui en soupçonne en dehors. La nef occupe le bâton le plus allongé de la croix ; elle est assez longue, et entourée de bancs de pierre ; les vitraux sont bien percés, et on doit regretter les anciennes vitres, qui pourront offrir bien des peintures intéressantes à conserver. Les fonts qui y ont subsisté jusqu'en 1790, n'avaient rien de remarquable.
La nef est assez longue, elle est pavée d'un grand nombre de tombes.
Au-dessus de la porte d'entrée et des orgues, est un cadran transparent, qui sert de rose, et montre les heures des deux côtés.
A l'entrée de la nef, est la tombe d'un chevalier, mort en M CC LXXV ; elle a été transposée, le nom est illisible ; ses armoiries sont à deux faces, accompagnées de neuf pommes et autres fruits (23).
23. Le bœuf, tome XI, page 199.
A droite est une tombe, plus étroite vers les pieds que vers la tête, et qui doit être du temps de la fondation. On a gravé dessus une femme avec une bourse à sa ceinture, et le champ est parsemé de fleurs-de-lys ; l'abbé Lebœuf qui a parlé de cette tombe, prétend qu'on n'y lit plus que ces mots nudos vestire, qui annoncent l'exercice des œuvres de miséricorde (24).
24. Le bœuf, tome XI, page 199.
Il s'est trompé : l'inscription entière est fort lisible ; la voici :
Hæc quam petra serat, Richaudis olim mulierque
Nobilis, uxor erat et Moisy : magnus uterque ;
Mos erat his proprius nudos vestire Brienses.
Sis sibi propitius, qui solus singula censes.
Cette femme était une dame de Moisy, dans la Brie (25), et dont les pauvres éprouvèrent les bienfaits. Peut-être était-elle attachée à la reine Isburge ; c'est ainsi qu'Agnès Harcourt et d'autres femmes de la cour d'Isabelle, fondatrice de Long-Champs, ont été enterrées dans le même lieu qu'elle. Richaude est coiffée d'un voile et d'une guimpe, vêtue d'un long sarot, et d'un manteau semé d'hermine ; une bourse est suspendue à sa ceinture, et le champ de la tombe est couvert de fleurs-de-lys.
Planche IV, Fig. 2.
25. Il y avait à la fin du douzième siècle une autre dame nommée Richalde, sœur de Matthieu de Montmorency, qui avait fait beaucoup de bien à l'abbaye presque naissante de S. Victor de Paris, en 1174. Il y a encore à Corbeil un M. Richaud, qui fut président de l'une des assemblées des citoyens actifs à Versailles en 1790.
Près de la tombe de Richaude, sur la gauche, on en voit une plus ancienne encore ; la figure est placée à côté de celle du guerrier en armes : le bas de cette tombe est tronqué. On lit sur les arcades en ogives, tracées sur leur tête, lequel trépassa l'an de grâce N.S.J.C. 1275.
La femme est vêtue d'une tunique, coiffée d'un béguin, avec le voile bas. Chacun de ses pieds pose sur un chien.
Près des précédentes, est celle d'une de ces personnes qui se donnaient à quelque ordre religieux, sous le nom d'oblates ; elle est représentée coiffée d'un béguin et le voile levé, et non pas bas, comme le dit Lebœuf, vêtue d'une tunique : chacun de ses pieds pose aussi sur un chien.
Planche IV, Fig. 3.
On lit autour de la pierre :
Ci-gist
Marie de la Fontaine, donnée de l'hôpital, mère, jadis, de feu de Beauchilly, prieur de Corbeuil, qui trépassa le 16e jour de février, l'an 1336 : priez pour l'ame de ly.
Ces sortes de sœurs vouées (26) ne sont plus admises dans l'ordre, et il ne faut pas les confondre avec celles qui font des vœux dans les couvents qui lui appartiennent.
26. Antiquités nationales, tome I, article III, page 10.
On lit sur une autre tombe :
« Noble homme et religieuse personne, frère Jehan du Cresson, commandeur du Saussoy et de Gandelus, qui trépassa en l'an de Jésus-Christ. M. CCC. »
Sur la muraille de la nef, au côté de l'évangile, est l'épitaphe de Pierre d'Artois, en vers françois :
Cy devant gist frère Pierre d'Arthiois,
Hospitalier, religieux, courtois,
Qui de Cambronne prit naissance :
Il se rendit dès son adolescence
Au sainct hostel de l'ospital Saint-Jehan,
Auprès Corbueil : là, procureur (27) maint an
Fut du couvent de l'ospital prédit.
27. Le terme procureur employé dans l'épitaphe, signifie trésorier. Cependant, Pierre d'Arthois ne se trouve point dans la liste de ceux qui ont possédé cette dignité. Il est vrai aussi qu'on n'y voit pas non plus un autre trésorier enterré dans la chapelle Sainte-Marguerite où sa tombe porte : « Ci gist frère Jehan Daguenet, commandeur de Beauvoir en Gastinais, et trésorier de l'ospital du prieuré de France, qui trépassa l'an de grâce 1345, le mardi 21 jour de mars. Priez Dieu pour l'ame de luy. »
Peut-être cet hôpital n'est-il pas celui de Saint-Jean-en-l'Isle.
Au milieu de ces monuments, il y en a un plus frappant et plus singulier : c'est un cadavre de grandeur naturelle, à demi rongé de vers. Leur nombre contraste singulièrement, ou plutôt, semble se confondre avec quantité de caractères gothiques dont la pierre est chargée. Il y en a au-dessus de la tête, on en voit sous les pieds, de longs rouleaux d'écriture occupent les deux côtés. Il est étonnant que le texte, qui n'est pas illisible n'ait pas été relevé et imprimé. C'est peut-être parce qu'il n'offre pas un seul nom, une seule date, et que la morale n'est pas ordinairement ce que cherchent le plus les antiquaires ; d'ailleurs, presque tout étant latin, ils ne se sont pas doutés qu'il y eût aussi un quatrain en françois. Ces vers sont la paraphrase d'un passage de Saint-Luc, c. 13 : Nisi pænitentiam habueritis, omnes similiter peribitis, qui est sur une espèce de phylactère sortant de la bouche du mort, et ils sont écrits à l'opposite, sur une autre bande, qui semble former le tranchant d'une faulx, dont le squelète paroît armé.
Planche IV, fig. 4.
Si despourveu es du péril de mort,
Et toi vivant n'as point faict pénitence,
Dampné seras sans te faire aucun tort,
Au feu d'enfer sans aucune allégeance.
Au chef de la pierre sépulcrale, on lit, moitié en prose, moitié en vers :
Nihil tam revocat mentem a peccatis,
Sicut frequens meditatio mortis.
Vive carens vitio quasi cras sis moriturus,
Si secure cum Christo vis esse victurus,
Ac bene dum vivis post mortem vivere si vis
Les six lignes suivantes semblent former un piédestal au mort :
Homo vermis et mortalis,
Qidcumque sis eris talis.
Hic apposita hæc effigies
Si velis aut nolis ita fies,
Aspicite vos, omnes mortales,
Viventes cuncti, eritis tales (28).
28. Voyez sur ces sortes de squelettes Antiquités nationales tome III, article 29, page 33.
On voit encore dans cette nef une autre épitaphe, qui a été transposée aussi, et dont il ne reste que ces mots : Nobilis Stephanus prudens piet.
Et cette autre aussi transposée ; Pierre le Cochetier, bourgeois de Corbeil, mort l'an M CCCC III.
On y voit encore une tombe transposée d'un autre bourgeois de Corbeil, de l'an M CCCC XXVIII, en habit long, avec un chien à ses pieds (29).
29. Lebœuf, p. 199.
La nef est séparée du chœur, par une grille de fer, d'assez bon goût, décorée des armes du donateur. Cette séparation est sous le clocher, à la porte du cloître par où le prieur et les religieux se rendent à l'office.
L'autel est à-la-romaine et en marbre depuis 1736 ; il est chargé d'une très-belle croix en cuivre doré, et de grands chandeliers de même.
L'autel des fériés est derrière, et c'est là qu'est suspendu le ciboire.
Deux chapelles sont à droite et à gauche, dans les croisées
L'une sous l'invocation de la vierge, du côté, et vis-à-vis de la sacristie
L'autre dite de Sainte-Marguerite, à l'opposé.
On y voit un bras de la sainte, dans un reliquaire d'argent ; et les femmes enceintes ont recours à sa ceinture (30).
Dans cette chapelle, est une entrée particulière pour le commandeur et sa suite ; la fondatrice y passait aussi, en se rendant à l'église, et en retournant à son palais.
30. Antiquités nationales tome I, article V, page 44.
Deux drapeaux sont arborés aux deux angles de la croisée qui partage le chœur et le sanctuaire. Ils restent toujours déployés sur la tête du commandeur et du prieur. Dans les solennités, le premier a le grand costume de l'ordre, et le second tout l'appareil épiscopal.
Cette pompe faisait déserter les églises paroissiales de Corbeil et des environs.
L'aigle du chœur n'est guère remarquable que par son poids et son ancienneté ; mais on peut s'arrêter au petit Moyse, c'est-à-dire, au pupitre, également en cuivre, vers le sanctuaire. Il présente les deux tables de la loi, et ou y lit l'abrégé du décalogue, en vers latins :
Unum cole deum, ne jures vana per ipsum.
Sabbata sanctifices, sic et venerare parentes.
Non sis occisor, fur, mæchus, testis iniquus.
Vicinique thorum, resque caveto suas.
Hoc fac, et vives.
Les armes que portent ces tables sont du prieur François Bourdon ; et ce pupitre, ainsi que l'aigle, est un présent qu'il a fait à l'église. Les vers pourraient bien être aussi de lui.
On voit dans la croisée septentrionale la tombe de Jean Chervru, avec cette épitaphe : cy gît Jehan de Chervru, jadis prieur de France, M CC LXXX VII. Il a pour armes deux haches adossées.
On lit sur une autre tombe :
Cy gît frère Berengier, jadis prieur en Allemagne (31), et grand-commandeur de Hongrie, qui trépassa, l'an M. CCC et II, le jour .... Priez pour ly.
31. Nous avons déjà vu que le prieur est celui qui à l'inspection d'un certain nombre de commanderies.
On voit sur le mur, dans cette même croisée, une grande table de marbre blanc, sur laquelle le commandeur actuel a fait graver, en 1790, une longue inscription, dans laquelle il rend compte de l'emploi fait de sa vie et de ses biens pour l'état et pour la religion ; la longueur de ce journal militaire et religieux, ne me permet pas de le copier entièrement ; voici le préambule :
Icy désire d'être enterré Jacques-Armand Rogrez-Lusignan-de-Champignelles, né le 27 février 1713, reçu de minorité dans l'ordre, en 1714, depuis bailly, grand-croix, grand-trésorier de l'ordre de Malte, commandeur de Louviers, Vaumion, Cernay, etc., brigadier des armées du roi, ayant servi trente-trois ans dans le régiment des gardes-françaises, où il a été fait gentilhomme à drapeau, enseigne, sous-lieutenant et sous-aide-major, ensuite lieutenant et aide-major, et premier aide-major-général de l'armée du roi, sous les ordres de monseigneur le maréchal de Saxe, pendant les campagnes de 1745, 46 et 47. Il avait fait ses caravanes etc...
En retournant aussi à l'autre chapelle, on se porte naturellement vers un tableau qui conserve le souvenir d'une solennité particulière.
Les deux drapeaux, aux armes magistrales (33) de la religion (34) destinés à décorer le saint temple, dans les solennités, ont été donnés en pur don au commandeur frère Charles-Jean-Bruno Matagrin, prieur de cette église, qui les a bénis le 4 juin 1786, jour de la pentecôte, assisté de MM. Julien Lienart, sous-prieur, Jacques Mary religieux, chanoine, Honoré-Thomas Barbançon, chantre, Claude-Pierre Vannesson, chapelain ; Jean Armand, sacristain. Ont étés parains M. l'illustrissime vénérable Bailly, frère Jacques Armand Rogrez-de-Champignelles, grand-trésorier de l'ordre, commandeur de Louviers, Vaumion, et illustrissime chevalier, frère Charles-François de Cacheleu de Baroménil, commandeur de Fours et Arleville ; après la messe célébrée pontificalement, on a chanté le Te Deum, en actions de grâces, et adressé des vœux au ciel, pour la conservation et prospérité de l'auguste donateur et bienfaiteur, son altesse éminentissime, monseigneur frère Marie-des-Neiges, Jean Emmanuel, prince de Rohan Polduc, grand-maître de l'ordre de Malte, du saint-sépulcre et de Saint-Antoine-de-Viennois. Cet honorable présent a été transmis au prieur, par l'illustrissime (35), vénérable bailly de Britto, portugais, receveur général à Malte de monseigneur le grand-maître.
33. La charge de grand-maître s'appelle magistère, et les armoiries de l'ordre sont magistrales.
34. Il est aussi ridicule de nommer un ordre religieux la religion, que d'appeler un petit doigt le corps.
35. Illustre ne serait pas suffisant.
Grand dieu ! Pour l'intérêt de ton nom immortel,
Pour la gloire des tiens, conserve Emmanuel.
Maltiade, chant 6.
Dans la croisée à droite est le tombeau de la reine Isburge. Il était sous la lampe du chœur, mais on l'a transporté au fond de la chapelle de la Vierge, où l'on pourrait croire que cette princesse a été inhumée, sans cette inscription, sur un marbre noir, mise à la place où elle fut autrefois.
HIC JACET Regina Isburgis, Dacorum regis filia, uxor Philippi-Augusti Francorum regis, hujus prioratus S. Joannis in insula, ordinis S. Joannis hyerosolimitani fundatrix, pia et munifica. Obiit anno 1236 mense julio. Marmoreum hoc saxum in gratitudinis monumentum poni curaverunt prior et religiosi, cum altare vetustate dirutum novum construxerunt 1736.
En tête de cette inscription, sont les armes de France et de Danemark, sept fleurs-de-lys d'un côté, et trois léopard ; de l'autre, avec six cœurs autour sur le même champ d'azur.
L'ancienne épitaphe n'est pas moins curieuse.
Hic jacet Isburgis, regum generosa propago
Regia, quod regis fuit uxor signat imago.
Flore nitens morum vixit patre rege Dacorum (36),
Inclita Francorum regis adepta thorum.
Nobilis hujus erat, quod in ortis sanguine claro,
Invenics raro, mens pia, casta caro.
Annus millenus aderat deciesque vicenus
Ter duo, terque decem, cum subit ipsa necem.
Felicis luce vitæ subducta caducæ
36. Duchesne et Lebœuf ont lu Danorum.
Ces vers ont fixé l'attention des historiens Duchesne (37) et Mezerai ; mais ils les ont mal copiés. Celui de Corbeil n'a pas été plus fidèle pour avoir été plus à portée de la vérification ; l'abbé Le bœuf qui lui en fait reproche, ainsi qu'à Duchesne, n'en est pas exempt lui-même. Ce qui les a le plus embarrassé est le jour de la mort de la reine, exprimé dans le dernier vers, qui n'est pas sur la bordure de la table de cuivre, comme les autres, mais sur le cintre, au-dessus de sa tête et de la couronne fermée qu'elle porte. Quel est le Saint-Félix qui tombait le jour de sa mort ? Le bœuf croit que c'est celui du 14 janvier, mais si les historiens s'accordent à dire qu'elle mourut en juillet, il faut ensuite démêler parmi les Félix qui y sont aux 10, 12, 27 et 29 : et si c'est à ce dernier jour qu'on s'arrête, il s'y en trouve deux, l'un martyr, l'autre souverain-pontife, ou antipape, ce que Baillet n'a pas bien éclairci.
37. Duchesne, tome V des historiens de France, page 262.
On lit auprès Hugo de Plagliaco me fecit.
La reine Isburge (38) était fille de Voldemar, roi de Danemark et de Sophie, petite-fille de Canut, roi du même pays, et martyr. Philippe-Auguste était veuf depuis deux ans d'Isabelle de Hainault : l'évêque de Noyon demanda Isburge pour lui à Canut IV, roi de Danemark et frère de la princesse ; le mariage se fit à Amiens en 1193, la veille de l'assomption, et le lendemain elle fut couronnée. Isburge pieuse et reconnaissante fit présent à la cathédrale d'une patène d'argent, pour la célébration des messes de la Vierge (39).
38. On la nomme Ingerburge, Ingelburge, Isemburge, Ingburge, Gelberge, Vageburge, Ingerberge, Bosilde. J'ai écrit son nom tel qu'il est dans son épitaphe.
39. La Molière, antiquités d'Amiens, tome I, page 123.
On n'a jamais su pourquoi la malheureuse Isburge déplut à son époux, dès la première nuit de ses noces ; on attribue ce dégoût à un vice de conformation. Les hommes crédules en accusèrent le diable, et dirent que les sorciers s'en mêlaient, et tous les écrivains du temps attestent cependant qu'Isburge était aussi belle que vertueuse.
La princesse fut reléguée dans le monastère de Cesoris, près de Lille ; là elle souffrit avec résignation, et se fit chérir par sa bonté et sa bienfaisance ; elle était, dit Etienne de Tournay, dans une de ses lettres à Guillaume de Champagne, plus prudente que Sara, plus sage que Rebecca, plus aimable que Rachel, plus dévote qu'Anne, plus chaste que Susanne : elle fuyait les jeux bruyants, et ne s'occupait qu'à travailler, à lire et à prier (40).
40. Dreux. Duradier, anecdote des reines, tome II, page 431.
Philippe-Auguste songeait à faire prononcer sa séparation, sous prétexte d'alliance ; il obtint le divorce au jugement de ses barons, et il épousa Agnès de Meranie, en 1196 ; Isburge réclama ses droits d'épouse et de reine ; Canut sut intéresser le pape Célestin III à sa querelle : les prélats qui avaient sans pudeur prononcé cette injuste séparation, tremblèrent, au nom de Rome ; un concile prononça le jugement, et le royaume fut mis en interdit.
Il n'était pas prudent d'offenser Philippe ; il regarda, avec raison, tous les ecclésiastiques comme complices de l'outrage qu'il venait de recevoir ; il chassa les évêques de leur siège, les chanoines de leurs églises, les curés de leurs paroisses ; il confisqua leurs biens, et s'empara du fond ; mais cette conduite ne fit qu'irriter tous les ordres de l'état.
L'interdit dura sept mois ; le service divin fut entièrement suspendu dans tout le royaume, à l'exception du baptême des enfants et de la pénitence pour les mourants. Les corps demeurèrent sans sépulture : enfin les choses furent portées à toutes les extrémités que le système de Rome, et les préjugés du temps pouvaient autoriser. Il y avait des partis formés contre Philippe, et le clergé soulevait le peuple ; Philippe intercéda au près du pape, et l' interdit fut levé, à condition qu'il reprendrait Isburge, et que dans six mois, six semaines, six jours et six heures, il ferait vider la cause de son divorce par les deux légats du Saint-Siège ; les prélats du royaume, en présence des parents de la reine, dûment intimés pour défendre sa cause, Isburge choisit Soissons pour le lieu de l'assemblée. Canut envoya d'habiles gens pour plaider sa cause ; mais comme Philippe prévoyait qu'il serait condamné, il reprit Isburge avec lui, sans faire juger le procès (41).
41. Selon Mezerai, tome III, page 177, mais Paul Emile prétend dans sa monarchie universelle que les avocats de Philippe faisaient valoir ses raisons avec beaucoup d'éloquence, et que personne ne se présentait pour la reine, lorsqu'on vit paraitre un défenseur inespéré ; c'était un jeune homme qui parla avec tant de force, que le roi se condamna lui-même. Ce récit est plus merveilleux ; mais le premier parait plus véritable.
Il eut pour elle un peu plus d'égards, mais son antipathie était si forte, qu'en 1210 il promit d'épouser la fille du landgrave de Thuringe, à moins qu'elle ne fût tout-à-fait difforme, si ce prince pouvait obtenir le consentement du pape pour la répudiation d'Isburge.
Cette princesse survécut à son mari ; elle mourut le 29 juillet 1236, âgée d'environ 6o ans, à Corbeil, où elle s'était retirée (42). Elle fut inhumée dans la commanderie qu'elle avait fondée.
42. Antiquité nationales, tom. II, article XX, page 8.
La reine Isburge
Planche VLa reine Isburge, a une large cotte-hardie attachée avec une ceinture. Un ample manteau doublé de vair (Fourrure de petit-gris), un sceptre sans fleurs-de-lys (43), et une couronne à simples fleurons.
Planche V, Fig. I
43. Antiquité nationales, tome II, article XIII, page 10.
Une autre femme remarquable, après Isburge, est celle inhumée à droite, dans la nef. Lebœuf a remarqué que la tombe était étroite aux pieds, et par conséquent du temps de la fondation.
On voyait dans ce chœur une tombe sur laquelle on lisait : Cy-git Antoine de Dourche (et non-pas Mourche comme l'écrit l'abbé Lebœuf qui fust escuyer de madame la royne Marg..... en l'an 1286 (et non 88) la veille de la Notre-Dame de mars. Son capuchon est rabatu, et non pas long : à ses côtés sont deux écussons ; tous deux (et non l'un) sont en sautoir.
Planche IV, fig, 5.
Auprès on lit : Cy-gist madame Agnès, la fille de monseigneur Pierre madame Marguerite, Prieur de l'ospital de France. Sa tombe est étroite par les pieds.
Planche IV, fig. 6.
Un peu plus loin, est Etienne Bernard, commandeur de Senlis, prieur de Saint-Jean en 1505, mort dix ans après. Il a sa crosse et sa mitre derrière les épaules.
Planche IV, fig. 7.
Son costume est le même que celui de Pierre d'Arthois, dans la nef.
Auprès de l'église, est une très-grande salle bâtie sous le règne de Philippe-le-hardi, par le grand-maître Jean de Villiers, pour y tenir des assemblées de chevaliers ; ce vaste édifice a aujourd'hui l'air d'une grange.
La demeure du bailly est le bâtiment moderne, à droite de l'église, il a été tellement changé depuis les réparations commencées en 1784, qu'il est aujourd'hui très difficile de distinguer les anciens bâtiments, d'avec les nouveaux.
Le logement prioral de Saint-Jean-en-l'Isle, à gauche, tient au palais dont on a parlé ; et on y conserve avec soin, outre les cartes géographiques et marines des possessions de l'ordre de Malte, les portraits des princes et des rois qui ont fait quelque séjour à Saint-Jean. On y a vu pendant longtemps le lit d'Henri IV, comme celui du roi Jacques, à l'ancien prieuré de Saint-Guénault (44).
44. Henri IV avait choisi la commanderie pour recevoir les habitants de Corbeil, lorsqu'ils se soumirent à lui ; c'est ce qu'on a exprimé ainsi dans les fastes manuscrits de la ville.
Hic etiam Henrico claves et clavibus offert
Cara magis regi pectora Corbolium.
Lectulus et monstratur adhuc, monstratur imago
Principes. O quantum cordibus ambo placent !
L'abbé Lebœuf parle d'une chaise de bois qui avait servi à la reine Isburge, pour entendre la messe, et il la place dans une des galeries de l'église ; mais il n'y a nulle galerie au pourtour ; il a voulu dire apparemment dans la tribune du bailly, à l'angle droit du sanctuaire. Mais un monument qui de sa nature a du mieux résister à l'injure des vers et du temps, est un petit chariot de fer à quatre roues, dans lequel on mettait du feu dans l'hiver, et qu'on roulait dans l'église, durant les offices, pour y attirer et fixer les fidèles. Le dessin en est dans le salon du prieuré, et fait pendant avec celui du tombeau de la reine Isburge.
Planche V, Fig. 2.
Parmi les personnages remarquables dont les portraits sont répandus dans les appartements, est le grand-maître actuel de l'ordre, F. Emmanuel de Rohan ; et il y est représenté d'après le tableau original du chevalier Favray, commandeur de Valcanville, près Valognes. L'ovale est entouré de médaillons relatifs aux divers évènements de son magistère. Le premier médaillon représente l'assemblée du grand-conseil, ou chapitre général de 1777, avec cette légende : XVI virorum consulta faciunda curavit.
Sur le second on voit la sagesse qui reçoit avec bonté des enfans qu'on lui amène ; on lit sur leur tête : bonis moribus et artibus, et sous leurs pieds : institutio adolescentium renovata 1779.
A l'opposite, sur la même ligne, il y a également deux inscriptions : celle d'en-haut porte : utilitati publicæ ; celle d'en bas : aquoeducti sunt ampliati 1783 ; ce qui a rapport à l'aqueduc, commencé par le grand-maître de Vignacourt, qui a été achevé en cette année, munificentia principis, comme l'écrit un génie sur la base d'une pyramide.
Sous chaque arcade il y a une des lettres qui forment le nom de celui qui le fit construire. Sous ce relief, est une nymphe debout, tenant trois épis d'une main, et de l'autre deux cornes d'abondance. Le tout est expliqué par ces deux mots : annona fæcunda, sans date, parce que tous les ans les magasins de grains sont abondamment pourvus pour l'approvisionnement de l'île.
Vis-à-vis, et sur le même plan est un médaillon de même diamètre portant la date de 1776, et représentant la création d'un grand-prieuré en Pologne : ordo eques..., cohorte Polon..., auctus. Le fond de l'allégorie est Minerve, ou la justice tenant l'écusson du grand-maître, et les armes de la nouvelle compagnie.
Au-dessous, et dans un autre médaillon est une alliance des armoiries de l'ordre de Malte, et de celles de l'ordre de Saint-Antoine de Viennois, pour marquer la réunion qui s'en est faite en 1766.
Ce qui est ainsi annoncé à l'entour : ordo S. Ant. Vien. in ordinem Hyerosol. receptus. Deux aigles éployées, tiennent à leur bec le T de Saint-Antoine. Le médaillon, qui répond à celui-ci de l'autre part, a été frappé, à l'occasion de l'armement des vaisseaux du grand-maître, pour le commerce et les approvisionnerons :
tutando populorum commercio D.S.P. ædifice 1781.
Le fond de l'emblême est un port et des vaisseaux qui y abordent. Le rang d'en-bas est composé, comme celui d'en-haut, de trois médaillons de la même grandeur. Sur le premier, immédiatement placé au-dessous de celui qui vient d'être expliqué, on voit deux personnes qui contractent une alliance, ce qui signifie la nouvelle langue anglo-bavaroise, dans laquelle l'anglaise est confondue. Ces mots : nobiles bavarri adscripti 1782, sont écrits sous leurs pieds, tandis qu'une renommée publie dans les airs : navum decus additum ordini.
A la suite de ces figures sont, sur une autre pièce, des soldats habillés à la romaine, qui reçoivent les drapeaux de l'ordre. In tutelam insulæ ; c'est le régiment de 1200 hommes, pour la garde de la ville de la Valette. Ils sont appelés dans l'écriture inférieure, milites stationarii conscripti 1776.
Le dernier sujet concerne la Rote, tribunal souverain et sans appel, litium series rescissæ : on y voit Thémis, en présence du grand-maître, tenant une épée nue : septem viris constitutis 1777 : à leurs pieds un petit génie trace sur un rouleau, justitiæ rectori.
A ces emblèmes héraldiques, a été joint dernièrement un distique, dont tout le mérite consiste dans une allusion à l'explication d'Emmanuel, nom de baptême du grand-maître. Nobiscum Deus Emmanuel sonat. Ora sed adsun
Hic hominis tantum ; quantus at ille suis.
Ce qui a été traduit dans le quatrain suivant :
Dieu parmi nous, tel est le sens d'Emmanuel.
Du ciel pour les humains quelle faveur plus grande !
Les yeux en ce tableau ne fixent qu'un mortel ;
Mais qu'il fut grand et cher à l'ordre qu'il commande !
Les jardins sont aussi renouvelés et embellis. Une machine hydraulique y élève des eaux dont les cascades sont placées devant les principaux appartements de la maison : elles proviennent du canal qui environne Chantemerle (45), et sur lequel a été bâti en 1789 un moulin à deux roues, à l'extrémité de la grande avenue aboutissant à cette belle maison de campagne. Cet ensemble est vraiment dans le goût anglais. La nature est plus reconnaissable dans le jardin du prieuré, et le bâtiment en est beaucoup plus régulier, quoique peut-être moins étendu. Il tient à un petit cloître ou cimetière, sur lequel demeurent les prêtres-religieux de l'ordre avec leurs chapelains et aides de chœur ; le tout est dominé par ce qu'on appelle le palais.
45. Département: Oise, Arrondissement: Senlis, Canton: Nanteuil-le-Haudouin, commune: Rouvres - 60
Du temps d'Adrien de Vignacourt, la basse-cour de la commanderie était confiée à un nommé Regnauldet. Quelques chansons naïves décélèrent en lui un autre talent que l'économie rurale. Le commandeur aperçut ce diamant dans le fumier et l'en tira. Regnauldet ne fut pas ingrat ; et la plupart de ses pièces furent adressées à son mécène. On n'a pu se procurer qu'une ode sur le bonheur champêtre. Le nom d'ami qu'il donne familièrement à son protecteur paraîtra bien extraordinaire pour le lecteur :
Aux douceurs de la solitude,
Ami, consacre tes desirs ;
Fuis la cour, fuis la multitude ;
Viens connaître les vrais plaisirs.
De l'innocence enfants dociles,
Ils ont quitté le bruit des villes,
Pour s'enrôler dans nos hameaux.
Attroupés avec nos bergères,
Ils célèbrent leurs doux mystères
Sous le feuillage des ormeaux.
On connaît encore aujourd'hui à Corbeil des chevaliers de Malte : MM. de Fénelon et Fraguier à Tigery, et Brochier à Corbeil ; et lors de la formation des assemblées de département, M. le bailli de Crussol, administrateur du grand prieuré de France, présida celle qui fut indiquée à Corbeil, avant d'être député à l'assemblée nationale constituante, où il a publié une des opinions les plus favorables à l'ordre de Malte (46).
46. Cet article a été composé presqu'en entier sur un mémoire manuscrit de M. Guyot, ancien prieur de Saint-Guénault. J'ai déjà dit les obligations que j'avais pour cet ouvrage à cet ecclésiastique, aussi recommandable par son savoir, qu'estimable par ses vertus.
Sources : Millin Aubin-Louis. Monuments François, tome 3. Paris 1802 - BNF