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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Commanderie de Gap
L'étude que l'abbé Guillaume (1) vient de faire paraître éclaire d'un jour nouveau les origines de la commanderie de Gap. Elle a pour base un rouleau du XII siècle contenant l'analyse de donations faites à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem à cette époque et concernant Gap. C'est là le véritable intérêt du travail de notre honorable collègue ; la question de l'origine des chevaliers de Malte, loin de faire l'objet principal de cette étude comme on pourrait le penser d'après le titre même, n'y est l'occasion d'aucun élément nouveau qui serve à résoudre le problème, sauf peut-être un point spécial sur lequel nous nous proposons d'insister.

L'abbé Guillaume a étudié avec le plus grand soin les 63 (2) articles dont se compose le rouleau ; deux seulement sont datés; il a pu, grâce aux personnages cités dans ces articles, assigner à la plupart d'entre eux une date approximative. Cet examen l'a amené à conclure que quelques-uns des actes sont antérieurs à l'an 1100 (ces actes concernent l'hôpital Saint — Martin donné aux hospitaliers postérieurement à cette date), tandis que le plus grand nombre est du XIIe siècle.

Ce document nous fait connaître, en ce qui concerne spécialement l'ordre de Malte, plusieurs mentions du premier grand maître Gérard et le nom de divers frères et dignitaires de l'Hôpital au XIIe siècle. Il nous paraît plus difficile d'en tirer quelque chose relativement à l'origine de l'ordre, puisque tous les documents qui concernent non pas Saint-Martin de Gap, mais l'hôpital de Gap, sont postérieurs à la première croisade. Rien donc de semblable aux pièces publiées ici-même par M. Saige (3), qui donnent la certitude de l'existence de l'hôpital de Jérusalem avant les croisades. Mais ce qu'on peut légitimement tirer de ce rouleau, c'est que l'établissement de la commanderie de Gap fut très voisin de la première croisade ; c'est qu'il précéda celui de la maison de Saint-Gilles, qui eut comme organisateur le frère Etienne de Gap (vers 1113), le même sans doute que celui qui figure dans le rouleau (nº 13) (4). Si l'on remarque qu'on avait longtemps considéré Saint-Gilles comme la plus ancienne fondation des hospitaliers en France, il convient d'assigner à la commanderie de Gap la priorité sur celle de Saint-Gilles (5). Voici le texte du document dans lequel figure Etienne de Gap. Il n'est pas daté, mais il est contemporain de la fondation de la maison de Saint-Gilles.

Sacra (6) perdocenti scriptura cognovimus quod summa et excellentissima peccatorum medicina sub penitencia constitutis elemosina existat. Dicit enim propheta, immo Dominus per prophetam : « Sicut aqua extinguit ignem, ita elemosina extinguit peccatum. » Sed quia, licet universis pauperibus pro Christo subveniendum esse non dubitemus, juxta tamen apostoli dictum, maxime ad domesticos fldei necessaria ministrare debemus, idcirco ego Raimundus Berengarii, universe Barchinonensis regionis et monarchie Provincie comes, et uxor mea comitissa, ob remedium animarum nostrarum atque parentum nostrorum, specialiterque parentum uxoris mee, ex quorum nobis hereditate et successione que presenti adnotacione damus proveniunt, cum Consilio ac laude quorumdam nobilium Arelatensium, donamus atque in perpetuum habendum, absque ulla rétractatione sive calumpnia, concedimus Domino Deo ac pro ipso Iherosolomitano xenodoehio pauperibusque ibidem pro Domino sub paupertate degentibus, tam presentibus quam futuris, atque ptochio supradicti xenodochii quod apud Sanctum Egidium habetur, teloneum omnium suarum rerum quas fratres hospitalis domus Iherusalem ad Orgon, super fluvium Durenciam, duxerint. Illud vero teloneum damus et in perpetuum eis remittimus. Si quis autem de posteris nostris, heredibus, [bajulis quoque] vel quibuslibet aliis personis sua temeraria audacia in posterum dirumpere hoc donum, aut aliquo modo inquietare presumpserint, [heredes] quidem ex parte Dei et nostra exheredandos decernimus, bajulos et alias personas ab omni honore nostri comitatus deponimus, et insuper, cum Juda traditore et Dathan et Abiron, in inferno, participentur. Quicumque autem iliesum, ut nos damus, servaverint, benedicantur et his honoribus, quos jure in comitatu nostro possident, nostra concessione in perpetuum legitime utantur.
Signum Raimundi Berengarii et uxoris ejus, P|A
qui hoc donum fecerunt, manu sua firmant.   T|ER.
Signum Raimundi de Balz. — Signum Roberti, bajuli, cum aliis sociis suis. — Stephanus de Gap, frater hospitalis, accepit hoc donum de manu Comitis. — Datum Berre.
Les conclusions auxquelles arrive M. l'abbé Guillaume dans la détermination de l'âge des chartes reproduites dans le rôle qu'il étudie nous ont paru déduites avec beaucoup de sagacité; les noms de lieu ont été soigneusement identifiés, les faits et les personnages saillants bien mis en lumière. Nous nous permettrons cependant de présenter quelques observations sur l'interprétation de divers points de ce document.

Il est curieux de noter que l'acte nº 19 est transcrit au cartu-laire de Trinquetaille et y porte une variante. Au lieu de : dono sancto Jhoannis (sic) atque ospitalerio domui Iherosolimi-tano, on y lit : dono sancto Sepulcro atque huic ejus famulo. Cette variante atteste l'antiquité du document, car les chartes les plus anciennes portent des donations en l'honneur du saint sépulcre, tandis que dans les autres, plus récentes, elles sont faites en l'honneur de l'hôpital de Jérusalem. On conçoit facilement qu'avant les croisades les donateurs ne connussent Jérusalem que comme siège du tombeau du Christ et que toutes leurs libéralités fussent destinées à le délivrer des mains des mécréants. Il y a donc là un argument en faveur de l'ancienneté de l'acte.

M. l'abbé Guillaume induit de la présence dans l'acte nº 15 du comte de Provence et de sa mère que cet acte est antérieur à 1096, époque de la mort de Bertrand de la Basse-Provence. — Nous croyons que le titre de comte de Provence fut également pris par Guillaume III, comte de Forcalquier, dont l'existence se place entre 1110 et 1129. Dès lors, le raisonnement de M. l'abbé Guillaume devient douteux et mérite d'être confirmé.

Nous savons gré à M. l'abbé Guillaume d'avoir, dans son introduction, réuni les témoignages qu'il a pu trouver relativement à l'emplacement de la commanderie, à ses possessions, à sa disparition, mais surtout d'avoir dégagé le souvenir des hospitaliers de la confusion que celui des templiers avait souvent produite chez les historiens.

Il est regrettable que M. l'abbé Guillaume se soit borné aux ressources locales et que, dans l'introduction de son étude, il n'ait pas songé à utiliser ou même à indiquer le fonds de la commanderie de Gap conservé aux archives des Bouches-du-Rhône. Il eût ainsi doublé l'intérêt de son travail et bien des points restés dans l'ombre eussent pu être éclaircis. C'est ainsi que la liste des commandeurs, très sommaire, eût pu être doublée. Nous avons tenté de le faire, sans prétendre être complet, avec les ressources que nous ont fournies les notes que depuis longtemps déjà nous avons recueillies sur l'ordre de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem (7).

Notes Commanderie de Gap
1. Origine des chevaliers de Malte et Rôle des donations de la commanderie de Gap (XIe-XIIe siècles), par l'abbé page Guillaume, archiviste des Hautes-Alpes. — In-8º 1881, 34 page (Extrait du Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers.)
2. Et non 62, comme l'auteur le dit par erreur page 10. — Il est regrettable que l'éditeur n'ait rien dit des vicissitudes de ce rouleau, qui, temporairement envoyé aux archives des Hautes-Alpes, y a été par lui déchiffré et publié, mais qui aujourd'hui est rentré aux archives des Bouches-du-Rhône où il est conservé dans le fonds de la commanderie de Gap (grand prieuré de Saint-Gilles).
3. G. Saige : De l'ancienneté de l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem (Bibliothèque de l'Ecole des chartes, 1864, page 532-560).
5. Nous devons plusieurs des renseignements qui suivent aux obligeantes communications de notre confrère M. L. Blancard, archiviste du département des Bouches du-Rhône.
5. Nous ferons remarquer que, dès 1060, des biens furent donnés aux hospitaliers en Normandie, origine de la commanderie de Villedieu-les-Bailleul ; que la terre de « Diosovol », dépendant de la commanderie de Fonsorbes (Haute-Garonne), leur fut également concédée vers les premières années du XIIe siècle. Il est donc difficile de trancher absolument cette question de priorité. (V. notre étude sur Trois Chartes du XIIe siècle concernant l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem {Archives de l'Orient latin, tome I, 409-415), et Mannier, les Commanderies du grand prieuré de France, 1872, pages 448-449.) D. Vaissette, dans son Histoire du Languedoc, tome II, I. 16, 36, affirme que la maison de Saint-Gilles fut la première maison hospitalière fondée en Occident. C'est aller trop loin, puisque nous savons que l'hôpital de Clerkenwell, à Londres, date de 1100, que la même année le comte de Schwerin donnait aux hospitaliers plusieurs possessions, que la commanderie de Messine fut fondée en 1101, celle d'Altenmunster à la même époque, celle de Pise en 1112, pour ne parler que des donations à date certaine.
6. Archives des Bouches-du-Rhône, O. M., I. 50, originale — Copie dans l'authentique de Trinquetaille, fº 73 vº, XIIIe siècle.
7. Nous avons indiqué en italiques les additions faites par nous à la liste de M. l'abbé Guillaume. Quand nous avons donné deux dates, c'est que le même titulaire a occupé la commanderie pendant le temps compris entre ces deux dates, sans cependant que ces dates marquent les points extrêmes du gouvernement de ce titulaire.


Les Commandeurs
Feraudus, magister domus hospitalis de Gap (2), cité dans un acte du 15 avril 1211
Portalis (3) en octobre 1234
Foulque de Tallard (4) en 1263
Ozilius (5) en décembre 1277
Raimbaud de Bannes, minister et rector domus hospitalis (6) S. Martini, en 1287
Raimond Osasèche (Osasiccay (7), précepteur, en 1298-1300
Barras, précepteur de Saint-Martin (8) en 1303-1306
Hugues de Bannes, rector domus S. Martini (9), 1307-1318
Bernard de la Baume, précepteur de Gap (10) en 1311
Raimond de Sabina (11) 1313
Bérald de Baux (12) 13 juillet 1312-1314
Bérald de Baux, précepteur de Tallard, intérimaire (13) en 1318
François de Vitrolles, précepteur de Saint-Martin de Gap (14) en 1319
Lantelme de Montorsier, commandeur de Gap et Embrun (15) 6 juillet 1333-1336
Geoffroi de Cuébris, commandeur de Gap et Embrun (16) 1348-1366
Raymond de Jehan, commandeur de Gap et Embrun (17) 1367-1387
Manuel de Vintemille, nommé (18) le 13 janvier 1389 (n. s.)
Maximin de Venterol, commandeur de Gap et Embrun (19) 1390-1392
Jean Flote était précepteur de Gap, etc. (20), le 19 septembre 1394
Jean de Meyrones (21) 1395-1428
Jean de Canal 21 juillet 1431
Reynier-André de Varuciis, de Florence (22) 1432
Jean Flotte 6 mars 1450
Hardouin de la Plane (23). 1453-1478
Ponce d'Auriac 3 janvier 1482
Guillaume Archimiaud (Arcumjaudi) 16 février 1489
Jean Jouvin (24) 1496-1504
Antoine de Barras (25) 1528-1534
Jacques de Venterol 1534
Pierre de Pontevès (26) 1538-1540
Gaspard de Malet (27) 1546-1554
Gaspard Dumas. Ne semble pouvoir être maintenu à la date de 1552 qui lui était assignée.
Michel Bot 1554-1555
Marc de Simiane 1559-1561
Antoine de Justas (28) 1564
Jean Roux (29) de Beauvesez, « co-seigneur de Montclar et de Saint-Jean de Pinaudeyer » 1566-1572
Melchior de Gastellame-Claret (30) 1594-1610
Roland d'Agout d'Angles (31) 1632-13 mars 1634
Jean-Baptiste de Villeneuve, « sieur Tourenc  » juin 1643
Louis de Fourbin de Gardane 1664-1678
Annibal de Beaulieu (32) 1703
Charles de Clemens Castellet (33) 1723
Laurent du Poët (34) 1746
François de Niepces (35) 1755
De Seyves (36) 1767-1772
Jh. Gabriel d'Olivari (37) 1776-1781
Louis d'Yze de Rozans (38) 1783-12mars 1788

Notes Commandeurs
2. Archives des Bouches-du-Rhône. Gap, chef, 2.
3. Supplément Villaudemar, 1.
4. Gap, Supplément nº 2
5. Supplément Briançon, 1.
6. CC. nº 3 (nouv. I. div.).
7. Gap, Supplément nº 4. — Gap, chef, nº 4.
8. Supplément anc. 9, nouv. div. 7.
9. Gap, 386. — Supplément 14 anc.
10. Supplément 11 anc.
11. Gap, 386.
12. Gap, 386. — Il paraît impossible de placer au 15 novembre 1312 Raymond de Barras, comme le fait M. l'abbé Guillaume.
13. Supplément nº 14 anc. Il règle des différends survenus entre l'ordre et l'évêque de Gap.
14. Ancien nº 15 du Supplément
15. Supplément Sigoyer, 3 et 5. — Supplément dir. de Montclar, 5.
16. Gap, 387 et 388.
17. Gap, 388.
18. Archives de Malte, Lib. Bull. Mag., IX, 30.
19. Supplément Sigoyer, nº 17.
20. Archives de Malte, Lib. Bull. Mag., XIII, 40.
21. Supplément directes de Montclar, 6. — En 1425, il est précepteur de Gap, Embrun, Avignon et Beaulieu (Gap, 388).
22. Gap, 44.
23. Gap, Supplément 46. — Supplément La Roche des Arnaudes, 9.
23. La Roche des Arnaudes, 10. — Supplément Savines, 5.
25. Supplément Bastie, Montvaléon, 3. — Supplément Gap, 1 bis.
26. Inventaire Montclar, 1.
27. Gap, 384. — Gap, chef, I.
28. Gap, 384.
29. Gap, 384.
30. Et non Melquion. — Gap, inv. Moydans, 1.
31. Seyne, Supplément 9.
32. Gap, 385.
33. Gap, 385.
34. Inventaire Gap, directes de Claret, 1.
35. Gap, 385.
36. Liste de MM. les chevaliers, etc., des trois vénérables langues de Provence, Auvergne et France, Malte, 1772, page 35.
37. Gap, 385.
38. Liste de MM. les chevaliers, etc., des trois vénérables langues de Provence, Auvergne et France, Malte, 1783, page 52.

Sources: Joseph Delaville Le Roulx. La commanderie de Gap. In: Bibliothèque de l'Ecole des chartes. 1882, tome 43. pages 219-225. Persée

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