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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Diocèse de Besançon en 1373

Les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le diocèse de Besançon en 1373

Introduction

Le 25 août 1343, à Villeneuve d'Avignon, le pape Clément VI ratifiait la réponse favorable à une supplique racontant tout au long les mésaventures survenues à un certain Gérard de Châtillon, ex-chevalier de l'ordre du Temple, originaire du diocèse de Besançon et appartenant à la meilleure aristocratie de cette région, pour reprendre les termes mômes du requérant. Bien qu'antérieure d'une génération à l'époque qui doit nous intéresser ici, l'anecdote que la supplique elle-même, — enregistrée, comme à l'accoutumée, avec la réponse (1) —, nous révèle est si singulière, qu'il vaut la peine, croyons-nous, de la rapporter tout d'abord. On voudra bien n'y voir qu'une introduction à l'étude annoncée dans le titre.

A la simple analyse de la supplique cette anecdote, ces mésaventures, se peuvent représenter en deux tableaux. Le premier tableau, dramatique, se passe outre-mer, dans l'Orient des croisades: on y voit Gérard de Châtillon fait prisonnier par le «  Soudan de Babilone  », c'est-à-dire le sultan d'Egypte (on sait que Babylone, dans les textes relatifs à l'Orient latin, désigne un lieu proche du Caire). Gérard prend soin d'insister sur les épreuves qu'il soutint durant sa captivité: faim, souffrances et labeur, essentiellement le transport sur son dos de pierres destinées aux murailles du sultan. Après trente-sept ans la détention prit fin, et Gérard recouvre la liberté auctore Domino: cette formule sous-entend-t-elle la fuite ou bien une mesure de clémence ?

Le deuxième tableau, procédurier, se situe en Occident, et surtout en France. Sur l'intercession des dignitaires civils et ecclésiastiques des établissements latins (ou de ce qui en restait), Gérard de Châtillon obtint du pape d'alors, Benoît XII, par manière de compensation à ses épreuves, une rente annuelle de 300 livres sur le Prieuré d'Auvergne (des Hospitaliers de Saint-Jean, héritiers des Templiers depuis le début du siècle). Mais le prieur ne voulut pas s'exécuter. L'impétrant se retourna alors vers le roi de France et, après l'intervention de celui-ci auprès du prieur, se vit assigner une pension annuelle de 60 livres estevenantes, à percevoir dans le diocèse de Besançon (rappelons ici que le cadre institutionnel supérieur auquel appartenaient les Hospitaliers du comté de Bourgogne était le Prieuré d'Auvergne, ultime démembrement, entre 1229 et 1215, du Prieuré originel de Saint-Gilles) (2). On se trouvait loin du compte: nouvelle intervention auprès du Saint-Siège, maintenant occupé par Clément VI. Gérard précise alors très nettement sa requête (c'est l'objet même de la supplique évoquée), réclamant une rente annuelle et viagère de 300 livres estevenantes sur les revenus des maisons des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le diocèse de Besançon. Comme garant et témoin éventuel des faits rapportés est cité le cardinal de Nicosie. Pour finir, soulignant qu'il a vécu quarante-trois ans outre-mer, Gérard s'offre à informer le Souverain Pontife sur ce qui s'y est passé depuis quarante ans.

Le résultat de ces démarches auprès de Clément VI ne fut pas un succès complet, puisque la ratification de la supplique ne lui octroie qu'une pension de 10 sous par jour, soit 182 livres 10 sous par an (183 livres les années bissextiles): ce qui représente 60% seulement des 300 livres prétendues mais triple, il est vrai, les 60 livres consenties à la suite du recours au roi.

La narration de Gérard de Châtillon, que nous venons simplement d'analyser, demande certes à être précisée sur certains points par d'autres sources, et d'abord en ce qui concerne les personnes mentionnées. Il est inutile de s'étendre sur les deux papes et sur le roi de France nommés; il est secondaire d'identifier le prieur d'Auvergne récalcitrant (3) et même le cardinal de Nicosie (4), avec qui Gérard semble lié; il serait en revanche intéressant de mieux connaître le personnage principal de cette histoire, Gérard de Châtillon lui-même. Malheureusement les études généalogiques, traditionnellement développées pourtant dans le domaine de l'historiographie locale, ne nous ont pas permis de situer ce personnage dans l'une ou l'autre des quatre familles de Châtillon connues en Comté, Châtillon-le-Duc, Châtillon-Guyotte, Châtillon-sur-Lison ou encore Châtillon-sur-Saône. Un seul Gérard apparaît dans les listes dressées à ce jour à Châtillon-sur-Saône, mais c'est à la fin du XIIe siècle (5).

L'identification, de moindre intérêt, du soldanus Babilonie responsable de la captivité de Gérard de Châtillon en Egypte nous amène aux précisions dans le domaine des faits. Tout d'abord, à quelle occasion ce chevalier de l'ordre du Temple fut-il fait prisonnier, au cours de quel engagement contre les « infidèles » ? Questions qui nous obligent à tenter de fixer la chronologie des événements évoqués par la supplique. Le point de repère doit être le pontificat de Benoît XII, puisque c'est à celui-ci que Gérard s'adressa une fois libéré, soit entre 1334 et 1342. Sa captivité, ayant duré trente-sept ans, remontait donc à 1297-1305. En déduira-t-on que notre héros était arrivé outre-mer vers 1291-1299, six ans auparavant, puisqu'il mentionne un séjour de quarante-trois ans dans ces contrées ? Rien n'est moins sûr, car on ignore le délai qui s'est écoulé entre la libération et le retour en France. Quoiqu'il en soit, on est assuré de sa présence en Orient aux lendemains de la chute de Saint-Jean d'Acre, et sa captivité résulte à coup sûr des opérations militaires consécutives au repli des établissements latins sur les îles face à l'avancée des musulmans.

Allant plus loin dans la précision on penserait volontiers que Gérard fut pris lors de la conquête, sur les Templiers qui l'occupaient, de l'îlot de Ruad (6), en face de Tortose, par la flotte du sultan mamelouk d'Egypte El-Malec en-Nacer, en août-septembre 1302 (mois de moharrem 702 de l'hégire). Cet événement, qui avait frappé, est bien connu car il est successivement enregistré avec quelques détails par Marino Sanudo, Abou LFeda, les Gestes des Chiprois et François Amadi. Tous ces auteurs nous apprennent en particulier la capture, à cette occasion, des frères du Temple (120, précisent M. Sanudo et Fr. Amadi) avec leur maréchal, frère Barthélémy, et leur détention en «  Babiloine  », où ils avaient été acheminés par terre (7).

Si, délaissant le domaine oriental, nous revenons maintenant au théâtre occidental des démêlés procéduriers du rescapé, dans notre tentative d'éclaircissement des faits contenus dans sa supplique, nous en arrivons enfin à l'objet même de celle-ci, la pension assise sur « les revenus des maisons que l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem tient dans le diocèse de Besançon. » Alors se pose la question dont la réponse constituera le fond même de la présente étude: quels sont ces revenus qui pouvaient soutenir chaque année, entre autres charges, une rente de 300 livres estevenantes, quelle est, en ce XIVe siècle avancé, la situation des maisons de l'ordre de Saint-Jean implantées dans le territoire comtois ? C'est quitter la narration purement « événementielle » d'une anecdote curieuse pour envisager l'analyse plus générale d'un phénomène aux implications économiques et sociales évidentes, et c'est le mérite de cette anecdote que de nous y avoir conduit.

* * *

A la question que nous venons de formuler nous pouvons répondre, pour une fois, de façon satisfaisante: nous disposons en effet de l'enquête menée en 1373 sur ordre de Grégoire XI, à travers la Chrétienté, sur les biens des Hospitaliers de Saint-Jean, et cela au niveau de chaque diocèse. L'enquête générale se ramène ainsi à la collection des enquêtes particulières effectuées par chaque évêque et, précisément en ce qui concerne le diocèse de Besançon, la chance a voulu que cette enquête ait été non seulement menée puis transmise à Avignon avec diligence par l'archevêque, mais surtout parfaitement conservée jusqu'à nos jours aux Archives vaticanes. La réponse qu'elle nous fournira portera il est vrai, sur un état de fait un peu postérieur à la date initiale, mais, le décalage se réduisant à une génération, les choses n'ont pas pu changer fondamentalement entre temps; surtout, il s'agissait pour nous d'utiliser un document tout à fait exceptionnel et, pour la région considérée du moins, à peu près ignoré.

Mais, avant même que de présenter dans le détail cette enquête bisontine et comtoise, d'en rassembler méthodiquement les renseignements, — qu'elle se borne à nous livrer dans l'ordre du déroulement même des opérations d'inspection —, et d'en tirer enseignements et conclusions, il conviendrait d'évoquer les circonstances qui ont présidé à son déclanchement par la Papauté et de dégager l'intérêt multiple qu'elle offre à l'historien actuel. Il suffira en réalité, pour ce faire, de renvoyer à l'étude que Jean Glénisson a récemment menée tant sur les origines, l'organisation et les résultats de cette enquête que sur les perspectives qu'elle ouvre pour une meilleure approche des crises du XIVe siècle (8). Nous nous bornerons donc ici à en rappeler les traits principaux.

Il n'est pas douteux que la décision de Grégoire XI d'enquêter sur les biens des Hospitaliers doit être replacée dans le contexte de la crise que ceux-ci subissaient dans les années 1370 sous le gouvernement du Grand Maître Raymond Bérenger. Cette crise, rendue manifeste par les statuts adoptés dans le chapitre de l'Ordre de 1370, a été décrite en son temps par J. Delaville-Le Roulx, ce qui nous évitera d'y trop insister (9). Elle se caractérise à la fois par un relâchement de la discipline et par une augmentation des dettes de l'Ordre, c'est-à-dire une situation économique déficitaire des commanderies. Les causes en étaient certes particulières à l'Ordre lui-même, et l'impact du lourd héritage des Templiers en constitue un facteur dominant (on aimerait savoir comment la dévolution se passa en Comté, entre 1807 et 1312). Mais ces causes étaient surtout générales: tout l'Occident traverse alors une phase très critique de son histoire, sous les coups répétés des épidémies, de la crise des subsistances et de l'état de guerre plus ou moins larvée, donc d'insécurité. Il en faut moins pour entraver la perception des revenus, sinon même l'exploitation des terres.

A cette crise de l'Hôpital, la Papauté s'efforça de porter remède par deux moyens. L'un, à court terme, qui ne nous intéresse pas ici, fut la réunion d'une assemblée extraordinaire de l'Ordre à Avignon, le 1er septembre 1373; l'autre, qui dénotait des vues réformatrices à long terme fut le déclanchement, le 10 février 1373, de la très ambitieuse et très moderne enquête qui nous occupe.

Ambitieuse elle Pétait en effet, puisque le but était d'en centraliser à la Cour pontificale les informations pour dresser un inventaire exhaustif de tout ce qui relevait de la moindre possession de l'Ordre dans la Chrétienté. Une fois connue avec certitude, par ce moyen, la situation économique des exploitations de l'Hôpital, il pourrait être avisé sur la procédure à suivre pour la réformer. Cette procédure semble d'ailleurs imaginée avant coup: il s'agissait, dans l'idée de la Papauté, de substituer à l'exploitation directe des biens par les Hospitaliers, une exploitation indirecte par un système de bail à ferme.

C'est ce qui apparaît en effet dans la « lettre circulaire » que Grégoire XI adressa à la date du 10 février 1373 à chaque évêque pour lui enjoindre de procéder ou faire procéder à ladite enquête dans son diocèse. Ici se révèle le caractère résolument moderne de l'opération, car la bulle développe un véritable questionnaire, que les enquêteurs n'avaient qu'à suivre à la lettre pour remplir convenablement leur mission. Ce questionnaire, comme c'est le cas pour Besançon, doit se retrouver en tête de chacune des enquêtes conservées car la bulle était insérée, en guise d'exposé, (huis la réponse de l'évêque au pape (10). Il portait d'abord sur le nom de chaque établissement hospitalier du diocèse et, pour chaque établissement, visait: le nom, surnom et âge du responsable, des prêtres (et clercs) et des chevaliers de l'Ordre y établis; les revenus annuels; les charges supportées; enfin le prix net, en florins ou en francs, du fermage annuel éventuellement exigible.

Si l'on considère que les enquêtes sont conservées pour près de 90 diocèses, parmi lesquels France et Italie sont largement majoritaires (11), on mesura l'immense intérêt qui s'attache à tous ces textes, pour peu que le programme d'investigations proposé par la Papauté ait été soigneusement suivi. A l'échelle de l'Europe occidentale et méditerranéenne n'avons-nous pas là, en effet, une coupe à travers un secteur appréciable de l'économie et de la société rurale du troisième quart du XIVe siècle, c'est-à-dire à un moment historique crucial. Bien plus, cette coupe est très homogène, car les enquêtes sont échelonnées sur une durée qui ne dépasse pas un an — la bulle n'octroyait d'ailleurs qu'un délai d'un mois — et, toutes, partent d'un formulaire identique: on est bien peu éloigné des manières actuelles de procéder en matière statistique. Enfin, on doit accorder une grande confiance aux renseignements récoltés, car les témoignages qui les fondent ne sont pas unilatéraux mais corroborés par d'autres déclarations que celles des seuls Hospitaliers (12).

Mais cet intérêt général indéniable, mis en lumière par J. Glénisson, se double d'un intérêt peut-être supérieur encore au niveau comtois: l'histoire des ordres militaires au Moyen Age dans cette région, même du simple point de vue des événements, est très mal connue. La raison nous en semble, tout autant que le déficit des archives, — indéniable encore que très inégal selon les établissements —, leur état de dispersion à travers les dépôts qui les conservent actuellement à Besançon, Dijon, Lons-le-Saunier, Lyon, Paris ou Vesoul (13). En attendant un travail d'envergure fondé sur un dépouillement systématique d'archives (14) il faut donc se résoudre à glaner quelques linéaments plus ou moins sûrs de cette histoire dans divers répertoires plus ou moins généraux, plus ou moins anciens et rarement de première main (15). Encore n'en avons-nous usé, dans la suite de cette étude, qu'occasionnellement, et pour préciser seulement quelques points de détail.

Sur une documentation aussi pauvre, il ne pouvait être question, on le comprendra, d'esquisser même le simple survol de l'histoire comtoise des Hospitaliers jusqu'en 1373 qui pourtant eût été utile en guise d'introduction à la situation révélée par l'enquête (16). Cette situation, telle que nous la décrivons plus bas, a donc cela d'irritant et d'artificiel qu'elle se présente à nous à peu près coupée de la continuité historique. Mais souligner ainsi l'indigence insigne de nos connaissances en fait d'histoire comtoise des ordres militaires, c'est dire aussi combien cette enquête bisontine est précieuse. Grâce à ce document il nous est enfin donné de saisir d'un seul coup l'ensemble d'une situation jusqu'alors imprécise. C'est en quelque sorte une synthèse toute prête déjà, qu'il suffit d'exploiter.

Ayant ainsi replacé cette enquête bisontine dans le contexte du monde en crise des Hospitaliers du XIVe siècle et l'ayant située parmi les préoccupations méthodologiques plus modernes, nous avons encore, pour en achever la présentation (et entrer plus avant dans notre sujet), à dire quels en sont les caractères propres.

Ce document, que l'on peut qualifier du terme ambigu d'enquête (mot qui s'applique mieux à l'opération même entreprise par la Papauté) est plus précisément le procès-verbal de cette enquête, transmis comme rapport par l'archevêque de Besançon, Guillaume de Vergy (17), à Grégoire XI, constituant donc la réponse appelée par la bulle du 10 février 1373. Comme un certain nombre d'autres, ce rapport au Souverain Pontife, ayant été tout normalement conservé par le destinataire, se trouve maintenant aux Archives vaticanes, dans la riche et hétéroclite collection des Instrumenta miscellanea, sous le numéro 2772. Il se présente sous la forme d'une très grande feuille de parchemin de 2,50 m de hauteur sur 62 cm de largeur, elle-même constituée de quatre peaux collées bout à bout. Au dos, il faut remarquer deux mentions. La première est l'adresse originelle, Sanctissimo in Christo patri et beatissimo domino nostro . domino Gregorio . divina providentia . sacrosancte Romane et universalis Ecclesie summo pontifici, humilis et devota creatura vestra ..G.., archiepiscopus Bisuntinensis. La seconde mention est un repère administratif, indiquant apparemment le jour où le texte fut reçu, voire examiné, à Avignon: Presentatum die VI. Octobris. Mais c'est le recto qui nous intéresse, avec ses 270 lignes d'écriture généralement très soignée, exception faite de quelques ratures. C'est à ces lignes précisément que nous renverrons dans la suite de notre étude, puisque cette pièce est encore inédite et que nous ne pouvions envisager ici sa publication (18).

Ce rapport se décompose en deux grandes parties. La première, courte (l. 1-25), contient l'exposé par lequel l'archevêque introduit le procès-verbal d'enquête proprement dit, qui constitue la très longue deuxième partie (l. 25-fin).

L'exposé de l'archevêque nous apprend (l. 3-4) que la bulle de Grégoire XI du 10 février, insérée à la suite (l. 5-19), lui a été remise le 12 juin suivant par le sous-collecteur pontifical chargé du diocèse de Besançon (19). C'est là aussi (l. 20-24) que Guillaume nous apprend qu'il a partagé cette enquête entre deux commissaires, pour activer l'opération, puisque le Souverain Pontife n'accorde qu'un mois de délai. L'archevêque ne manque pas non plus de se justifier de n'avoir pu y présider en personne, invoquant notamment les dangers causées par les incursions des bandes armées.

On aborde ensuite le procès-verbal de l'enquête, ou plutôt les deux procès-verbaux puisque deux commissaires y procédèrent simultanément, se partageant le diocèse. On arrive même à suivre au jour le jour leurs itinéraires car les inspections sont enregistrées dans leur simple succession chronologique, particularité qui peut aider, on le verra, à la localisation de telle maison inconnue désignée par un toponyme plusieurs fois représenté dans la région considérée.

Le premier procès-verbal (l. 25-114), daté du 12 juillet 1373 dans ses clauses d'authentification par l'archevêque et le commissaire responsable lui-même (l. 103-114), nous apprend que celui-ci a enquêté dans la partie sud-ouest du diocèse. Ce commissaire, Henri Belioculi, est désigné (l. 23 et 110-111) comme notaire public d'autorité apostolique et impériale, originaire du diocèse d'Autun, de Saulieu, et curé de la paroisse de Chapelle-Voland (20). Il a été secondé dans son enquête et la rédaction de celle-ci par un certain Humbert de Saint-Maurice (21), clerc, lui aussi notaire public d'autorité apostolique (l. 112). De cette première campagne d'inspection, voici l'itinéraire et le calendrier (22). Le 18 juin fut visitée la maison du Temple de Besançon (l. 27-37). De là le commissaire gagna l'ouest, inspectant au cours de la journée du 22 juin la préceptorie de Montseugny et ses deux dépendances de Malans et Autoreille (l. 37-49), puis, obliquant vers le sud, la maison du Temple de Saligney (l. 49-53). Le 23 juin il était au Temple de Dole (l. 53-67); le 24, se dirigeant vers le sud-est, il enquêtait chez les Hospitaliers de Salins et Saizenay, (l. 67-76). Il repartait vers l'ouest et, passant par Arbois, où il instrumentait aux deux établissements des Templiers et des Hospitaliers le 25 (l. 76-91), parvenait à l'Abergement-Saint-Jean le 26 (l. 91-96). Le lendemain, 27, son enquête se poursuivit vers le sud, au Temple de Girefontaine-L'Etoile (l. 96-102), pour s'achever presque à l'extrémité du diocèse, à la préceptorie de Varessia (l. 102-107).

Pendant ce temps, que faisait l'autre commissaire ? Il est permis d'hésiter tout d'abord sur la personne du véritable responsable de l'enquête, bien plus considérable, que nous révèle le second procès-verbal (I. 115-270, soit près du double du premier), et qui porte sur la moitié nord du diocèse. En effet, tant l'exposé de l'archevêque (l. 23) que l'introduction même du procès-verbal (l. 115), désignent comme commissaire Hugues de Chaux, curé de la paroisse de Burgille (23), avec l'aide, il est vrai, d'un certain Jean Palat, prêtre et notaire public d'autorité impériale. Mais, à lire les clauses finales (l. 203-270), on s'aperçoit d'un retournement de situation: c'est ce Jean Palat, dont on apprend alors qu'il est de Charcenne (24) et juré à l'officialité, qui se voit donner le premier rôle, aussi bien dans la ratification épiscopale que dans sa propre authentification du texte. Bien plus, on le voit auparavant mener lui-même certaines inspections et prendre alors le titre de commissaire (l. 234, 236 et 258). Il semble, en définitive, que le commissaire principal était bien Hugues de Chaux, toujours désigné ainsi dans le formulaire de chaque inspection particulière. Mais seul Jean Palat, de par ses fonctions, avait qualité pour instrumenter, d'où sa prééminence dans les clauses finales, et s'il lit quelques inspections, ce fut sans doute pour décharger son confrère et activer encore l'enquête.

Leur tournée commença en tout cas plus tard que la précédente puisque les premières maisons visitées (elles le furent par le commissaire et le notaire conjoints), à l'est de Besançon, La Villedieu-en-Varais (l. 116-128), puis Valentigney à la limite orientale du diocèse (l. 128138), ne le furent que le 23 juin. Le 24, remontant vers le nord-ouest, l'enquête, menée par le seul commissaire eut lieu à Presle (l. 138-148), puis La Laine (l. 149-157). Le 25, après un crochet vers le sud, à Fay (l. 157-159), où le notaire réapparaît aux côtés du commissaire, et Dammartin (l. 160-168), le commissaire, dès lors seul nommé, revenait vers le nord, par Aulx (l. 168-174) et Villers-le-Temple (l. 174-179). Cette progression vers le nord se poursuivit le 26, par La Villedieu-lès-Quenoche (l. 179-187), le 27, marqué par l'inspection de l'importante préceptorie de La Villedieu-en-Fontenette et de ses dépendances proches, dont Velorcey (l. 209-214), et enfin le 28, où le commissaire arrive à Fontenois-la-Ville (l. 214-224). Le lendemain, 29 juin, il redescendit vers le sud, et l'enquête s'est peut-être terminée dans la journée.

Nous marquons une hésitation sur ce point, car le calendrier de toute la fin de l'enquête et l'identification des lieux visités posent de difficiles problèmes d'identification. Cela nous oblige à entrer ici dans des considérations d'intérêt si local qu'elles pourraient sembler mal s'accorder avec une perspective plus ample du fait historique étudié. On voudra bien nous accorder pourtant qu'il est indispensable d'établir des bases aussi solides que possible pour fonder un examen dont la pièce maîtresse est précisément l'implantation de groupes humains.

Pour poser le problème il faut partir de la liste des établissements inspectés dans l'ordre même où le texte les énumère à partir de la ligne 224, c'est-à-dire au moment où apparaît la date du 29 juin. Cette liste est la suivante: Lavigney (l. 224-233); locum de Vallibus (l. 234-236); domum de « Valeroy » (l. 236-239); Sales (l. 239-257); domum Montisanium (l. 257-261); églises paroissiales de Lavigney, Igny et Valay (l. 261-264). Nous avons directement transcrit sous leur forme moderne les lieux dont l'identification au moins est évidente. Mais la difficulté est que les noms reproduits tels que nous les lisons dans le manuscrit peuvent s'appliquer chacun à plusieurs toponymes actuels de la moitié nord du diocèse, aire de la deuxième enquête, soit, approximativement, l'actuel département de la Haute-Saône. Pour revenir à leur identification on dispose de trois moyens: tout d'abord la distance à la préceptorie dont dépendent les maisons qui y sont situées. Mais, pour d'autres cas connus, cette distance est tellement variable que ce secours est aléatoire. Le deuxième moyen serait la confrontation avec des renseignements extérieurs à ce texte et relatifs à des établissements proches par leur nom de ceux qui sont ici en question. Mais on a dit déjà combien ces renseignements extérieurs étaient maigres en l'état actuel des recherches. C'est pourquoi le troisième moyen nous semble en définitive plus sûr, nous voulons dire l'itinéraire suivi par l'enquête, qui devrait permettre l'élimination de localités trop éloignées du trajet. Mais est-il possible de déterminer ce trajet de fin d'enquête alors même que les étapes en sont précisément litigieuses ?

Examinons de près le texte. A Lavigney, lit-on, première étape citée de la journée du 29 juin, ce fut « ledit commissaire » qui enquêta (l. 225), expression qui se réfère tout naturellement à Hugues de Chaux, seul mentionné depuis Aulx (l. 168) et, de façon plus explicite encore, depuis La Villedieu-en-Fontenette (l. 187). Il n'y a effectivement aucune difficulté dans cette arrivée à Lavigney le lendemain d'une étape à Fontenois-la-Ville.

A Vallibus puis « Valeroy », les deux maisons ensuite examinées, c'est Jean Palat qui réapparaît avec le titre de commissarius ad hoc deputatus (l. 234). D'où venait-il ? On se rappelle qu'au début de l'enquête on avait lu son nom, à côté de celui de Hugues de Chaux, à Villedieu-en-Varais, Valentigney et finalement à Fay, soit à proximité de Besançon. Est-il absurde d'avancer que c'est de cette région (peut-être même de Besançon, où il serait rentré), qu'il s'est acheminé pour continuer de son côté l'enquête ? Il est permis de penser que c'est aussi le 29 juin que se placent ses deux visites à Vallibus et « Valeroy », le jour n'étant pas autrement précisé que par un item d'introduction, qui donc renvoie à l'enquête de Lavigney. Et d'ailleurs l'inspection suivante, celle de Sales, est expressément datée du 29. Mais ici, le responsable redevient anonyme: l'expression idem commumrius désigne-t-elle Jean Palat à cause du idem, ou bien à nouveau Hugues de Chaux, commissarius par excellence ? De fait, Sales n'est pas éloigné de Lavigney, où Hugues se trouvait d'abord. De plus, pour l'enquête suivante, à Monteanium, le procès-verbal éprouve le besoin de préciser le nom du responsable, à nouveau Jean Palat, comme si on l'avait déjà perdu de vue avec l'enquête précédente.

C'est une cheville très vague, insuper (l. 261), qui introduit la fin du rapport où est mentionnée l'inspection par les deux commissaires, dicti commissarii, des églises paroissiales de Lavigney, Igny et Valay. Mais ce pluriel évoque-t-il une action conjointe des deux responsables ? S'agit-il au contraire du résumé des trois visites faites par eux à différentes dates indépendamment l'un de l'autre, visites qui, moins importantes que les précédentes, pouvaient être rassemblées rapidement en guise d'épilogue, sans qu'il importât de les attribuer précisément à l'un plutôt qu'à l'autre ?

Au total que nous apportent toutes ces considérations pour nous aider à identifier les trois lieux de Vallibus, « Valeroy » et Montisanium C'est-à-dire, en définitive, quel est l'itinéraire suivi par Jean Palat, puisque, tous trois furent visités par lui ? De cet itinéraire, on l'a vu plus haut, on peut avancer que le point de départ se situe dans la région de Besançon. Mais qu'en est-il du point d'arrivée ? Deux hypothèses doivent être envisagées. Dans l'hypothèse d'une visite conjointe par les deux commissaires des trois (églises paroissiales citées in fine, il faudrait se représenter l'enquête du 29 juin comme la rencontre de deux itinéraires, l'un venant du nord (Hugues), l'autre du sud (Jean); le point d'arrivée de Jean Palat serait alors le lieu de jonction, soit Lavigney, première église nommée (Sales devrait alors être inscrite à l'actif de Jean Palat). Dès lors rassemblés, les deux commissaires seraient redescendus vers Besançon par Igny et Valay.

Mais dans l'hypothèse d'une visite séparée de ces mêmes églises, le point d'arrivée de Jean Palat devient incertain, puisqu'il s'agit du problématique Monteanium, dont l'inspection est introduite par postremo (l. 258). Est-il possible, pour sortir de ce dilemme, de concilier l'une ou l'autre des deux hypothèses avec d'autres renseignements relatifs aux trois maisons en question ?

En ce qui concerne le premier lieu visité par Jean Palat en cette fin d'enquête, le texte lui-même nous apprend (l. 231-235) son nom: locum de Vallibus, gallice « de Valx », ou encore « de Vaulx », et son appartenance à la préceptorie de La Villedieu-en-Fontenette. Effectivement, dans le procès-verbal d'enquête relatif à cette dernière, on trouve citée la grangia « dou Vaulx » (l. 128). Il existe précisément, dans cette moitié nord du diocèse de Besançon, un lieu appelé La Maison-du-Vau, qui est actuellement un hameau de Chassey-lès-Montbozon (25). On sait par ailleurs que les Hospitaliers de La Villedieu y avaient un établissement sous l'Ancien Régime (26). C'est sans doute aussi la « maison du Vau » souvent citée dans les archives du Prieuré d'Auvergne se rapportant à cette même préceptorie (27). Remarquons encore que la situation de ce lieu peut en faire une étape sur un itinéraire issu de Besançon et dirigé vers le nord. Enfin la distance n'est pas grande de cette Maison-du-Vau à La Villedieu-en-Fontenette.

Le deuxième lieu visité par Jean Palat est appelé locum et domum « de Valeroy » par le texte (l. 236-237) et rattaché, lui aussi, à la préceptorie de La Villedieu-en-Fontenette. Cela se vérifie dans l'enquête relative à ce lieu qui mentionne la domus « de Valeroy » (l. 201). Mais cinq Vallerois au moins s'offrent à nous dans la région intéressée par cette enquête (28): comment choisir ? Outre une certaine proximité de La Maison-du-Vau, un indice semble important: l'enquête cite comme fermier de « Valeroy » un certain Dominique de Liévans (29), ce que l'on rapportera d'une mention des frères de l'Hôpital « en la maison de Vaileroy delés Lyevans », en 1286 (30). Il serait étonnant que ces deux mentions de 1373 et 1286 ne désignent pas le même lieu. Il faut dès lors choisir entre les deux Vallerois proches de Liévans, Vallerois-le-Bois et Valle-rois-Lorioz, qui, tous deux, sont à une distance convenable de la préceptorie de La Villedieu-en-Fontenette. Le premier est certes plus proche de Liévans. Mais observons que l'acte de 1280 est une transaction avec le curé de Vellefaux (31) ce qui nous fait préférer, au moins pour ce cas, Vallerois-Lorioz limitrophe de Vellefaux. On sait d'ailleurs qu'au XVe siècle, les Hospitaliers avaient des intérêts à Vellefaux et à Vallerois-Lorioz. Seulement il s'agit alors des Hospitaliers de Sales (32). Mais rien ne nous oblige à considérer qu'il en était déjà ainsi en 1373, et, sur Vallerois-le-Bois, Vallerois-Lorioz a au moins cet avantage qu'une implantation hospitalière y est attestée.

Pour ce qui est de l'itinéraire de Jean Palat d'ailleurs, peu importe, car les deux Vallerois sont peu éloignés l'un de l'autre et chacun pouvait parfaitement constituer une étape, après La Maison-du-Vau, très proche. De là, la distance était encore raisonnable pour atteindre Sales avant la fin de cette journée du 29, si c'est bien le même Jean Palat qui y a opéré, comme c'est le cas dans l'hypothèse d'une visite finale conjointe avec Hugues de Chaux des trois églises paroissiales, mais comme cela peut tout aussi bien être le cas dans l'hypothèse contraire.

De Sales donc, ou de Vallerois, Jean Palat est allé inspecter le troisième lieu en question, la domum Montisanium (l. 258) (à l'ablatif Monteanium, l. 260). Cet établissement relevait, lui, de la préceptorie de Sales (l. 258). On s'attendrait donc à ce qu'il n'en soit pas situé trop loin, surtout si Jean Palat en venait. En tout cas ce lieu doit se trouver vers un cours d'eau car un moulin est mentionné par le procès-verbal (l. 260). Ici encore plusieurs toponymes pourraient correspondre, dans cette région, à Monteanium: Montigny-lès-Vesoul, Montigny-lès-Cherlieu et Montagney (tous trois possèdent d'ailleurs un ou plusieurs moulins sur leur territoire) (33). Une première remarque ferait pencher pour l'un des deux premiers, outre leur relative proximité de Sales. Si on se reporte à l'enquête sur la maison de Lavigney on lit (l. 227) que le curé du lieu réside en fait apud Montemanium, résidence vraisemblablement proche de Lavigney: Montigny-lès-Cherlieu s'imposerait alors. Mais rien ne nous autorise à assigner ce Montemanium du curé de Lavigney à celui de Jean Palat.

De plus nulle mention d'une présence des Hospitaliers comtois ne peut actuellement être relevée dans l'un de ces deux Montigny. On voit d'ailleurs mal où il faudrait placer la chapelle et l'église mentionnées par le texte (l. 259), dans ces deux localités alors complètement dominées par deux abbayes, l'une de Cisterciens, l'autre de Clarisses.

Il resterait alors Montagney. On voit tout de suite les arguments que l'on peut avancer contre une telle identification: non seulement le silence total de la documentation sur un éventuel établissement hospitalier en ce lieu, mais aussi la distance considérable qui sépare Montagney de Sales. En ce qui concerne le premier argument observons cependant que Montagney possède non seulement un moulin, mais aussi une chapelle, qui n'est siège de paroisse que depuis le XVIIe siècle, mais qui est attestée depuis le XIIe siècle, et dont on ignore à peu près l'emploi entre ces deux dates. Pour ce qui est du deuxième argument, il est vrai que plus de 50 km séparent Montagney de Vallerois ou Sales, d'où venait Jean Palat. Cette distance ne peut s'accorder avec l'hypothèse d'une visite conjointe des églises paroissiales à partir de Lavigney, pour aboutir à Valay, puisque ce Montagney est très voisin de Valay : Jean Palat aurait dû faire un crochet énorme et absurde pour aller de Sales à Montagney et revenir à Lavigney pour se retrouver finalement à Valay ! Mais même dans l'hypothèse d'une visite séparée des trois églises paroissiales, comment admettre que Jean Palat ait pu, dans la seule journée du 29 juin, aller de La Maison-du-Vau à Vallerois, puis, éventuellement, à Sales et enfin à Montagney ? Précisément, est-il bien certain que ces lieux aient tous été visités le 29 juin ?

Le 29 juin, il est vrai, est la date sous laquelle est rapportée l'inspection de Sales. C'est même sans aucun doute la date sous laquelle il faut ranger les inspections de La Maison-du-Vau et de Vallerois, toutes deux intercalées entre celles de Lavigney et Sales, expressément datées du 29. Mais rien de tel ne peut être avancé pour l'enquête à Monteanium, introduite par un vague postremo (l. 257) qui ne marque qu'une succession absolue dans le temps, et pas obligatoirement une succession relative à la seule journée du 29. Rien ne nous indique donc vraiment, que Jean Palat est encore parvenu à Monteanium le même 29. Dès lors rien ne s'oppose plus à ce que Monteanium soit Montagney et que Jean Palat, de Vallerois ou Sales, ait cheminé dans cette direction. Un tel trajet pourrait même passer par Igny et surtout par Valay, qui sont deux des églises paroissiales citées à la fin du procès-verbal. Il faudrait alors retenir l'hypothèse de la visite des trois églises paroissiales par les deux commissaires indépendamment l'un de l'autre. Hugues de Chaux se serait chargé de l'église de Lavigney, où il se trouvait le 29, et Jean Palat des deux autres, ou même seulement de celle de Valay, toute proche de Montagney. L'église d'Igny, en effet, aurait fort bien pu être vue par Hugues redescendant vers Besançon. C'est aussi vers Besançon qu'aurait l'avantage d'obliquer l'itinéraire que nous venons d'imaginer pour Jean Palat.

C'est en définitive à ces identifications et à cette reconstitution d'itinéraire que nous nous en tiendrons ici, sans nous dissimuler, bien évidemment leur caractère très hypothétique et très discutable, qui affecte surtout la localisation de Monteanium à Montagney. Dans ce dernier cas, il va de soi que si l'on retenait plutôt l'hypothèse d'une jonction des deux commissaires à Lavigney, ou que l'on s'en tenait à la date du 29 juin pour les visites des trois églises paroissiales et de Monteanium, il faudrait rechercher ce dernier établissement dans l'un des deux Montigny en Haute-Saône (34).

Pour en finir avec la présentation de cette enquête soulignons la rapidité avec laquelle elle fut menée: chacune des deux équipes qui en furent chargées n'y employa que sept ou huit jours (18 et 22-27 juin pour la première et 23-29 ou 30 juin pour la seconde). Ce n'est donc que pour respecter exactement le délai d'un mois fixé par la bulle datée du 10 février 1373 mais reçue à Besançon le 12 juin, que le rapport de l'archevêque au pape est tardivement daté du 12 juillet, cela à la fin de chacun des deux procès-verbaux (la datation du second, l. 266-267, renvoie simplement à celle du premier).

Sur ce point de forme donc les prescriptions de la bulle originale étaient respectées. L'étaient-elles aussi scrupuleusement sur le fond même, c'est-à-dire la réponse au questionnaire précis qu'elle imposait ? Pour en juger il nous faut maintenant, abordant la deuxième partie de cette étude, dresser le tableau méthodique des informations livrées un peu anarchiquement par les procès-verbaux.

* * *

Pour exploiter plus aisément cette précieuse enquête il était nécessaire d'organiser d'abord dans un ordre logique et méthodique les informations récoltées au jour le jour par les enquêteurs et consignées telles quelles par eux dans leurs procès-verbaux. Notre premier soin a été de regrouper les maisons qui dépendaient d'un même supérieur, d'une même préceptorie, substituant ainsi à l'ordre géographique occasionnel du texte un ordre institutionnel et économique. Mais, afin de permettre une consultation plus facile du tableau ainsi obtenu et d'en faire une espèce de répertoire, c'est le classement alphabétique que nous avons suivi pour ordonner les préceptories les unes par rapport aux autres et les divers membres à l'intérieur de chaque préceptorie.

Pour chaque maison enfin nous avons adopté un ordre unique de présentation, aussi conforme que possible à celui des questions posées par la bulle de Grégoire XI. C'est ainsi qu'après avoir rapporté le titre exact sous lequel le texte désigne l'établissement considéré, nous passerons en revue les personnes d'abord, précepteur puis occupants, les biens ensuite, bilan de l'exploitation puis état des lieux, et finalement les services assurés. Nous nous sommes efforcé de faire état dans ce tableau de toutes les données de l'enquête, à l'exception toutefois de ce qui touche aux simples témoins, et qui ne présentait qu'un intérêt juridique ou historique secondaire et très local (35).
Sources: Moyse Gérard. Les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le diocèse de Besançon en 1373. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes Tome 85, Nº2. 1973. pages 455-514. - Percée

Notes

1. Archives du Vatican, Registe suppléments 4, folio 181; nous éditons cette supplique ci-dessous, p. 514.
2. Sur ce Prieuré, cf. Joseph Delaville-Le-Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre (1100-1310), Paris, 1904 (ci-après abrégé, Hospitaliers tome 1), page 371, et l'étude particulière de L. Niepce, Le Grand Prieuré (d'Auvergne, Lyon, 1883.)
3. La liste des prieurs d'Auvergne que l'on peut dresser pour le XIVe siècle à partir de J. Delaville-Le-Roulx, Les Hospitaliers à Rhodes jusqu'à la mort de Philibert de Naillac {1310-1421), Paris, 1913 (ci-après abrégé Hospitaliers tome II), passim, est la suivante: Eudes de Montaigu (1325...); Robert de Chalus (...1356...); Guy de La Tour (...1367-1369...); Robert de Châteauneuf (...1373-1401...)
4. Elias de Nabinalis, franciscain, maître en théologie, originaire de Périgueux, évêque de Nicosie en 1332, patriarche de Jérusalem en 1342, enfin nommé cardinal au titre de Saint-Vital par Clément VI le 20 septembre de la même année, mourut le 13 janvier 1348, C. Eubel, Hierarchia catholica medii aevii, I, Ratisbonne, 1898, p. 17, 287 et 382.
5. J.-T de Mesmay, Dictionnaire historique, biographique et généalogique des anciennes familles de Franche-Comté, ronéoté, Paris, 1958, I, p. 634-638.
6. Sur cet établissement, de son vrai nom Arwâd or Ruwâd (Aradus en latin), cf. A. Trudon des Ormes, Liste des maisons et de quelques dignitaires de l'Ordre du Temple..., dans Revue de l'Orient Latin, tome V (1897), p. 426-428, et G. Rey, Etude sur les monuments de l'architecture militaire des croisés en Syrie et dans l'île de Chypre, Paris, 1871, p. 69-83 (Collection de documents inédits sur l'histoire, de France...)
7. M. Sanudo, Liber secretorurn fidelium crucis, éditions Bongars, [Gesta Dei per Francos...], II, Hanovre, 1611, p. 242. — About Felda, Annales, dans Recueil des historiens des croisades, Historiens orientaux, I, Paris, 1872, p. 165. — Les Gestes des Chiprois, éditions Gaston Raynaud, Genève, 1887, p. 309-310 (Publié de la Société de l'Orient latin). — Fr. Amadi, Chronique, éditions René de Mas-Latrie, Paris, 1891, p. 238-239 (Coll. de doc. inédits...)
8. J. Glénisson, L'enquête pontificale de 1373 sur les possessions des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dans Bibliothèque de l'Ecole des chartes, CXXIX (1971), p. 83-111.
9. Delaville-Le Roulx, Hospitaliers II, p. 168-174.
10. On se reportera à l'édition de cette bulle par Jean Gilénisson, p. 106.
11. Rappelons, à la suite de J. Glénisson, que, sur 88 enquêtes connues à ce jour concernent des évêchés français, 31 des évêchés italiens, alors que l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse et la Tchécoslovaquie ne sont représentées chacune que par un ou deux textes.
12. Cf. les remarques de J. Glénisson, p. 80.
13. Il va de soi que les Archives dépatementales de Haute-Saône, Doubs et Jura conservent des documents relatifs aux établissements comtois; mais on trouve aussi des documents plus généraux à Paris; à Dijon, il faut consulter les archives des Templiers de La Romagne, qui avaient des dépendances en Franche-Comté; à Lyon enfin se trouvent les archives du Prieuré d'Auvergne des Hospitaliers, et donc en particulier celles de chacune des maisons comtoises qui en relevèrent. On voudra bien se reporter aux inventaires publiés par les dépôts concernés (série H) pour juger de la richesse ou de la pauvreté des fonds selon les établissements et selon les époques.
14. Cette lacune sera comblée pour la période des origines par M. Maurice Rey qui prépare une étude sur les Templiers de Franche-Comté; nous le remercions de nous avoir très largement ouvert ses dossiers, nous donnant ainsi une première idée sur cette obscure question.
15. César Lavirotte, Mémoire statistique sur les établissements des Templiers et des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en Bourgogne, dans Congrès Architecturale, de France, 1852, p. 280-282 en ce qui concerne la Comté. — Emile-Georges Léonard, Introduction au cartulaire manuscrit du Temple (1150-1317) constitué par le marquis d'Albon..., Paris, 1930, p. 155-156. Il n'est pas inutile de recourir à Jules de Trévillers, Sequania monastica. Dictionnaire, des abbayes... de Franche-Comté... et Supplément, Vesoul, 1950-1955. Outre l'étude déjà citée de Léopold Niepce, existe encore la compilation de Louis de Buyer, Esquisse sur l'Ordre de Malte, son implantation en Franche-Comté, dans Procès-verbaux et mémoires de l'Académie de Besançon, 1958-1959, p. 139-160.
16. Faute de mieux, renvoyons aux travaux plus généraux et déjà cités de Delaville-Le Ro\ilx, qui fut, à la charnière du siècle, le spécialiste des Hospitaliers.
17. Il fut archevêque de Besançon de 1371 à 1391.
18. On voudra bien considérer connue pièce justificative de remplacement le tableau qui regroupe, infra, p. 472 et suivantes, toutes les données importantes de cette enquête. Nous exprimons notre gratitude à l'Institut de recherche et d'histoire des textes qui, ayant entrepris la publication intégrale de toutes les enquêtes de 1373 inédites, nous, a autorisé à empiéter ainsi quelque peu sur son domaine.
19. Guillaume de Fontvannes (Aube, arrondissement de Troyes, canton Estissac), chanoine des Eglises de Besançon et Langres. C'est au même personnage, que, selon la bulle, le rapport de l'archevêque devait être remis pour être transmis à Avignon (l. 15-10); cet élargissement des fonctions purement fiscales du collecteur est marqué par la présence du titre de « nuncius » dans sa désignation.
20. Jura, arrondissement Lons-le-Saunier, canton Bletterans.
21. Saint-Maurice-Echelotte, Doubs, arrondissement Montbéliard, canton Pont-de-Roide ?
22. Pour situer les lieux énumérés ci-dessous on se reportera au tableau méthodique dressé, infra, p. 472 et suivantes, où nous donnons la localisation précise de chaque établissement.
23. Doubs, arrondissement Besançon, canton Audeux. Il n'est pas possible de déterminer quel est le Chaux mentionné: le seul département du Doubs possède quatre communes et au moins trois hameaux de ce nom.
24. Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, canton, Marnay.
25. Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, canton, Montbozon.
26. Sur cette présence des Hospitaliers de La Villedieu en ce lieu, cf. Archives départementales de Haute-Saône, 137 E supplément 13 (commune de Chassey-lès-Montbozon).
27. Archives départementales du Rhône, 48 H 3294, 3306, 3309, 3322.
28. C'est-à-dire trois communes : Vaileroy, Doubs, arrondissement, Besançon, canton, Marchaux; Vallerois-le-Bois et Vallerois-Lorioz, Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, canton, Noroy-le-Bourg; et deux hameaux, l'un dans la commune de Raze et l'autre dans la commune de Villers-sur-Port, Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, canton, Scey-sur-Saône et Port-sur-Saône.
29. Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, canton, Noroy-le-Bourg.
30. Archives départementales de Haute-Saône, G 74.
31. Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, canton, Montbozon.
32. Archives départementales de Haute-Saône, H 1059.
33. Haute-Saône, arrondissement, Vesoul, mais Montigny-lès-Cherlieu dans le canton de Vitrey, Montigny-lès-Vesoul dans celui de Vesoul et Montagney dans celui de Pesmes.
34. Signalons ici un autre Montagney, Doubs, arrondissement, Besançon, canton, Rougemont, proche du Valleroy du même département, ce qui suggère aussitôt un itinéraire nouveau pour Jean Palat : mais, en fait d'Hospitaliers, les sources sont encore plus modestes pour ces lieux du Doubs que pour ceux de Haute-Saône. N'omettons pas de préciser enfin que le texte caractérise la domus Montisanium par rapport à la préceptorie de Sales comme pertinentem seu ei adjasentem: ce dernier qualificatif n'est-il là que pour renforcer le premier ou, au contraire, insiste-t-il sur le proche voisinage des deux maisons ? En ce cas, même les Montigny seraient trop éloignés.
35. Pour ce qui est des bribes connues de l'histoire de chaque maison, nous renvoyons une fois pour toutes (et toujours sous bénéfice de vérification) aux répertoires déjà mentionnée de César Lavirotte, Léonard et J. de Trévillers; pourront à l'occasion rendre quelques services les deux seuls dictionnaires des communes, comtoises, La Haute-Saône. Nouveau dictionnaire des communes, 4 volumes parus, Vesoul, 1969, et A. Rousset, Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes du Jura, 6 volumes, Lons-le-Saunier, 1853-1858.

Sources: Moyse Gérard. Les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le diocèse de Besançon en 1373. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes Tome 85, Nº2. 1973. pages 455-514. - Percée

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