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Commanderies de l’Ordre de Malte
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Commanderies en Berry

Je n’ai pas l’intention de refaire ici, fût-ce brièvement, l’histoire de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, si souvent faite il me faut toutefois rappeler quelques dates et indiquer le fonctionnement des Commanderies.

Et d’abord, un fait peu connu que nous apprend la Chronique d’Ernoul, écrite au commencement du XIIIe siècle, et publiee par M. de Mas-Latrie pour la Societe de l’Histoire de France (1), fait intéressant pour nous, puisque la majeure partie des biens des Commanderies de Malte en Berry vient des Templiers, c’est que l’Ordre du Temple est issu de celui de Saint-Jean de Jerusalem. Voici en effet ce qu’on lit au chapitre II, pages 7 et 9, que je traduis:
«  Quand les chrétiens eurent conquis Jérusalem, beaucoup de chevaliers de tous les pays entrèrent au couvent du Sépulcre (2), et ils obéissaient au Prieur du Sépulcre. Il y avait là de bons chevaliers qui se concertèrent entre eux et dirent: Nous avons quitté notre pays et nos familles et sommes venus ici pour suivre la loi de Dieu mais nous ne faisons que boire et manger et dépenser sans faire œuvre d’hommes d’armes, et pourtant il en serait besoin dans ce royaume. Prenons conseil, et avec l’assentiment de notre Prieur, choisissons pour chef l’un de nous qui nous mènera faire la guerre quand besoin sera. En ce temps-là. Baudoin était roi, ils vinrent à lui et dirent: Sire, pour Dieu conseillez-nous, nous avons résolu de prendre pour maître l’un de nous qui nous conduira à la bataille pour le bien du royaume. De ceci, le roi fut très content et leur répondit que volontiers il les aiderait. Et il s’entremit avec le Prieur du Sépulcre et les dégagea de l’obédience dont ils se departirent Et les Templiers quittèrent l’Hôpital et prirent pour enseigne le Bauccant. »
1. Quant li Crestien orent conquis Jherusalem si se rendirent asses de chevaliers au temple del sepucre, et mout s’en i rendirent puis de toutes tieres ; et estaient obéissant au prieur dou sepucre. Il i ot des boins chevaliers rendus si prisent consel entr’ious et disent: Nous avournes guerpies noz tieres et noz amis et sommes chi venu pour la loy Dieu a lever et essauchier. Si sommes chi arreste pour boire et pour mengier et por despendre sans oevre faire ne noient ne faisons d’armes, et besoigne en est en le tiere ; et sommes obeissant a un prestre, si ne facions oevre d’armes. Prendons conseil et faisons mestre l’un de nos, par le congie de no prieus. Li nous conduie en bataille quand lieu en sera. A icel tans estait le rois Bauduins. Si vinrent a lui et disent. Sire, pour Dieu, consilles nous, qu’ensi faitement avons esgaide a faire maistre de l’un de nous qui nous conduie en bataille pour le secours de le tiere. Li rois en fut mout lies et dist que volentiers i meterait consel et aie ... Et la fist tant li rois viers le prieus dou sepucre qu’il les quita de l’obedienche et qu’ils s’en départirent. Et si jeta li ospitaus le Temple et si li donna son relief et l’ensegne con apele del Beauceant. Or vous dirai pourquoy il ont a non Templiers.
2. C’était l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.


Ernoul écrivait ceci au commencement du XIIIe siècle ; il avait pu par conséquent recueillir directement cette tradition, d’ailleurs très vraisemblable. En 1118 en effet, c’était encore Gérard qui était prieur de l’Ordre Hospitalier qu’il avait fondé, ce ne fut que quelques années plus tard que son successeur, Raymond du Puy, le transforma en Ordre hospitalier et militaire et en fut le premier Grand-Maitre. On comprend très bien que les chevaliers qui, du temps de Gérard, séduits par ses vertus et celles de ses frères, étaient entrés dans l’Ordre, après y avoir été soignés, se trouvèrent bientôt las d’une vie quasi-oisive, si peu en rapport avec leur vie passée. De là l’exode de Hugues de Pains et de ses compagnons, exode qui fut probablement l’idée inspiratrice de la réforme de Raymond du Puy.

A partir de leur transformation, les chevaliers de Saint-Jean ne cessèrent de se couvrir de gloire, Après la prise de Jérusalem en 1187, ils se retirèrent à Margat en Phénicie, puis à Saint-Jean-d’Acre. Cette dernière ville ayant été prise en 1291, ils s’en furent dans l’ile de Chypre, à Limisso où ils restèrent dixhuit ans. En 1309, ils s’emparaient de Rhodes et, pendant plus de deux siècles, y bravaient les assauts des Turcs. C’est peu après leur établissement dans cette ile, que le concile de Vienne leur attribua la succession des biens des Templiers.

La fin épouvantablement tragique de ceux-ci, leurs protestations d’innocence en présence de la mort, sur le bùcher même, jusqu’au dernier moment, pose un point d’interrogation sinistre, et l’on se demande, aujourd’hui encore, si le procès que Philippe le Bel poursuivit avec un acharnement et des procédés inouïs, ne fut pas un abominable crime dont le mobile unique était de s’approprier leurs immenses richesses, et aussi la crainte de leur puissance envahissante (3).
3. Les Templiers de France toutefois ne périrent pas tous, on trouve, en effet, aux archives du Rhône, H. 124, deux bulles du pape Jean XXII, l’une au sujet des pensions à assigner aux ex Templiers, l’autre enjoignant a tous prelats de faire comparaître devant eux tous les ex Templiers et de leur assigner un délai de trois mois pour entrer dans un monastere dont ils suivront la règle, et ou leur sera payée leur pension.

Quoi qu’il en soit, les Hospitaliers héritèrent très innocemment des biens du Temple, mais ce ne fut pas sans les plus grandes difficultés que le roi se soumit à la décision du Concile de Vienne et se dessaisit de ces biens qui ne furent remis aux chevaliers de Saint-Jean qu’en 1313, et dans le plus triste état, par manque d’entretien des bâtiments, par cessation de la culture, et aussi par les malversations des commissaires royaux qui géraient les Commanderies du Temple ; c’est ainsi que M Manier cite un de ces commissaires, un bailli de village, qui avait trouvé le moyen de donner une des Commanderies en dot à sa fille.

En 1489. les Hospitaliers recueillirent de nouveaux biens ; le pape Innocent VIII incorpora dans leur Ordre celui du Saint-Sépulcre, hommes et biens c’est depuis ce temps que le Grand-Maître de Saint-Jean de Jerusalem prend le titre de « Maître du SaintSépulcre » (4).
4. Ceci à titre purement, honorifique et sans nomination de chevaliers. L’Ordre du Saint-Sépulcre actuel n’est qu’une decoration pontificale que le patriarche de Jérusalem confère, par délégation du Saint-Siege.

En 1523, après un siège mémorable pendant lequel 6.000 chevaliers se défendirent contre 200.000 Turcs. Rhodes succomba. Le Grand-Maitre avait appelé tous les chevaliers valides, et le Commandeur des Bordes fut de ceux-là. A la fin d’un terrier de cette Commanderie, dressé en 1524. on trouve ces vers naïfs qui rapppllent le fait:
Frère Jehan de Chasteaurenault.
L’un des preux chevaliers de Rhodes.
Fit inscrire en ce livre le vault.
Les droitz, limites et les féodes.
De sa commanderie des Bordes.
Par deux jurez notaires royaulz.
Sans y escripre fables ny Bourdes.
Dicts ne debetz, les saichant faulx (5).
5. Archives du Cher, fonds des Bordes.

En 1530. les Hospitaliers entrèrent en possession de l’ile de Malte que leur concédait Chartes-Quint, et continuèrent de s’y couvrir de gloire pendant près de trois cents ans. Mais survint la Révolution française qui les priva de leurs Commanderies. Le décret de l’Assemblée nationale qui ordonna la confiscation est peu connu, en voici les principales dispositions: après avoir spécifié que les biens dont l’Ordre jouit en France seraient vendus dans les mêmes conditions que les autres domaines nationaux, le décret dit que les prieurs. baillis, commandeurs, servants et diacres recevront, leur vie durant, une pension égale au revenu de leurs bénéfices, laquelle pension sera payée par le trésor de trois mois en trois mois, dans la même forme que les pensions ecclésiastiques ; or on sait ce qu’il advint des pensions ecclésiastiques. Le port de la décoration de Malte est prohibé, et pourtant, curieuse anomalie, le décret reconnait l’Ordre comme gouvernement ami, et s’exprime ainsi:
« Le pouvoir exécutif est chargé de régler, avec l’Ordre de Malte, sous l’autorité du Corps législatif, la somme annuelle pour laquelle la France contribuera à l’entretien du port et de l’hôpital de Malte, et pour les secours que les vaisseaux de cet Ordre donneront au commerce maritime français dans la Méditerranée. »

Six ans après, en 1798, le Directoire décidait de s’emparer de Matte, clef de la Méditerranée ; les voies étaient dès longtemps préparées, et Bonaparte, qui partait pour l’expédition d’Egypte, reçut des ordres précis. Le 13 juin 1798 cette place réputée imprenable capitulait presque sans coup férir ; c’est là un des étonnements de l’histoire, et l’on allégua la trahison. Le Grand-Maitre, les chevaliers, les Maltais s’accusèrent réciproquement. J’ai cherclié à dégager la vérité à travers ces accusations contradictoires (6), et je crois l’avoir discernée en concluant que la trahison fut partout, sans compter la trahison du destin qui, à un moment donné, s’appesantit, implacable, sur les institutions comme sur les hommes.
6. Revue des Questions Historiques, juillet 1900, et réimprimé à Rome par ordre du Grand-Maitre en 1901.

Deux ans après, le général Vaubois capitulait à son tour, après une héroïque résistance, et les Anglais s’établissaient dans l’ile.
Le traité d’Amiens restituait Malte à l’Ordre de Saint-Jean, mais les Anglais ne lâchent jamais ce qu’ils tiennent et cette clause du traité d’Amiens resta lettre morte.
L’Ordre, transporté d’abord à Saint-Petersbourg par l’empereur Paul I », elu Grand-Maître, erra ensuite en Italie, de residence en résidence, et finit par se fixer à Rome où aujourd’hui encore, le Pape et le roi d’Italie traitent le Grand-Maître en souverain. Le roi Victor-Emmanuel II, très affectionné à l’ordre de Malte, en avait sollicite la croix, alors qu’il était prince heritier, et la porte aujourd’hui en toute occasion. Le fait, pour le Grand-Maître de Saint-Jean de Jerusalem, d’être favorisé, en même temps, de la bienveillance du Souverain Pontife et du roi d’Italie est assez curieux pour être signalé.

L’Ordre de Saint-Jean n’ayant plus à guerroyer contre le Turc est redevenu simplement hospitalier comme en ses commencements, mais c’est encore un noble rôle. Les chevaliers desservent de nombreux hôpitaux en Terre-Sainte, en Italie, en Allemagne et en Bohême, et un immense materiel d’ambulances pour les blesses de terre et de mer est remisé dans les dependances du Priorato à Rome, prêt à fonctionner du jour au lendemain. En France, l’association des membres de l’Ordre a fondé un dispensaire à Montmartre, en attendant que ses ressources lui permettent de fonder un hôpital.

Il me faut dire maintenant quel était le fonctionnement des Commanderies et quelles étaient les obligations des Commandeurs vis-à-vis du Grand-Maitre et vis-à-vis du roi.

Quand le chevalier, après un noviciat, avait fait profession et qu’il avait accompli ses caravanes sur les galères de l’Ordre (7), il était apte à obtenir à l’ancienneté une Commanderie. Chaque caravane durait six mois, et il en fallait quatre ; l’ancienneté datait non de la profession, mais de l’admission dans l’Ordre, et c’est là l’explication des réceptions de minorité, beaucoup plus dispendieuses pour la famille du récipiendaire, mais beaucoup plus avantageuses pour celui-ci.
7. Les galères, qui composaiet presque exclusivement la marine de Malte, et qui se manoeuvraient à la rame, nous semblent aujourd’hui plus qu’extraordinaires ; il ne parait donc pas sans intérêt d’en dire quelques mots. Voici ce qu’était une galère qui, outre les rameurs, marchait avec trois voiles latines: la longueur était de 109 pieds, la largeur de 38 pieds ; il y avait cinquante rames de 44 pieds 5 pouces chacune ; chaque rame était manœuvree par sept galériens, donc trois cent cinquante rameurs. Le personnel, en dehors de ceux-ci, se composait de cent matetots, vingt-cinq soldats, huit pilotes, un pilote chef, un trésorier, un prieur, un aide-major, soixante chevaliers enfin, le capitaine et le second. La galère portait 14 canons.

Voici quel était le fonctionnement des Commanderies: primitivement, les Commandeurs devaient résider dans leurs Commanderieset les faire valoir par eux-mêmes ; mais cette obligation n’avait pas tardé à devenir lettre morte, et dès le XVe siècle, les terres s’affermaient par baux. A chaque mutation de Commandeur, un nouveau terrier devait être dressé. Tous les cinq ans, avait lieu une visite prieurale faite par deux chevaliers délégués par le chapitre du Grand-Prieuré, lesquels constataient l’état actuel de la Commanderie, ordonnaient, s’il y avait lieu, des réparations à bref delai, ou constataient des améliorissements qui donnaient droit, pour le titulaire, à une Commanderie plus avantageuse per miglioramento. Chaque annee, le Commandeur payait à l’Ordre une redevance qui equivalait au cinquième du revenu, c’etait ce qu’on appelait responsions. Chaque Commandeur devait acquitter aussi les droits du roi, payer la portion congrue des cures, les gages des officiers de justice, des gardes, etc. Toutes ces charges excédaient parfois le revenu, et certains Commandeurs étaient dans une misère relative, tandis que d’autres, mieux lotis et pourvus de grandes charges, menaient un grand train. On trouve la preuve de ces antithèses dans les inventaires faits après la mort, et il me parait intéressant de citer deux de ces inventaires, l’un du maréchal de Caissac, Commandeur des Bordes et receveur du Grand-Prieuré d’Auvergne, l’autre du Commandeur de Pradal.

On voit figurer dans l’inventaire du premier un mobilier de grand luxe conforme à l’importance de sa charge, et surtout une riche argenterie de table dont le Commandeur du Saillant, qui lui succéda comme receveur du Grand-Prieuré d’Auvergne, ne retint qu’une partie estimée 5.276 livres tournois, ce qui reviendrait à plus du double de notre monnaie. On voit figurer encore: dix flambeaux d’argent, deux paires de pistolets garnis d’argent, une épée à garde d’argent, un sabre dit escalcine, six croix de Malte de differentes grandeurs, en or, pesant 5 onces, un chapelet de corail avec une croix de Malte, une tabatière d’or pesant 4 onces, une canne à pomme d’or, etc. (8).
8. Archives du Rhône, H. 499

Et voici maintenant ce qu’on trouve dans le procèsverbal de la dépouille du Commandeur de Pradal, mort en 1688: « ... Aux commissaires qui disaient que difficilement peut-on croire que le dit défunt fut si mal en habits et sans linge, il fut répondu que pendant sa maladie qui a été très longue, le pou de linge qu’il avait s’était usé et pourri, et quant à ses habits, qu’il n’en avait point d’autres que ceux du présent inventaire, à la réserve d’une robe longue, des bas et hault-de-chausses, une paire de pantounes, une aube, une étole, manuple, chasuble et bonnet carré, et ses bas qu’on lui a laissés quand on l’a mis dans la fosse, avec son bréviaire » (9).
9. Archives du Rhône, H 600

Les Commandeurs ne pouvaient disposer par legs ni de leurs meubles, ni de leurs bijoux, ni de leur bourse, ni de rien. Après leur mort, et quelquefois avant, un chevalier, pour ce délègue, mettait les scellés sur les meubles, et tout, y compris la defroque, était vendu à l’encan ; c’était la réalisation du vœu de pauvreté. En veut-on un exemple navrante ? Je le trouve, entre bien d’autres, dans une des liasses de la comptabilité (2). En 1766, le chevalier de Mons de Savase fut chargé de la dure mission de mettre les scellés chez le Commandeur Dufour sur le point de mourir, et voici une partie de son rapport: « ... Je regardai comme superflu d’apposer les sceaux sur une commode qui contenait ses nippes, en très mauvais état, ainsi que ses papiers, ce qui aurait accéléré sa mort, parce que cette commode était sous ses yeux et qu’il venait fréquemment auprès du feu, et qu’il voulait que son rideau fut toujours ouvert. Mais le lendemain 16 du dit mois, sa poitrine s’étant remplie considérablement, et ne quittant plus le lit, je fis appeler le sieur Puthod, pour faire l’apposition des scellés sur la dite commode, en prenant la précaution de faire tenir deux domestiques du Commandeur devant son lit comme pour l’arranger et lui rendre les services dont il aurait besoin ; et sur ce qu’ils me dirent qu’indépendamment de la bourse qu’il avait dans la poche de sa robe de chambre qui couvrait son lit, il en avait deux autres dans une chemisette de molleton qu’il portait jour et nuit, ainsi que la clé de la dite commode qui contenait également de l’argent, lesquelles bourses et clé ils me promirent de prendre sans qu’il s’en aperçut ; et après que le dit sieur Puthod eut compté l’argent qu’il y avait dans chacune de ces trois bourses, je fis apposer les scellés. » Suit l’inventaire des meubles, dépouillement des papiers, notes du médecin et de l’apothicaire, etc.

Après la mort des Commandeurs, je le répète, meubles, bijoux, linge, garde-robe, jusqu’aux plus intimes, débris, étaient vendus à l’encan, et c’est avec un serrement de coeur qu’on lit le compte rendu de ces ventes où les juifs de l’époque et les revendeurs de bas étage se disputaient ces défroques. On voit par là que, si le vœu de pauvreté des chevaliers était parfois éludé de leur vivant, il se retrouvait après la mort.

I. — La Commanderie des Bordes

Département: Cher, Arrondissement: Bourges, Canton: Sancergues: Commune: Jussy-le-Chaudrier — 18

Commanderie des Bordes
Commanderie des Bordes

La Commandene des Bordes provenait exclusivement des biens des Templiers ceux-ci avaient des maisons à Jussy, à Villeville, à Francheville, à Bourges et à Soulas. Toutes ces maisons et leurs biens constituèrent l’unique Commanderie des Bordes, et je vais les étudier successivement.

Du temps des Templiers, la maison principale, le chef, pour employer l’expression technique, portait le nom de Jussy. On trouve en effet, dès 1170, Frère Milon, precepteur de Jussy ; en 121, Etienne Chalaus, precepteur de Jussy, en 1266, Antoine Robert, Commandeur de la milice du Temple de Jussy ; enfin, en 1304, Guillaume Gohaus, humble Commandeur des maisons du Temple en la baillie de Jussy-le-Chaudrier (1). Et même après l’annexion à l’Ordre de Saint-Jean de Jerusalem, on trouve en 1374, dans les comptes du receveur du Grand-Prieuré d’Auvergne, la Commanderie qui nous occupe, désignée parmi les Commanderies du Berry, in Bituria, sous le nom de Jussy, de Jussiaco cum Osmery.
1. Archives du Cher, fonds des Bordes, passim.

Des documents, fort rares, qui concernent les Templiers de Jussy, les deux plus anciens sont de 1195: l’un a trait au membre de Villeville, j’en parlerai à l’article de Villeville ; l’autre se rapporte à la résidence de Soulas, j’aurai également à en parler en son lieu. En 1225, de graves difficultés s’etant produites entre l’archevêque de Bourges et les Templiers du diocèse qui refusaient de subir pour leurs vassaux l’obligation de suivre les Communes, on en appela au Pape qui délégua un de ses chapelains, accepté pour arbitre, et qui décida que les hommes du Temple jureraient de suivre les Communes, suivant l’usage ancien, mais que trois résidences seraient exceptées de l’obligation du serment, et que l’archevêque se contenterait d’une simple promesse ; ces trois résidences étaient Jussy, Villeville et Valençay (2). On se demande pourquoi cette distinction entre le serment et la simple promesse ; peut-être était-ce pour menager l’amour-propre des Templiers, l’arbitrage étant en définitive en faveur de l’archevêque. Le Frère Gerard, qui figure dans l’acte comme procureur des Templiers, était le Maître des Commanderies de l’Ordre en Auvergne et en Limousin. La dernière charte concernant les Templiers de Jussy est datée de février 1305, précedant de bien peu, on le voit, la suppression de l’Ordre. Dans cette charte, Guillaume Gohaus, s’intitule « humble Commandeur des maisons du Temple en la baillie de Jussy-le-Chaudrier »
2. Archives du Cher, cartulaire archiépiscopal. Le nom de Valentia qui y figure me paraît désigner Valençay ; il devait y avoir Valentiaco dans la charte, le copiste aura oublié la terminaisonson du mot — Voyez pièces justif nº III

Quelles étaient les maisons qu’indique cette charte, on ne le sait pas précisément: sans doute Villeville qui eut jadis son autonomie, Villefranche en la commune de Saint-Hilaire-de-Gondilly, probablement Préssigny, et aussi Osmery qui fut plus tard aliéné par l’ordre de Saint-Jean de Jérusutem.
Après la condamnation des Templiers et la répartition de leurs biens, cette répartition subit plusieurs échanges entre le Grand-Prieuré de France et le Grand-Prieuré d’Auvergne mais en définitive, la Commanderie des Bordes fut ainsi constituée jusqu’à la Révolution:
I. Chef. — Les Bordes, domaines, dîmes, cens, moulins.
II. Membres. — Villeville et Pressigny.
III. Membres — Bourges avec l’annexe de La Solas ou Soulas.
IV. Membre. — Francheville.
V. Membre. — Saint-Jean-de-Boucq, près Saint-Pierre-le-Moustier.

I. — Le Chef — Commanderie des Bordes

Le château des Bordes est ainsi décrit dans un terrier de 1524: « maisonfort, chapelle, pont-levis et porte environnés de fossés, cour, verger, colombier à pigeons en fond, basse-cour, le tout formant un carré »

Une visite de 1615 décrit ainsi la chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste et à Saint-Marc, laquelle avait son entrée dans château ; elle était « carrelée, voûtée avec huit grandes fenêtres et une tribune. Au bout de la dite chapelle est un autel de pierre et au-dessus un rétabte où est l’image de la Vierge Marie, Notre-Seigneur, son fils, et saint Jean-Baptiste et le portrait du feu sieur de Ponsus (1) en plate peinture à l’huile. » Les guerres de religion avaient fait de grands ravages, et la Commanderie était dans le plus triste état, ainsi que nous l’apprend un curieux procès-verbal de 1598 (2).
1. C’est le Commandeur de Breschard de Ponsus.
2. Archives du Cher, fonds des Bordes.


Cette pièce nous apprend que « Le 7 mai 1598, par devant Guillaume Trouillet, exerçant la juridiction et justice du bailliage de Jussy-le-Chaudrier en l’absence du bailly du dit lieu, est comparu en personne Frère François de Breschard, chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, lequel nous a dit que puis naguère il a été pourvu, par Mgr le Grand-Maître de l’Ordre, de la Commanderie des Bordes membres et dépendances et parce que, entrant en jouissance de la dite Commanderie, il a trouvé fort ruinés et démolis les bâtiments presque du tout inhabitables, au moyen de quoi il nous a requis faire descente et description de l’état tant des bâtiments du dit lieu seigneurial de la dite Commanderie que de ses dépendances. »

Suit un tableau lamentable de la chapelle, d’abord, dont la toiture est rompue et la voûte défoncée, puis du château où le feu a détruit les appartements du Commandeur, où les murailles sont en partie démolies, les couvertures « partie essil et partie tuiles entremêlées » sont en partie effondrées, etc., etc. De la on visite longuement les domaines de Pougan et d’Aboche, le moulin de Bion et enfin Pressigny dont je parlerai en son lieu. Partout on trouve des traces d’incendie, partout des ruines qui n’ont point éte relevées.

La visite de 1615, dont j’ai deja parlé, nous montre surabondamment ces désastres. Dans la chapelle, il n’y avait plus ni cloches, ni clocher la pierre sacrée et les corporaux manquaient, on ne trouvait en fait de vases sacres et d’ornements sacerdotaux qu’un calice et une patène d’étain, une chasuble de futaine, étole et manipule à l’avenant, deux petites canettes, un missel et un benitier de fonte.

Le curé de Jussy était obligé, d’après cette même visite, de dire la messe dans la chapelle aux fêtes de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Marc, et les mercredi et vendredi de chaque semaine mais on se demande comment il pouvait officier sans pierre sacrée. Il avait droit, pour remunération de ces messes, à un setier de blé ou douze livres en argent.

L’habitation du Commandeur etait en partie ruinée on avait pris une partie de la chapelle pour en faire une salle à manger. L’escalier qui conduisait à la cave, située en-dessous, était brisé, la voûte etait rompue et la cave remplie d’eau.

A l’entrée du château, on trouvait une vaste salle avec une cheminee de pierre à manteau et des vitraux armoriés mais brisés de là on pénétrait dans la grosse tour, seule subsistante aujourd’hui, où etait la salle des Archives et au-dessous « une prison basse, voûtée, où l’on descend par un trou avec une corde. » Au-dessus, étaient « trois belles chambres brûlées par les guerres passées. »

Lors de la visite de 1672, au temps du Commandeur du Prat, tout était remis en ordre, la chapelle était reparée l’autel était richement garni avec un devant de damas rosé et blanc aux armes de ce Commandeur et à ses dépens les ornements sacerdotaux étaient de même etoffe, les chasubles aussi avec les armes dudit Commandeur, plus deux voiles, l’un de damas rose et blanc, l’autre de satin à fleurs avec des dentelles de soie bleue.

La croix de l’autel venait de Jérusalem le calice et la patène étaient d’argent le missel « à grand volume » avait une reliure semée de fleurs de lys d’or. Le tableau de l’autel representant saint Jean-Baptiste avait été peint à Malte et avait coûté au Commandeur 25 ecus, monnaie de Malte (250 livres). Les jardins, auparavant en friche, étaient bien plantés et garnis d’espaliers.

Il n’est pas sans intérêt de savoir ce que le Commandeur du Prat avait trouvé en fait de mobilier dans cette Commanderie, si mal en point qu’elle fût. La même visite nous le décrit ainsi: deux garnitures de lit rouges ; deux, couleur de rose sèche ; une, de damas vert ; onze matelas ; cinq couettes ; sept coussins ; cent quatre linceulx (draps) ; soixante-six nappes ; vingt-cinq douzaines de serviettes des châlits, tables, fauteuils et landiers ; vingt-trois plats, deux douzaines d’assiettes, deux bassins ovales, marqués aux armes du Commandeur de Cessant (3); douze grands plats, douze assiettes creuses, deux porte-assiettes et six flambeaux d’étain aux armes du Commandeur de Larfeuillère.
3. Annet de Clermont-Chaste de Gessant, depuis Grand-Maitre.

Du château, il ne reste aujourd’hui debout que la tour des Archives dont j’ai parlé et un colombier de proportions gigantesques dont les murs, d’une épaisseur formidable, semblent indiquer, dans les temps anciens, une tour de défense. Une élégante maison de campagne et de beaux jardins ont remplacé l’antique forteresse, mais on peut encore suivre le pourtour de l’enceinte qui était considcrable.

La chapelle, beau spécimen du XIIIe siècle, qui sert aujourd’hui de grange et de grenier, a été cruellement maltraitée par la main des hommes et aussi par un incendie qui en a supprimé une partie, il y a une trentaine d’années. Il ne reste rien des voûtes, les fines colonnes qui les supportaient sont elles-mêmes à moitié ruinées. Sur la droite du chevet, on a percé une porte moderne dans une jolie crédence à colonnettes finement sculptées qui, avec les fenêtres, est tout ce qui reste d’intéressant.

Sous la chapelle est une crypte qui sert de cave, comme déjà en 1615. Il me parait probable que cette crypte se prolongeait jadis sous l’église tout entière, et qu’à une époque inconnue on on a supprimé une partie et muré la communication. Peut-être sous le chœur, trouverait-on des tombeaux de chevaliers du Temple ou de Saint-Jean de Jérusalem.

Lorsqu’après l’incendie qui ruina les premières travées de la chapelle et qui obstrua l’entrée de la crypte, on pratiqua la porte par laquelle on y pénètre actuellement, on trouva dans les murs d’une épaisseur prodigieuse des squelettes placés debout. Ce fait étrange m’a été affirmé par Mme Métairie, propriétaire des Bordes, aujourd’hui décédée, qui avait été témoin de l’exhumation.

Cette dame, qui avait vu les derniers vestiges de l’ancien château, et qui, avec la plus parfaite bienveillance, faisait part de ses souvenirs aux curieux d’archéologie, me disait aussi que, dans sa jeunesse, un paysan très âgé lui avait raconté qu’avant la Révolution, il avait servi la messe dans la chapelle de la Commanderie, et que l’officiant portait l’epee sous la chasuble. Il semble tout d’abord que les souvenirs d’enfance de ce vieillard fussent quelque peu confus et erronés ; la chose n’est pas impossible toutefois, car certains Commandeurs étaient prêtres et joignaient le caractère sacerdotal au caractère chevaleresque ; en tout cas, l’anecdote méritait d’être rapportée.

Le pignon de la chapelle a éte refait après l’incendie ; on y voit un écusson moderne portant une croix ancrée, copie sans doute sur un autre ecusson, ancien celui-là, qui surmonte une porte pratiquée dans le mur de separation du parc et de la basse-cour: ce sont là les armes de Pierre Dumont, Commandeur des Bordes en 1537: d’or à la croix ancrée de sable, au chef de la Religion.

En fait d’héraldique, je signalerai aussi un ecusson qui se voit sur un bénitier de fonte, dans l’église de Jussy, et qui porte les armes d’Antoine de Salignac, Commandeur des Bordes en 1476: d’argent à trois fusées de gueules posées en fasce.

Le Commandeur des Bordes avait droit de justice haute, moyenne et basse dans l’etendue de la paroisse de Jussy et etait « collateur de l’église dudit lieu » (4).
4. Archives du Rhône, H 137.

Les dépendances directes du Chef étaient: les moulins de Bion et de Jussy ; deux fours banaux ; les metairies de la basse-cour, d’Aboches, de Chéron et de Pougan ; vignes, bois, taillis, cens et rentes seigneuriales ; les dîmes de Limosin et de Villeneuve en toute propriété, et celles de Peton et de Guineval partables avec le seigneur de Précy et le chapitre de Sancergues ; les dîmes de Sancerre et de Patinges.

Nous allons étudier maintenant les Membres de la Commanderie, qui ont leur histoire propre, et sur lesquels j’ai rencontré plus de documents que sur le Chef lui-même.

II. — Domus Hospitalis Villeville

Département: Cher, Arrondissement: Saint-Amand-Montrond, Canton: Nérondes, Commune: Mornay-Berry — 18

Domus Hospitalis Villeville
Domus Hospitalis Villeville

Ce lieu de Villeville est extrêmement intéressant par son nom, par son origine, par son importance passée, et par les vestiges qui subsistent.

Le nom plus habituellement usité au moyen âge est Vireville (Virevilla); on trouve pourtant Villaville dans une charte de la fin du XIIe siècle (1). Je laisse a de plus savants le soin de chercher ce qu’on peut tirer de ces deux noms, au point de vue de l’étymologie (2).
1. Voyez Pieces justif. nº II.
2. M Boyer, dans son dictionnaire topographique inédit du département du Cher, cite, à propos de Villeville, un document concernant Villa-Veteris, c’est peut-être la l’étymologie vraie de Villeville ou Villevieille.


Pour ce qui est de son origine, je puis dire seulement qu’on y a trouvé des haches en pierre polie, des fragments de tuiles à rebord et quelques monnaies romaines.
Que ce lieu ait été habité pendant la période galloromaine, la chose est plus que probable, car tout le pays l’a été et la ville romaine d’Allean, avec son théâtre encore inexploré et ses stèles si intéressantes, n’est pas loin de là.
Les restes du passé encore existants consistent en un tertre elevé, à peu près carre, de 90 mètres de côté, entouré de fossés de 12 mètres de large. Malgré le nivellement que la culture augmente chaque année, on voit encore, aux quatre angles, un exhaussement très marqué qui semble indiquer l’existence de tours. A quelle époque remonte cette enceinte ?

Quelques archéologues ont voulu y voir un camp romain (3). C’est peu vraisemblable, vu l’élévation du tertre, et son peu d’étendue ; tout, au contraire, indique une forteresse du moyen âge. Les fosses étaient encore, il y a une dizaine d’années, remplis d’eau, provenant d’une source qu’on a desséchée pour les besoins de la culture, après le défrichement d’un bois séculaire qui recouvrait toute cette enceinte. Enfin, en pratiquant un drainage, on a rencontré, sur la crête sud, un mur de 1 mètre 20 d’épaisseur qui dénotait un mur d’enceinte, et des pierres taillées.
3. V Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, volume II, page 64

Le nom qui s’est conservé invariablement à travers les âges, et encore aujourd’hui, de cette enceinte qui domine le pays, est Château de la Motte.

Dans un terrier de Villeville de 1672, je le trouve ainsi désigne: La fosse en châtellenie, autrement La Motte, en taillis. Or, nous l’avons vu, ce taillis existait encore il y a quelques années.

Le château était, au XIIe siècle, une résidence importante des Templiers, comme en témoignent deux documents qui se trouvent dans le Cartulaire archiépiscopal de Bourges conserve aux Archives du Cher. Le premier est une charte non datée, mais du temps de l’archevêque Henry de Seuly (1184-1199), par laquelle le Précepteur des maisons du Temple en Limousin déclare qu’il a sollicité de Venérable père en Dieu Henry, archevêque de Bourges, la bénédiction des cimetières de ses maisons de Bruère et de Villeville (4), lesquels cimetières sont établis en vertu de privilèges accordés par le Saint-Siège apostolique, d’après lesquels les Templiers pouvaient en avoir dans leurs maisons, pour la sépulture de leurs frères et de leur famille. Le prélat répondait que lui, ses successeurs et leur église pouvaient en avoir dommage, et refusait de bénir les cimetières ; en conséquence, lui Maître des Templiers avait promis et concède qu’aucun diocésain ne serait enterre dans les cimetières du Temple, que les servants de l’Ordre qui portent l’habit séculier ne pourraient non plus y être enterrés, et que seuls y seraient admis ceux qui avaient fait profession et en portaient le signe distinctif (5).
4. In domibus nostri de Villa de Brueria et de Villaville.
5. Voyez Pièces, justif. nº II.


Le second document est une sentence arbitrale rendue par un délègue du Pape, entre l’Archevêque de Bourges et le Maitre des Templiers, et qui exceptait de l’obligation du serment de suivre les communes, les maisons de Jussy, de Viveville et de Valençay pour lesquelles l’Archevêque devait se contenter d’une simple promesse.

On voit donc que Virreville ou Villeville fut une résidence importante des Templiers, puisqu’ils y avaient un cimetière béni par l’Archcvêque et que par un privilège spécial, ses habitants étuient exemptés du serment de suivre les communes.

Le cimetière dont les Templiers demandaient au XIIIe siècle la bénédiction était vraisemblablement situe à l’angle sud-est de l’enceinte, car on a trouvé là de nombreux ossements, des fragments de poteries funéraires et aussi des traces de constructions, peut-être celles de la chapelle du Temple, devenue ensuite égiise paroissiale. Car Villeville fut paroisse dans les temps anciens et l’était encore en 1447 (6); ce ne fut que plus tard que cette paroisse fut transférée à Saint-Hitaire-de-Gondilly, auparavant simple prieuré.
6. Terrier de l’église de Berry, cité par M. Max de Laugardière, dans Le pays de Villequiers, pages 90 et 92.

Maintenant, quand et pourquoi le « château de la Motte » cessa-t-il d’exister ? On ne trouve aucun document qui puisse nous en instruire ; peut-être faut-il attribuer son abandon à un incendie dont on voit les traces indélébiles sur le tertre, dans la partie sud ; là, quand on laboure, la terre est absolument noire, tandis que partout ailleurs on retrouve la couleur naturelle du sol. Peut-être aussi ce qui en restait fut-il abandonné pendant la période néfaste qui s’écoula entre la confiscation des biens des Templiers et leur attribution à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui ne trouva plus à Villeville que les terres et les revenus censuels.

En creusant dernièrement une profonde tranchée dans l’un des fossés de l’enceinte, on a découvert et j’en ai conservé deux spécimens — des fers de chevaux qui offrent un grand intérêt archaïque. Ces fers, qui mesurent environ dix centimètres de longueur sur neuf de largeur, portent des crampons dont la forme accuse le XIIIe siècle (7). Leurs petites dimensions permettent de les attribuer aux Tempiier, qui amenèrent d’Orient les chevaux arabes.
7. Telle est l’opinion de notre savant confrère, M. de Saint-Venant, qui fait autorité en la matière.

Privée de son château, Villeville resta toujours une seigneurie ayant droit de haute, moyenne et basse justice, exercé par des officiers nommés par le Commandeur.

Chose bizarre, la dîme de Villeville ne lui appartenait pas. A la fin du XVIIIe siècle, elle appartenait au marquis de Billy, seigneur de Villiers, et l’on peut suivre, non sans lacunes, la transmission de cette propriété. Le seigneur de Villiers la possédait par héritage de son bisaïeul maternel, Moreau de Villers, qui l’avait acquise en 1688 au prix de 3.900 livres, d’Hélène de Bar, dame du Briou. Primitivement, cette dime dépendait de la Seigneurie de Mornay ; on en trouve la preuve dans l’acte de foy et hommage rendu en 1416 par Jehan de Milly, seigneur du dit lieu et de Verrières, à Geoffroy de Prie, seigneur de Chanteloup, et où il est dit: « lesquelles choses dues au dit Jehan de Milly des hoirs feu messire Guillaume de Mornay, jadis seigneur de la Garde, des hoirs feu Jehan de Charenton et des hoirs feu Arnot de Mornay (8). En 1470, messire Jehan Tabou, chevalier, seigneur de Verrières, fait hommage des dimes de Mornay et Villeville à Robert de Bar, écuyer, seigneur de Baugy, La Guerche et Chanteloup.
8. Archives du Cher H 852.

Aujourd’hui, le hameau de Villeville, qui dépend de la commune de Mornay, s’etale très dissémine sur la côte qui déscend du « château de la Motte » à la route de Nerondes à Sancergues. Rien d’intéressant à y signaler, sinon une tombe de pierre qui sert d’auge a faire boire les bestiaux, près d’un puits, sur le bord du chemin ; cette tombe, m’a-t-on dit, provient du « château de la Motte » ou on a trouvé aussi des fragments de tombes brisées.

III — Domus Hospitalis Pressigny (Précilly)

Département: Cher, Arrondissement: Saint-Amand-Montrond, Canton: Nérondes, Commune: Précilly — 18

Domus Hospitalis Pressigny (Précilly)
Domus Hospitalis Pressigny (Précilly)

Ce membre de la Commanderie des Bordes fut-il jadis une residence des Templiers ? Je n’en ai trouvé aucune preuve écrite. Toujours est-il que les Hospitaliers y eurent une demeure seigneuriale qui fut ruinée au XVIe siècle, comme nous l’apprend d’abord le procès-verbal de 1598 dont j’ai parlé plus haut, puis une visite de 1615 dont j’ai parlé aussi à l’article des Bordes. Voici ce que dit en substance le procès-verbal: « Les témoins nous ont rapporté que là étaient les bâtiments du lieu seigneurial de Précigny, maison où les Commandeurs faisaient leur demeurance, et joignant la dite maison, une chapelle ; tous les bâtiments sont en ruines, les charpentes pourries par les pluies ; le lieu où était la chapelle est encombré de buissons qui y sont poussés, de sorte qu’il n’y reste que les murailles, ruinées pour la plus grande partie. La grange du dit lieu n’a plus ni portes, ni fenêtres, la charpente est tombée par terre avec la toiture et les murailles gâtées et rompues, etc. »

D’après une visite prieurale de 1769, il existait encore un pilier de cette chapelle dédiée à saint Greluchon. Aujourd’hui rien ne subsiste de ces ruines, mais un champ situé au nord du village porte encore le nom de Saint-Greluchon.

Dans un autre champ près de là, appelé Champ du Palais, on a trouvé plusieurs tombes de pierre dont l’une, analogue comme forme à celle que j’ai signalée à Villeville, se voit encore, servant d’abreuvoir, dans le pré dit pré de la ville. Tous ces vieux noms dénotent l’existence dans des temps très anciens d’une localité importante, et de fait, on trouve partout des substructions et des puits abandonnés.

Autre fait intéressant: il y a une soixantaine d’années, on découvrit en exploitant une carrière, dans un champ longeant la route de Nérondes à Mornay, une porte de fer qui semblait fermer l’orifice d’un souterrain, dans la direction de Pressigny. Les ouvriers qui travaillaient à la carrière voulurent forcer cette porte, mais le propriétaire s’y opposa. Le fait m’a été affirmé par un vieillard du pays qui avait vu la porte dont il désignait la place ; il serait bien désirabte qu’on fit des recherches a cet endroit.

Dans un autre champ situé presque en face, de l’autre côté de la route, des bœufs s’enfoncèrent dans un souterrain en labourant ; M. Buhot de Kersers, qui a signalé le fait (1), dit que « ces gâleries étaient probablement d’anciennes carrières ayant pu servir ultérieurement de refuge. » Mais les carrières dans ce pays-ci ont toujours été exploitées à ciel ouvert, et non par galeries. Il se peut que ce fut là un souterrain de défense comme on en trouve si souvent aux abords des vieux châteaux, servant à l’évasion en cas de siège, et qui pouvait correspondre à la Commanderie de Pressigny.
1. Histoires et statistiques monumentales du Cher, canton de Nérondes.

Le Commandeur des Bordes avait droit de haute, basse et moyenne justice dans la seigneurie de Pressigny les officiers de justice nommés par lui étaient les mêmes qu’à Villeville, mais de même qu’a Villeville, la dime ne lui appartenait pas et dépendait de la cure de Nérondes.

Comme seigneur de Pressigny, le Commandeur des Bordes possédait une chapelle dans l’église de Nerondes: elle est ainsi décrite dans les visites prieurales de 1727 et 1765: « La chapelle de Précigny en l’église de Nérondes, la première à gauche en entrant dédiée à Saint Jean-Baptiste, où le Commandeur a droit de banc et de litre: il y a un tableau représentant saint Jean-Baptiste et un banc avec la croix de l’Ordre. » Sur la clef de voùte de cette chapelle, on distingue une sorte d’ostensoir en forme de losange chargé d’une croix à droite et à gauche, les lettres M P ; faut-il lire Malte, Pressigny ?

Le domaine, qui comprenait plus de cent arpents, terres, près et bois, ne rapportait en 1615 que 270 livres tournois. Les bâtiments d’exploitation étaient en ruines, les terres étaient accensées à vil prix à divers ; en 1777, on en tirait 800 livres.

M. Le Normand du Coudray, propriétaire actuel, a retrouvé deux des bornes qui délimitaient la justice de la Commanderie ; l’une de ces bornes est au musée lapidaire de Bourges, l’autre est restée dans le parc de Pressigny ; elles portent la croix a huit pointes.
Dans les membres de Villeville et Pressigny, étaient comprises les annexes de Massey en la paroisse du Gravier, près La Guerche et de Chassy-sous-Sancerre.

IV — Domus Hospitalis Francheville

Département: Nièvre, Arrondissement: Nevers, Canton: Saint-Pierre-le-Moûtier — 58

Domus Hospitalis Francheville
Domus Hospitalis Francheville

Ce membre de la Commanderie des Bordes fut, du temps des Templiers, une Commanderie importante. J’en trouve la preuve dans deux chartes de 1288 qui faisaient partie des archives de la Seigneurie d’Avor (1), et dont voici les principaux passages: « A tous ceux qui verront ces présentes lettres, Frère Guy Buriaz, humble Commandeur de la maison de la milice du Temple de Francheville, salut en Nôtre-Seigneur. Vous saurez que de l’assentiment et la volonté des frères de la dite maison, à savoir: frère Emard de Leront, chevalier, frère Pierre Balart, frère Robert Lemoyne, frère Pierre de Lodes, frère Pierre Le Gangneour et frère Pinon Cornevin, nous avons vendu et concèdé à perpétuité à Hugues, dit Cornevin d’Avor, notre homme, et à ses héritiers, moyennant vingt-huit livres tournois à nous comptés en numéraire, et desquelles nous quittons à perpétuité le dit acheteur et ses héritiers, un chezeau avec ses maisons et appartenances sis à Avor, touchant au chezeau de Perrin. L’Anglais d’Avor d’une part, et au chezeau du dit acheteur d’autre part, et sur le chemin par ou on va d’Avor à Sancerre;
Item une pièce de vigne sise près d’Avor dans la censive des moines de Loroy, joutant les terres de Raoul du Mont, chevalier. Ces biens nous étaient advenus de la succession de la nommée Babeau jadis mariée, notre femme de tête et de corps, et sœur du dit acheteur. Nous dessaisissant des choses dessus dites, nous en saisissons et investissons l’acheteur et ses héritiers. En témoignage et memoire de quoi, nous avons fait apposer notre sceau aux presentes lettres. Donné l’an du Seigneur mille deux cent quatre-vingt-huit, le lundi après la fête de Saint-Martin. »
1. Voyez Pieces justif. nº IV.

Cette pièce est très intéressante en ce qu’elle nous fait connaitre la composition d’une Commanderie du Temple. Ici, les Templiers étaient, y compris le Commandeur, au nombre de sept ; un seul y est qualifié chevalier, miles, sans doute parce qu’il possédait ce titre avant son entrée dans l’Ordre.

Le Commandeur vend au frère de la défunte les biens de celle-ci, dont l’Ordre avait hérité par droit de mortaille ; tous deux étaient serfs, et l’on voit par là que les serfs pouvaient arriver a une grande aisance ; nous verrons du reste plus tard, que la fortune d’un serf au XIIIe siècle pouvait être bien autrement considérable.

Les joutes de ces biens et les noms des personnages cités ont aussi de l’intérêt pour l’histoire locale. A remarquer encore le nom de l’acquéreur, Hugues dit Cornevin et qui était celui d’un des Templiers. Le fait est curieux, mais ce qui est plus curieux, c’est qu’il y a encore des Cornevin dans le pays.

Le Précepteur d’Auvergne et Limousin approuve ainsi la vente susdite:
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Frère Raymond de Mareuil, humble Précepteur des maisons de la milice du Temple en Auvergne et en Limousin Salut en Notre Seigneur. Vous saurez que Frère Guy Buriaz. Précepteur de la baillie de Francheville, ayant vendu et cédé à perpétuité à Hugues dit Cornevin d’Avor, notre homme, et à ses héritiers, certains biens désignés dans les lettres annexées à ces présentes moyennant une certaine somme à lui payée ainsi qu’il est dit dans les dites lettres, scellées du de Frère Guy, Nous, ne voulant point aller contre les agissements du dit Frère Guy, Nous voulons, concédons, louons, approuvons et ratifions cette vente et tout ce que contiennent les lettres annexées aux présentes. Donné à Bourges, l’an du Seigneur mille deux cent quatre vingt huit, le mardi avant la Nativité du Seigneur. »

La Commanderie de Francheville était donc importante du temps des Templiers. Avec les Hospitaliers ce ne fut plus qu’un domaine, considérable il est vrai, avec droits seigneuriaux, chapelle, cens et rentes. Dès le XVe siècle le logis seigneurial avait disparu, car dans le bail consenti pour vingt-neuf années par le Commandeur Antoine de Salignac a Hugues Milhet, il est dit que celui-ci s’engage « A bastir et édifier au dit lieu de Francheville une maison de charpenterie à deux cheminées, bonne et suffisante, dedans deux ans, à ses propres coutz, missions et despens, en laquelle le dit Commandeur aura sa demorance toutes et quantes foix qu’il se tiendra au dit lieu de Francheville » (2).
2. Archives du Rhône, H. 1087.

La chapelle, qui est du XIIe siècle, et dont tes murs ont 1 mètre 20 d’épaisseur, existe encore au domaine dit de la Chapelle où elle sert d’étable. Une visite prieurale de 1614 nous apprend que la cloche de cette chapelle fut transportée à Baugy « du temps des troubles. » Récemment, un bénitier de pierre, qui parait dater du XIIe siècle comme la chapelle, a été transporté dans l’église de Brécy. A signaler encore, dans cette chapelle de Francheville, un ecusson qui surmonte une porte latérale, et porte les armes de Pierre Dumont, commandeur des Bordes, en 1537: d’or à à une croix ancrée de sable, au chef de la Religion. J’ai signalé ce même écusson à la Commanderie des Bordes.

V. Domus Hospitalis Bourges et Soulas

Département: Cher, Arrondissement et Canton: Bourges — 18

Domus Hospitalis Bourges
Domus Hospitalis Bourges

Les Templiers avaient à Bourges une maison sise dans le cloître de Saint-Etienne, in claustro beati Stephani. La résidence des Hospitaliers comprenait deux maisons, la Grande Maison et la Petite Maison, situées rue Porte-Jaune, paroisse de Saint-Pierre-le-Puellier, « proche l’une des portes du Cloître de la grande église Saint-Etienne, ayant chambres hautes et basses, avec un grand portail par où on entrait dans les cours et dans les jardins. La chapelle, dédiée à Saint-Jean-Baptiste, était au faubourg d’Auron.

En 1669, le commandeur Hugon Duprai accense « Le logis de la Commandene de Bourges » à noble Henri de Saint-Père pour le prix de 110 livres par an (1); aussi est-il obligé, quand il vient à Bourges, de loger à l’hôtellerie « où pend pour enseigne l’Ecu de France. » Je l’y trouve en 1671 transigeant avec un prêtre maltais, François Manscalco, logé lui aussi à l’Ecu de France, au sujet d’une dette de 550 ecus contractée à Malte Le fait de ce prêtre faisant le voyage de Malte à Bourges pour se faire rembourser est assez suggestif. Aussi bien, la somme était considérable, car l’écu maltais valait, à peu près, cinq livres en France.
1. Archives du Cher, E. 2139
2. Archives du Cher, E 2187


Du membre de Bourges dépendaient: les prés de l’Hôpital, autrement Saint-Jean, les prés d’Oizelet, de la Gluère, des Quatre Bornes ; une vigne à Beauregard ; les terres du Terroir, des Crosettes, de la Vieille-Justice, de Beauregard, de l’Eiguillon, de la croix Moultjoye, du Grand-Donjon, de la Cuignée, du Carroy Saint-Florent, de la Charbonnière, des Bouloises.

En dépendaient aussi des maisons dans les rues Porte Jaune et Attache-Jarretière, et la dîme de Samt-Martin-des-Champs. L’ensemble de ces biens était afferme, à ]a fin du XVIIIe siècle, à un sieur Patureau moyennant 3 300 livres.

Métairie de Soulas ou Solas
Département: Cher, Arrondissement: Vierzon, Canton: Bourges, Commune: Berry-Bouy - 18

Métairie de Soulas
Domus Hospitalis Soulas

La métairie de Soulas venait des Templiers qui y avaient une Commanderie. On en trouve mention d’abord dans une charte de 1195 par laquelle l’archevêque de Bourges. Henri de Seuly, fait connaître qu’Aremburgo de Bomiers, entre autres aumônes, donne aux Templiers de Sauzaium une rente annuelle d’un setier de blé (3), puis dans une autre charte de 1260, réglant un échange de droits cenuels entre l’archevêque de Bourges Philippe et les Templiers de la Saussaie, Sauzia. Or Sauziacum et Sauzia ne sont autres que Soulas, Sausaie ou Saulaie, en français, signifient lieu planté de saules ; de la Saulaie on a fait La Solas, nom que le lieu qui nous occupe porte aujourd’hui sur les cartes, et par corruption Soulas. Cette recherche étymologique m’a coûté quelque peine, elle avait embarrassé le savant archiviste du Rhône, M. Guigne, qui dans l’inventaire sommaire de la séné II, avait fait suivre le mot Sauzaium d’un point d’interrogation. Ce qui m’a mis sur la voie, c’est que toutes les donations de la dame de Bomiers, dans la charte de 1195, sont circonscrites dans Mehun-sur-Yèvre ou son territoire. Or, Soulas est précisément situé près de Mehun, sur les bords du Cher.
3. Archives du Rhône, H 1042. Voyez Pièces justificatives nº I.

Cette Préceptorie des Templiers ne fut plus, entre les mains des Hospitaliers, qu’une simple métairie qu’on trouve ainsi désignée dans la mise en vente des biens nationaux en 1792 « Soulas, paroisse de Berry, bâtiments, cour, chènevière de quatre arpents, terres cent quarante-neuf arpents, prés cent vingt-huit arpents, plus soixante-dix boisselées de terre au Subdray. »

Il y avait une chapelle dédiée, comme toujours, à saint Jean-Baptiste ; il n’en reste rien, non plus que des bâtiments anciens. Le seul vestige, que M Gauchery a relevé, encastré dans un mur, est une pierre armoriée avec cette inscription, fort endommagée, mais qu’il m’a été possible de rétablir: « L’Illustrissime Seigneur François-Marie de Garcin de Saint-Germain, Commandeur des Bordes, associé à l’ambassade de Malte. »

L’écusson, au-dessus, porte les armes de ce Commandeur: d’or à bande de sable chargée de trois têtes de loup-cervier d’argent ; au chef de la Religion ; L’écu est posé sur la croix à huit pointes et sur des étendards aux armes de l’Ordre.

VI. — Commanderie de Saint-Jean-de-Boucq

Département: Nièvre, Arrondissement: Nevers, Canton: Saint-Pierre-le-Moûtier, Commune: Livry — 58

Commanderie de Saint-Jean-de-Boucq
Commanderie de Saint-Jean-de-Boucq

Ce membre de la Commanderie des Bordes était en Bourbonnais, près Saint-Pierre-le-Moûtier, « entre les rivières de Loire et d’Allier. » Dans un acte de 1572 portant abandon d’une terre en bourdelage, Frère Jean Fillet est dit Commandeur de Bou ; était-ce donc une Commanderie indépendante à cette époque ? je n’ai pas pu le discerner.

En 1606, François de Breschard, Commandeur des Bordes, accense le membre de Bous « consistant en une chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste, maison seigneuriale, granges, étables, prés, terres, bois, buissons, dimes, champarts, cens, rentes, taillis et bourdelages (1), dépendant de ladite chapelle de Bous. » Dans cette chapelle se trouvait « un retable fort vieux où sont les images de Notre-Dame, de saint Jean, de saint Sébastien et de saint Patrocle. » Sur les verrières on voyait le portrait du Commandeur de Breschard du Ponsus avec ses armes: d’azur à trois bandes d’argent.
1. Terme de coutume. Redevance qu’on doit au Seigneur en argent, blé et plume ou volaille, selon la coutume du Nivernois. Le droit de bourdelage en Bourbonnois est de pareille condition et qualité que le droit de taille réelle et le mot de bourdelier se dit non seulement du détenteur mais aussi de l’héritage, de la redevance et du contrat et même du Seigneur auquel ce droit est dû. Seigneur bourdelier.

Au membre de Saint-Jean-de-Boucq était annexée la métairie de Chapote, sise à une demi-lieue du Veurdre.

Ces immenses possessions qui, on le voit, s’étendaient dans trois provinces, ne rapportaient, lors de la déclaration au roi en 1640 (2), que 5.450 livres, revenu dérisoire ; mais outre qu’il y avait alors beaucoup de terres incultes à la suite des guerres de religion, le manque de résidence trop fréquent des Commandeurs, et les malversations de leurs régisseurs (3) diminuaient encore les retenus, quand elles ne dilapidaient pas le fonds lui-même. On en trouve une preuve éclatante dans ce passage de la déclaration susdite « Par l’absence des Commandeurs, il s’y est perdu de grands biens, entre autres une métairie appelee La Quenouille pour laquelle il y a procès au Parlement de Paris à l’instance du Commandeur, comme étant de l’ancien domaine de la Commanderie. »
2. Archives nationales S. 5546.
3. Ces régisseurs étaient tellement execrés des tenanciers que parfois leur vie était en danger, c’est ainsi qu’on lit dans un rapport de 1669 que l’un deux, à Bourganeuf, reçut deux coups de fusil dont il fut grièvement blessé. Et le rapport ajoute « Il est actuellement toujours menacé, ayant même été manqué d’autres fois, que les fusils lui ont manqué dessus, dans le pré de la Commanderie » (Archives de Lyon H 324).


Parfois, les malheurs du temps, les guerres qui avaient ruiné les édifices des Commanderies et les fermiers qui ne payaient plus, obligeaient les Commandeurs, qui, dans certains cas, n’avaient pas de quoi payer les responsions, à aliéner des terres: c’est ainsi qu’en 1646, le membre « le Temple » d’Osmery fut vendu à Jacques Gassot, chanoine de Bourges, et à François Gassot, sieur de Deffend, pour 15.000 livres tournois Osmery venait aussi des Templiers.

Il est curieux de voir que l’unique Commanderie des Bordes avait absorbé six maisons des Templiers, à savoir: Jussy, Bourges, La Saussaye, Francheville, Villeville et Osmery. On voit par cet exemple dans un seul coin du Berry quelle était la puissance territoriale des Templiers, combien elle enserrait la France, et si l’on considère en même temps leur puissance financière qu’on abute à huit millions de livres au XIIIe siècle, ce qui équivaudrait à cent vingt millions de francs or d’aujourd’hui, en 1900, on comprendra que cette puissance ait inquiété Philippe le Bel et que ces immenses richesses aient tenté sa cupidité.

Vers la fin du XVIIIe siècle, c’est-à-dire en 1783, le revenu des Bordes avait doublé: il était exactement de 12.050 livres. Là-dessus, le Commandeur avait à payer pour les responsions (4) et la taxe des vaisseaux, 2.168 livres ; pour les charges locales, c’est-à-dire les décimes dus au roi, le paiement des officiers de justice, la portion congrue du curé de Jussy, etc., 419 livres. Il lui restait donc net 9.462 livres. Aujourd’hui (en 1900), les biens terriens seuls vaudraient plus de cent mille livres de rentes.
4. Les responsions, je l’ai dit, étaient l’impôt prélevé par le Grand-Maitre pour les besoins de l’Ordre à Malte ces responsions équivalent à peu près au cinquième du revenu total.

Commandeurs Templiers de Jussy (5)
1170. — Frère Milon.
1176. — Frère Joceran.
1231. — Frère Etienne de Chalan.
1266. — Frère Robert.
1267. — Frère Raoul.
1270. — Frère Aymery de la Roche.
1288. — Frère Guy Buriaz.
Idem. — Frère Emard de Leront. chevalier.
Idem. — Frère Pierre Balart.
Idem. — Frère Robert Lemoyne.
Idem. — Frère Pierre de Loddes.
Idem. — Frère Pierre Le Gagneour.
Idem. — Frère Pinon Cornevin.
1305. — Frère Guillaume Gohaus.

5. Dont les noms se trouvent dans les chartes qui concernent Jussy et Francheville.

Commandeurs Hospitaliers des bordes

1397. — Jean de Lescourt.
D’azur à cinq cotices d’or.
1408. — Bertrand de Frenac.
1438. — Jacques de Mornay.
Armes Burelé d’argent et de gueules de huit pièces, au lion morné de sable, couronné d’or, brochant sur le tout.
1452. — Guillaume de Chalus.
De sable semé d’étoiles d’or, à un poisson du même en bande, à la bordure engrêlée de gueules.
1455. — Jean Vigier, alias Vigeon.
D’azur au lion d’argent ?
1468. — Robert de Villaines.
Ecartelé: au 1 et 4 d’azur au lion léopardé d’or, au 2 et 3 de gueules à neuf losanges d’or.
1476. — Antoine de Salignac.
D’argent à trois fusées de gueules rangées en fasce.
1494. — Jacques de Savriat.
1504. — Louis de Bressoles.
D’azur à trois bandes d’argent.
1520. — Jean de Châteauregnauld.
1531. — Louis de Flossac
1537. — Pierre Dumont.
D’or à la croix ancrée de sable.
1557. — Charles Herpin du Coudray.
D’argent à deux manches mal taillées de gueules l’une sur l’autre, chargées chacune de cinq sautoirs d’or et une bordure de gueules.
1570. — Gilbert de Contremoret de Marcilly.
Ecartelé d’or et de gueules.
1572. — Jehan Fillet. Commandeur de Saint-Jean de Bou.
1589. — Marc de la Goutte.
Ecartelé au 1 et 4 d’azur à la croix pattée d’or cantonnée de quatre croisettes du même au 2 et 3 de gueules à trois larmes d’argent 2 et 1.
1598. — François de Breschard du Ponsus.
D’azur à trois bandes d’argent.
1610. — lmbert de Saluces de la Manie.
D’or au chef d’azur.
1623. — Antoine de Dézimeux.
D’argent au chevron de gueules accompagné de trois palmes de sinople. Devise nul qui dise mieux.
1635. — Annet de Clermont Chaste de Gessant.
De gueules à deux clefs d’argent, accompagnées de quatre molettes du même. — (Grand-Maître en 1644)
1660. — Jacques de Montagnac de Larfeuillère.
De sable au sautoir d’argent, accompagné de quatre molettes du même.
1662. — Louis de Mesnil-Simon de Maupas.
D’argent à six mains appaumées de gueules 3. 2 et 1.
1669. — François Hugon du Prat.
D’azur à deux lions rampants d’or armés et lampassés de gueules.
1682. — Léon de Villeneuve.
De sable à cinq besants d’argent 2, 1 et 2.
1682. — Jean de Saint-Julien.
De sable semé de billettes d’or, au lion rampant du même, lampassé de gueules.
1690. — Michel de Saint-Julien Saint-Marc. Comme ci-dessus.
1700. — Le chevalier d’Ailly.
De gueules à deux branches d’alizier en couronne, au chef échiqueté de deux traits d’argent et d’azur. — (Niepce, Le Grand Prieuré d’Auvergne)
1711. — Claude de Mareschal de Franchesse.
D’or à trois rondelles d’azur chargées chacune d’une étoile d’argent.
1725. — François de Garcin de Saint-Germain.
D’or à la bande de sable chargée de trois têtes de loup cervier d’argent.
1727. — Jean d’Angeville.
De sinople à deux fasces ondées d’argent.
1730. — Bernard de Froissard de Broissin.
D’azur au cerf élancé d’or.
1733. — Jean-Joseph de Caissac.
D’argent au chevron d’azur accompagné en chef de deux étoiles, et en pointe d’un lion rampant du même.
1740. — Léonard d’Ussel de Châteauvert.
D’azur à un battant de porte brisé et cloué de sable accompagné de trois étoiles d’or, 2 en chef et 1 en pointe.
1759. — Ignace-Philippe de Petremaut.
D’azur à trois pommes de pin d’or 2 en chef et 1 en pointe.
1777-1790. — Jean Baptiste de Lasteyrie du Saillant.
Ecartelé au 1 et 4 de sable à l’aigle d’or au 2 et 3 d’argent au lambel de gueules.

I. — Commanderie de Villefranche-sur-Cher

Département: Loir-et-Cher, Arrondissement: Romorantin-Lanthenay, Canton: Mennetou-sur-Cher — 41

Domus Hospitalis Villefranche-sur-Cher
Domus Hospitalis Villefranche-sur-Cher

La date de la fondation de l’Hôpital et Commanderie de Villefranche est inconnue. Le plus ancien document que j’aie rencontré est une charte de 1172, par laquelle Hervé Ier. seigneur de Vierzon, pour le repos de l’âme de son père et de sa mère et pour son propre salut, donne à Dieu et à l’Hôpital de Villefranche tout ce qu’il avait défriché, planté et édifié sur la terre qui s’étend de la route de Romorantin à Langon et à Port-Martin. Parmi les témoins de cette donation, figurent, du côté des Hospitaliers, Frère Gautier, Frère Barthélémy et leur chapelain Renaud (1).
1. Histoire de Vierzon, page 484.

Le même Hervé, par son testament fait en 1196, au moment de mourir, cum in extremis laboraret, lègue aux Hospitaliers cent livres, ses armures et la rente qui lui est due sur l’étal des boulangers de Vierzon (2).
2. Histoire de Vierzon, page 486.

En 1201 Louis Ier, comte de Blois, abandonne aux Hospitaliers les droits de péage de Romorantin. mais en réservant celui de Villedieu-sur-Cher (3).
3. Cartulaire de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, par Delaville Le Roulx, tome II, page 10.

En 1206, Hervé II, seigneur de Vierzon, confirme la donation de la terre de Miseray, faite aux Hospitaliers par Garnier du Verdier, son vassal. En récompense, les Hospitaliers donnent cent livres à Garnier du Verdier (4).
4. Cartulaire de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, par Delaville Le Roulx, tome II, page 488.

La même année (1201), Guillaume, archevêque de Bourges, par charte munie de son sceau, fait savoir qu’en sa présence Garnier du Verdier a donné aux Hospitaliers, à toujours, cette terre de Miseray, le cens et tous les droits qu’il y avait et, qu’en récompense de cet abandon, les Hospitaliers lui ont compté cent livres de Gien, centum libras Giemensium (5).
5. Original aux archives du Rhône. Fonds de Villefranche.

Par charte datée du 12 des calendes de janvier, l’abbé de Barzelle, le Prieur de l’abbaye de Vierzon et l’archiprêtre de Vierzon font savoir qu’un procès étant survenu entre le Commandeur de Villefranche et noble dame M. (Marquise de Macé) et P. (Pierre II de Graçay) son fils, procès pendant à Poitiers et au sujet duquel le Pape avait désigné pour arbitres l’abbé de Barzelle et P. de Cormamain, chevalier, en définitive, la dame de Graçay, pour le repos de son âme et de son mari Etienne qui, de son vivant, avait entamé le procès, consent à payer 40 livres tournois pour les frais du procès, et à ce que les Frères de l’Hôpital et leurs hommes aient la faculté d’aller et venir par toute sa terre, et les usages de la dite terre, liberam facultatem eundi et redeundi per terrain suam, et usagium super quod impetebant (6).
6. Archives de l’Indre, H 707.

En 1256, les Hospitaliers soutinrent un procès au Parlement de Paris pour la haute justice du bourg de Villefranche que leur contestait le comte de Blois, comme seigneur de Romorantin. Un arrêt du Parlement en date du 2 février 1256 trancha la question en faveur du comte de Blois, haut-justicier pour les cas de meurtre, de rapt, de mutilation de membres et autres cas de haute justice. « Et il est établi, ajoute l’arrêt, que les seigneurs de Romorantin ont droit de retenir les biens des condamnés, tandis que ces biens reviennent aux Hospitaliers, s’il s’agit de cas de basse justice » (7).
7. Actes du Parlement de Paris, I, 7.

Les Templiers avaient-ils une maison à Villefranche ? Je l’avais cru tout d’abord, et dans la belle maison romane qu’on voit encore dans le bourg et que, dans le pays, on appelle « la maison du Temple », je pensais qu’il fallait voir un souvenir de leur passage mais aucun document écrit ne le prouve. Par contre, les chevaliers du Temple avaient des préceptories à Vierzon, à Lespinat et à Valençay, comme nous le verrons tout à l’heure.

Ils s’établirent dans le pays peu après la fondation de leur Ordre, car dès 1140, on les trouve possessionnés dans le Bas-Berry, comme le prouve une charte ainsi datée, par laquelle les fils de Humbaud du Terrail confirment une donation faite par leur père « aux Frères du Temple de Jérusalem » (8). Dès lors, les dons affluèrent de toutes parts et, à la fin du XIIe siècle, les Templiers avaient d’immenses possessions dans tout le Berry.
8. Archives de l’Indre. H. 706.

Commanderie de Villefranche-sur-Cher en 1314
Lors de la confiscation des biens du Temple et de leur attribution à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, les préceptories de Vierzon, de Lespinat, et du Basbourg de Valençay furent dévolues à la Commanderie de l’Hôpital de Villefranche-sur-Cher, et cette Commanderie s’organisa comme suit:

I. Le Chef: Villefranche et ses annexes.
II Membre: Vierzon avec l’annexe de Méry-sur-Cher.
III. Membre: Lespinat
IV. Membre: L’Hôpital de Bas-Bourg de Valençay avec l’annexe de Sainte-Catherine.
V. Membre: Villedieu-sur-Cher.
VI. Membre: Bourgneuf.


I. LE CHEF — Villefranche

La Commanderie est ainsi décrite dans les visites de 1640 et de 1772 (1): Le château avec tours, fossés remplis, pont-levis église dédiée à saint Jean-Baptiste, laquelle est paroisse, où l’on voit le portrait du bailli de Gerlande, enchâssé dans la muraille qui sépare l’autel de la sacristie ; maison de la cure dont dépendent plusieurs près, bois et terres ; l’église de Sainte-Madeleine de Villefranche toute voûtée en forme de croix, avec les chapelles de Saint-Roch, de Saint-Vincent, de la Sainte-Vierge et de Sainte-Anne.
1. Archives du Rhône, II. 141 et 176

Du château, dépendent les domaines du Grand Quartier, du Brequis et de la Petite-Noue, la métairie de Chenon, la métairie de Montauger « où il se trouve d’anciens fossés appelés suivant l’usage du pays reures », maisons de la Bannie et de la Hubeloterie rue des Noues, l’auditoire, le pressoir et le four banal.

La justice, pour le bourg de Villefranche, appartient par indivis au Commandeur et au Comte de Béthune.

« Plus le dit sieur Commandeur a un droit de plaisir qui est que les nouveaux mariés des paroisses de l’Hôpital et de Villefranche doivent casser les pots le jour de Noël, après vêpres, savoir ceux de l’Hôpital au lieu de la Belle-Croix et ceux de Villefranche, à la Croix-Boissier et se faut courir ; lesquels pots sont fournis par les jeunes hommes des dites paroisses appelés bacheliers, qui courent après ; s’ils les prennent, les jeunes mariés paient les pots et, s’ils ne sont pris, ils sont francs et quittes des dits pots. Et s’ils sont défaillants, le dit jour, à casser et courir, ils doivent trois livres d’amende. »

C’était là un droit fantaisiste (2) destiné surtout à réjouir le populaire mais nous verrons, à l’article de Vierzon, que les Commandeurs avaient des droits plus profitables.
2. Je trouve un droit bien plus singulier en la Commanderie de Villedieu, dans une visite de 1652: « Les jeunes hommes de Villedieu étant à marier sont obligés, sous peine de trois sols Estevenants d’amende par chacun défaillant, de, trois fois dans l’année, assavoir le jour de Noël, de la Toussaint et de la Purification de Notre-Dame dite Chandeleur, de porter une grande tronche de bois au feu de la cuisine du Commandeur, lorsqu’il demeure en sa Commanderie, et l’absence d’icelui à ceux qui ont charge de la maison. Et les dits jeunes hommes ont l’autorité, à chacun des dits trois jours, de prendre une michotte de pain, de ceux qui sont offerts en la chapelle joignante la dite Commanderie et le sieur Commandeur a le droit de monter sur la dite tronche si bon lui semble et les dits jeunes hommes sont obligés de le porter en tel équipage jusques à la cheminée. » (Archives du Rhône, H. 144.)

Il y avait aussi, à Villefranche, four banal, moulin banal, droit de passage et pontonage. Voyons maintenant ce qui subsiste de la Commanderie (en 1900).

A un kilomètre du bourg de Villefranche, sur la droite de la route de Romorantin, on aperçoit les ruines imposantes de la Commanderie. Grâce aux documents écrits, à la déclaration faite en 1640 au bureau des amortissements de Paris (3) et aux procès-verbaux des visites, grâce enfin aux souvenirs d’un vieillard octogénaire, qui avait travaillé, en 1870, à la démolition de la chapelle et avait recueilli les souvenirs de son père qui, lui, avait travaillé à la démolition du château, j’ai pu reconstituer l’état assez exact de la Commanderie, non pas seulement avant la Révolution, mais jusqu’à la Restauration, époque à laquelle commencèrent les démolitions.
3. Archives nationales S 5546

Il reste encore quatre tours dont trois, qui sont du XVe siècle, sont reliées par des courtines la quatrième, isolée, est plus importante et plus ancienne, car les archères qui existent à la base indiquent le XIVe siècle ; celle-ci, seule, est encore entourée de fossés à moitié comblés. Il y avait une cinquième tour, semblable à celle dont je viens de parler et tenant à l’enceinte qui était à peu près rectangulaire. Au milieu de l’enceinte était un donjon carré où se trouvaient les appartements du Commandeur et qui ne fut démoli qu’en 1820. Au-dessous, était une cave voûtée on voyait à la voûte des anneaux de fer scellés qui, suivant la légende. supportaient des instruments de torture. Cette cave a été détruite et comblée. Dans l’enceinte aussi, était la chapelle qui resta paroisse jusqu’à sa démolition en 1830, et la cure. L’Hôpital était en dehors de l’enceinte au levant on voit encore quelques débris d’épaisses murailles, qui en faisaient partie. Le cimetière était attenant, on y trouva une immense quantité d’ossements. Le jardin était au couchant, en dehors de l’enceinte on voit encore, bien conservé, le bassin alimenté par une source, qui servait à l’arrosement, et où l’on descend par un escalier de pierre.

Près du chevet de l’église, un affaissement s’étant produit dans le terrain, il y a quelques années, on voulut en savoir la cause et on entreprit des fouilles qui aboutirent à une voûte effondrée et à une porte murée tandis qu’on attaquait cette porte, un éboulement se produisit qui causa un accident grave un ouvrier eut une jambe et un bras cassés. Le propriétaire du terrain ne voulut pas poursuivre les recherches et jamais plus on n’y revint.

Il y avait là évidemment l’amorce d’un souterrain qui allait à Villefranche, car la porte était placée dans cette direction on a trouvé du reste, il n’y a pas bien longtemps, et tous les habitants de Villefranche s’en souviennent, dans la cour de la poste actuelle, à la suite aussi d’un affaissement du terrain, un souterrain qui se dirigeait du côté de la Commanderie. Une tradition locale voulait que le souterrain en question allât jusqu’au Cher, passât sous la rivière et aboutit à l’abbaye d’Olivet, située en face de Villefranche cette tradition est évidemment erronée.

Un document de 1409 nous apprend quel était le personnel de la Commanderie à cette époque. C’est une procuration générale donnée, par le Grand-Prieur d’Auvergne pour la Maison de Villefranche et dépendances, aux très chers frères de cette sainte maison, carissimos fratres ejusdem sacre domus: Pierre de Manzes, Commandeur, Jean de Fabre, Jean du Val, Denis de Page et Jean de Farges (4). Ces personnages étaient des chevaliers, des servants d’armes ou des chapelains de l’Ordre.
4. Archives de l’Indre, H. 706.

Dans le bourg de Villefranche, il faut admirer la belle église de Sainte-Madeleine, qui dépendait de la Commanderie. Elle est « voûtée en forme de croix », comme le dit la visite de 1640 ; malheureusement, deux travées ont été supprimées lors de réparations jugées trop dispendieuses, au XVIIIe siècle.

C’est sans doute à ces réparations qu’il faut rapporter une inscription lapidaire placée au-dessus de la petite porte latérale par laquelle on pénètre dans l’église « L’an de N. S. 1746, M. A., de Thiange, chevalier Grand-croix de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem étant Commandeur de ce lieu, le peignon de cette église a été bâti, la charpente et les couvertures en ont été refaites, et le clocher tout réparé. » Cette église, qui date de la fin du XIIe siècle ou du commencement du XIIIe, a-t-elle été bâtie par les chevaliers de Saint-Jean ? On pourrait le croire, à en juger par les palmes si finement sculptées et les fruits exotiques qu’on voit sur les chapiteaux des colonnes et qui semblent rappeler des voyages d’outre-mer. A remarquer aussi le chapiteau d’une des colonnettes de la chapelle latérale de gauche qui représente un crocodile ; c’est là encore un souvenir d’Orient.

Les voûtes ont été faites ou refaites du temps d’Anne de Bretagne, car les clefs de voûte portent alternativement les armes pleines de France et l’écusson parti de France et de Bretagne.

Dans les travées de droite et de gauche, on voit aussi des écussons portés par des anges, mais les armoiries ont été martelées.

Çà et là des modillons représentent des personnages grotesques et notamment, répété deux fois, un monstre à face humaine portant un bâton noueux.

Au fond de la travée de gauche, on lit sur une pierre gravée en creux « Icy gist Honnorable home M. Jean Boutiller qui de son vivant avec dame Mathiellay sa fame ont construit la présente chapelle en l’honneur de Sainte-Anne, et ont icelle dottée de six septerées de bled de rente par an, à prandre sur la pinère de l’Hospital, rendu conduit à la cure de céans, à la charge de célébrer une messe tous les mardis. Priez Dieu pour leurs âmes. Le 6 janvier 1663. »

II. — Domus Hospitalis Vierzon

Département: Cher, Arrondissement et Canton: Vierzon — 18

Domus Hospitalis Vierzon
Domus Hospitalis Vierzon

Les Templiers avaient une préceptorie à Vierzon, ainsi qu’il résulte de deux chartes, l’une de 1102 par laquelle Guillaume, seigneur de Vierzon, leur fait donation des droits censuels qui lui étaient dus sur la maison vendue par un nommé Carie, et aussi sur leur propre maison située près du château, que sita est prope castellum (1); l’autre, de 1199, par laquelle Hervé II confirme la donation faite par son frère Guillaume aux Templiers du dit lieu, ejusdem loci, d’une rente sur le marché de Vierzon (2). Dans la première de ces deux chartes, on voit figurer parmi les témoins Frère Simon, Commandeur de Lormeteau, et Frère Etienne Auchais, qualifié seulement preceptor. Ce dernier était évidemment le Commandeur de la maison de Vierzon.
1. Voyez pièces justif. nº III.
2. Ibidem, nº IV.


J’ai dit que les Templiers étaient établis dans le Bas-Berry depuis 1140 ; on les trouve à la même époque dans le Haut-Berry, comme le prouve une charte de 1163, par laquelle Hervé Ie, seigneur de Vierzon, sur le point de prendre le chemin de Jérusalem, confirme aux chevaliers du Temple une rente concédée par Arnoul II, son grand-père, et Hersende, femme de celui-ci, et ordonne que cette rente soit prise sur la première vente des vins de ses celliers (3). Or. Arnoul II mourut en 1140.
3. Voir l’Histoire de Vierzon, page 484.

Hervé 1er. au moment de mourir, cum in extremis laboraret, fit son testament comme je l’ai dit plus haut, et légua aux Templiers son armure, la trousse de fer de son cheval et aussi la rente à lui due sur les étaux des boulangers de Vierzon.

Hervé II qui, lui, fit son testament en Terre-Sainte, au siège de Damiette, in obsidione Damiette, donne aux Templiers, pour le salut de son âme et pour célébrer son anniversaire à perpétuité, cent sols de rente à prendre sur ses celliers de Vierzon. Cette donation parait un rappel de celle d’Arnoul II dont j’ai parlé plus haut.

Des différends étant survenus au sujet de ces donations entre Guillaume II de Vierzon et les Templiers, celui-ci, pour le salut de son âme et suivant le conseil d’honnêtes personnes, proborum virorum, maintint par charte de 1248 les droits sur le marché de Vierzon, et donna par surcroit aux Templiers le bois d’Autry en se réservant seulement la coupe de l’année (4).
4. Voyez l’Histoire de Vierzon, page 495.

Après la confiscation des biens du Temple et leur attribution aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, les biens de la préceptorie de Vierzon furent, comme on l’a vu, dévolus à la Commanderie de Villefranche ; les droits concédés par les anciens seigneurs de Vierzon tombèrent peu à peu en désuétude, notamment celui qui avait été concédé en 1140 par Arnoul, maintenu et augmenté en 1218 par Hervé II, et qui consistait en une rente sur les premiers vins vendus dans les celliers du seigneur.

En 1370, alors que le duc Jean de Berry était seigneur de Vierzon, le Commandeur de Villefranche entreprit de faire revivre ce droit, et il y réussit comme on le voit par une charte conservée aux archives du Rhône, datée de 1369, et par laquelle le duc de Berry déclare qu’il a fait procéder à une enquête par Jehan Sarde et Guillaume de Bonnay, et que ces enquêteurs ayant reconnu le bien-fondé des réclamations du Commandeur de Villefranche, il ordonne en conséquence que la rente de 6 livres 10 sous tournois sur les premiers vins vendus dans ses celliers de Vierzon lui soit payée, comme aussi le droit de mannée (5) du sel vendu sur le marché de Vierzon (6).
5. Contenu de la manne, grand panier, corbeille d’osier.
6. Voyez pièces justif, nº VIII.


Parmi les droits dont jouissaient à Vierzon les Commandeurs de l’Hôpital de Villefranche, il en est un dont j’ignore l’origine et qui se trouve mentionné dans une visite de 1640 (7) et aussi dans la déclaration au roi de la même année (8) « chascun courdonnier doibt tous les ans au dit sieur Commandeur deux paires de soulliers à simple semelle. »
7. Archives du Rhône, H. 141.
8. Archives nationales, S. 5546.


Quant aux immeubles, ils consistaient en prés situés près de Dournon, joutant les près de La Noue, en terres dans la paroisse de Méry dites de la Commanderie, jouxtant le chemin de Launay à Thénioux, et en pâturages dits de l’Hopitau et des Gravières dans la même paroisse.

Les Hospitaliers possédaient aussi plusieurs places à Vierzon, dans la rue Maistre. En 1378, Anceau de la Motte, Commandeur de Villefranche, voulut tirer parti de ces places, et par acte daté du 1er novembre 1373 (9), il donna procuration à « religieuse personne et honneste frère Geoffroy Paudi curé de Villefranche (10), honorable homme et discret maître Guillaume Chabot dit Petit-Rolland, Simon Leconte, Guiard de Ruilly et Thevenin Le Page et chacun d’eux pour le tout, pour s’occuper de toutes causes, querelles, négoces et besongnes de la dite maison de Villefranche.
9. Archives. de l’Indre, H. 706.
10. La chapelle de Villefranche était paroisse, et Frère Geoffroy Paudi était chapelain de l’Ordre.


En conséquence, par acte daté du samedi après la saint Luc de l’année 1378, Guiart de Ruilly, garde du scel de Vierzon, fait savoir que Thevenin Le Page de Méry, procureur de « religieux seigneur et honneste messire Enceaulme de la Motte, humble Commandeur de l’Hospitaul de Villefranche-sur-Cher, membre de la Sainte Maison de Jérusalem, baille à Guénin de Saint-Léonard, demeurant à Ruilly, toutes les places appartenant au dit Hospitaul assises en la rue Maistre de Vierzon, jouxte la maison de Jehannot Cornuau qu’il tient du dit Hospitaul et jouxte la maison de Guillaume Barbier et jouxte la muraille et places du palays de Monseigneur le duc, pour le prix de cent sols tournois de rente annuelle, à commencer le premier paiement à la feste de Noël 1379, et sera tenu le preneur bailler et edifier ès dites places une maison bonne et souffisante à ses propres coûts et despens » (11).
11. Archives de l’Indre. Vidimus de 1378 de Jehan de Ruilly, garde du scel de la Cour de Vierzon.

Guénin de Saint-Léonard ayant vendu cette maison à Jehan de la Grée, il y eut procès au sujet des droits censuels, lequel se termina par une transaction, ainsi qu’en fait foi un acte du 19 mai 1418, émané de Jehan Le Borne, secrétaire du roi, garde du scel de la Cour de Vierzon (12).
12. Archives de l’Indre, H 706

III. — Domus Hospitalis Lespinat (L’Epinat)

Département: Indre, Arrondissement: Châteauroux, Canton: Valençay, Commune: Fontguenand - 36

Domus Hospitalis Lespinat
Domus Hospitalis Lespinat

Ce membre de la Commanderie de Villefranche fut une préceptorie importante des Templiers ceux-ci y étaient établis depuis le milieu du XIIe siècle, ainsi que je l’ai dit plus haut ; on trouve ensuite de nombreuses chartes qui les concernent.

En 1180, Hervé de Guiterne leur concède une terre pour y établir un étang (1).
En 1200, Arnaud de Lucion, chevalier, leur donne des terres et des près (2).
En 1201, le Comte de Nevers leur vend l’Effe Joscelin (3), de affio Joscellini, moyennant 300 livres giemoises, giemensis monete.
1. Voyez pièces justif. nº II.
2. Archives de l’Indre, H 706
3. Archives de l’Indre, H 707: Effe signifie eau, il s’agit donc de l’étang de Joscelin.


En 1205, une contestation surgit entre les Templiers de Lespinat et les moines de Barzelle au sujet de la possession des bois de Laisse: on en référa au Pape qui délégua une commission apostolique, laquelle désigna pour arbitres Foulques de Villentroys, Rabaud de Chabris et Payen de la Quarte ; ceux-ci décidèrent que les bois appartiendraient aux Templiers, mais que les moines de Barzelle y auraient droit d’usage pour leurs porcs et droit de pâturage pour les autres bêtes (4).
4. Archives de l’lndre, H 707

En 1217, une autre contestation s’éleva entre Frère B. du Mesnil, précepteur de Lespinat et Etienne, seigneur de Graçay, au sujet d’une femme serve ; un accord fut fait qui régla que cette serve appartiendrait à la preceptorene de Lespinat, mais qu’un an après sa mort ses biens seraient vendus au profit du seigneur de Graçay, et les meubles au profit de Templiers (5).
5. Archives de l’lndre, H 707

En 1231, Geoffroy de Palluau, seigneur de Montrésor, confirme une donation faite par Etienne Archer dans l’étendue de son fief. Cette charte est curieuse en ce qu’il y est dit que des deux fils dudit Etienne, qui approuvent cette donation, l’un, Guillaume est serf, l’autre, Nicolas, est clerc. Or, si Guillaume est serf, son père l’est à plus forte raison ; Etienne, bien que serf, était riche, car non seulement il fait ici une donation, mais l’année precedente il avait lui-même reçu en don du comte de Nevers tout ce que celui-ci possédait dans l’étendue du fief « de son fidèle chevalier Arraud de Luciou » (6).
6. Archives de l’lndre, H 707

En 1243, C. de Boissimon, chevalier, abandonne aux Templiers de Lespinat les droits qu’il prétendait sur une femme serve (7). Ceci équivalait à un affranchissement, car dès la première moitié du XIIIe siecle les Templiers étaient entrés dans le mouvement libéral de l’époque ; on voit en effet, par une charte de 1243, conservée aux Archives de l’Indre (8), que Frère Renaud de Vichier, precepteur des maisons de la Milice du Temple en France, preceptor domorum milice Templi in Francia, du consentement de Renaud de Nançay, Commandeur de Lespinat, et des frères qui résident en ce lieu, et aussi du consentement des frères de Lormeteau (9), affranchit les serfs de Lespinat et leurs heritiers de la mortaille et de la taille, moyennant trois sols tournois de rente et une poule qu’ils devront payer à Lespinat le lendemain de Noèl, en conséquence de quoi, ils demeureront quittes de tout droit censuel et pourront se marier où ils voudront, sans en demander l’autorisation. La charte règle ensuite le ban des vendanges et l’exercice des corvées pour ceux qui possèdent boeufs, chevaux ou anes, et pour ceux qui n’ont que leurs bras.
7. Archives de l’lndre, H 707
8. Avchives de l’Indre, H 707
9. Et assensu fratrum de Ulmo Tiaudi. Ce fait est singulier et mérite d’être noté, La Commanderie de Lormeteau était située pres de Reuilly.


Lors de la confiscation des biens des Templiers et de leur devolution aux chevaliers de Saint-Jean de Jerusalem, Lespinat fut annexe à la Commanderie de Villefranche.

Dans une visite de 1640, ce membre de Lespinat est ainsi decrit: chapelle, métairie, granges, étables, jardins, vergers, garennes, taillis de la Petite-Garenne. pâtures des Petits-Prés, terres de La Seriz, Pièce du milieu, Les Souterrains, La Place, Les Bournefs, Les Faux, Les Noues, La Dormillonne et Les Pâtureaux ; les prés du Bois-Gaultier et des Gatelles ; l’étang de Lespinat ; rentes diverses ; enfin la justice du dit lieu haute, moyenne et basse, laquelle se rendait soit sur les lieux, soit au bas-bourg de Valençay (10).

De cette importante résidence des Templiers il ne reste debout que la chapelle, du roman le plus pur qui accuse le XIIe siècle. L’extérieur a résisté aux dégradations du temps et des hommes, mais l’intérieur n’offre plus rien d’intéressant, la nef sert de magasin à fourrages et le chœur a été plafonné pour en faire un cellier à vins.
10. Archives nationales S. 5546

L’Epinat
— Commune de Varennes.
— Miles Templi de Espinaz (Tempore fratris Hamlerii, commandatore) XIIe siècle.
— Templarii del Espinard, 1200.
— Fratres milicie Templi de Spinacio, 1200.
— Domus Templi de Lespinace, 1217.
— Milicie Templi de Lespinaz de Dalencio, 1245.
— Preceptor in bailla de Espinaco, 1243.
— Nemus de l’Espinat 1235 ; de Spinaceto 1229 ; domus de Spinaco 1287.
— Domus sue quondam templi de Espinatio de Valenceyo, 1333.
— Ancienne Maison du Temple, puis commanderie de Saint-Jean de Jérusalem, dépendant de la commanderie de Villefranche-sur-Cher.
— Autrefois de la paroisse de Luciou.
— Le domaine de l’Epinat, fut vendu nationalement le 21 février 1793.
Sources: Dictionnaire Historique, Géographique et Statistique de l’Indre, par M. Eugène Hubert, archiviste-adjoint aux Archives de l’Indre. Paris, Châteauroux 1889

IV — Hôpital Le Bas-Bourg de Valençay

Département: Indre, Arrondissement: Châteauroux, Canton: Valençay — 36

Hôpital Le Bas-Bourg
Hôpital Le Bas-Bourg

Les Templiers avaient une résidence au Bas-Bourg de Valençay. La plus ancienne charte qui la concerne mentionne une donation, faite en 1180, par Franques de Valençay, aux frères de la milice du Temple, d’une partie de la Tercerie, du consentement de ses frères Herverius et Droez (1).
1. Voyez pièces justif. nº 1

En 1221, frère Gerard de Acoy, Templier, transige avec le Comte de Nevers, au sujet du droit d’usage dans la forêt de Gâtine, et de la chaussée de l’étang de Valençay (2).
2. Archives de l’Indre, H 707

En 1225, une contestation s’étant élevée entre Eudes, Commandeur du Temple, et François de Valençay, au sujet de certaines terres à Valençay, et du curage d’une rivère, les parties choisirent pour arbitres Foulques de Villentrois, Payen de Quarte et frère Herbert, Commandeur de Lormeteau. Ceux-ci décidèrent que les terres appartiendraient aux Templiers, mais que le curage de l’eau leur incomberait. L’acte est passé dans la maison du Temple, in domo Templi de Valenchay (3).
3. Archives de l’Indre, H 707

Par charte datée de mai 1226, Olivier de la Roche, Commandeur du Temple, fait savoir que, d’après les anciennes coutumes du Bourg de Valençay, les Templiers avaient droit, lorsqu’un habitant mourait laissant des terres en culture, d’en recueillir les fruits, mais que la communauté des habitants s’etant plainte de cette coutume, les Frères du Temple consentent à y renoncer à toujours, à la condition que chaque habitant paiera deux sols de cens annuellement. La même charte règle le ban des vendanges (4).
4. Archives de l’Indre, H 708

En 1227, une transaction fut faite entre le Commandeur de Valençay, de Valenceio, et Etienne Archer dont il a été parlé à l’article de Lespinat il fut decidé que ledit Etienne resterait proprietaire, sa vie durant, d’une partie de la terre de Lucion, appelée La Bosc, mais qu’après sa mort, cette terre revendrait aux Templiers.

Par charte datée de mai 1243, Chanesius de Boissimon, chevalier, abandonne aux frères de la milice du Temple de Valençay le droit qu’il avait sur une serve nommée Aremborge, veuve de Godefroy Gueyraud ; elle et ses enfants pourront habiter dans la franchise de Valençay, suivant la coutume de cette franchise. On voit par là que, dès lors les Tempher avaient affranchi Valençay (5).
5. Archives de l’Indre, H 708

Par charte datee de mai 1249, le Prieur de Valençay (6) fait savoir que Jean de Monteri lui a fait hommage et a prêté serment corporellement, mais que, comme il avait auparavant fait hommage au Commandeur du Temple et prêté serment sur l’autel de Sainte-Catherine, il le delie du serment fait à lui, Prieur (7).
6. Le prieuré de Valençay, qui dépendait de l’abbaje de Pont leroy, était absolument distinct de la Commanderie.
7. Archives de l’Indre, H 708


En 1263. Renaud de Murceins, damoiseau, donne aux Templiers de Valençay une femme de corps nommee Eglantine, exempté de taille et mortaille.

Enfin, en 1299, peu de temps par conséquent avant la condamnation des Templiers, Barthelemy Amoroux, chapelain de Lucion, fait don de tous ses biens aux Frères du Temple (8).
8. Archives de l’Indre, H 708

Les archive de l’Indre conservent un document très intéressant en ce qu’il nous fait entrevoir le fonctionnement du séquestre des biens des Templiers après la confiscation ; c’est un accord, ou plutôt une sentence arbitrale rendue en 1312 entre le Prieur de Valençay et la communauté des habitants du dit leu, publiée par Guillaume de Gisors, archidiacre de Lisieux, et Nemerbourde, varlet du roi.,« commandeurs et receveurs des biens du Temple par tout le royaume de France » (9). Ce document, très volumineux, nous apprend en substance que le Prieur de Valençay arguait que, du temps des Templiers, les habitants du bourg de Valençay étaient tenus de faire moudre leur blé au moulin du Prieuré, et que si des meuniers étrangers venaient quérir la fournée pour la porter leurs moulins, les Templiers, à la requête du Prieur, faisaient, comme seigneurs justiciers, arrêter le blé ou la farine par leur gens, mais que depuis la condamnation des Templiers, les homme de Valençay ne tenaient compte de cette coutume immémoriale, en conséquence, une information avait été faite « par gens de bonne foi », et cette information ayant démontre que le Prieur était dans son droit, l’agent du Temple au bailliage de Bourges avait décidé que les hommes du bourg de Valençay devraient moudre au moulin du Prieuré, et que le Prieur « exploiterait en la même forme et manière que du temps que les Templiers jouissaient des biens du Temple » ; mais les habitants de Valençay ayant refusé d’obéir à cette prescription, le Prieur demandait qu’ils y fussent condamnés et contraints. Sur quoi le procureur de la communauté des habitants de Valençay opposait plusieurs raisons d’après lesquelles les dit habitants ne pouvaient être tenus d’obéir a cette sentence, et en premier lieu parce qu’ils n’avaient point été appelés à l’entendre et que l’information prétendue était sans valeur, parce qu’il n’y avait point eu plaids. Le Prieur rétorquait ces arguments. A la fin, dit la charte, par le conseil de bonnes gens amis des parties, les dits prieur et procureur de la communauté, présents par-devant nous, le samedi d’avant la Saint-Pierre du mois de février, l’an de grâce 1312, de leur assentiment et volonté, acceptent une transaction. Le résumé de cette transaction, sous forme de sentence arbitrale, est que le Prieur devra faire prendre au domicile des habitants le blé à moudre à son moulin, mais ne pourra l’y garder plus de deux jours et une nuit, après quoi il fera conduire la farine dans chaque maison. Si le blé est gardé plus de deux jours et une nuit, les habitants auront le droit de le reprendre et de le faire moudre où ils voudront, et le Prieur devra les dédommager après quoi, ils devront revenir au moulin du Prieuré dans les conditions dessus-dites.

Les témoins de la sentence sont: « Jehan de Ces, conseiller du Temple ; Maître Pierre Champion, de Bourges ; Geoffroy de Saint-Menieraut, commissaire des biens du Temple en la baillie de Bourges ; Jehan de Macey, écuyer, fermier de L’Ormeteau ; Denis de Lorriz et Guillaume de Chaumont, clercs des comptes du Temple de Paris, et plusieurs autres dignes de foi. »
9. Archives de l’Indre, H 818. Voyez pièces justif nº VII

On voit par là quelle armée de fonctionnaires vivait du séquestre.

Peu après, au mois de mai 1312, le Concile de Vienne décidait la remise des biens du Temple à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem mais ce ne fut qu’en 1313 que le roi consentit à se dessaisir de ces biens, et à de dures conditions, comme je l’ai dit ailleurs.

Les biens du Bas-Bourg de Valençay ayant été affectés à la Commanderie de Villefranche, ce membre se composait ainsi: la chapelle de sainte Catherine ; la maison seigneuriale, close et flanquée d’une tour ; droit de pontonnage, four banal et rentes ; maisons, granges, étables servant à l’exploitation de cent arpents environ de terres, prés et bois (10). « Il y a toute justice, dit la déclaration de 1640 (11), en ce qui est au-delà de la rivière de Naon, elle se partage au fil de l’eau, et a le Commandeur ses officiers au dit lieu pour les plaids ouïr. »
10. Archives de Loir-et-Cher, fonds de Villefranche-sur-Cher.
11. Ibidem.


De la chapelle Sainte-Catherine il ne reste rien.

Une maison du Bas-Bourg porte encore le nom de « maison du Commandeur », mais elle a été entièrement modernisée, et seule une petite fenêtre a conservé un aspect archaïque.

V. — Domus Hospitalis Villedieu

Département: Loir-et-Cher, Arrondissement: Romorantin-Lanthenay, Canton: Selles-sur-Cher, Commune: Gièvres — 41

Domus Hospitalis Villedieu
Domus Hospitalis Villedieu

Villedieu était paroisse. Le Commandeur de Villefranche était patron collateur de l’église dédiée à saint Jean. Il y possédait un logis seigneurial et un domaine comprenant 83 arpents de terres, prés et vignes, dont la visite de 1640 nous donne les noms: vigne des Parents ; prés du Bois, des Noues, du Hault des gains, du Part, des Arrachis, de la Vallée pâturages du Gué du tertre ; taillis du Bois-Pépin ; terres des Bruneaux, de l’Estang, des Noues, des Aulnes, des Vallées, de la Vallée-Pillault, de Perrochas, de la Nouhe de l’hôpital, du Croutil-Garnier, de la Suze-Aumon, du Grand lac, du Marc-ruissuli, des Souches, de la Manisière ; prés du Chauchis, de la Chaneys, de L’Aubépin, des Rauches, de la Salle.
Plus rentes et dîmes.
On ne trouve plus à Villedieu que les ruines de l’abside de l’ancienne église et le mur du midi auquel était adossée la maison curiale qui a été restaurée et appartient à un particulier.

VI. — Domus Hospitalis Bourgneuf

Département: Indre, Arrondissement: Châteauroux, Canton: Valençay, Commune: Vicq-sur-Nahon 36

Domus Hospitalis Bourgneuf
Domus Hospitalis Bourgneuf

Ce membre se composait du Vieux-Bourgneuf et du Neuf-Bourgneuf ; du premier dépendait une église dédiée à sainte Madeleine et qui mesurait 84 pieds de long sur 35 de large, avec clocher et presbytère (1). Il y avait un domaine avec maisons, granges, prés, terres et bois. Le Neuf-Bourgneuf était une métairie de 120 arpents, terres et prés. Ces deux domaines furent vendus, comme biens nationaux, le premier 15.000 francs, le second 12.400 francs.
1. Archives de l’Indre, H 717

Le Commandeur avait droit de justice haute, moyenne et basse, droit de terrage et de festage, droit d’herbage qui consiste à prélever une « muloche » sur quatre après le fanage, droit de four banier auquel les tenanciers doivent faire cuire le pain en payant un pain sur vingt, suivant la coutume de Blois (2) cens, rentes et dîmes.
2. Archives de Loir-et-Cher, fonds de Villefranche-sur-Cher

La métairie de Bréviande était une annexe de ce membre ; elle comprenait 132 arpents de terres, prés et bois.

Parmi les hameaux qui dépendaient de Bourgneuf, il en est deux portant des noms qui rappellent leurs anciens possesseurs ; l’Hopitou et la Commanderie. D’après une notice historique sur la commune de Vicq-sur-Nahon par M. Beaulieu (3), on voyait encore, il y a quelques années, près de ce dernier village, les restes d’un « château de la Commanderie », lequel était flanqué de quatre tourelles.
3. Revue du Centre, page 7, note 1.

Ces immenses possessions ne rapportaient, au XVIIe siècle, que 4.000 livres, et les charges sont ainsi mentionnées dans la déclaration au roi de 1640:
Droits du roi — 134 livres.
Responsions — 575 livres.
Service des églises, gages des officiers, entretien des édifices — 700 livres.
Total 1409 livres.

Il restait donc net au Commandeur 2.600 livres. Ces biens rapporteraient aujourd’hui (1900) plus de cinquante mille francs, sans compter les droits seigneuriaux.

La léproserie de Sainte-Marthe appartenait de toute antiquité à l’Hôpital de Villefranche l’Ordre de Saint-Lazare tenta de la lui disputer, mais sans succès. Le Commandeur de Villefranche nommait aux emplois de la léproserie. Je trouve en 1542 Jehan Jaupitre qualifie Maître et administrateur.
En 1649, Michel Tixier s’intitule prêtre religieux d’obédience, chapelain et administrateur de la chapelle de Sainte-Marthe.
En 1784, la léproserie fut réunie à l’hôpital de la Charité de Selle-sur-Cher.

Commandeurs du Temple (1)
1180. — Frère Hamilerius.
1192. — Etienne Auchais. — Commandeur de Vierzon
1217. — B. du Mesnil. — Commandeur de Lespinat
1221. — Frère Gérard de Acoy. — Commandeur de Valençay
1225. — Eudes. — Commandeur de Valençay
1226. — Olivier de la Roche. — Commandeur de Valençay
1241. — Frère Renaud de Nancey.
1243. — Frère Renaud de Vichier. — precepteur des maisons de la Milice du Temple en France
1273. — Frère François de Bors.
1. Dont les noms se trouvent dans les chartes du fonds de Villefranche, à Lyon et à Châteauroux.

Commandeurs de Saint-Jean de Jérusalem

1316. — Eudes de Montaigu.
Armes de gueules à la tour d’or maçonnée d’argent.
1378. — Ancaulme de la Motte.
De gueules à l’aigle éplovée d’or.
1399. — Jehan de Pannevère.
D’or au lion d’azur armé, lampassé et couronné de gueules.
1409. — Pierre de Manzas.
1450. — Guillaume Maréchal.
D’or à trois tourteaux d’azur bordés d’or et chargés chacun d’une étoile du même.
1481. — Louis Borrel.
D’azur au lion d’or armé et lampassé de gueules ?
1488. — Antoine Cotet.
D’azur au chevron d’argent chargé d’un trefle de sinople ?
1489. — Mathurin de Rivals.
D’azur au sautoir d’or accompagné de trois croissants d’argent, 2 en chef et 1 en pointe et de deux étoiles d’or en flancs ?
1506. — Antoine de Clavoyson.
Ecartelé au 1 et 4 de gueules à la croix engreslée d’or, au 2 et 3 de gueules à la bande d’or chargée de trois clefs de sable.
1522. — Jehan des Roches.
D’azur à la bande de gueules, au lion rampant d’argent armé, lampassé et couronné de gueules.
1546. — Pierre des Roches. — Comme ci-dessus.
1555. — François de Mauvoisin.
D’or à la fasce ondée de gueules ?
1577. — François de Lange de Leschenault.
D’azur au croissant d’argent surmonté d’une étoile du même.
1595. — Philippe de Lange de Châteaurenaud. — Comme ci-dessus.
1598. — Just de Fay de Gerlande.
Parti: au 1 de gueules à la bande d’or chargée d’une fouine d’azur ; au 2 d’argent au lion rampant de sable.
1612. — Antoine de Disimieux.
De gueules à six roses d’argent, 3 en chef et 3 en pointe.
1634. — César de Grollée de Vireville.
Gironné d’or et de sable.
1669. — Louis de Fay. — Comme ci-dessus.
1679. — Jacques de Villelume de Barmontet.
D’azur à dix besants d’argent 4, 3, 2 et 1.
1689. — Paul Laurent des Gentils de Launay.
D’azur au chevron d’argent accompagné de trois têtes de lion d’or ?
1700. — N. de Colombières (de Boyaux ?)
D’azur à trois boyaux d’argent en fasce aux extrémités de gueules entremêlées de six trèfles d’or 3, 2 et 1 (Vertot).
1723. — Amable de Thianges.
D’argent à trois trèfles de gueules, 2 et 1.
1755. — Antoine Chauvet de la Villatte.
D’or à trois têtes de maure tortillées d’argent
1759. — Jacques de Sainte-Colombe.
Ecartelé d’argent et d’azur.
1783. — Pierre-Paul-Alexandre de Monspey.
D’argent à deux chevrons de sable, au chef d’azur.
1787. — Gilbert-Amable de Moutaignac de la Rochebriant de Chauvance.
De sable au sautoir d’argent accompagné de quatre molettes du même.
Sources: M. Le Comte de Toulgõet-Treanna — Les Commanderies en Berry — Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, tome XXXI, page 97. Bourges 1909. Sources numérique Bnf

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