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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Deuxième partie : Chapitre V

Le vieux Temple de Carlat gardait à la royauté rancune de la mort de ses Templiers et ses hautes murailles noircies par la poudre protestaient à leur manière contre les descendants de ce le Bel, qui étouffa le cri d’innocence de Bertrand de Sartiges. Et depuis la maison de la commanderie subit le sort de la forteresse, qui fut toujours aux ennemis du roi ; mais avant que l’entrepreneur des démolitions féodales, Jacques de Giou, eut brûlé comme un vulgaire Templier cette place forte, la maison de la commanderie eut son chant du cygne. Elle vit dans ses murs une reine, Marguerite de Navarre, accompagnée du commandeur de Carlat, Louis Antoine de Villars, conseiller et maître d’hôtel de la reine (1586) (1). Ce furent ses derniers jours de gloire. Le commandeur mourut en mars 1597 (3). La forteresse y compris l’ancien temple, moins de dix ans après, 1604, n’étaient plus.

Arthur d’Arity fut après de Villars commandeur de Carlat jusqu’en 1619, date de sa mort (4). Il n’est pas autrement question de lui.

Il eut pour successeur Charles Philips de Saint-Viance originaire du Limousin, procureur du grand prieuré d’Auvergne (5). Il remplit pour la première fois ces fonctions au grand chapitre de Lyon de 1619, ou sur la demande du receveur, il requit contre les capitulant, qui reprenaient le chemin de leurs commanderies sans payer les responsions et autres charges de l’ordre. La même année, il se transporta en compagnie de Jean de Douhet de Marlat à Bourganeuf pour enquêter sur l’attitude des officiers judiciaires en révolte contre Pierre de Saconnay, grand prieur.

Il eut différents procès à soutenir contre les voisins de sa commanderie en Limousin. En 1619, contre les tenanciers de de Laumont, paroisse de Sérilhac, le sénéchal du Limousin lui donne raison. L’année suivante, il assigne devant la même juridiction, puis en appel au parlement de Bordeaux, François Champsoleil, sieur de la Borderie, et l’oblige à reconnaître que le commandeur est bien le seigneur justicier et foncier du lieu. La même année, il fait citer ses tenanciers des villages de la Durantie, de la Mollinière, de la Vialle et de la Rougerie, paroisse de Mascheix, pour les obliger à payer les cens. Il eut également des difficultés, avec Guillaume Cellier et Guy Meynial, syndics de Carlat, au sujet de la réfection de la toiture de l’église (7 juillet 1630) (6). Il fut obligé d’y contribuer pour la moitié, à cause de son titre de seigneur de l’église. Ces réparations seront l’objets de perpétuels conflits jusqu’à la fin du régime. Il faudra les plaintes et les visites des envoyés du grand prieur pour obliger les commandeurs à se souvenir de ce devoir sacré.

En 1620 il présenta aux commissaires de l’ordre son neveu Antoine de Saint-Viance et le fit admettre, en même temps que Louis de Lafon-Jean, des marquis de Saint-Projet, ce dernier comme chapelain de l’ordre.

Charles de Saint Viance mourut subitement à Saint-Viance, le 28 novembre 1637. Le grand prieur Louis d’Estignères ordonnait, le 28 novembre 1637, une enquête sur son genre de mort et le receveur Foucault de Beaupoil Saint-Aulaire écrivait à François de Frédal, commandeur d’Agen ; « Monsieur de Saint-Viance s’est laissé mourir loin de sa commanderie, comme elle est grande et éloignée, je vous supplie, agréez de m’obliger et faire toutes diligences, pour que la dépouille et que les papiers et fermes soient mises en sûreté. (7) »

En vertu de ces ordres le commandeur d’Agen se transporta en toute diligence à Saint-Viance et dressa l’inventaire de la dépouille. A côté des encaissements et des baux à ferme, nous y trouvons un pourpoint noir de drap de Naples, un autre de satin moucheté, une casaque de drap d’Espagne gris doublé de pane de même couleur, avec la croix blanche au-dessus, etc.
Le procès-verbal renferme aussi les frais d’enterrement, 140 livres, et les legs testamentaires, savoir 12 livres aux prêtres d’Allassac, 15 à ceux de Donzenac, 12 aux Franciscains de Donzenac, 25 aux prêtres de Saint-Viance, 38 livres pour 25 flambeaux et 86 aulnes de Courdelas noir à deux écussons... plus les émoluments de son médecin Peronne (8).

François de Bertrand de Beuron remplaça le commandant de Saint-Viance en 1638. Il était fils de Michaud Bertrand, seigneur de Beuron en Bourbonnais, et de Marguerite Diviers de Chatelus. Il était entré dans l’ordre le 17 août 1610. Il ne fit que passer à la commanderie de Carlat et mourut en 1639 (8). Le receveur de l’ordre, Foucaud de Saint-Aulaire, commit le commandeur Pierre de Montralande pour procéder à l’inventaire de sa dépouille. Claude Jurgaud et Antoine Sadourny, fermiers de Carlat et de ses annexes de Villedieu, Standieu et la Salvetat, sont portés débiteurs pour 2.160 livres, Antoine de Sainte-Exupérie, pour 520 livres, fermiers des membres limousins, Martin Meyniel, fermier de l’Hôpital de Pierrefitte, pour 750 1ivres, Léonard Chabrior, fermier du Monteil et Franchesse, pour 370 livres, Jean Simon, fermier de l’Hôpital, pour 215 livres (9).
Tout cet argent appartenait au commun trésor et constituait avec les meubles du défunt la dépouille. Quant aux responsions, elles s’élevaient à la somme de 696 livres, y compris les impositions ordinaires et l’imposition extraordinaire de la langue de 50.000 écus.

Philippe Emmanuel de la Fayette fut pourvu de la commanderie de Carlat au chapitre de 1640. Il était fils de Jean, seigneur de Vissac, et de Jeanne de Polignac (10). Son procureur Daucou renouvela le bail de la commanderie à Jeanne Sadourny, veuve d’Antoine (11). L’église de Carlat avait été incendiée en 1649, La question de savoir à qui incomberait les frais de sa restauration fut posée chez Jean Bonave, marguiller, à tous les habitants de Carlat réunis, le dimanche 23 mai 1649, à l’issue de la grande messe. Ils estimèrent que si la paroisse avec tous ses bénéfices avait été donné à l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean, c’était aussi avec toutes ses charges, au nombre desquelles l’entretien du clergé paroissial et de l’église ; mais une nouvelle jurisprudence se créait, les gros bénéficiés essayaient de mettre en tout ou en partie les réparations des églises à la charge des occupants. César de Groslée, grand prieur d’Auvergne, trancha ce conflit entre la communauté et le commandeur à la manière de Salomon (29 janvier 1650). Les réparations furent faites à frais communs.

Pareilles sentences avaient été rendues, le 16 janvier 1648 et le 9 mai 1649, à l’occasion des réparations faites à l’église de l’Hôpital de Champfranchesse et à la chapelle de Villedieu. Dans cette dernière, les devis furent estimés 1.300 livres, le commandeur donna 700 livres, le membre de Villedieu parfait le reste (12).

Comme ces réparations furent très importantes s’étendant non seulement aux voûtes, aux charpentes et à la toiture, mais encore à tous les bâtiments, quatre chevaliers de l’ordre, Jean de Girard Saint Paul, commandeur de Montchamp, Bernard de la Liegue, écuyer du grand-maitre, Claude de la Verchère, commandeur des Feuillets, et le chevalier de Pelague (13), furent nommés pour surveiller les travaux.

Philippe Emmanuel de la Fayette eut pour successeur Antoine Philips de Saint-Viance, fils de François Philips, seigneur de Saint-Viance, et de Catherine d’Aubusson, neveu de Charles de Saint-Viance, commandeur de Carlat, qui l’avait présenté aux commissaires de l’ordre pour ses preuves en 1619. Il ne fut à Malte qu’en 1625, et encore ce voyage donna-t-il beaucoup de soucis à son oncle à cause des Protestants, qui tenaient campagne. Il écrit, à ce sujet, à Anne de Nébérat, aumônier de la reine, commandeur d’Agen, pour s’assurer de la route et lui demander protection (14). Le futur chevalier arriva sans accident au terme de son voyage, fit son noviciat et ses caravanes, obtint la commanderie de Masdieu, puis au décès du commandeur de La Fayette celle de Carlat. Nous ne pouvons préciser la date de cette nomination car aux archives du Rhône manquent neuf registres de 1650 à 1660, qui nous éclaireraient sur ce point. Le seul que nous ayons est de 1657. A cette date, Antoine de Saint-Viance est titulaire de la commanderie de Carlat (15). Toutefois nous avons le certificat des preuves de François d’Anterroches produites en 1654 devant Antoine de Saint-Viance, commandeur de Carlat, qui nous permettent d’établir le vacant de la commanderie entre 1652 et 1653 (16).

Nicolas de Seguy sieur de Taussac (Aveyron) qui refusait de reconnaître certains bien fonds comme relevant de la commanderie, l’obligea à un procès dont il eut facilement raison en 1657 (17). Il fut moins heureux avec Alexandre de Caissac, seigneur de Sédaige, qui avait contraint Durand Delon, de la Combe, paroisse de Giou-sous-Mamou, à se reconnaître son tenancier (1658).

Ses procès furent nombreux indépendamment de ceux que nous venons de citer. Ajoutons ceux qu’il eut avec Durand Roche, Guillaume Martre, de Marmanhac, et ses tenanciers du village d’Autebesse. Il fut également en procès avec le prieur de Saint-Etienne de Carlat, membre du prieuré de Bredon ; le commandeur dut faire la preuve que cette église avait été détachée de la paroisse de Carlat. Les rentes prélevées sur ledit prieuré ne dépassaient pas 4 setiers de seigle (1661). Les fermiers de la commanderie étaient les Jurgauds et les Sadourny pour le chef-lieu de Carlat et les membres de Villedieu et de la Salvetat, moyennant 2 800 livres, Antoine Maynial, notaire à Salers, l’était de Champfranchesse.

Antoine de Saint-Viance fit poser tous les vitraux de l’église paroissiale de Carlat. Atteint de coliques hépatiques, il alla subir à Paris une opération du chirurgien Janot. L’opération réussit mal, et le patient mourut, le 16 septembre 1663, à l’Hôtel de Madrid, rue Saint-Sépulcre, au faubourg Saint-Germain (18).

Le chevalier de Guérin de Tencin fut nommé en son lieu et place commandeur de Carlat la même année. Il jouit peu de temps du bénéfice. Il ne fit que passer. Nous avons de lui deux lettres de provision : l’une en faveur de François Delort, à la chapellenie de Villedieu, l’autre en faveur de Blaise Delmas à la cure de Carlat en remplacement de son oncle vieux et infirme (1664) (19).

Son successeur, Louis des Escures, naquit au manoir de Chastel-en-Bois, paroisse d’Angy, en Bourbonnais (20), de Jacques et de Charlotte de Sarre. Ce fut là qu’il vit sa dernière heure le 25 Janvier 1676, réalisant ce vieux proverbe arabe : « l’homme sage meurt dans son nid » Il administra prudement la commanderie de Carlat, avec trop de bonté peut-être, car sa négligence fut préjudiciable à lui d’abord et à ses fermiers ensuite qui mirent 10 ans à s’acquitter de leurs dettes.

Il présenta son neveu Louis, né le 6 août 1650, de Claude, seigneur de Larivière et de Franchesse, et de Marguerite le Maréchal, pour faire ces preuves en 1666.

Jacques de Motier de la Fayette, fils de Jean, seigneur de Vissac, et de Jeanne de Lastic, succéda au chevalier des Escures. Deux titres signalent son passage à la commanderie de Carlat. Un ostensoir donné à la Salvetat où figurent ses armes : de gueules à la bande d’or, à la bordure de vair, cité dans l’inventaire fait par Jean de Rochedragon de la Vaurille, chevalier de l’ordre de Saint-Jean, et par Pierre Thaury, prêtre, le 6 mai 1680 ; et l’acte de provision de juge de Carlat en faveur de Géraud de Cabrespine, du 8 juillet 1678. La même année, le 26 octobre, Jacques de La Fayette mourut à Toulon.

L’année précédente, le 30 mars, François Hugon du Prat, commandeur des Bordes et de Feniers, était venu mourir à l’Hôpital de Saint-Cirgues-de-Malbert entre les bras de son frère Antoine Hugon, prieur de Margoutière. Sur l’ordre d’Henry de Méallet de Fargues, receveur du grand prieuré, Martin Chavialle et François Espinasse avaient fait l’inventaire de la dépouille (21). Au décès de Lafayette ce fut précisément Claude Hugon, frère de François et d’Antoine, qui fut nommé commandeur de Carlat.

Claude Hugon du Prat de Margoutière était fils d’Annet, seigneur du Prat, de Margoutière, de Trequerie, et de Peronelle de Villelume de Barmontel, cousin par conséquent du commandeur de Celles, Jacques de Villelume. Il fut admis dans l’ordre le 29 décembre 1647. Il fit sa résidence à la maison de l’Hôpital de Satnt-Cirgues-de-Malbert, dit l’Hôpital de Champfranchesse.
Ce membre consistait, nous l’avons dit, en une maison et un domaine avec ses dîmes et rentes. La chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste, était une chapelle particulière, construite par le commandeur pour sa commodité et celle de sa domesticité, mesurant 36 pieds de long sur 12 de large. Le maître-autel était orné des reliques de Saint-Jean et de l’image de Notre Dame de Pitié. Dans le haut, il y avait une niche en fer blanc pour la veilleuse. L’inventaire de 1680 manifeste une très grande pauvreté, mais parmi les objets du culte, nous signalons aux liturgistes une chasuble rouge doublé de toile noire pour les morts. Cette bonne chasuble à double face trouva grâce devant Pierre Thaury, chapelain de l’ordre, curé de Lavaufranche, visiteur des églises et chapelles du grand prieuré d’Auvergne, et dût lui causer un étonnement plein de gaieté sur le bon goût qui avait présidé à sa confection.
La maison de l’Hôpital était entourée d’un mur de clôture. On y accédait par un grand portail : à droite se trouvait une tour servant le bas de prison et le haut de pigeonnier et à gauche une écurie couverte en chaume de 33 pieds de longueur. En face, la maison du commandeur était coupée en deux par une tour où se trouvait un escalier à vis donnant accès dans les chambres. Cette maison était remarquable par les manteaux en pierre de taille de ses cheminées. Elle avait deux étages. Les cuisine et salle à manger étaient au rez-de-chaussée, les deux autres étages étaient chacun divisés en trois chambres. L’une d’elles avait alors des vitraux rouges et jaunes. Au-dessus des chambres, il y avait les greniers et autour de la maison deux jardins.
Le nouveau commandeur. Claude Hugon fit reconstruire dans son entier une seconde grange dite la Grande grange par opposition à celle qui se trouvait à gauche du portail. Elle était située à l’extrémité des jardins. Il fît également refaire celle de l’annexe de Monteil (1682) (22). Claude Hugon du Prat mourut le 24 septembre 1683 à l’Hôpital (23).

Gilbert de Fougières du Cluseau, son successeur, était né au château du Chambon diocèse de Bourges, le 16 mai 1633, de François, sieur du Cluseau et du Creux, et de Marie de Montagnac de Laqueuillière. Il fut baptisé le 1er juin, lit ses preuves le 20 novembre 1649 et fut admis dans l’ordre le 20 janvier 1650. Il avait 17 ans, son éducation était parfaite (24). Gilbert de Faugières fit ses caravanes et fut pourvu de la commanderie de Carlat à la mort de Claude Hugon du Prat. Il fit d’utiles réparations à l’église de Mascheix (1) et fit transporter l’une des cloches de l’Hôpital à la Salvetat.

La visite du chevalier de Rochedragon en 1684 lui avait ordonné de poursuivre les usurpateurs des biens de l’ordre et de Fougières plaida avec Antoinette de Reignac, marquise de Saint-Projet, l’obligeant à restituer une rente de 3 setiers ; il plaida avec Claude de Ferrières, comte de Sauvebœuf, auquel il fit rendre les terres de Courtel-Vieux de Giroux (paroisse de Saint-Martin) ; il obtint la restitution de rentes à la Fage (paroisse d’Ailly), à Combreux (paroisse de Saint-Mamet), à l’Hôpital. Que de chicanes, c’était la plaie de l’époque et le ridicule jeté sur les plaideurs par la comédie de Racine n’avait pas étouffé tous les procès et donné plus de droiture aux consciences. On considérait trop facilement les biens des religieux comme biens abandonnés.

Nommé receveur général du grand prieuré, le 25 octobre 1687, en remplacement d’Hector de Saint-Georges, il eut à défendre les biens de l’ordre contre la rapacité des paysans et des hobereaux de village. Le 20 avril 1687, mourut au temple de Mons (Corrèze) Etienne de Pradal, chapelain et commandeur d’Agen, d’où dépendaient Ourzaux et Saint-Jean de Dône. Les commissaires chargés de recueillir sa dépouille ne trouvèrent d’autres linge que celui dont il était revêtu. « Le reste s’est usé pendant sa maladie » dirent ses domestiques. Evidemment ce prêtre ne pouvait avoir des services de table en or et en argent, des bagues à diamants et à pierres précieuses, des manchettes aux points d’Angleterre, ni six grandes pièces de damas cramoisie pour garnir une chaloupe comme Léon des Gouttes, mort à Moulin le 22 décembre de la même année, mais il avait certainement un mobilier décent, qui dut bien recevoir une destination inconnue.

L’année suivante, 8 août 1689, Jean-Louis Garnaud, chapelain, commandeur de la Tourelle (Puy-de-Dôme), étant mort, les habitants de la Tourette entrèrent dans sa demeure et la pillèrent, ils n’y laissèrent que les ornements d’églises, une relique de la vraie croix dans une chasse en cristal et en argent. Tout le reste fut emporté. Devant la fréquence de ces actes on comprend la hâte qu’avaient les chevaliers de connaître la maladie et le décès des frères, pour sauver la dépouille.
Gilbert de Fougières eut également des difficultés au décès du chevalier de Saint-Jay, commandeur de Charrières (Vienne). Le fermier était Marc-Antoine Gayaud, sieur de la Combe, bourgeois fort riche de Bourganeuf, mais dont la rapacité était telle qu’au décès du commandeur l’exaspération publique se manifesta par un véritable attentat. On ne voulait plus de ce fermier et pour l’obliger à résilier son bail, on le poursuivit à coups de fusils, bien mieux, quand ses agents se présentèrent pour prélever les redevances, la population s’attroupa et armée de bâtons, de sabres et de fusils mit en déroule la force publique.
Il n’était pas jusqu’aux prêtres de Charrières et de Saint-Junien qui ne fussent contre lui, parce qu’il ne leur payait pas la portion congrue. De tous ces faits, ce vieil Harpagon s’en plaint au receveur de Fougières : « il est dénué de tout secours et toujours menacé... persécuté par les sieurs curés de la commanderie et du voisinage. » Le commandeur de Carlat lui donna décharge de toutes ses fermes et résilia le bail.

Ce ne furent pas les seules difficultés qu’eut à résoudre le commandeur de Carlat, il eut également affaire avec des hommes de qualité comme Claude de Coustain, marquis de Purignan, colonel au régiment du Languedoc, avec Françoise de Lacroix, épouse de Jean Baptiste de Chaumeil, premier gentilhomme du duc d’Orléans, avec des magistrats comme Henry Bonnet, lieutenant au bailliage de Guéret, Aubert de Malicorne, procureur à Moulins, etc. (26).
Difficultés causées par l’exaspération populaire, par la fiscalité oppressive d’un fermier, par les subtilités juridiques des agents d’affaires, par les empiétements de la noblesse, voilà ce que trouva Gilbert de Fougières dans sa charge de receveur, aussi fut-il heureux de céder sa place à Adrien de la Poype, commandeur de Saint-Georges (1690), mais les qualités qu’il avait déployées lui valurent de recueillir la succession François de Boszozet, grand bailli de Lyon (1697). Il apporta de là le même esprit de fermeté, de décision et de respect des traditions de l’ordre, en maintenant l’arrêt porté contre la ville de Lyon, tant que celle-ci refuserait de reconnaître les privilèges de l’ordre.

En 1703, il fut nommé agent général de l’ordre en France et grand maréchal. Il fit une grave maladie en 1707 à la suite de laquelle il abandonna la commanderie de Carlat. Il mourut comblé d’honneur, grand-croix, grand maréchal, agent général de l’ordre, commandeur de Verrières et du Vesset, le 27 septembre 1716. (27)
Antoine de Fay de la Tour-Maubourg, fils de Jean de Fay comte de la Tour-Maubourg et de Jeanne de la Mothe-Brion, succéda au bailli de Fougières. Il fut admis dans l’ordre le 30 octobre 1669, fit ses caravanes sous les ordres de son oncle le bailli de La Tour-Maubourg, général des galères, tué devant Coron le 21 juillet 1685, et fut simultanément commandeur de Carlat, d’Olloix et receveur du grand prieuré d’Auvergne de 1710 à 1713. (28)

En 1713, il donna des lettres de provisions à Gabriel Faucher de la Bourjhade pour la cure de Couderc, en remplacement de Jean Védrenes, à Jean Duverdier pour la cure de Mascheix en remplacement de Jean d’Audebert, à Pierre Sadourny, le fils de son fermier, pour la charge de juge de la commanderie de Carlat. (29).
Le commandeur de La Tour-Maubourg porta la portion congrue du curé de Carlat à 450 livres, peut-être contraint par l’opinion, car il n’y avait guère de paroisse où le bénéficiaire et le curé ne se fissent la guerre. La cause en était toute économique, le gouvernement avait augmenté de 20 pour pourcent la valeur du numéraire, ce qui avait entrainé une certaine dépréciation de l’argent et l’augmentation du prix des denrées.
Le commandeur Antoine de La Tour-Maubourg mourut le 27 novembre 1724. (30).

Il nous est impossible de passer sous silence Jean-Joseph de Caissac, chevalier de Malte, qui fut pendant un quart de siècle l’âme de la langue d’Auvergne et enfin son chef. Né au château de Sédaige, de François, seigneur de Sédaige et de Marie Françoise de Pesteils, il fit ses preuves le 4 juillet 1678. Il appartient à l’histoire à partir de 1721. Le chevalier de Thianges, lui passa la caisse du grand prieuré. Comme tous les méritants, sa modestie fit des objections. Ce grand seigneur se voyait mal à l’aise dans un bureau de comptable. Il essaya néanmoins, mais au bout d’un an il voulut se démettre. Le bailli de Saint-Aulaire le rassura, le bailli Spinola, receveur général, lui écrivit pour l’avertir que sa démission ne serait pas acceptée. Alors bravement il se résigna et fit si bien qu’il y demeura toute sa vie.

Les archives du Rhône possèdent une partie de sa correspondance d’au moins 300 lettres, reçues des chevaliers de l’ordre. Le bailli Spinola qui est à Rome, lors de l’élection de Benoît XIII, lui conte les différentes phases du Conclave de 1724, les chances du cardinal Oliviery et puis soudainement la nomination du Cardinal Vincent Orsini, un saint, âgé de 75 ans. La principale question à l’ordre du jour dans ces lettres est celle des finances. On retrouve là le nom de tous les banquiers de l’ordre : Philibert, La Chapelle, Daresle, à Rome, Quantotti, à Vienne Wenze, etc, des appréciations financières sur la baisse des sequins de Venise et la hausse des pistoles d’Espagne.
Le chevalier de Castellane, attaché au cardinal de Rohan, ambassadeur à Rome, le renseigne sur ce qui s’y passe, tandis que de Tencin l’instruit des affaires de la cour de France ; d’autres lui content les exploits des vaisseaux de l’ordre, lui demandent une protection, des avances de fonds, quelques petits services, ne fut-ce que l’achat d’une perruque, et le complaisant de Caissac les satisfait tous avec bonne grâce et esprit. Il sait glisser dans le paquet de La Roumagère, commandeur de Chambéry, une élégante paire de ciseau, dont le galant commandeur, jadis la terreur des corsaires africains, saura tirer parti.

Parmi ces lettres généralement signées de gens d’affaires, il en est de fort étranges, dont la stupidité contraste avec la finesse des chevaliers de Malte. Tel ce billet de Blondel de Bourges (23 juin 1723) qui demande l’ordre de mettre les porcs à la glandée dans la forêt de Saint-Martin, le prie de couper court aux protestations du curé de Polliat et de lui défendre de chercher un supplément à sa portion congrue dans des entreprises de coupe5 de bois.

Enfin, beaucoup de lettres viennent de l’Auvergne, de son frère de Saint-Géniès, des Béral, des Fontanges, des commandeurs de Carlat, Celles et Montchamp. On voit qu’il les protège, s’intéressant surtout à ses parents les de Méallet de Fargues. Jean Joseph de Caissac, commandeur des Bordes, receveur, bailli et maréchal de l’ordre, finit ses jours dans le cours de l’année 1745 (31).

Le commandeur de la Tour-Maubourg avait été remplacé par Vincent de Vogué de Gourdan, né à Saint-Clair dans le Bas Vivarais, le 18 décembre 1667, de Louis II, seigneur de Marcland, et de Madeleine de Royrand de Villars. Tenu aux fonds baptismaux par Vincent Le Bret, conseiller au Parlement de Paris, et Hélène de Groslée-Montbreton, il fut destiné à l’ordre de Malte. Il présenta ses preuves, le 16 mai 1665 aux commandeurs Adrien de la Pœpeje de Roque-Servière et Charles Robert de Lignerac. Ses témoins furent Antoine de Basronnat, seigneur de Lespine, Gérard de Gazelles, seigneur du Suchet, Louis de Beaulieu, seigneur de Charlieu, et Gabriel de Moreton de Chabrillan (32).

Sa profession faite et ses caravanes terminées, il attendit son rang pour une commanderie. Il obtint celle de Carlat en 1725. La liquidation de son prédécesseur fut assez difficile. Il avait prêté de l’argent à son neveu le marquis de La Tour Maubourg et ce dernier objectait à Jean Joseph de Caissac, receveur du grand prieuré d’Auvergne, qu’il ne lui était pas possible de le rendre avant six ans.
Une autre correspondance de même receveur avec le receveur de l’ordre à Malte, nous apprend que Vincent de Vogué, ne résidait pas dans sa commanderie et qu’il laissait l’administration à son procureur fiscal. L’une d’elle soulève une question de droit. Elle intéresse trop la commanderie pour que nous la passions sous silence : « J’ai demandé au procureur de M. Vogué, commandeur de Carlat, 1,024 livres, 18 solos, 11 deniers, que vous lui demandiez, pour prix des robes, poudres, esulane et pour les dîmes, archives, procès pendant l’année du vacant. Il m’a dit qu’il paiera cette somme à la Saint-Jean prochain, ayant payé tout ce qu’il avait en main jusqu’à ce temps-là. J’aurai l’honneur de vous adresser, monseigneur, qu’on n’est point en habitude, dans ce prieuré, de rembourser les décimes du commandeur pendant le vacant mais seulement les capitations, archives et taxes des procès pour lesquels le chevalier de Vogué a payé 93 livres, 11 sols, 4 deniers, le 1 juin 1728, comme vous le verrez dans mon 6° compte 56 verso à l’article : vacant de M. le Commandeur de la Tour-Maubourg. J’ai examiné les comptes des précédents receveurs et je n’ai trouvé nulle part qu’on rembourse les décimes pendant le mortuaire et le vacant. Ainsi, Monseigneur, si vous voulez, qu’à l’avenir j’exige ce remboursement sur le moderne commandeur, ayez la bonté de m’écrire à ce sujet une lettre, pour que je puisse faire voir vos ordres, auxquels je me conformerais, n’ayant plus rien à cœur que vos intérêts. »
« De ma foi entière de vous prouver mon dévouement à votre service et le respect profond avec lequel j’ai l’honneur d’être votre serviteur, Caissac (33).

Le procureur du chevalier de Vogué était Théophile Desfrançois, chapelain curé de Lyon, vicaire général, commandeur de la Tourette. Si pendant le vacant, le commandeur de Vogué ne toucha pas les revenus de sa commanderie, il en paya les charges, moins les décimes.

Le commandeur de Vogué fit de très nombreuses réparations dans sa commanderie. Il fil remettre à neuf le chœur de Carlat par les soins de Pierre Delmas, menuisier è Saint-Hippolyte (Aveyron) (1733), et réparer la maison de la Salvetat. Il se tint au courant de tout ce qui se passait dans la commanderie bien que ne résidant pas. Delort, d’Aurillac, Israël de Mossier, de Salers, l’informent de tout.

Ces Damoiseaux, bourgeois anoblis, occupaient une situation assez considérable dans leur petite ville. Israël leur fils était entré dans l’ordre de Malte en qualité de chapelain. Il devint plus tard commandeur de la Croix-du-Bost. Ce ne fut pas le seul hospitalier que la Haute-Auvergne occidentale fournit à l’Ordre de Malte. Nous pourrions citer encore sans compter Jean-Joseph de Caissac, commandeur des Bordes, grand maréchal, Charles de Robert de Lignerac, commandeur de La musse, Jacques de Fontanges, commandeur de Comtesserre, Jean-Joseph de Méallet de Fargues, grand maréchal, François du Béral de Massebeau, Jean de Douhet de Marlat, Joseph Jean de Scorailles, Jean-François de Galonne d’Avesne, tous officiers de l’armée royale (34).

Pendant le gouvernement du commandeur de Vogué fut réglé un ancien litige, qui remontait au grand prieur de Saint-Viance. Celui-ci avait fait abandon à son cousin germain le chevalier Philibert du Saillant d’une pension qu’il avait retenue sur Carlat. Le commandeur de La Tour-Maubourg protesta contre cet abus et le chapitre du grand prieuré lui donna raison. Sous le commandeur de Vogué, le chevalier du Saillant renouvela ses protestations et fit saisir la commanderie. Les visiteurs Jean de Félines de la Renaudie et Pierre Julhe, chapelain, prêtre de Lissac, enquêtèrent sur ce fait. Ni les terriers, ni les livres de comptes, ni la tradition orale ne permit de conclure comme le voulait du Saillant et le séquestre fut levé. Lors du décès de Vincent de Vogué, le chevalier du Saillant saisit Théophile Desfrançois, commissaire de la dépouille, d’une plainte. Ce dernier dût enquêter de nouveau et le receveur du grand prieuré mit tous ses comptes à sa disposition. Définitivement, on reconnût le mal fondé des plaintes de du Saillant.
Dans l’état de la commanderie de Carlat dressé en 1745, en regard de l’annexe d’Aurillac, nous trouvons ces mots ; « Volé par les Jésuites » Sous la plume d’un commandeur aussi grave que Philibert du Saillant, receveur du grand prieuré d’Auvergne, ces mots seuls sont une accusation précise. Cette accusation est-elle justifiée ? Nous ne le croyons pas.

Béraud d’Aydié en 1468 avait abandonné les maisons de Murat et de Carlat à Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, moyennant une maison avec cour sise à Aurillac, rue Saint-Jacques, et un jardin près de la porte Saint Michel. En 1680, le jardin était la propriété de Verdier et la maison celle des Pères de la Compagnie de Jésus. Par quel mode ces derniers étaient-ils en possession des biens de l’ordre et comment ceux-ci, se trouvaient-ils désarmés dans leurs réclamations ? La fatalité dirait Eschine !

En 1548, Jeanne La Treilhe fit don de ses biens à la ville d’Aurillac pour élever un collège, l’acceptation définitive par la ville eut lieu en 1561. Les immeubles de la Treilhe étaient voisins de celui du commandeur de Carlat. Ce dernier, le 3 juin 1561, avait abandonné cet immeuble aux héritiers La Treilhe moyennant quelques rentes à Ytrac et à la Salvetat. L’acte ne fut pas signé. Le passage des Protestants dans Aurillac laissa la maison du commandeur en ruines (35). En 1616, elle ne s’était pas encore relevée. Entre temps les Pères Jésuites s’étaient installés Aurillac et comme les ruines de la commanderie leur étaient nécessaires pour l’agrandissement de leur maison, les consuls s’entendirent avec René de Maisonseule, procureur du grand prieur Gaspard de Maisonseule, son oncle, et avec Martin Chesinol, chapelain de l’Hôpital, procureur d’Antoine de Saint-Viance, commandeur de Carlat et achetèrent le 9 avril 1654, la maison moyennant 500 livres, déposées entre les mains de Vital Jurgaud. Les chevaliers du Tencin, des Escures et La Fayette n’ayant pas employés les 500 livres, Jurgaud mourut insolvable. Le chevalier Claude Hugon fit opposition, mais trop tard. Les Jésuites avaient l’immeuble et les Hospitaliers étaient volés, non par les Jésuites, mais par Jurgaud, leur ancien fermier.
Nous ignorons l’époque du décès du commandeur de Vogué (36).

Ferdinand, de Langon, le successeur de Vogué, était né à Saint-Julien en Dauphiné (diocèse de Vienne) d’une famille, qui avait donné à l’ordre ses amiraux les plus illustres : Joseph, qui fut lieutenant-général des armées navales de Malte, vainqueur des Turcs en 1709, et Adrien, qui commandait l’escadre maltaise il Corfou. Ferdinand de Langon eut une carrière moins glorieuse. Il était fils de François, seigneur de Montrigaud et de Saint-Julien, et de dame Thérèse du Bossin. Il fut admis le 26 juillet 1700, dans l’ordre et son frère Jean-Baptiste, le 8 avril 1705.
Le grand maitre, en récompense des grands services rendus par ses oncles, lui donna la commanderie de la Rochelle, puis celle de Carlat et, en 1751, le nomma receveur du grand prieuré d’Auvergne. Sa résidence fut l’hôtel Saint-Georges à Lyon. L’inventaire des meubles de ce palais en révèle la richesse : lit duchesse en bois précieux et de grand prix couvert de draperies de soie blanche aux fleurs vertes et or ; sur la cheminée une pendule de Lenoir ; aux murs, des tapisseries représentant la Madeleine de Servonel, l’Hécube de Blangely, l’incendie de Troie de Brugle, etc., des gravures d’Aubert et de Cochin, d’Audran et de Tardieu, des reproductions de Carrache, du Guide, de Berquin, de Vauvremont, de Lancret et de Boucher (37). Monalte, de Lyon, et Vachez, de Tulles, s’occupèrent de l’administration de ses commanderies. Le plus grave procès qu’il eut, fut avec le duc d’Orléans à cause de Brousse et Monteil (1753). L’affaire fut arrangée par les bons soins de Cabueil, agent de l’ordre.
En quittant la recette générale, il se retira à Bordeaux, où il résida. Ce fut là qu’il vit la fin de ses jours, le 18 août 1758 (38).

Jean Philips de Saint-Viance qui lui succéda, était fils de Charles Philips, seigneur de Saint-Viance, et de Catherine du Chiliaux des Fieux, né le 10 avril 1780. Il fut baptisé le lendemain par Faugères, curé de Saint-Cernin, et admis dans dans l’ordre le 28 janvier 1716 (39). Son frère Jean-Baptiste fut également chevalier de l’ordre de Malte. Pourvu de la commanderie de Carlat en 1758, il fit des améliorissements. Le 5 avril 1767, il affermait à Brive la commanderie à Jean-François Ternat, bourgeois de Mauriac, Jacques-Joseph Soustre et Jean-Baptiste Mandet pour neuf ans, moyennant le prix de 7.150 livres. Le bail ne devait commencer que le 1e mai 1769. N’ayant pu produire les terriers de Carlat, Couderc, Mascheix, l’Hôpital et la Barbarie au chapitre du grand prieuré tenu le 2 juin 1778, sa commanderie fut mise sous séquestre, et un commissaire de l’ordre nommé pour toucher les revenus, faire les terriers et payer les frais aux dépens du commandeur. Temps heureux pour les huissiers qui semaient leurs pas et leurs papiers timbrés ! plus heureux pour les notaires qui mirent trois ans à confectionner ces gros registres ! (1637) (40). Nous avons une lettre de provision à la cure de la Salvetat donnée par le commandeur à Pierre Vallet, d’Ytrac, vicaire à Marcolès, 26 octobre 1760 (41). Le commandeur de Saint-Viance mourut à Eybène (Corrèze), le 16 juillet 1774 (42).

Il eut pour successeur Joseph-Pie-Gabriel de Menon de Ville, né le 28 septembre 1727 à Saint-Savin d’Amplezieu, diocèse de Vienne, de Joseph Nicolas de Menon, chevalier de Ville, et de Madeleine de Passion de Saint-Jay et baptisé le même jour. Il fit ses preuves le 12 novembre 1745, fut admis le 27 janvier suivant, mais ne fit aucune profession religieuse et au lieu de faire les caravanes à Malte, s’engagea dans l’armée de Charles de Rohan-Soubise, où il parvint au grade de brigadier. Rappelé à Malte par la Langue, il eut pour défenseurs et protecteurs Joseph-Pie de Passion-Saint-Jay, son oncle, et les Rohan, puissants à Versailles et à Malte. Aussi contrairement à tout droit, par grâce magistrale, il fut nommé commandeur de Carlat, le 14 février 1775, avec jouissance du mortuaire et du vacant. Ainsi rien ne vaut comme la protection d’un dieu ; il y avait toutefois une condition, c’est qu’il ferait ses vœux, ce qui eut lieu le 12 novembre suivant (43).

Le 30 avril 1775, il fit dresser l’état des charges et revenus de la commanderie de Carlat, par Claude Marie de Sainte-Colombe de Laubespin, commandeur de Morterolle, procureur et receveur du grand prieuré d’Auvergne. Les membres en Limousin avait pour fermier Baptiste Soustre. D’après le bail passé chez Coste à Brive, il devait annuellement 2.0801ivres. Les charges étaient de 700 livres ainsi réparties : 350 livres au curé de Couderc et 350 livres au curé de Mascheix. Les membres d’Auvergne étaient affermés à Ternat Jean, notaire, 7.150 livres, à charge de payer au curé de Carlat et son vicaire 500 livres. (44)
Les charges dues à l’ordre s’élevaient pour les responsions à 2.094 livres 3 sols.
Les charges royales à 770 livres 2 sols 3 deniers.
La bourse commune à 35 livres, 13 sols.
L’augmentation du vingtième à 41 livres, 12 sols.
Soit un total de charges de 2.941 livres, 10 sols, 2 deniers.
Le 20 septembre 1775. Josset écrivit de la Roche-Canillac à Claude de Laubespin que le commandeur pouvait augmanter le prix de ses fermes et les porter de 9.230 livres à 11.000 ou 12.000 livres (45).

De son côté Baptiste Soustre l’instruisait les 18 janvier, 12 juin et 30 octobre 1776, des réparations demandées par les curés de Couderc et de Mascheix et approuvées par l’évêque de Limoges. Il prit en considération ces demandes et ordonna de réparer l’autel, le tabernacle, le retable, d’acheter des boîtes pour les saintes-huiles. Soustre a l’œil à tout et lui est d’une très grande utilité pour les divers procès pendants aux bailliages d’Aurillac et de Salers. Il lui dénonce les fréquentes absences du curé de Couderc, lui indique à qui il doit donner une commission de juge pour Mascheix. Le juge devient ainsi le protégé du fermier. Comment le tenancier qui aura des difficultés avec ce fermier obtiendra-t-il justice ? Soustre est lui-même juge de la Roche-Canillac (Corrèze). Dans d’autres lettres de janvier et d’octobre 1777, Soustre lui rend compte des difficultés avec Hérault et avec Bertrand Bastide et lui demande de commander un tableau à Lyon pour l’église de Mascheix. (46) *
Il y eut une coupe d’arbres à l’Hôpital de Champfranchesse, la Barbary et Ortigiers en 1775. Les arbres furent martelés par Alexis Gros de Sainte-Foi, juge de l’Hôpital, assisté du garde Garcelon (47).
Joseph de Menon de Ville fut un très habile administrateur. Pourvu de la commanderie de Lavaufranche, puis de Bellecombe, il quitta Carlat en 1784 et fut nommé procureur de La Langue en remplacement d’Abel de Lours, nommé commandeur de Montchamp. Il résida à Saint-Savin en Dauphiné.

Charles-Joseph de Félines de La Renaudie, qui le remplaça en 1784, naquit au château de La Renaudie, le 27 septembre 1724 et fut baptisé le 2 octobre en l’église de Saint Julien d’Ussac, en Bas Limousin. Son père, Paul de Felines, était seigneur de La Renaudie, d’Estanel et coseigneur d’Ussac. En 1734, c’est-à-dire à l’âge de 10 ans, son oncle, Jean de Felines, commandeur de Pauliac et d’Olloix, le présenta aux commissaires de l’ordre et le fit admettre en qualité de page du grand maître Manoel de Vilhena. (48)

Le jeune page fut confié à un précepteur qui l’éleva dans la connaissance de la religion, des sciences et de l’art militaire. Madame de St-Julien de la Renaudie était très fière de son fils, elle en parlait à tous et ses rêves n’avaient point de bornes. Aussi quel ne fut point son étonnement et sa stupéfaction lorsque le précepteur lui écrivit que son fils faisait de grands progrès en catéchisme. Son fils apprenait le catéchisme tout comme les enfants des paysans limousins, la pauvre mère n’en revenait pas. « Voilà bien de quoy satisfere un père et une mère, il me semble que l’istoire de Franche et ottre bonne coze apprendre conviendras a un gentilhomme avec le catésime. Ce monsieur nous dit qu’il faut lui ouvrir l’esprit an luy faisant apprendre le catésime ; voiès, monsieur, si nous orrions anvoy à Lion mon fis pour pareille coze ; dans la moindre maison, on apprant autant à leurs enfants » (6 septembre 1731).
Le jeune de Felines apprit donc le catéchisme et autre chose encore, il fit honneur à son titre de chevalier De 1769 à 1774, il visite les commanderies de Bellechassagne, Chamberaud, Courtesserre, Agen, Marche et Mayet, Villefranche, Maisonnisse et Lormetaux. *
Dans la visite de Bellechassagne il trouva quelques paysans qui calomniaient leur curé. Il nous traite, disaient-ils, « en pleine église de fripons et de coquins, il en a même souffleté en pleines cérémonies, sur la place publique, il les bat et les injurie et se contente de faire le catéchisme trois ou quatre fois aux enfants. » Evidemment, le visiteur de la Renaudie qui avait en très haute estime le catéchisme, ne put tolérer cet abus et enjoignit au prêtre de faire son devoir ou de quitter sa cure.
Dans le même procès-verbal, il fait l’historique des dîmes de Thalamy, appelées de Montarsion, appartenant jadis aux curés de Saint-Etienne-aux-Chaux. Dans une maladie contagieuse, le curé, ayant refusé de donner les sacrements aux malades, ceux-ci appelèrent le curé de Thalamy, qui vint. Pour le récompenser les habitants lui payèrent désormais les dîmes (49). Le mémoire du commandeur de la Renaudie est fort bien fait et madame de Saint-Julien la Renaudie avait bien tort de se désoler, on apprend à tout Age l’histoire. A cette époque le chevalier de la Renaudie habitait Brive avec sa famille et était lié d’amitié avec François Aymé d’Ussel de Chateauvert.

Les fermiers furent à Carlat, le nommé Larribe, à Mascheix, les sieurs Lapeyre et Cranfon, au Couderc et à Corrèze les sieurs Terrioux et Brunie. Soustre, de la Roche-Canillac, lui continua ses bons offices et le commandeur ses gages. Faute d’avoir renouvelé le terrier de Carlat, le receveur de Bosredon-Ligny fit mettre sa commanderie sous séquestre.
Charles-Joseph de Félines de La Renaudie mourut le 19 mai 1787 (50).
François du Peyroux fut le dernier commandeur de Carlat. Né le 13 septembre 1745 et baptisé à Saint-Symphorien, près de Châteauneuf, au diocèse de Bourges, il eut pour père Pierre du Peyroux et pour mère Marguerite Sylvie du Peyroux. Il fit ses preuves le 18 janvier 1750 (51). Admis dans l’ordre, il fit ses caravanes. Il succéda au commandeur de la Renaudie en 1789.
Les fermiers de la commanderie étaient Lacaze, Larribe et Dacher. Ils donnaient 13.400 livres de fermes. Les charges de la commanderie étaient de 2.941 livres 10 sols, 2 deniers, non compris les portions congrues aux curés de Carlat, de Mascheix et du Couderc. (52)
Sources : BOUFFET (ABBE Hippolyte). - Deuxième partie, chapitre V. - Les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean en Haute-Auvergne, Page(s) 66 à 87. BNF

Suite chapitre 6

NOTES
1. V. Revue de la Haute-Auvergne, tome XVI (1914). Fascicule 2 et 3.
2. G. Singe et Comte de Dienne. Opuscule cité, tome II, page 338.
3. Archives du Rhône. H 255. — I.es Villars étaient originaires de la Morte-Requin en Bourbonnais, seigneur de Blancfossé, Salvert, etc. Armes : d’hermine au chef de gueules chargé d’un lion issant d’argent.
4. Archives du Rhône. Il 262. Originaire du Dauphiné. Armes : de gueules à la tour donjonnée d’argent, maçonnée de sable et posée sur une terrasse de sinople.
5. Archives du Rhône. H 187.
6. Archives du Rhône. Il 276.
7 Archives du Rhône. H 274. Les Philips de Saint-Viance portaient : d’azur au cor de chasse d’argent accompagné de 3 étoiles de même.
8. Archives du Rhône, H 278. Armes : losangées de gueules et d’hermine.
9. Archives du Rhône. H. 277.
10. Armes : de gueules à la bande d’or à la bordure de vair.
11. Archives du Rhône. H 5. Inventaire cité.
12. Archives du Rhône. H 281.
13. Archives du Rhône. H 281.
14. Archives du Rhône, H 127.
15. Archives du Rhône. H 281.
16. Archives du Rhône. H 203 François d’Anterochos était fils de Louis et d’Isabeau de la Tour Gouvernat.
17. Nicolas de Seguy était fils d’Antoine, seigneur du Palut, paroisse de Roannes-Saint-Mary et d’Eléonore d’Espeils, dame de Taussac. II avait épousé la même année (3 avril) Gasparde de Cassas.
18. Archives. Nationale, H 289.
19. Archives du Rhône H 309. Armes : d’or au laurier arraché de sinople, au chef de gueule chargé d’une étoile d’or entre deux besants de même.
20. Armes : de sinople à la croix ancrée d’argent chargée en cœur d’une molette d’éperon de sable.
21. Archives du Rhône. H 309.
22. Archives du Rhône. H 151. Procès-verbal de visite de Jean de Rochedragon,1684.
23. Archives du Rhône. H 311. Armes : d’azur à 2 lions d’or armés et lampasses de gueules.
24. Archives du Rhône. H 83 et 89. — I.es preuves de noblesse révèlent dans son ascendance au 2e degré Gilbert et Isabeau de Beaufort de Lavergne, au 3e Jacques et Isabeau de Chauvigny du Blot, et au 4e Gilbert et Jeanne de Fay contrat le 31 janvier 1519
25. Archives du Rhône. H 323-321.
26. Archives du Rhône, H 324-328 et 329.
27. Archives du Rhône. H 381. Jacques de Bonneville commandeur de Saint-Mauris avant édile un ouvrage chez Claude Thibaut, lui en fit hommage en ces termes : « Le chevalier de Bonneville est très obéissant serviteur de monsieur le commandeur du Closeau et le supplie très-humblement de vouloir recevoir ce livre de sa part. »
28. Archives du Rhône. H 83. Armes : d’azur à la face d’argent accompagnée de quatre étoiles d’or, une en chef et trois en pointe.
29. Archives du Rhône. H 129.
30. Archives du Rhône. H 403. Armes : écartelées nu 1e et 4e quartier de gueules à la bande d’or chargée d’une hermine d’azur, au 2e et 3e d’or au lion d’azur.
31. Armes : d’argent au chevron d’azur accompagné de deux étoiles de même et en pointe un lion d’azur armé et lampassé de gueules. Archives du Rhône H 119, 198, 193 a 199.
32. Archives du Rhône H 92. Nous devons à M. le marquis Melchior de Vogué, de l’Académie française, une généalogie de la maison de Gourdan. Nous profitons de cette occasion pour le remercier bien respectueusement des encouragements qu’il nous a donnés.
33. Archives du Rhône. H 454.
34. Nous avons une curieuse lettre de ce dernier datée de Trévise, le 26 février 1734, annonçant la prise de Tortone et la panique de l’armée française, causée par des bruits alarmants de trahison et de défection : « On dit qu’il y a soixante mil Allemands en marche pour venir icy, on dit que les t Espagnols nous ont trahi... » Il parle de « l’entrevue du maréchal de Villars avec don Carlos, des Vénitiens qui n’attendent que la venue des Allemands pour se révolter, de la désertion des troupes. » Cette lettre peint bien l’état de l’armée en Piémont divisée par la mésintelligence des chefs, paralysée par des alliés méfiants, qui après la démission et la mort du maréchal de Villars, jouèrent pendant 18 mois à Colin-Maillard avec les Impériaux.
35. Archives du Rhône. H 138.
36. Armes : d’azur au coq chantant d’or barbé et crêté de gueules.
37. Archives du Rhône, H 526.
38. Archives du Rhône. H 238. Armes : de gueules à une tour d’argent maçonnée et portinée de sable.
39. Archives du Rhône. H 92. Charles Philips de Saint-Viance était fils de Jean et Isabeau de Lubernac et petit-fils de François et Catherine d’Aubusson. Catherine de Chilieux était fille de Jean et de Jeanne Claude du Saillan et petite-fille de Jean et Gabrielle Dupuy.
40. Areh. du Rhône. H 622
41. Archives du Rhône. H 116.
42. Archives du Rhône, H 632. Armes : d’azur au cor de chasse d’or, lié enguiché de même en chef, et burelée d’or et d’azur de 4 pièces en champ.
43. Archives du Rhône. H 97. Côté paternel : 1e degré : Joseph Nicolas de Menon et Madeleine de Fassion de Saint-Jay, 2e degré : Joseph et Claudine de la Poype, 3e degré : Jean et Anne de Mesnard, 4e degré : Jean et Louise de Bussenant ; côté maternel : 1e degré : Madeleine de Fassion-de-St-Jay et Joseph Nicolas de Menon, 2e degré : Jean Baptiste et Madeleine d’Agoult, 3e degré : Louis et Françoise Hilaire de Maugiron, 4e degré : Charles Antoine et Anne de Vachon. Les de la Poype étaient alliés avec les Pruniers et les Dizimieu, etc.
44. Archives du Rhône. H 631. Claude Marie de Sainte-Colombe de Laubespin en remettant la commanderie de Carlat spécifie que de Menon de Ville n’est pas profès.
45. Archives du Rhône. H 227.
46. Archives du Rhône. H 631.
47. Armes : d’or au chardon de Sinople à fleurs de gueules assistée de trois lunes de gueules.
48. Archives du Rhône, H 95. 1e degré. Paul de Felines de La Renaudie et Marie d’Aubery de Saint-Julien, 2e degré : Joseph de Felines de La Renaudie et Marie de Saint-Viance, 3e degré : François de Felines de la Renaudie et Jeanne de Turenne ; 4e degré : Benjamin de Felines et Réraude de Channe de Lanzac. Madame de la Renaudie était tille de Charles d’Aubery Saint-Julien et d’Isabeau de Bancher.
49. Archives du Rhône. H 174.
50. Armes : d’azur au soleil brillant d’or.
51. Archives du Rhône. H 191. — Côté paternel : 1e degré, Pierre et Marguerite Sylvie du Peyroux ; 2e degré, Gilbert et Jeanne d’Assy ; 3e degré, Tiburce et Anne de Brechant. Côté maternel : Marguerite Sylvie du Peyroux eut pour père et mère Gilbert et Catherine Sylvie de Rigny et pour grands parents Triburce et Madeleine d’Assy.
52. Archives du Rhône. H 680 à 687. Armes : de gueules à 3chevrons d’or brisés d’un pal de même.


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Sources : BOUFFET (ABBE Hippolyte). - Deuxième partie, chapitre V. - Les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean en Haute-Auvergne, Page(s) 66 à 87. BNF

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